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11/10/2017 | FRANCE | N°14/05027

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 octobre 2017, 14/05027


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Octobre 2017



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05027



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 12/00510





APPELANT

Monsieur [J] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

comp

arant en personne

ayant pour avocat Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 335





INTIMEE

SAS SOCIETE GH2E

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 313 872 764 00037

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Octobre 2017

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05027

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 12/00510

APPELANT

Monsieur [J] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

comparant en personne

ayant pour avocat Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 335

INTIMEE

SAS SOCIETE GH2E

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 313 872 764 00037

représentée par Me Jean-françois PATOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 176 substitué par Me Meggy SAVERIMOUTOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 176

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 3 juillet 2017

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

Monsieur [J] [P] a été engagé verbalement le 28 avril 1980 par la société GH2E en qualité de soudeur. Il a ensuite été promu au poste de chef de chantier puis de conducteur de travaux au statut ETAM puis cadre à compter du mois de janvier 1996.

Sa rémunération mensuelle brute s'élevait en dernier lieu à 4.812,50 euros.

L'entreprise compte plus de dix salariés. La convention collective applicable est celle des cadres des travaux publics.

Le 8 juin 2012, Monsieur [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

A la suite des visites médicales des 19 juin et 8 juillet 2013, au cours desquelles le médecin du travail a constaté l'inaptitude du salarié à son poste de travail, Monsieur [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 juillet 2013. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 30 juillet 2013.

Par jugement du 27 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision, demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de à titre principal :

- retenir qu'il a été victime de harcèlement moral,

- juger que son licenciement est nul,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivants :

* 15.489,69 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

* 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

A titre subsidiaire, il demande à la cour de considérer que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société GH2E au paiement des sommes suivantes :

- 15.489,69 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

En tout état de cause, il réclame la condamnation de l'employeur au paiement des sommes suivantes:

- 211.370 euros au titre des heures supplémentaires de juin 2007 à juin 2012, outre les congés afférents,

- 50.000 euros de dommages et intérêts pour absence d'information sur les droits au repos compensateur,

- 5.000 euros au titre des frais de procédure.

Il sollicite également la remise d'un certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation pôle emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.

La société GH2E demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner le salarié au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Monsieur [P] expose que les heures supplémentaires réellement effectuées n'étaient pas payées hormis les 10,83 heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paie. Il explique qu'il commençait ses journées à 6h30 chaque matin jusqu'à 18h30 le soir avec une coupure d'une heure pour le repas.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [P] produit notamment':

- une attestation de Monsieur [Y] [I], retraité, indiquant «'Il m'arrivait occasionnellement lorsque je me rendais chez ma collègue du conseil municipal, Madame [P] [X], domiciliée [Adresse 3], propriété voisine de la société GH2E, de rencontrer Monsieur [P] à des heures voisines de 19h00 à 19h30. Régulièrement lors de ces croisements il me saluait d'un geste de la main.'»,

- une attestation de Monsieur [M] [M], chef de secteur, indiquant « Durant mon passage dans l'entreprise Essonne Électricité en tant que responsable d'exploitation, je certifie que Monsieur [L] [D] était quotidiennement présent à partir de 6h30. Il était régulièrement en relation téléphonique à cette heure ci avec l'entreprise Gaillard Hureau qui exécutait pour Essonne Électricité des travaux de terrassement. L'horaire de fin de travail n'a jamais été figé, et compte tenu du poste occupé, la fermeture de l'entreprise pouvait varier de 18h00 à 19h00 voire plus.'»,

- une attestation de Madame [P] [F] [X], adjoint d'administration, indiquant «'Connaissant Monsieur [P] depuis 1989, je certifie être témoin de sa présence régulière sur son lieu de travail qui jouxte ma propriété le matin vers 6h30 et le soir vers 19h00. Il m'arrivait quelque fois de converser avec lui de façon courtoise contrairement à son employeur avec qui j'ai eu maille à partir à plusieurs reprises pour des raisons de sécurité, d'environnement et de nuisances.'».

Les éléments produits par Monsieur [P] ne sont pas de nature à étayer ses prétentions. En effet, les attestations de voisins versées aux débats ne suffisent pas à étayer ses demandes. La cour relève au surplus que ces témoignages sont rédigés en termes généraux et ne permettent pas de déterminer les horaires de travail du salarié.

Enfin, Monsieur [P] sollicite le paiement d'heures supplémentaires calculées à partir d'un horaire journalier identique alors même que les attestations ne font état qued'une présence régulière.

Ses demandes relatives aux heures supplémentaires et aux repos compensateurs doivent par conséquent être rejetées. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

Pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Comme manquements graves invoqués au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Monsieur [P] fait état des faits de harcèlement moral dont il aurait été l'objet à compter du mois de juin 2010.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Enfin, l'article L1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [P] invoque les faits suivants :

- reproches incessants de son supérieur quant à la mauvaise utilisation du logiciel PROGI alors même qu'il n'avait pas pu bénéficier d'une formation suffisante, mais aussi sur son incompétence,

- humiliation et dénigrement publics,

- diminution puis suppression de sa prime de fin d'année,

- déménagement de son bureau durant ses congés, son nouveau bureau étant au surplus beaucoup plus petit,

- ses autres collègues se sont ligués contre lui,

- convocation à un entretien en vue d'une sanction le jour de sa reprise le 16 avril 2012, sans qu'aucune suite ne soit finalement donnée à cet entretien,

- demande de restitution de son véhicule de fonction pendant son arrêt de travail alors que son contrat n'est pas rompu mais simplement suspendu,

- erreur dans la rédaction de ses documents de fin de contrat.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [P] produit notamment :

- le courrier de l'employeur daté du 2 février 2012 intitulé «'Rappels sur la qualité attendue de votre travail et sur le respect de vos obligations professionnelles'», dans lequel on lui reproche notamment l'absence de maîtrise du logiciel PROGI,

- la convocation à un entretien préalable dans le cadre d'une procédure disciplinaire en date du 2 avril 2012,

- la mise à pied disciplinaire notifiée le 19 avril 2012 à la suite de son refus d'utiliser le logiciel PROGI et de son refus de déménager son bureau,

- les courriers adressés à l'inspecteur du travail en mars, avril 2012,

- la déclaration de main courante datée du 5 avril 2012 faisant état des propos humiliants et insultants tenus à son égard par son employeur,

- les certificats médicaux de son médecin traitant datés des 16 février, 5 et 16 avril 2012 faisant état d'un syndrome anxio dépressif dans un contexte de stress au travail,

- le courrier qu'il a adressé au secrétaire du Comité d'entreprise le 7 juin 2012,

- les échanges de courriels avec son supérieur, Monsieur [S], concernant le paiement de contraventions,

- les échanges épistolaires concernant la demande de restitution du véhicule de la société,

- les photographies de son ancien et de son nouveau bureau.

S'agissant des propos humiliants, insultants et du dénigrement dont il aurait fait l'objet de la part de son employeur, la cour constate que Monsieur [P] ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations. Ainsi, la main courante, établie sur la base de ses seules déclarations, n'est confirmée par aucun élément extérieur (attestation de collègues par exemple).

S'agissant de la diminution puis de la suppression de sa prime de fin d'année, la cour constate que Monsieur [P] ne justifie pas de l'existence de cette prime ni de sa suppression. Ainsi, il ne verse aucun bulletin de salaire à l'appui de ses déclarations.

Sur l'attitude de ses collègues, la cour relève qu'aucun élément n'est versé aux débats.

S'agissant de la convocation à un entretien en vue d'une éventuelle sanction, force est de constater que contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur a bien donné suite à cette procédure et lui a notifié une mise à pied le 19 avril 2012. La cour relève au surplus que le salarié ne conteste pas le bien fondé de cette sanction.

Sur la demande de restitution du véhicule de fonction, la cour relève que l'employeur reste propriétaire de ce véhicule. Il pouvait donc légitimement en demander la restitution en raison de l'absence prolongée du salarié, même pour maladie. En tout état de cause, la cour constate que par courrier du 22 octobre 2012, la société GH2E a fait droit à la demande du salarié qui a pu en conserver l'usage.

Sur les reproches concernant l'utilisation du logiciel PROGI, il ne ressort pas des pièces versées aux débats, que l'employeur ait abusivement et de manière humiliante reproché au salarié une mauvaise utilisation de ce logiciel. Si Monsieur [P] indique qu'il a, à plusieurs reprises, interpellé son employeur sur le manque de formation, il ne produit aucun élément justifiant de ces réclamations.

Il ressort en revanche de la lettre de notification de la mise à pied disciplinaire, dont Monsieur [P] ne conteste pas le bien fondé, que le salarié n'utilisait pas correctement ce logiciel, ce qui entraînait des erreurs voire des retards dans la facturation des clients.

S'agissant des erreurs dans la rédaction des documents de fin de contrat, la cour constate que ces faits, postérieurs à la rupture du contrat de travail ne peuvent être analysés voire retenus pour laisser présumer l'existence d'un harcèlement au cours de la période de collaboration.

Enfin s'agissant de son changement de bureau, cet unique fait ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement et ce d'autant plus qu'il ressort du propre courrier de Monsieur [P], daté du 16 février 2012, que ce dernier reprochait à son employeur ses conditions de travail et notamment l'absence d'imprimante dans son bureau et le fait qu'il était contraint de descendre un escalier non éclairé. Par ailleurs, les photographies versées aux débats ne permettent pas d'établir que le nouveau bureau attribué au salarié était moins grand et moins agréable que l'ancien.

Dès lors, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement, à la résiliation judiciaire du contrat de travail et à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, soit de son impossibilité de proposer un autre emploi soit du refus par le salarié de l'emploi proposé'; s'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

Monsieur [P] fait valoir en premier lieu que la lettre de licenciement ne répond pas aux exigences de motivation en ce qu'elle n'énonce pas le motif du licenciement.

Il estime par ailleurs que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Il est constant qu'à la suite des visite de reprise des 19 juin et 8 juillet 2013, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude du salarié à son poste de conducteur de travaux, «'l'état de santé de Monsieur [P] ne permet pas actuellement de formuler des propositions de reclassement à des tâches existantes dans l'entreprise. Il pourrait effectuer un travail similaire dans un autre contexte organisationnel.'».

Par lettre du 30 juillet 2013, Monsieur [P] a été licencié pour «'inaptitude à votre poste de travail actuel de conducteur de travaux et impossibilité de reclassement'». C'est par conséquent en vain que le salarié fait valoir que la lettre de licenciement n'énonce pas le motif du licenciement.

L'employeur doit dans sa recherche de reclassement, prendre en considération les recommandations du médecin du travail à cet égard.

L'employeur ne doit pas omettre d'envisager des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste ou du temps de travail.

L'employeur ne sera considéré comme ayant rempli son obligation de reclassement que si la démarche accomplie dans ce but apparaît sérieuse. Par ailleurs, le reclassement doit être recherché dans l'entreprise mais aussi dans le cadre du groupe auquel l'entreprise appartient parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation autorisent la permutation de tout ou partie du personnel.

En l'espèce, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et n'a pas recherché sérieusement si le poste de Monsieur [P] pouvait être aménagé ou si un autre poste pouvait lui être proposé. En effet, la société GH2E ne produit aucune pièce justifiant de ses recherches ni même qu'elle a demandé des précisions ou sollicité l'avis du médecin du travail sur les autres postes susceptibles d'être proposés au salarié.

Dès lors, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Lorsque l'employeur qui n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement, le fait que le salarié n'ait pas pu travailler ne résulte pas de son inaptitude physique mais de la faute commise par l'employeur à savoir le non respect de son obligation de reclassement. Dès lors, l'employeur, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

En conséquence, il convient d'allouer à Monsieur [P] la somme de 14.437,50 euros à ce titre, outre les congés afférents.

A la date du licenciement, Monsieur [P] percevait une rémunération mensuelle brute de 4.812,50 euros, avait 59 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 33 ans et 3 mois au sein de l'établissement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies (étant constaté que le salarié ne justifie pas de sa situation personnelle depuis le mois d'août 2013), il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 88.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Les demandes du salarié au titre du harcèlement moral ayant été rejetées, il ne peut être fait droit à sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes (certificat de travail, solde de tout compte et attestation pôle emploi), dans les termes du dispositif sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte.

Sur les frais de procédure

L'équité commande de condamner la société GH2E à verser à Monsieur [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Comme elle succombe dans la présente instance, la société GH2E sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié que la cour ordonnera dans le cas d'espèce dans la limite de quatre mois.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de nullité du licenciement, de dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi que celles relatives aux heures supplémentaires et au repos compensateur,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Monsieur [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société GH2E à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes :

- 14.437,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.443,75 euros au titre des congés afférents,

- 88.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la société GH2E à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [P] à la suite de son licenciement, dans la limite de quatre mois,

Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société GH2E aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/05027
Date de la décision : 11/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/05027 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-11;14.05027 ?
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