RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 12 Octobre 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/01473
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/14379
APPELANTE
Madame [E] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Laure SARECH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0760
INTIMEE
Me [P] [R] (SCP [M]-[L]-[O]-[P]) - Administrateur judiciaire de la SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Me [S] [W] - Commissaire à l'exécution du plan de la SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
SAS ENHANCE AERO TECHNIC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 493 483 272 00036
représentée par Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
PARTIE INTERVENANTE :
Groupement AGS D'[Localité 2]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice LABEY, président
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, conseiller
Monsieur Philippe MICHEL conseiller
Greffier : Madame Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats
Madame Claudia CHRISTOPHE, lors de la mise à disposition
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure de procédure civile.
- Signé par Monsieur LABEY, Président de la chambre et par Madame Claudia CHRISTOPHE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [E] [C] a été embauchée à mi-temps à compter du 22 mars 2010 par la société Enhance Aéro Maintenance aux droits de laquelle est venue la SAS Enhance Aero Technic, en qualité de Directeur des Opérations au statut cadre III B coefficient 750, filière maintenance, de la convention collective du Personnel au sol des entreprises de transport aérien, moyennant une rémunération mensuelle brute de 5 050 €.
À compter du 1er décembre 2010, le temps de travail de Mme [C] a été porté à un temps plein.
Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, Mme [C] percevait une rémunération brute mensuelle de 9 795,68 €.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Par lettre du 29 mai 2012 (dont la remise est contestée par Mme [C]), la SAS Enhance Aero Maintenance a informé Mme [C] que, dans le cadre de la rationalisation des coûts, elle regroupait la totalité de son activité à [Localité 3] ce qui implique que la salariée se déplace sur [Localité 3] à raison de 4 jours par semaine afin de pouvoir assurer ses missions de directeur général de la société et ce, à compter du 1er juillet suivant pour les six prochains mois.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 5 juin 2012, Mme [C] a indiqué à la SAS Enhance Aero Maintenance qu'elle ne souhaitait pas venir sur [Localité 3].
Par courrier remis en mains propres contre décharge en date du 5 juin 2012, Mme [C] a été dispensée d'activité à compter du lundi 11 juin 2012.
Elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier remis en mains propres contre décharge le 20 juin 2012 dans lequel la SAS Enhance Aero Maintenance lui expliquait les raisons de cette procédure.
Le même jour la SAS Enhance Aero Maintenance présentait à Mme [C] une proposition de reclassement dans les termes suivants :
« Dans le cadre de l'obligation de reclassement, nous vous proposons un poste de :
Dénomination : Directeur Général
Rémunération : 9.042,17 € brut mensuel
- Lieu : [Adresse 6]
Je vous remercie de bien vouloir me faire part de votre intention quant à cette proposition de reclassement »
Mme [C] a été licenciée pour motif économique le 13 juillet 2012.
Mme [C] et la SAS Enhance Aero Maintenance ont signé un protocole d'accord transactionnel daté du 30 juillet 2012 .
Par jugement du 29 mai 2012, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS Enhance Aero Maintenance. Par jugement du 10 janvier 2014, le même tribunal a arrêté un plan de sauvegarde organisant la continuation de l'entreprise pour une durée de 9 ans et a désigné Maître [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 11 novembre 2012, Madame [E] [C] a dénoncé « la transaction signée le 5 juin 2012 ».
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 31 décembre 2012 puis le 23 septembre 2015 afin de l'entendre, selon le dernier état de ses demandes, sous le bénéfice l'exécution provisoire, prononcer la nullité de l'accord transactionnel signé le 5 juin 2012, et condamner la SAS Enhance Aero Technic au paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sas cause réelle et sérieuse, atteinte à sa santé, harcèlement moral, travail dissimulé, préjudice moral pour vice du consentement affectant la transaction ainsi qu'à la remise sous astreinte de documents sociaux.
La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme [C] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 4 décembre 2015 qui l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Aux termes de ses conclusions déposées le 16 juin 2017 et développées oralement à l'audience, Mme [C] demande à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Prononcer la nullité de l'accord transactionnel signé le 5 juin 2012 ;
- Fixer son salaire mensuel moyen brut à 9 795,68 € ;
-Condamner la SAS Enhance Maintenance Technic à lui payer les sommes suivantes :
- 34 693,67 € au titre des heures supplémentaires sur l'année 2011, outre la somme de 3 469,37 € au titre des congés payés afférents ;
- 25 627,16 € au titre des heures supplémentaires sur l'année 2012, outre la somme de 2 562,72 € au titre des congés payés afférents ;
- 8 346,24 € au titre des heures supplémentaires sur l'année 2013, outre la somme de 834,62 € au titre des congés payés afférents ;
- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales relatives à la durée du travail (repos compensateur, durée maximale, période de repos) ;
- 60 000 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrainte subie lors la signature du protocole transactionnel ;
à titre subsidiaire :
- 20 000 € à titre d'indemnité pour irrégularité du licenciement ;
en tout état de cause :
-3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions également déposées le 16 juin 2017 au soutien de ses explications orales, la SAS Enhance Aero Technic et Maître [S] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Dire et juger que la transaction est régulière ;
Dire que les demandes de Madame [E] [C] sont irrecevables ;
à titre subsidiaire :
- Débouter Mme [C] de la totalité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner Mme [C] à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 19 octobre 2016, l'AGS CGEA [Localité 2] n'a pas comparu.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la transaction datée du 30 juillet 2012 :
Sur la nullité de la transaction :
Pour infirmation du jugement entrepris, Mme [C] fait valoir, d'une part, que la signature de l'accord transactionnel est intervenue le 5 juin 2012, c'est-à-dire antérieurement à la notification de la rupture du contrat comme l'atteste l'ensemble des pièces de son dossier, et, d'autre part, que son consentement a été vicié en raison de la contrainte exercée par son employeur qui a usé de menace et de chantage, notamment lors d'un rendez-vous dans un hangar de la société à [Localité 3] le 29 mai 2012.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SAS Enhance Aero Technic et Maître [S] répliquent, en premier lieu, que Mme [C] n'apporte aucun élément tangible sur une prétendue signature de la transaction le 5 juin 2012 alors que la société atteste de la réalité de la date du 30 juillet 2012 par:
- un mail en date du 30 juillet 2012 adressé par le Cabinet Truno & Associés à Monsieur [N] [D] relatif aux transactions,
- un courrier de Monsieur [N] [D] en date du 27 juillet 2012 sur la transmission des chèques pour les accords transactionnels,
- un courrier en date du 30 juillet 2012 adressé à Mme [C] adressé en recommandé avec avis de réception comportant la transaction régularisée
- le chèque d'un montant de 11 800 €.
Ils soutiennent, en second lieu, que la société a toujours été transparente à l'égard de Mme [C] en la tenant parfaitement informée de la situation et que la présence de son avocat lors de la réunion du 29 mai 2012 était destinée à informer la salariée des avantages et des inconvénients de la procédure.
Cela étant, dans le cas d'un licenciement, un salarié ne peut transiger qu'après avoir pleinement mesuré l'étendue de l'éventuelle atteinte à ses droits résultant des modalités de la rupture de son contrat de travail. En conséquence, un accord transactionnel ne peut être valablement conclu entre l'employeur et son ancien salarié que postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail, sauf à contrevenir aux dispositions des articles 2044 à 2049 du code civil.
Ce principe s'impose d'autant plus que les dispositions d'ordre public de la Loi 2008-596 du 25 juin 2008 instituent la rupture conventionnelle du contrat de travail, exclusive de tout autre mode de rupture transactionnelle du contrat de travail.
En l'espèce, Mme [C] produit un courriel adressé le 4 juin 2012 par l'avocat de la SAS Enhance Aero Maintenance à M. [Z] [B], responsable des ressources humaines de la société, prévoyant un rendez-vous avec les salariés concernés par le licenciement économique au 5 juin 2012 et comportant en pièces jointes, notamment, un projet de protocole d'accord transactionnel identique en toutes ses modalités à l'accord qu'elle a signé. Elle verse également l'attestation de M. [B] qui indique : « Nous avons été convoqués tous les quatre le 5 juin pour signer les documents anti-datés et l'accord transactionnel avant la notification du licenciement qui est intervenue le 13 juillet 2012. »
Par ailleurs, la SAS Enhance Aéro Technic produit un courriel adressé le 30 juillet 2012 par l'avocat de la société à M. [D], co actionnaire, dans lequel il est écrit : « Je vais adresser à chaque salarié la transaction et le chèque correspondant. Pourriez-vous me faire parvenir un courrier avec l'entête de la société Enhance Aéro pour leur adresser ces documents » et un courrier recommandé avec avis de réception du 30 juillet 2012 (et posté ce jour) par lequel la société adresse à Mme [C] « un exemplaire de la transaction dûment régularisée » et un chèque de 11 800 € à son ordre.
Ainsi, le témoignage de M. [B] qui atteste de la signature du protocole transactionnel le 5 juin 2012, outre qu'il n'est pas argué de faux, est conforté par :
- le mail du 4 juin préparatoire au rendez-vous avec les salariés fixé au 5 juin comprenant, en pièce jointe le projet finalisé du protocole d'accord ,
- le courrier posté le 30 juillet 2012 depuis le siège de la société à [Localité 3] à la salariée résidant à [Localité 4] comprenant le protocole d'accord régularisé et le chèque en paiement de la transaction, ce qui implique nécessairement que le document avait été signé par la salariée préalablement à cette date.
En conséquence, il doit être constaté que la transaction datée du 30 juillet 2012 a été signée le 5 juin 2012, soit antérieurement à la rupture du contrat de travail.
Cette circonstance entraîne à elle seule la nullité de la transaction en ce qui concerne le licenciement et ses conséquences.
Sur les dommages-intérêts :
Mme [C] fait valoir que les circonstances de la signature de l'accord transactionnel sont exclusives de toute bonne foi car ayant eu pour objet de détourner le code du travail, qu'elles ont eu pour conséquence directe, immédiate et irrésistible de la mettre dans une situation intolérable consistant à être contrainte d'accepter une solution contraire à ses intérêts et de nature à bafouer ses droits en fraude de la loi, que, lors du rendez-vous du 29 mai 2012, la société n'a pas hésité à mettre en cause ses compétences professionnelles et à ébranler la stabilité de son foyer en invoquant la possibilité d'engager sa responsabilité sur ses biens personnels et qu'enfin, le préjudice moral a également consisté à la rendre complice d'une fraude et de faux par la signature d'actes antidatés en vue d'une transaction au mépris des lois sociales.
Elle ajoute que son préjudice décrit ci-dessus s'est manifesté de façon concrète puisqu'elle a subi d'importants troubles du sommeil, des éruptions cutanées, des nausées et vomissements répétés ainsi que des douleurs lombaires et dorsales et qu'elle a été suivie par son médecin traitant qui l'a mise en arrêt de travail.
La SAS Enhance Aero Technic et Maître [S] contestent la relation des faits de Mme [C] sur le déroulement du rendez-vous du 29 mai 2012.
Cela étant, selon l'attestation de M. [B], la transaction litigieuse n'a pas été signée lors du rendez-vous dans un hangar de la société le 29 mai 2012 à [Localité 3] durant lequel l'employeur, assisté de son avocat, aurait fait pression sur la salariée (version, au surplus, contestée par l'employeur) mais le 5 juin 2012, soit une semaine après, en concertation avec les autres salariés concernés par le projet de licenciement économique, incluant M. [B], responsable des ressources humaines au sein de la SAS Enhance Aéro Maintenance.
Ainsi, Mme [C] ne saurait se prévaloir d'une quelconque contrainte de la part de la SAS Enhance Aero Maintenance qui l'aurait amenée à accepter contre son intérêt la transaction litigieuse en raison :
- du délai entre la réunion du 29 mai et la signature de la transaction le 5 juin qui permettait aux salariés de prendre le temps de la réflexion et de solliciter tous les avis, informations et conseils nécessaires, y compris auprès d'un avocat,
- de la concertation qui a eu lieu entre salariés postérieurement au 29 mai 2012 (M. [B] : 'Après être retournés à [Localité 4], nous nous sommes mis d'accord avec les autres salariés concernés (Mme [C], Mme [R], M. [Y]) pour accepter de signer les documents antidatés et ne pas continuer à subir ces pressions'), incluant M. [B] responsable des ressources humaines de la société qui avait une certaine expérience en droit social en ce que, selon les explications mêmes de Mme [C], il était amené à représenter l'employeur dans les litiges prud'homaux,
- de l'absence de toute preuve de menaces qui aurait été adressées à la salariée par l'employeur le 29 mai 2012,
- de l'éloignement géographique des salariés par rapport au siège social de l'entreprise qui les écartait de tout contact direct avec l'employeur entre le 29 mai et le 5 juin 2012.
Mme [C] ne peut davantage utilement invoquer le dol au vu des nombreux échanges de courriels entre le responsable de la société et elle-même dans la période précédant l'engagement de la procédure de licenciement économique et de la signature du protocole transactionnel qui démontrent que la salariée était tenue informée des difficultés avancées par la société et de leurs possibles répercussions sur la localisation des emplois.
Le fait pour Mme [C] d'avoir été licenciée deux ans après son débauchage par le dirigeant de la SAS Enhance Aero Maintenance s'inscrit dans les conséquences du licenciement, non des conditions de la signature de la transaction litigieuse.
Enfin, Mme [C] n'établit aucun lien de causalité entre les conditions de la signature du protocole transactionnel et la dégradation de son état de santé.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts liée aux conditions de la signature du protocole transactionnel.
Sur les heures supplémentaires :
Sur le statut de cadre dirigeant de Mme [C] :
Selon l'article L.3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande dépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les conditions posées par ce texte sont cumulatives.
Pour infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, Mme [C] se réfère d'abord à son contrat de travail et ses bulletins de paie qui mentionnent une durée mensuelle de travail (durée légale à compter du 1er décembre 2010).
Elle prétend qu'elle n'avait pas le statut de cadre dirigeant en ce que Monsieur [T] concentrait entre ses mains toutes les décisions commerciales, stratégiques et financières et était secondé par Monsieur [D] co actionnaire, qu'elle-même ne disposait d'aucun pouvoir de décision, ne pouvait signer aucun contrat en l'absence de délégation de signature à l'exception du contrat Multiburo pour lequel elle avait reçu une délégation expresse et spécifique pour s'engager sur un montant mensuel hors taxes de 1 806 €, modique au regard du chiffre d'affaires de 20 M€ de la société en 2010.
Elle affirme que sa prétendue autonomie n'était que de façade puisqu'elle bénéficiait parfois du titre de directeur général lorsqu'elle devait représenter la société auprès des tiers en lieu et place du dirigeant lorsque ce dernier était absent, qu'elle assistait au comité d'exploitation (COMEX) mais comme de nombreux autres cadres supérieurs qui n'avaient pas le statut de cadre dirigeant et qu'elle assistait aux réunion du comité de direction (CODIR), telle une assistante de direction, après avoir adressé les convocations et organisé matériellement les réunions dont elle ne fixait pas les ordres du jour, dont elle n'assurait pas la présidence et qui n'avaient pour seul objet que de permettre au dirigeant de transmettre des bribes d'information sur les décisions qu'il avait déjà prises en l'absence de tout débat collégial sur les orientations stratégiques et commerciales de la société.
La SAS Enhance Aero Technic réplique que Mme [C] exerçait les fonctions de directeur général de manière totalement autonome sans aucun compte à rendre de son travail auprès de qui que ce soit, qu'elle était un maillon stratégique de l'entreprise et participait pleinement à la prise de décision et qu'elle exerçait également une fonction de représentation à l'égard des salariés des clients comme le démontrent :
- son niveau de rémunération qui est un des plus élevés de l'entreprise,
-une attestation rédigée par M. [T] au profit de Mme [C] indiquant que cette dernière, employé au sein de l'entreprise depuis le 22 mars 2010, en qualité de directeur général bénéficiera d'un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er décembre 2010,
- un mail du 6 octobre 2010 adressé par Mme [C] à l'ensemble des membres du comité d'exploitation, portant convocation pour le 15 octobre et détaillant l'ordre du jour prévu,
-le profil LinkedIn de Mme [C] sur lequel cette dernière fait apparaître qu'elle était directeur général de Enhance Technic de mars 2010 à juillet 2012 et qui retrace un parcours démontrant que la salariée n'aurait jamais accepté un simple contrat de cadre supérieur,
- un courriel que Mme [C] a adressé au responsable administratif de la société à qui elle propose de simplifier les flux des documents administratifs en prévoyant qu'elle signe les contrats destinés aux équipes de [Localité 4], et qu'il signe ceux de [Localité 3].
Elle précise que les mentions du contrat de travail de Mme [C] prévoyant des fonctions de directeur d'exploitation au statut cadre avec un horaire correspondant à un mi-temps, puis à un temps plein à compter du 1er décembre 2010, ont été négociées par la salariée pour conserver une partie de ses prestations de chômage dans le cadre d'une fraude à Pôle Emploi. Elle verse à ce sujet des échanges de mails de mars 2010 par lesquels Mme [C] demande à Messieurs [T] et [D], dans le cadre des négociations relatives à son embauche, de faire figurer dans son contrat de travail le titre de « directeur des opérations » au lieu de celui de « directeur général », une durée mensuelle de travail non pas un forfait en jours, un lien de subordination à l'égard du dirigeant de l'entreprise et ce, précise-t-elle, après avoir obtenu des renseignements auprès de Pôle Emploi sur des éléments déterminants pour conserver une partie de ses indemnités de chômage en cumul de son salaire à mi-temps.
Cela étant, la SAS Enhance Aero Technic ne saurait se prévaloir d'une prétendue fraude de Mme [C] à l'égard de Pôle Emploi dès lors que dans le cadre des pourparlers d'embauche, elle a accédé à toutes les demandes de la salariée dont elle connaissait parfaitement les motivations à conserver une partie de ses allocations de chômage.
Cette précision ayant été apportée, il doit être relevé que la SAS Enhance Aero Technic ne justifie d'aucune délégation de pouvoir consentie à Mme [C] à l'exception de la production d'un seul contrat Multiburo signée par la salariée, et ne rapporte aucune preuve que cette dernière agissait en toute autonomie et participait aux décisions stratégiques de la société, le seul mail rédigé par celle-ci le 6 octobre 2010 étant insuffisant en la matière.
Il n'existe, en conséquence, aucun élément pour constater que, contrairement aux stipulations du contrat de travail faisant bénéficier Mme [C] du statut de cadre soumis à une durée de travail contractuelle et les bulletins de salaire faisant référence à la durée légale de travail 151,67 heures par mois, Mme [C] avait le statut de cadre dirigeant.
Sur le décompte des heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Mme [C] expose que, ses fonctions l'amenaient régulièrement à dépasser l'horaire légal de travail mais qu'elle n'a jamais été payée de ses heures supplémentaires.
Pour étayer ses dires, elle produit :
- un tableau qu'elle a elle-même rédigée indiquant jour par jour l'heure d'envoi du premier mail de la journée et celle d'envoi du dernier,
- le récapitulatif des heures supplémentaires fait à partir de ce tableau et le calcul des rémunérations dues à ce titre après application des majorations légales pour heures supplémentaires.
La SAS Enhance Aero Technic plaide le caractère parfaitement fantaisiste des demandes et des documents de Mme [C].
Cela étant, le tableau de Mme [C] n'est accompagné d'aucun des mails de début et de fin de journée dont il serait le relevé, de telle sorte qu'il est interdit de vérifier, même par sondage, la réalité de ces mails, et même dans l'affirmative, s'ils étaient destinés à la salariée ou lui étaient remis en simple copie et s'ils se rapportaient bien à son activité professionnelle.
Fait exception à ce constat, un mail du 9 mars 2011 à 22h24.
Cependant, ce mail n'est accompagné d'aucun autre document relatif à l'organisation de la journée correspondant et son caractère unique ne permet pas de tirer la moindre conséquence sur la durée effective de travail sur une période de deux plus de deux ans.
En outre, pour la journée du 9 mars 2011, Mme [C] indique que son dernier mail est de 21h33.
En outre, le tableau de Mme [C] relève une amplitude journalière de travail mais ne contient pas le moindre élément sur la durée effective de travail accomplie par la salariée à l'intérieur de cette amplitude, autrement que par une simple soustraction d'une heure ou deux dites de pause sans autre explication.
Il s'ensuit que Mme [C] ne produit par des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que celles en dommages-intérêts pour non respect des durées maximales du travail et du repos hebdomadaire et en dommages-intérêts pour travail dissimulé y sont directement liées.
A titre surabondant, la Cour relève que la transaction signée le 5 juin 2012 englobe nécessairement toutes les heures supplémentaires alléguées qui lui sont antérieures.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
Le débouté de Mme [C] en ses demandes au titre des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été réglées, prive de fondement sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé qui y est liée.
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qui lié le juge est ainsi rédigée :
« Nous vous rappelons le contexte économique dans lequel se trouve aujourd'hui notre société et en raison duquel nous procédons à une réorganisation de notre activité pour motif économique aux fins de sauvegarde sa compétitivité.
L'année 2011 a été marquée par la perte de notre client principal - Dniproavia - dans une période ou l'activité d'engineering connaissait déjà des difficultés.
Dans la mesure où les projets de développement des sites parisiens n 'ont pu voir le jour, il a été décidé par communication du 19 avril 2012 de fermer le site de [Localité 5], ainsi que celui de [Localité 4] et du transfert de l'ensemble des activités et des contrats de travail sur le site de [Localité 3] en [Localité 6].
Cette orientation stratégique permet de regrouper l'ensemble des salariés de l'entreprise sur un seul et même site, et de dégager ainsi une nouvelle synergie permettant le redéploiement de l'entreprise.
Il vous a été proposé par lettre du 18 mai 2012 de venir sur le site de [Localité 3], et vous avez refusé une telle proposition.
Depuis, la situation de la société s'est dégradée et le Tribunal de Commerce a, par jugement en date du 29 mai 2012, prononcé la mise sous sauvegarde de la société.
C'est dans le cadre des dispositions de ce jugement et de la réorganisation telle que précédemment évoquée que nous avons décidé de supprimer votre poste.
Nous vous avons proposé, à nouveau, au titre d'un reclassement la venue sur [Localité 3], ainsi vous nous avez indiqué lors de l'entretien préalable que vous refusiez cette proposition de reclassement.
Malgré ce refus, nous avons cherché dans nos autres sociétés une possibilité de reclassement, malheureusement, l'ensemble des réponses a été négatif.
En conséquence, devant l'impossibilité, désormais, de vous proposer une nouvelle solution de reclassement et de procéder à celui-ci, compte tenu du jugement du Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand en date du 29 mai 2012, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique ».
Mme [C] fait valoir, en premier lieu, que la conséquence sur l'emploi de la réorganisation de l'entreprise rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de la société n'est pas la suppression de son poste, comme indiqué par la lettre de licenciement.
Elle affirme en effet que son poste n'a pas été supprimé puisqu'elle a été remplacée par un autre directeur opérationnel dès le mois de mai 2012 qui a exercé ses fonctions durant les premiers mois sur le site de la [Localité 7] et que, compte tenu du caractère erroné de la conséquence de la raison économique sur son poste, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Elle relève, en second lieu, que la société prétend qu'elle n'a pas trouvé de postes de reclassement sans démontrer ni les recherches, ni une impossibilité de reclassement alors qu'elle appartient à un groupe dont les activités ingénieries, formation, consultance et affrètement étaient en plein développement.
Pour confirmation du jugement, la SAS Enhance Aéro Technic réplique que ses difficultés économiques rencontrées à partir du mois de février 2012, notamment à la suite de la perte du client principal Dniproavia, étaient parfaitement connues de Mme [C], et sont attestées par le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 29 mai 2012 ayant ouvert une procédure de sauvegarde et la chute de son chiffre d'affaires de 20 516 435 € en 2010, à 8 300 455 € en 2011 puis à 5 607 482 € en 2012 pour un résultat net sur ces années-là de respectivement 288 390 €, 69 771 € et 212 996 €.
Elle affirme avoir respecté son obligation de reclassement en ce qu'elle a proposé à Mme [C] le même poste de directeur général qu'elle occupait depuis 2010 avec pour seul changement son lieu de travail et qu'aucune autre offre ne pouvait lui être présentée au sein de l'entreprise ni au niveau des autres filiales du groupe, compte tenu de son profil particulier. Elle verse la copie du registre unique du personnel qui démontre qu'aucune embauche postérieure au licenciement de Mme [C] n'a été réalisée sur un poste correspondant au profil de cette salariée.
Mais, il résulte clairement des pièces du dossier et des écritures mêmes de la SAS Enhance Aero Technic que, malgré les termes de la lettre de licenciement, la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité, dont la nécessité est établie par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société, n'entraînait pas la suppression du poste de Mme [C].
En effet, sous couvert d'une offre de reclassement sous un intitulé du poste différent (directeur général au lieu de directeur des opérations), la SAS Enhance Aéro Maintenance proposait simplement à Mme [C] d'exercer exactement les mêmes fonctions moyennant une rémunération équivalente non plus à [Localité 5] mais à [Localité 3], ce qui s'analyse en une modification du contrat de travail par mutation géographique.
Ce motif suffit à lui seul à rendre le licenciement économique de Mme [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [C] ne donne aucune explication et ne verse aucune pièce sur sa situation postérieure au licenciement.
En conséquence, par application de l'article L.1235-3 du code du travail, il lui sera alloué la somme de 58 773,50 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon l'extrait K-bis de la SAS Enhance Aero Technic à jour au 31 mai 2017, la SAS Enhance Aero Technic est redevenue in bonis.
Elle sera donc condamnée au paiement de la somme ci-dessus.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :
La reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement rend sans objet la demande en dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement formée par Mme [C] à titre subsidiaire.
Sur les frais non compris dans les dépens :
Par application de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS Enhance Aéro Technic, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée à verser à Mme [C], la somme de 2 000 €, au titre des frais exposés par celle-ci qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE recevable l'appel de Mme [E] [C],
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes en nullité de la transaction et en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau de ces chefs,
PRONONCE la nullité de l'accord transactionnel signé entre Mme [C] et la SAS Enhance Aero Maintenance, portant la date du 30 juillet 2010, en ce qu'il vise le licenciement de la salariée et ses conséquences ;
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic à verser à Mme [E] [C] la somme de 58 773,50 € (cinquante huit mille sept cent soixante treize euros et cinquante centimes) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic à verser à Mme [E] [C] la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Enhance Aero Technic aux dépens.
LE GREFFIER
Claudia CHRISTOPHE
LE PRÉSIDENT
Patrice LABEY