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11/10/2017 | FRANCE | N°15/22922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 11 octobre 2017, 15/22922


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2017



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/22922



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014014635





APPELANTS



- Monsieur [T] [E]

Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 1]



- S.A.R.L. ELECTRONIQUE OC

CITANE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 379 846 694 ([Localité 1])

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représent...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2017

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/22922

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014014635

APPELANTS

- Monsieur [T] [E]

Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 1]

- S.A.R.L. ELECTRONIQUE OCCITANE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 379 846 694 ([Localité 1])

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Frédéric MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 773

INTIMÉE

SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR

Ayant son siège social :[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 343 059 564 ([Localité 2])

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocats plaidant : par Me Thibaud D'ALES et Me Thomas LAMBARD, avocats au barreau de PARIS, toque : K0112

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Laure COMTE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère

Madame Laure COMTE, Conseillère, rédacteur

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Société Française du Radiotéléphone, ci-après la société SFR, a pour activité l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques. Elle diffuse et commercialise des offres d'abonnement à ce réseau et des offres « prépayées » qui donnent droit à un certain nombre d'heures de communication payées d'avance.

La société Electronique Occitane est spécialisée dans le secteur d'activité de la communication, de l'installation, location, entretien, dépannage de matériel et installation de téléphonie, péritéléphonie, radiocommunication, réalisation de tous travaux d'installation de réparation ou d'entretien électrique chauffage et climatisation.

Monsieur [T] [E] est gérant et associé de la société Electronique Occitane.

Depuis le 31 mai 1996, la société SFR et la société Electronique Occitane ont conclu des contrats successifs de distribution :

le 31 mai 1996, un contrat partenaire permettant à la société Occitane d'intégrer le réseau des distributeurs SFR et de recevoir une rémunération contractuellement fixée en échange de diverses tâches matérielles liées à la prise d'abonnements et à la vente de terminaux mobiles,

le 11 janvier 2002, un contrat Espace SFR Entreprise ESE, qui a pris fin le 31 décembre 2005, portant sur la diffusion des offres d'abonnement aux entreprises,

le 30 décembre 2005, un contrat distributeur portant sur la diffusion d'une gamme de produits et services et sur les tâches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement. Ce contrat a pris fin à l'arrivée du terme contractuel, le 31 décembre 2008.

Le 16 janvier 2009, Monsieur [T] [E] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris sollicitant le bénéfice du statut de gérant de succursale, dans le cadre de l'exercice de ses activités pour la société SFR.

Par un arrêt du 25 septembre 2012, la cour d'appel de Paris a fait droit à la demande de Monsieur [T] [E].

Par un arrêt du 12 février 2014, la Cour de cassation a prononcé une cassation partielle sans renvoi et a confirmé l'octroi du statut de gérant de succursale au bénéfice de Monsieur [T] [E].

Par actes du 18 février 2014, la société SFR a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Electronique Occitane et Monsieur [T] [E], en nullité des contrats de distribution, à titre principal, en résolution des contrats de distribution pour manquement de la société Electronique Occitane à ses obligations contractuelles à titre subsidiaire, en réparation de son préjudice à titre plus subsidiaire.

Par jugement du 2 novembre 2015, le tribunal de commerce de Paris :

- s'est déclaré compétent s'agissant des demandes formées à l'égard de Monsieur [T] [E],

- a débouté Monsieur [T] [E] de sa demande de renvoi de cette affaire devant le conseil de prud'hommes,

- a débouté la société SFR de sa demande en nullité des contrats de distribution pour erreur sur la personne,

- a débouté la société SFR de sa demande en résolution judiciaire des contrats de distribution pour inexécution de ceux-ci par la SARL Electronique Occitane,

- a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] à payer à la société SFR la somme de 155.637,18 euros au titre du préjudice subi,

- a débouté la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] de leurs demandes de dommages intérêts pour préjudice moral,

- a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] à payer à la société SFR, la somme de 15.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

La SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 novembre 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 20 juin 2017.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions du 26 avril 2017 par lesquelles la SARL Electronique Occitane et M. [T] [E], appelants, invitent la cour, au visa des articles 1371 du code civil, à :

- débouter la société SFR de sa demande en nullité du contrat,

- débouter la société SFR de sa demande en nullité du contrat pour absence de cause,

- débouter la société SFR de sa demande subsidiaire en résolution judiciaire du contrat,

- débouter la société SFR de sa demande alternative fondée sur le même fondement de l'inexécution du contrat par Electronique Occitane,

Reconventionnellement :

- ordonner à la société SFR de communiquer à la cour, l'ensemble des souscriptions d'abonnements SFR conclus sur la durée du contrat partenaire, le chiffre d'affaires généré par le parc d'abonnés pour la période allant de la date de signature du contrat (1996) jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt,

- ordonner la compensation des prestations réciproques exécutées,

- condamner la société SFR à restituer en valeur pécuniaire, les services dont elle a bénéficié à ce titre, pour la période de juin 1996 au prononcé de l'arrêt,

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 50.000 € au titre du préjudice subi par Monsieur [T] [E].

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 30.000 € au titre du préjudice subi par la société Electronique Occitane,

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ils soutiennent que :

- Monsieur [T] [E] n'a pas la qualité de commerçant,

- les faits reprochés à Monsieur [T] [E] ne sont pas des actes de commerce,

- la juridiction civile est seule compétente pour connaître du litige entre la société SFR et Monsieur [T] [E],

- la demande alternative se heurte à l'autorité de chose jugée,

- les moyens de la demande alternative ont déjà été soulevés devant la cour d'appel de Paris, chambre sociale et devant la Cour de cassation,

- la société SFR ne s'est pas trompée sur l'identité de Monsieur [E].

- la société SFR est seule responsable du son prétendu préjudice allégué,

- les clauses contractuelles ont été rédigées par la société SFR,

- Monsieur [T] [E] a sollicité la stricte application des clauses contractuelles dans la reconnaissance du statut de gérant succursaliste,

- la demande de reconnaissance du statut de gérant succursaliste est une demande de co-qualification ou co-application du statut du dirigeant qui n'affecte en rien l'intégrité du contrat commercial, ni son exécution par la société Electronique Occitane,

- la société Electronique Occitane n'est pas une société de façade, ni fictive,

- l'instauration d'une relation de travail entre Monsieur [T] [E] et la société SFR s'est superposée à l'exécution du contrat partenaire entre les sociétés Electronique Occitane et SFR.

- la reconnaissance du statut de gérant succursaliste n'a pas anéanti le contrat exécuté par Electronique Occitane,

- la société SFR n'a jamais reproché à la société Electronique Occitane, l'inexécution de tout ou partie de ses obligations contractuelles, ni résilié le contrat partenaire pour défaut d'inexécution du contrat,

- le contrat a été exécuté sans contestation, par la société Electronique Occitane,

- en l'absence de faute contractuelle et délictuelle, aucun préjudice à supposer établi ne peut être réparé,

- la société SFR est seule responsable du préjudice allégué,

- les conditions de l'enrichissement sans cause ne sont pas réunies ;

Vu les conclusions du 14 juin 2017 par lesquelles la société SFR, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1109, 1110, 1131, 1134, 1147, 1150, 1151 et 1382 du code civil, de :

- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [T] [E],

- rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens,

A titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité des contrats de distribution,

- prononcer la nullité des contrats de distribution,

- ordonner les restitutions consécutives au prononcé de cette nullité et en conséquence, condamner Electronique Occitane à lui restituer la somme de 4.009.957 euros,

- dire que cette restitution devra être opérée dans le mois suivant signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard,

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

Subsidiairement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résolution des contrats de distribution,

- prononcer la résolution judiciaire des contrats de distribution,

- ordonner les restitutions consécutives au prononcé de cette résolution et en conséquence, condamner la société Electronique Occitane à lui restituer la somme de 4.009.957 euros,

- dire que cette restitution devra être opérée dans le mois suivant signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard,

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

Plus subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement la société Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] à lui payer la somme de 155.637,18 euros en réparation du préjudice subi du fait des condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Paris le 25 septembre 2012 et par la Cour de cassation le 12 février 2014,

En tout état de cause,

- débouter la société Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] de leurs demandes de communication de pièces et indemnitaires,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,'

- condamner les appelants aux entiers dépens ;

Elle fait valoir que :

- Monsieur [T] [E], en qualité d'associé et gérant, était directement impliqué dans la gestion et la direction de la société Electronique Occitane,

- la juridiction commerciale a compétence matérielle en matière de litiges nés au sein d'une société commerciale, et de litiges entre un tiers et la société commerciale ou ses membres,

- elle formule des demandes nouvelles de sorte que ni l'autorité de la chose jugée ni le principe de concentration des moyens ne sont susceptibles de faire obstacle à leur recevabilité,

- les contrats de distribution sont nuls à raison de l'erreur sur la personne du cocontractant, en ce qu'elle a cru contracter avec une personne morale et non avec une personne physique, et à raison du défaut de cause, l'obligation de paiement n'ayant eu aucune contrepartie du fait de la carence de la société Electronique Occitane dans l'exécution des contrats de distribution,

- les contrats de distribution par la société Electronique Occitane ont été exécutés par Monsieur [T] [E] en lieu et place de la société Electronique Occitane,

- la société Electronique Occitane n'a pas exécuté les obligations qui pesaient sur elle au titre des contrats de distribution,

- la société Electronique Occitane engage sa responsabilité contractuelle envers elle du fait de l'inexécution des contrats de distribution,

- Monsieur [T] [E] a participé directement à la violation des obligations stipulées dans les contrats de distribution,

- Monsieur [T] [E] engage sa responsabilité délictuelle en tant que complice des violations contractuelles des contrats de distribution,

- la demande de communication forcée formulée par les appelants à titre reconventionnel est dépourvue de motif légitime,

- la demande indemnitaire formulée par les appelants à titre reconventionnel est mal-fondée ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur l'exception d'incompétence s'agissant des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [T] [E] 

Monsieur [T] [E] soutient que les demandes formées à son encontre ne peuvent être tranchées par les juridictions commerciales, en ce qu'il n'a pas le statut de commerçant et que les actes qui lui sont reprochés ne sont pas en lien avec la gestion de la société ou ne constituent pas des actes de commerce.

La société SFR considère au contraire que les actes qui lui sont reprochés se rattachent à la gestion d'une société commerciale. Elle explique que Monsieur [E] était gérant et détenteur de 50%, puis 40%, des parts sociales de la société Electronique Occitane, ce dernier prenant donc les décisions relatives à la vie sociale de la société Electronique Occitane. Elle précise que les actes de conclusion de contrats au nom de la société avec un tiers, d'encaissement, au nom de la société, des sommes acquittées par un tiers, et ce en l'exécution de conventions conclues par la société avec ce tiers, caractérisent des actes relevant de la gestion de la société. Elle souligne que son action est fondée sur le préjudice subi du fait de sa condamnation par les juridictions prud'homales, qui résulte des inexécutions contractuelles de la société Electronique Occitane, rendues possibles du fait de Monsieur [E] en sa qualité de gérant et d'associé de la société Electronique Occitane.

L'article L 721-3 du code de commerce dispose notamment que « les tribunaux de commerce connaissent : (') [des contestations] relatives aux sociétés commerciales ».

Le fait qu'un gérant d'une société ayant la forme d'une SARL ne soit pas personnellement commerçant ne peut pas le soustraire à la juridiction commerciale dès lors que les faits allégués contre lui se rattachent par un lien direct à la gestion de la société.

En l'espèce, Monsieur [T] [E], lorsqu'il agit en sa qualité de gérant et de propriétaire de parts sociales de la SARL Electronique Occitane, ne peut revêtir la qualité de commerçant ou être considéré comme réalisant des actes de commerce, en ce que ces actions sont effectuées, non pas en son nom et pour son compte personnel, mais pour le compte de la SARL Electronique Occitane.

La société SFR reproche à Monsieur [T] [E] d'avoir engagé sa responsabilité à son égard pour lui avoir causé un préjudice, en contribuant avec la société Electronique Occitane, à inexécuter le contrat qui la liait à la société Electronique Occitane, du fait de la reconnaissance du statut de gérant de succursale et du paiement de salaires à Monsieur [T] [E] en raison de l'exécution des prestations objets du contrat.

La société SFR reproche en réalité à Monsieur [T] [E] d'avoir facilité l'inexécution contractuelle par la société Electronique Occitane du contrat de distribution les liant, après s'être vu reconnaître le statut de gérant de succursale lui permettant de bénéficier des dispositions du droit du travail, considérant qu'il avait exécuté personnellement les prestations ayant fait l'objet du contrat et pour lesquelles il a perçu des salaires en vertu des décisions judiciaires s'étant prononcées sur ces points.

La reconnaissance ultérieure d'un statut permettant au gérant et associé de la société Electronique Occitane de bénéficier des dispositions du droit du travail, pour avoir réalisé en qualité de gérant de succursale de la société SFR, des prestations faisant partie des obligations contractuelles de cette société à l'égard de la société SFR, constitue un acte qui se rattache par un lien direct à la gestion de la société commerciale.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement.

Sur la demande principale de la société SFR en nullité des contrats de distribution 

La société SFR soutient que les contrats de distribution signés avec la société Electronique Occitane encourent la nullité pour erreur sur la personne et pour absence de cause.

Sur la nullité pour erreur sur la personne

La société SFR soutient qu'en concluant les contrats de distribution, elle avait l'intention de contracter avec la société Electronique Occitane, en considération de ses qualités affichées, et en aucun cas avec Monsieur [E]. Elle en conclut que seule la société Electronique Occitane devait exécuter le contrat. Elle relève qu'elle n'aurait pas conclu les contrats de distribution si elle avait été informée que ceux-ci ne seraient pas exécutés par la société Electronique Occitane mais par une personne physique non partie au contrat, tel que cela ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2012, confirmé par la Cour de cassation.

La société Electronique Occitane indique que le contrat a été conclu en considération de Monsieur [T] [E], dès lors que son engagement était prépondérant dans l'exécution du contrat et que sa personnalité était essentielle dans la formation du contrat. Elle relève par ailleurs que la société SFR n'a pas été trompée sur la personne avec laquelle elle a contracté. Elle ajoute que le contrat a été rédigé par la société SFR.

L'article 1110 ancien du code civil, applicable aux contrats dont il est question, dispose que l'erreur "n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention".

En l'espèce, le contrat liant les parties précise clairement les rôles et fonctions de chacun. Les différents contrats mentionnent que la société Electronique Occitane est représentée par Monsieur [T] [E], son gérant. Par ailleurs, aux articles 18 du contrat ESE et du contrat distributeur, il est stipulé que "le présent contrat est conclu intuitu personae en considération de la personne morale de l'ESPACE SFR ENTREPRISES ainsi qu'en considération de son dirigeant. En conséquence, le présent contrat ne pourra être cédé en tout ou partie, sans l'accord préalable, exprès et écrit de SFR".

Il ressort de ces dispositions contractuelles que la société SFR a entendu souscrire les contrats de distribution avec la société Electronique Occitane, représentée par Monsieur [T] [E], son gérant. Aucune erreur n'a été commise sur le cocontractant de la société SFR. En outre, les conditions de l'exécution ultérieure du contrat ne peuvent constituer un élément caractérisant l'erreur sur le consentement au moment de la conclusion du contrat.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la nullité pour absence de cause

La société SFR relève que l'absence de cause résultant de l'erreur justifie l'annulation des contrats. Elle explique que les obligations mises à la charge de la société Electronique Occitane aux termes des contrats de distribution en contrepartie des rémunérations versées par elle n'ont pas été exécutées par la société Electronique Occitane, malgré la rémunération qui lui était versée, mais par Monsieur [T] [E]. Elle en conclut que la principale obligation mise à sa charge aux termes des contrats de distribution, à savoir le versement de rémunérations à la société Electronique Occitane, était dénuée de cause, la société Electronique Occitane n'ayant pas exécuté ses obligations.

La société Electronique Occitane soutient que la demande de reconnaissance du statut de gérant de succursale est une demande de co-qualification et ne constitue pas une demande de requalification du contrat commercial en contrat de travail. Elle souligne que le contrat a justement été exécuté. Elle indique que la relation directe entre Monsieur [T] [E] et la société SFR n'a pas eu pour conséquence d'anéantir le contrat commercial ni son exécution par elle.

L'article 1131 ancien du code civil, applicable aux contrats dont il est question, dispose que "l'obligation sans cause ou sur fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet".

En l'espèce les contrats litigieux portaient sur la diffusion des services de radiotéléphonie publique qu'exploite la société SFR et la réalisation de tâches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement auxdits services sur le réseau GSM SFR. Il apparaît que la société SFR fait état des conditions d'exécution du contrat par la société Electronique Occitane pour justifier l'absence de cause aux contrats dont il est question.

Or, l'inexécution contractuelle ne peut caractériser une erreur sur la cause par la société SFR lors de la conclusion du contrat.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande subsidiaire de la société SFR en résolution des contrats de distribution pour inexécution 

La société SFR allègue que la société Electronique Occitane n'a pas exécuté ses obligations contractuelles, au motif que celles-ci auraient été exécutées effectivement par Monsieur [T] [E], à titre personnel, en qualité de gérant de succursale.

La société Electronique Occitane relève qu'elle n'est pas une société de façade ni fictive et que la reconnaissance du statut de gérant de succursale de Monsieur [T] [E] n'a pas pour conséquence d'anéantir ce qu'elle a exécuté du contrat. Elle souligne que les souscriptions d'abonnements ont été signées par elle, que le stock était acheté par elle à ses risques et périls, qu'elle réglait le loyer commercial, qu'elle recrutait le personnel dédié aux offres de téléphonie mobile et qu'elle réglait les salaires et les charges sociales des vendeurs.

L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2012, reconnaissant le statut de gérant de succursale à Monsieur [T] [E] retient, pour caractériser le statut de celui-ci, les quotas mensuels d'abonnement aux prix et conditions imposés par la société SFR, et avec les formulaires fournis par elle, ainsi que la part importante, à savoir 72,70% en 2004 et 80% en 2005, de la société SFR dans la réalisation du chiffre d'affaires.

Monsieur [T] [E] a été reconnu gérant de succursale pour son activité de gestion du magasin qui assurait la distribution des services de la société SFR, mais aucunement pour avoir réalisé en son nom propre et à titre personnel l'intégralité de la réalisation des prestations qu'implique l'exécution du contrat par la société Electronique Occitane avec la société SFR.

Il n'est pas contesté par la société SFR que la société Electronique Occitane prenait en charge les frais des loyers du local commercial, les salaires et charges sociales des employés nécessaires à l'exercice de l'activité, les commandes du stock nécessaire à l'exercice de l'activité, tel que cela est d'ailleurs imposé par la société SFR dans les contrats. Ces prestations réalisées par la société Electronique Occitane sont indissociables de l'exécution du contrat la liant à la société SFR.

En outre, la société SFR ne fait pas état d'une mauvaise exécution des contrats mais invoque uniquement une exécution de ceux-ci exclusivement par Monsieur [T] [E] en lieu et place de la société Electronique Occitane.

En conséquence, les prestations demandées par la société SFR ayant été réalisées tant par Monsieur [T] [E] que par la société Electronique Occitane, la société SFR ne démontre pas l'importance des inexécutions de la société Electronique Occitane pour justifier la résolution des contrats telle que sollicitée.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande très subsidiaire de la société SFR en réparation de son préjudice 

Sur la recevabilité de la demande

La société Electronique Occitane soutient que la demande de réparation de son préjudice formée par la société SFR porte atteinte à l'autorité de la chose jugée, étant fondée sur les condamnations prononcées dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2012. Elle relève que la remise en cause de ces décisions précédentes définitives est une atteinte à l'autorité de la chose jugée.

La société SFR conteste le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée, les deux instances étant distinctes.

Concernant les demandes formées à l'encontre de la société Electronique Occitane, il convient de relever que celle-ci n'était pas partie aux différentes instances précédentes, opposant la société SFR à Monsieur [T] [E] dans le cadre du litige visant à faire reconnaître le statut de gérant de succursale.

Les demandes de la société SFR à l'encontre de Monsieur [T] [E] dans le cadre de la présente instance ont pour objet le remboursement notamment par Monsieur [T] [E] des salaires qu'elle a versés suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2012 précitée. Or, la demande porte sur un autre objet que celui de l'audience précédente, en ce que s'opposer à la reconnaissance du statut de gérant de succursale de Monsieur [T] [E] est différent de solliciter la réparation de son préjudice du fait de cette reconnaissance.

Il n'y a donc aucune identité de parties, de cause et d'objet, comme l'impose l'article 1351 ancien du code civil, applicable en l'espèce. La société Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] ne peuvent valablement opposer l'autorité de la chose jugée avec l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2012, confirmé sur les points en débat dans le cadre de cette instance, par l'arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2014.

Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir de ce chef.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le fond

La société SFR sollicite le paiement de la somme de 155.637,18 euros :

- au titre de la perte subie à l'occasion des condamnations prononcées à son encontre par les juridictions sociales :

* 68.884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1.176,62 euros),

* 6.888 euros au titre des congés payés afférents,

* 9.567,22 euros (8.697,48 + 869,74) au titre du préavis non donné et des congés payés afférents,

* 18.724,98 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 9.393,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- au titre des charges sociales patronales supportées par elle dans le cadre de l'exécution des arrêts de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation, 16.701,43 euros,

Elle explique que sa condamnation, à payer des salaires à Monsieur [T] [E] pour réaliser les prestations qu'elle a payées en vertu des contrats de distribution, a pour conséquence de permettre à Monsieur [T] [E] d'avoir perçu un double salaire pour une seule et même prestation, la société Electronique Occitane lui ayant versé des salaires au titre de ces prestations.

La société Electronique Occitane conteste que des fautes aient été commises, et précise que la rémunération perçue de sa part par Monsieur [T] [E] ne correspond qu'à l'exercice de son mandat social. Elle relève que seule la somme de 68.884 euros a été versée par la société SFR, en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, à titre de salaire.

Il ressort des éléments du dossier que la société Electronique Occitane a été rémunérée par la société SFR, en vertu du contrat de distribution signé entre elles, pour des prestations qui ont justifié par ailleurs les salaires et primes perçues par Monsieur [T] [E] en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 septembre 2012, reconnaissant à ce dernier le statut de gérant de succursale.

La société Electronique Occitane a perçu des rémunérations de la société SFR pour l'exécution de prestations réalisées pour partie par une personne dont le statut de gérant de succursale de la société SFR a été reconnu. En effet, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 septembre 2012 a retenu que Monsieur [T] [E] assurait la gestion du magasin pour distribuer des services SFR. Ces prestations, pour lesquelles il a perçu des salaires ont fait l'objet d'une rémunération, par la société SFR, également de la société Electronique Occitane. La société SFR a ainsi payé pour la réalisation des mêmes prestations des salaires et une rémunération de la société.

La société SFR reproche à Monsieur [T] [E] d'avoir participé à la réalisation de son préjudice. Or, la reconnaissance ultérieure du gérant de succursale ne peut constituer une faute ayant causé le préjudice reconnu à la société SFR dans le cadre de cette instance.

La société Electronique Occitane doit donc restituer à la société SFR les sommes qu'elle a acquittées à titre de paiement des salaires et charges sociales patronales, versées en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 septembre 2012, alors qu'elle avait déjà rémunéré ces prestations auprès de la société Electronique Occitane, en vertu du contrat les liant.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société Electronique Occitane à verser à la société SFR la somme de 92.473,43 euros, correspondant aux sommes acquittées par la société SFR au titre des salaires et congés payés, à savoir les sommes de :

- 68.884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1.176,62 euros),

- 6.888 euros au titre des congés payés afférents,

- 16.701,43 euros au titre des charges sociales patronales.

En revanche, s'agissant des demandes formées au titre du préavis non donné et des congés payés afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnité conventionnelle de licenciement, ces sommes ne sont pas liées à l'exécution par Monsieur [T] [E] de prestations payées par la société SFR en vertu du contrat, mais sont la conséquence d'un licenciement reconnu entre la société SFR et Monsieur [T] [E], qui ne concerne pas la société Electronique Occitane.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] à payer à la société SFR la somme de 155.637,18 euros à titre du préjudice subi.

Statuant à nouveau, il y a lieu de condamner la SARL Electronique Occitane à payer à la société SFR la somme de 92.473,43 euros à titre du préjudice subi,

Compte-tenu du sens de la décision, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication des pièces sollicitées par la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E].

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral 

En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

La SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E] ne rapportent pas la preuve de ce que l'action de la société SFR aurait dégénéré en abus. Ils doivent être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile 

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Malgré la réformation du jugement entrepris, la société Electronique Occitane succombe principalement au recours. Elle doit donc être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société SFR la somme supplémentaire de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la SARL Electronique Occitane et Monsieur [T] [E].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et M. [T] [E] à payer à la société SFR la somme de 155.637,18 euros à titre du préjudice subi,

L'INFIRME sur ce point,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Electronique Occitane à payer à la société SFR la somme de 92.473,43 euros à titre du préjudice subi,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Electronique Occitane aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société SFR la somme supplémentaire de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/22922
Date de la décision : 11/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°15/22922 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-11;15.22922 ?
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