La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2017 | FRANCE | N°15/09057

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 10 octobre 2017, 15/09057


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 10 Octobre 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09057



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 13/09786





APPELANT

Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]r>
comparant en personne, assisté de Me Xavier DAUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1792

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/046734 du 23/11/2015 accord...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 10 Octobre 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09057

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 13/09786

APPELANT

Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Xavier DAUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1792

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/046734 du 23/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Association COSEM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

en présence de Mme [E] [E] (DRH) représentée par Me Virginie DELESTRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237 substitué par Me Romain PIETRI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[R] [C], né en le [Date naissance 1]1941 et docteur en chirurgie dentaire, a été engagé à effet du 10.11.2010 par contrat à durée indéterminée par l'association COSEM (COORDINATION DES OEUVRES SOCIALES ET MEDICALES) le 26.10.2010 en qualité de praticien salarié statut cadre à temps partiel les lundi et mercredi de 14 à 19h ; il était rémunéré à l'acte.

L'association COSEM a une activité de centre de santé. L'entreprise n'est soumise à aucune convention collective mais le contrat était régi par les dispositions législatives et réglementaires du code du travail, du code de la sécurité sociale et du code de déontologie des chirurgiens dentistes ; elle comprend plus de 10 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [R] [C] s'établit à 2.323,67 €.

Par courrier du 05.01.2012, l'association COSEM a fait savoir à [R] [C] que ses consultations de parodontie se limiteraient à compter du 01.12.2011 aux préparations initiales et aux maintenances liées aux traitement de parodontie.

L'association COSEM a adressé un courrier au salarié le 25.10.2012 rédigé de la façon suivante :

'Nous vous informons, par la présente, que nous envisageons votre départ à la retraite, conformément aux dispositions de l'article L1237-5du Code du Travail.

En effet, vous remplissez les conditions requises pour bénéficier d'une pension vieillesse à taux plein, quel que soit le nombre de trimestres pendant lequel vous avez cotisé.

Cette décision, qui ne constitue pas un licenciement, prendra effet à l'issue d'un préavis qui débutera à la date de première présentation de ce courrier.

Au terme de ce préavis, nous vous verserons l'indemnité légale de mise à la retraite, celle-ci étant calculée sur la base d'un salaire mensuel établi selon la moyenne la plus avantageuse des trois derniers mois de travail ou des douze derniers mois d'activité.

Nous vous remettrons également votre certificat de travail.'

[R] [C] a contesté par courrier cette rupture le 27.11.2012.

Le 12.04.2013, l'inspection du travail est intervenue auprès de l'association COSEM à la suite de réclamations transmises par [R] [C] relatives à la rémunération de son préavis, au paiement de ses prestations et de l'indemnité de mise à la retraite.

Le CPH de Paris a été saisi par [R] [C] le 24.06.2013 en résiliation judiciaire du contrat de travail, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 18.09.2015 par [R] [C] du jugement rendu le 02.09.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 2 qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

[R] [C] demande à la cour de dire que sa mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle ni sérieuse au sens de l'article L 1237-8 du Code du travail, et que ce licenciement, uniquement fondé sur le critère de l'âge du salarié, s'avère nul de plein droit, comme fondé sur un motif discriminatoire,

En conséquence, [R] [C] demande d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, de fixer à la somme de 2 323,67 € la moyenne de rémunération et de condamner l'Association COSEM au paiement des sommes de :

. 2 909,59 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 290,95 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

. 77,45 € à titre de complément d'indemnité de mise à la retraite ;

. 25 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire au sens de l'article L 1235-3-1 du Code du Travail ;

Subsidiairement,

. 25 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse au sens de l'article L 1235-3 alinéa 2 du Code du Travail ;

. 15 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, en violation des dispositions de l'article 1147 ancien du Code civil (1231-1 nouveau) ;

. 46 608 € à titre d'indemnisation de la perte de ses droits à retraite du fait de sa mise à la retraite d'office ;

Condamner l'Association COSEM aux entiers dépens.

De son côté, l'association COSEM demande de confirmer le jugement et de condamner A. [C] à verser au Cosem 3.000 € au tire de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ; à titre subsidiaire, de limiter le rappel de reliquat d'indemnité de mise à la retraite à 65,25 €.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 14.06.2017, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur le bien fondé de la mise à la retraite et ses conséquences :

[R] [C] a été mis à la retraite par courrier du 25.10.2012 par suite il convient d'analyser le bien fondé de cette mise à la retraite, la demande de résiliation judiciaire étant postérieure à cette rupture et n'étant pas reprise en appel.

La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas.

Cet article décide que bénéficient du taux plein, même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires, (1°) les assurés qui atteignent l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq années.

Cet âge a donc été fixé à 65 ans pour les assurés qui, comme [R] [C], sont nés avant le 01.07.1951.

Les alinéas 7 à 9 de l'article L 1237-5 du code du travail précisent que :

Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.

En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.

La même procédure est applicable les quatre années suivantes.

Il en résulte que l'employeur ne peut pas mettre d'office à la retraite un salarié avant qu'il ait atteint 70 ans. Or [R] [C] a eu 70 ans le 03.09.2011, date à laquelle l'association COSEM aurait dû être autorisée à le mettre à la retraite d'office.

Néanmoins, lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l'âge permettant à l'employeur de le mettre à la retraite en application de l'article L. 1237-5 du code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l'employeur de mettre fin au contrat de travail

Or, au moment de son engagement le 10.11.2010, [R] [C] avait déjà atteint l'âge de 71 ans et par suite, son âge ne pouvait plus constituer pour l'employeur un motif de mise à la retraite d'office.

L'employeur ne peut avoir la latitude de se séparer de son salarié à tout moment et à sa guise, ce qui serait contraire au principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail ; cette rupture est irrégulière.

Le motif de la rupture irrégulière, tel qu'il apparaît dans la lettre de rupture du 25.10.2012, est lié à l'âge du salarié dès lors que l'employeur fait état 'des conditions requises pour bénéficier d'une retraite à taux plein' qui comme cela a été précisé ci dessus sont relatives à l'âge du salarié ; cette rupture a donc un motif prohibé car discriminatoire. La rupture est donc nulle.

L'association COSEM doit être condamnée à verser au salarié, outre les indemnités de rupture réclamées et indiquées au dispositif, l'indemnité de mise à la retraite qui doit être calculée en fonction de l'indemnité légale à défaut de convention collective applicable ; un reliquat reste dû.

Les dispositions de la loi du 08.08.2016 ne sont pas applicables à la présente espèce introduite le 24.06.2013.

S'agissant d'une rupture à caractère discriminatoire, l'association COSEM sera, en réparation du préjudice subi, condamnée à régler au salarié la somme de 10.000 € eu égard aux circonstances de l'espèce.

[R] [C] invoque enfin le caractère vexatoire de la rupture sans pour autant détailler les conditions litigieuses, cette demande sera rejetée.

Il fait valoir une perte de chance liée à la perte de droits à retraite qu'il calcule en fonction des allocations retraite déjà perçues et de ses besoins ; il doit être uniquement tenu compte de la diminution de ses allocations retraites du fait de la mise à la retraite d'office anticipée; l'employeur sera condamné à lui verser à ce titre une somme supplémentaire de 10.000 € s'agissant d'une perte de chance qui ne recouvre pas la notion de préjudice intégral.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 02.09.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 2 en son intégralité ;

Statuant à nouveau,

Condamne l'association COSEM à payer à [R] [C] les sommes de :

. 2 909,59 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 290,95 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

. 77,45 € à titre de complément d'indemnité de mise à la retraite ;

. 10 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement ;

. 10 000 € à titre d'indemnisation de la perte des droits à retraite du fait de sa mise à la retraite d'office ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne l'association COSEM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/09057
Date de la décision : 10/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/09057 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-10;15.09057 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award