RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 12 Octobre 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/01475
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/14368
APPELANT
Monsieur [N] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Laure SARECH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0760
INTIMEE
Me [W] [Y] (SCP THEBENOT-PERDEREAU-MANIERE-EL BAZE) - Administrateur judiciaire de la SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de [Localité 1]
Me [J] [A] - Commissaire à l'exécution du plan de la SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de [Localité 1]
SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 493 489 272 00036
représentée par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de [Localité 1]
PARTIE INTERVENANTE :
Organisme AGS D'ORLEANS
[Adresse 5]
[Adresse 5]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice LABEY, président
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, conseiller
Monsieur Philippe MICHEL conseiller
Greffier : Madame Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats
Madame Claudia CHRISTOPHE, lors de la mise à disposition
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure de procédure civile.
- Signé par Monsieur LABEY, Président de la chambre et par Madame Claudia CHRISTOPHE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [N] [T] a été embauché à compter du 1er septembre 2010 par la société Enhance Aéro Maintenance aux droits de laquelle est venue la SAS Enhance Aero Technic en qualité de Responsable des Ressources Humaines au statut cadre II A coefficient 420, filière administrative, de la convention collective du Personnel au sol des entreprises de transport aérien, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 300 €.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Par lettre du 18 mai 2012, la SAS Enhance Aero Maintenance a demandé à M.[T] de venir travailler sur le site de [Localité 1], à compter du 18 juin suivant, et ce conformément à l'article 5 de son contrat de travail indiquant qu'il 'dépendra du siège social situé : [Adresse 6]'.
Par lettre du 5 juin 2012, M. [T] a informé la SAS Enhance Aero Maintenance qu'il n'acceptait pas l'offre de venir sur [Localité 1].
Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par courrier remis en mains propres contre décharge le 20 juin 2012 dans lequel la SAS Enhance Aero Maintenance lui expliquait les raisons de cette procédure.
Le même jour la SAS Enhance Aero Maintenance présentait à M. [T] une proposition de reclassement dans les termes suivants :
« Dans le cadre de l'obligation de reclassement, nous vous proposons un poste de :
Dénomination : Responsable Ressources Humaines
Rémunération : 4 300 € brut mensuel
- Lieu : [Adresse 6]
Je vous remercie de bien vouloir me faire part de votre intention quant à cette proposition de reclassement »
M. [T] a accepté d'adhérer à la convention de sécurisation professionnelle le 3 juillet 2012.
La SAS Enhance Aero Maintenance lui a notifié son licenciement pour motif économique le 13 juillet 2012.
M. [T] et la SAS Enhance Aero Maintenance ont signé un protocole d'accord transactionnel daté du 30 juillet 2012 .
Par jugement du 29 mai 2012, le tribunal de commerce de [Localité 1] a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS Enhance Aero Maintenance. Par jugement du 10 janvier 2014, le même tribunal a arrêté un plan de sauvegarde organisant la continuation de l'entreprise pour une durée de 9 ans et a désigné Maître [J] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 11 novembre 2012, Monsieur [N] [T] a dénoncé « la transaction signée le 5 juin 2012 ».
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 31 décembre 2012 puis le 23 septembre 2015 afin de l'entendre, selon le dernier état de ses demandes, sous le bénéfice l'exécution provisoire, prononcer la nullité de l'accord transactionnel signé le 5 juin 2012, et condamner la SAS Enhance Aero Technic au paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sas cause réelle et sérieuse, atteinte à sa santé, harcèlement moral, travail dissimulé, préjudice moral pour vice du consentement affectant la transaction ainsi qu'à la remise sous astreinte de documents sociaux.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [T] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 4 décembre 2015 qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.
Aux termes de ses conclusions déposées le 16 juin 2017 et développées oralement à l'audience, M. [T] demande à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Prononcer la nullité de l'accord transactionnel signé le 5 juin 2012 ;
- Fixer son salaire mensuel moyen brut à 4 658,33 € ;
- Condamner la SAS Enhance Maintenance Technic à lui payer les sommes suivantes :
- 30 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 13 974,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 397,49 € au titre des congés payés afférents,
- 14 766,64 € au titre des heures supplémentaires ;
- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales relatives à la durée du travail (repos compensateur, durée maximale, période de repos) ;
- 30 000 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrainte subie lors la signature du protocole transactionnel ;
à titre subsidiaire :
- 10 000 € à titre d'indemnité pour irrégularité du licenciement ;
en tout état de cause :
-3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions également déposées le 16 juin 2017 au soutien de ses explications orales, la SAS Enhance Aero Technic et Maître [J] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Dire et juger que la transaction est régulière ;
Dire que les demandes de Monsieur [N] [T] sont irrecevables ;
à titre subsidiaire :
- Débouter M. [T] de la totalité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner M. [T] à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 19 octobre 2016, l'AGS CGEA Orléans n'a pas comparu.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la transaction datée du 30 juillet 2012 :
Sur la nullité de la transaction
Pour infirmation du jugement entrepris, M. [T] fait valoir, d'une part, que la signature de l'accord transactionnel est intervenue le 5 juin 2012, c'est-à-dire antérieurement à la notification de la rupture du contrat comme l'attestent l'ensemble des pièces de son dossier, et, d'autre part, que son consentement a été vicié en raison de la contrainte exercée par son employeur qui a usé de menace et de chantage, notamment lors d'un rendez-vous dans un hangar de la société à [Localité 1] le 29 mai 2012.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SAS Enhance Aero Technic et Maître [J] répliquent, en premier lieu, que M. [T] n'apporte aucun élément tangible sur une prétendue signature de la transaction le 5 juin 2012 alors que la société atteste de la réalité de la date du 30 juillet 2012 par :
- un mail en date du 30 juillet 2012 adressé par le Cabinet [N] & Associés à Monsieur [I] [R] relatif aux transactions,
- un courrier de Monsieur [I] [R] en date du 27 juillet 2012 sur la transmission des chèques pour les accords transactionnels,
- un courrier en date du 30 juillet 2012 adressé à M. [T] adressé en recommandé avec avis de réception comportant la transaction régularisée
- le chèque d'un montant de 5 600 €.
Ils soutiennent, en second lieu, que la société a toujours été transparente à l'égard de M. [T] en le tenant parfaitement informé de la situation et que la présence de son avocat lors de la réunion du 29 mai 2012 était destinée à informer le salarié des avantages et des inconvénients de la procédure.
Cela étant, dans le cas d'un licenciement, un salarié ne peut transiger qu'après avoir pleinement mesuré l'étendue de l'éventuelle atteinte à ses droits résultant des modalités de la rupture de son contrat de travail. En conséquence, un accord transactionnel ne peut être valablement conclu entre l'employeur et son ancien salarié que postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail, sauf à contrevenir aux dispositions des articles 2044 à 2049 du code civil.
Ce principe s'impose d'autant plus que les dispositions d'ordre public de la Loi 2008-596 du 25 juin 2008 instituent la rupture conventionnelle du contrat de travail, exclusive de tout autre mode de rupture transactionnelle du contrat de travail.
En l'espèce, M. [T] produit un courriel qui lui a été adressé le 4 juin 2012 par l'avocat de la SAS Enhance Aero Maintenance, prévoyant un rendez-vous avec les salariés concernés par le licenciement économique au 5 juin 2012 et comportant en pièces jointes, notamment, un projet de protocole d'accord transactionnel identique en toutes ses modalités à l'accord qu'il a signé. Il verse également l'attestation de Mme [K] [E] qui témoigne de la signature du protocole transactionnel par tous les salariés concernés par le projet de licenciement économique le 5 juillet 2012, et des documents de voyage d'agrément établissant qu'il était en séjour à l'étranger du 23 au 31 juillet 2012.
Par ailleurs, la SAS Enhance Aero Technic produit un courrier recommandé avec avis de réception du 30 juillet 2012 (et posté ce jour) par lequel la société adresse à M. [T] « un exemplaire de la transaction dûment régularisée » et un chèque de 5 600 € à son ordre.
Ainsi, le témoignage de Mme [E] qui atteste de la signature du protocole transactionnel le 5 juin 2012, outre qu'il n'est pas argué de faux, est conforté par :
- le mail du 4 juin préparatoire au rendez-vous avec les salariés fixé au 5 juin comprenant, en pièce jointe le projet finalisé du protocole d'accord ,
- le courrier posté le 30 juillet 2012 depuis le siège de la société à [Localité 1] au salarié résidant en région parisienne, comprenant le protocole d'accord régularisé et le chèque en paiement de la transaction, ce qui implique nécessairement que le document avait été signé par le salarié préalablement à cette date.
En conséquence, il doit être constaté que la transaction datée du 30 juillet 2012 a été signée le 5 juin 2012, soit antérieurement à la rupture du contrat de travail.
Cette circonstance entraîne à elle seule la nullité de la transaction en ce qui concerne ses dispositions relatives au licenciement et à ses conséquences.
Sur les dommages-intérêts :
M. [T] fait valoir que les circonstances de la signature de l'accord transactionnel sont exclusives de toute bonne foi car ayant eu pour objet de détourner le code du travail, qu'elles ont eu pour conséquence directe, immédiate et irrésistible de la mettre dans une situation intolérable consistant à être contraint d'accepter une solution contraire à ses intérêts et de nature à bafouer ses droits en fraude de la loi, qu'il a été très déçu par Maître [N], l'avocat de la SAS Enhance Aero Maintenance avec qui il travaillait de façon très fréquente, que le préjudice moral a également consisté à le rendre complice d'une fraude et de faux par la signature d'actes antidatés en vue d'une transaction au mépris des lois sociales et que ces faits ont eu des répercussions sur sa vie familiale et sur son état de santé
La SAS Enhance Aero Technic et Maître [J] contestent la relation des faits de Mme [E] sur le déroulement du rendez-vous du 29 mai 2012.
Cela étant, il résulte des pièces du dossier que M. [T], en sa qualité de responsable des ressources humaines, était parfaitement informé de la volonté de la société de rapatrier ses salariés de la région parisienne à [Localité 1], et, compte-tenu du refus de ceux-ci, de la décision de la société d'engager une procédure de licenciement économique.
En outre, les nombreux échanges de courriels fournis par la SAS Enhance Aero Technic établissent que M. [T] n'a pas été seulement destinataire d'une information sur les intentions de la société mais qu'il a activement participé à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement avec le conseil et les dirigeants de la société.
Ainsi, dans un courriel du 7 février 2012, M. [T] a écrit à M. [I], président de la société, M. [R], et Mme [K] [E], Directrice générale selon la SAS Enhance Aero Technic et directrice des opérations selon le contrat de travail de l'intéressée, dans les termes suivants :
'Alors sur ce sujet :
La vraie question de fond pour ne pas se tromper est de savoir si :
Nous devons procéder à licenciement ÉCO suite à fermeture d'un site pour des questions de réorganisation,
ou d'une réorganisation interne entraînant la mutation des salariés délocalisations et donc un licenciement en cas de refus du salarié.
(...)'
[Suis une étude des avantages et des inconvénients de chaque cas regard de l'état du droit avec références jurisprudentielles].
Dans un courriel du 6 mars 2012, M. [T] a écrit à M. [I], avec copie à M. [R], et Mme [K] [E] :
'Bonjour,
C'est un courrier informant la DDTEFP de notre volonté de fermer un site pour des raisons de réorganisation liée à une problématique financière (économique).
Il faut à mon sens exposer la fin des contrats enginneering (DNI) et présenter la baisse de chiffre d'affaires qui nous contraint à réorganiser la structure.
Nous proposons néanmoins de reclasser l'ensemble du personnel sur [Localité 2] sur des postes équivalents liés à notre activité de maintenance qui requiert les mêmes compétences.
[I] [[R]] ton avis ''
Dans un courriel du 28 mars 2012 M. [T] a écrit aux mêmes interlocuteurs comme suit :
' [K] m'a informé de votre intention de rapatrier l'ensemble du personnel parisien (dont site Gare de [Localité 3]) sur [Localité 1].
Nous aurons l'occasion d'évoquer mon cas ultérieurement, comme évoqué la dernière fois ensemble.
Dans l'immédiat suite à nos échanges précédents, je n'avais travaillé que sur le site de [Localité 4]. Je vous adresse donc un bilan concernant la procédure pour ce site uniquement, et me penche sur la question de Gare de [Localité 3].
En synthèse :
au niveau collectif & procédure :
1- je vous rappelle qu'il y aura deux procédures distinctes : EAE + EAM
à ce titre il faudrait bien faire attention à ce que [Localité 4] ne soit pas associé à [Localité 2] pour des questions d'élus (consultation des représentants du personnel obligatoire pour les entreprises de plus de 10 salariés).
2 - Sur la procédure vous trouverez un calendrier version améliorée de la procédure à suivre (onglet n°2)
3 - pour EAM comme pour EAE, la situation économique doit justifier le choix du licenciement économique. Dans le cas contraire le risque est un licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaire minimum).
(...)'
En outre, selon l'attestation de Mme [E], la transaction litigieuse n'a pas été signée lors du rendez-vous dans un hangar de la société le 29 mai 2012 à [Localité 1] durant lequel l'employeur, assisté de son avocat, aurait fait pression sur le salarié (version, au surplus, contestée par l'employeur) mais le 5 juin 2012, soit une semaine après, en concertation avec les autres salariés concernés par le projet de licenciement économique.
Ainsi, M. [T] ne saurait se prévaloir d'une quelconque contrainte, ni même d'un dol de la part de la SAS Enhance Aero Maintenance qui l'aurait amené à accepter contre son intérêt la transaction litigieuse en raison:
- de ses connaissances et son expérience en droit social, comme le démontrent ses études de cas contenues dans son courriel du 7 février 2012 et le fait qu'il était amené à représenter l'employeur dans les litiges prud'homaux,
- de sa parfaite connaissance du processus mis en place par la société en raison de sa participation active à l'élaboration de celui-ci,
- du délai entre la réunion du 29 mai et la signature de la transaction le 5 juin qui permettait aux salariés de prendre le temps de la réflexion et de solliciter tous les avis, informations et conseils nécessaires, y compris auprès d'un avocat,
- de la concertation qui a eu lieu entre salariés postérieurement au 29 mai 2012,
- de l'éloignement géographique des salariés par rapport au siège social de l'entreprise qui les écartait de tout contact direct avec l'employeur entre le 29 mai et le 5 juin 2012.
- des termes de son courriel du 26 juin 2012 dans lequel il a écrit à Maître [N], avocat de la société, avec copie M. [I], M. [R], et Mme [K] [E] selon des formulations ne laissant paraître aucun manque d'information sur sa situation propre ni aucune résignation à une contrainte :
' Bonjour Maître [N], nous avons été reçus ce jour par M. [I] et M. [R] dans le cadre de la remise des documents de CSP.
À cette occasion différent points ont été abordés, et M. [I] nous a demandé de nous rapprocher de vous directement pour ce qui est des formalités de fin de contrat, y compris du solde de tout compte.
Pour ce qui est des points propres à notre procédure, nous voulions la confirmation de la date de fin de contrat en cas d'acceptation de la CSP et donc du solde de tout compte. La date retenue est le 17 juillet. Pouvez-vous nous confirmer ce point.'
- des termes de son courriel du 29 juin 2012 dans lequel M. [T] écrit à Maître [N] avec les mêmes destinataires en copie :
'Bonjour Maître,
Merci de votre retour. Le point sur cette indemnité avait été soulevé lors de l'entretien de remise de la CSP et M. [I] m'a demandé de m'adresser à vous sur ce plan .
Tout est donc clair sur l'ensemble des points.
Il ne sera pas nécessaire d'envoyer les docs un avocat à compter du moment où tout ce qui a été validé est conforme le 17 juillet. Vous pourrez donc nous adresser l'ensemble par courrier à nos domiciles directement.'
Enfin, M. [T] n'établit aucun lien de causalité entre les conditions de la signature du protocole transactionnel et la dégradation de son état de santé.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de dommages-intérêts liée aux conditions de la signature du protocole transactionnel.
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, M. [T] expose qu'aux termes de son contrat de travail et de ses bulletins de paie, et en l'absence d'une convention écrite de forfait en jours, il était soumis à l'horaire légal de 35 heures par semaine ou 151,67 heures par mois que ses fonctions l'amenaient régulièrement à dépasser tard le soir et lors de nombreux déplacements à [Localité 1], sans que l'employeur ne lui rémunère ses heures supplémentaires ni ne lui accorde de récupérations.
Pour étayer ses dires, il produit :
- un tableau qu'il a lui-même rédigé indiquant jour par jour une heure de 'départ' un heure de 'fin' à partir des courriels qu'il aurait envoyés, l'amplitude horaire correspondant, l'amplitude horaire sans pause et le calcul des rémunérations dues à ce titre après application des majorations légales pour heures supplémentaires.
Il ajoute qu'en réalité les heures supplémentaires sont bien plus importantes, mais que des bug informatiques ou des pertes de données ne lui ont pas permis de retracer les échanges de mails sur les mois de mars avril 2011 ainsi que de mai à novembre 2011 et que de ce fait il n'a pas pu reconstituer l'intégralité des heures supplémentaires sur cette année-là.
La SAS Enhance Aero Technic plaide le caractère parfaitement fantaisiste des demandes et des documents de M. [T].
Cela étant, le tableau de M. [T] n'est accompagné d'aucun des mails de début et de fin de journée dont il serait le relevé, de telle sorte qu'il est interdit de vérifier, même par sondage, la réalité de ces mails, et dans l'affirmative, s'ils étaient destinés au salarié ou lui étaient remis en simple copie et s'ils se rapportaient bien à son activité professionnelle.
Font exception à ce constat, un mail du 28 mars 2012 à 22h12 et un autre du 24 avril 2012 à 21h.
Cependant, le premier n'est accompagné d'aucun autre document relatif à l'organisation de la journées correspondant et son caractère unique ne permet pas de tirer la moindre conséquence sur la durée effective de travail sur une période de deux plus de 18 mois. Le second est en dehors de la période visée par le tableau de M. [T].
En outre, le tableau relève une amplitude journalière de travail mais ne contient pas le moindre élément sur la durée effective de travail accomplie, autrement que par une simple soustraction d'une heure ou deux dite de pauses sans autre explication.
Il s'ensuit que M. [T] ne produit par des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que celles en dommages-intérêts pour non respect des durées maximales du travail et du repos hebdomadaire et en dommages-intérêts pour travail dissimulé y sont directement liées.
A titre surabondant, la Cour relève que la transaction signée le 5 juin 2012 englobe nécessairement toutes les heures supplémentaires alléguées qui lui sont antérieures.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
Le débouté de M. [T] en ses demandes au titre des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été réglées, prive de fondement sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé qui y est liée.
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qui lié le juge est ainsi rédigée :
« Nous vous rappelons le contexte économique dans lequel se trouve aujourd'hui notre société et en raison duquel nous procédons à une réorganisation de notre activité pour motif économique aux fins de sauvegarde sa compétitivité.
L'année 2011 a été marquée par la perte de notre client principal - Dniproavia - dans une période ou l'activité d'engineering connaissait déjà des difficultés.
Dans la mesure où les projets de développement des sites parisiens n 'ont pu voir le jour, il a été décidé par communication du 19 avril 2012 de fermer le site de [Localité 4], ainsi que celui de [Localité 5] et du transfert de l'ensemble des activités et des contrats de travail sur le site de [Localité 1] en Auvergne.
Cette orientation stratégique permet de regrouper l'ensemble des salariés de l'entreprise sur un seul et même site, et de dégager ainsi une nouvelle synergie permettant le redéploiement de l'entreprise.
Il vous a été proposé par lettre du 18 mai 2012 de venir sur le site de [Localité 1], et vous avez refusé une telle proposition.
Depuis, la situation de la société s'est dégradée et le Tribunal de CoM.rce a, par jugement en date du 29 mai 2012, prononcé la mise sous sauvegarde de la société.
C'est dans le cadre des dispositions de ce jugement et de la réorganisation telle que précédemment évoquée que nous avons décidé de supprimer votre poste.
Nous vous avons proposé, à nouveau, au titre d'un reclassement la venue sur [Localité 1], ainsi vous nous avez indiqué lors de l'entretien préalable que vous refusiez cette proposition de reclassement.
Malgré ce refus, nous avons cherché dans nos autres sociétés une possibilité de reclassement, malheureusement, l'ensemble des réponses a été négatif.
En conséquence, devant l'impossibilité, désormais, de vous proposer une nouvelle solution de reclassement et de procéder à celui-ci, compte tenu du jugement du Tribunal de Commerce de [Localité 1] en date du 29 mai 2012, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique ».
M. [T] fait valoir, en premier lieu, la lettre de licenciement ne vise pas la modification de son contrat de travail donc le changement du lieu de travail est bien la suppression de son poste et qu'il existe donc une certaine imprécision quant à la conséquence du motif économique sur son poste à savoir une mutation ou une suppression '
Il soutient, en second lieu, que la société ne lui a adressé aucune proposition de reclassement écrite, loyale et personnalisée.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SAS Enhance Maintenance Technic réplique que ses difficultés économiques rencontrées à partir du mois de février 2012, notamment à la suite de la perte du client principal Dniproavia, étaient parfaitement connues de M. [T], et sont attestées par le jugement du tribunal de commerce de [Localité 1] du 29 mai 2012 ayant ouvert une procédure de sauvegarde et la chute de son chiffre d'affaires de 20 516 435 € en 2010, à 8 300 455 € en 2011 puis à 5 607 482 € en 2012 pour un résultat net sur ces années-là de respectivement 288 390 €, 69 771 € et 212 996 €.
Elle affirme avoir respecté son obligation de reclassement en ce qu'elle a proposé à M. [T] le même poste de responsable de ressources humaines qu'il occupait depuis 2010 avec pour seul changement son lieu de travail et qu'aucune autre offre ne pouvait lui être présentée au sein de l'entreprise ni au niveau des autres filiales du groupe, compte tenu de son profil particulier. Elle verse la copie du registre unique du personnel qui démontre qu'aucune embauche postérieure au licenciement de M. [T] n'a été réalisée sur un poste correspondant au profil de ce salarié.
Mais, il résulte clairement des pièces du dossier et des écritures mêmes de la SAS Enhance Aero Technic que, malgré les termes de la lettre de licenciement, la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité, dont la nécessité est établie par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société, n'entraînait pas la suppression du poste de M. [T].
En effet, la SAS Enhance Maintenance Technic proposait simplement à M. [T] d'exercer exactement les mêmes fonctions moyennant une rémunération équivalente non plus à [Localité 4] mais à [Localité 1], ce qui s'analyse en une modification du contrat de travail par mutation géographique.
Ce motif suffit à lui seul à rendre le licenciement économique de M. [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Selon le dernier état des relations contractuelles entre les parties, la rémunération moyenne brute de M. [T] s'est élevée à la somme de 4 658,33 €.
M. [T] ne donne aucune explication et ne verse aucune pièce sur sa situation postérieure au licenciement.
En conséquence, par application de l'article L.1235-3 du code du travail, il lui sera alloué la somme de 27'950 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, comme justement relevé par M. [T], l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prive la convention de sécurisation professionnelle de son objet et oblige l'employeur à verser au salarié l'indemnité compensatrice de préavis.
Il sera donc fait droit à la demande de M. [T] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, selon les montants non autrement contestés et correspondant à la durée contractuelle du préavis.
Selon l'extrait K-bis de la SAS Enhance Aero Technic à jour au 31 mai 2017, la SAS Enhance Aero Technic est redevenue in bonis.
Elle sera donc condamnée au paiement des sommes ci-dessus.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :
La reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement rend sans objet la demande en dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement formée par M. [T] à titre subsidiaire.
Sur les frais non compris dans les dépens :
Par application de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS Enhance Maintenance Technic, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée à verser à M. [T], la somme de 2 000 €, au titre des frais exposés par celle-ci qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE recevable l'appel de M. [N] [T],
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes en nullité de la transaction, en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
Statuant à nouveau de ces chefs,
PRONONCE la nullité de l'accord transactionnel signé entre M. [T] et la SAS Enhance Aero Maintenance, portant la date du 30 juillet 2010, en ce qui concerne ses dispositions relatives au licenciement et à ses conséquences ;
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic à verser à M. [N] [T] les sommes de :
- 27 950 € (vingt sept mille neuf cent cinquante euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-13 974,99 € (treize mille neuf cent soixante quatorze euros et quatre vingt dix neuf centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-1 397,49 € (mille trois cent quatre vingt dix sept euros et quarante neuf centimes) au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic à verser à M. [N] [T] la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic aux dépens.
LE GREFFIER
Claudia CHRISTOPHE
LE PRÉSIDENT
Patrice LABEY