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28/09/2017 | FRANCE | N°15/22988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 28 septembre 2017, 15/22988


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/22988



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2015 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 13L01295





APPELANT



LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

en ses bureaux au PALAIS DE JUSTICE

[Adress

e 1]





INTIMÉ



Monsieur [K] [G]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/22988

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2015 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 13L01295

APPELANT

LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

en ses bureaux au PALAIS DE JUSTICE

[Adresse 1]

INTIMÉ

Monsieur [K] [G]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Michèle PICARD, Conseillère, faisant fonction de Présidente et Mme Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Michèle PICARD, Présidente de Chambre

M François FRANCHI, Président de Chambre

Mme Christine ROSSI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mariam ELGARNI-BESSA

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Mme Anne-France SARZIER, Substitut général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Michèle PICARD, Présidente et par Mme Rada POT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Par jugement du 29 novembre 2010, le tribunal de commerce de Melun a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la sas Cap Sensoria, sise [Adresse 3], et ayant comme activité l'exploitation de résidences hôtelières et de tourisme. La date de cessation des paiements a été fixée au 23 novembre 2010.

Il s'agissait de la société holding du groupe Cap Sensoria fondé en 2005 par messieurs [G] et [F] ; cinq entités juridiques gérant chacune une résidence étaient filiales à 100 % de la holding.

Par jugement du 28 mars 2011, le tribunal de commerce de Melun a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cap Sensoria et désigné la scp [W] [U] en la personne de Maître [W] comme liquidateur.

Le passif déclaré s'élevait à 5.519.798,40 euros pour un actif de 90.703,82 euros soit une insuffisance d'actif de 5.429.094,58 euros. Le capital social s'élevait à 1.149.180 euros et le dernier chiffre d'affaires connu à 2.242.000 euros.

Par jugement du 23 septembre 2015, le tribunal de commerce de Melun a dit n'y avoir lieu au prononcé de sanctions commerciales à l'égard de Monsieur [K] [G] et dit n'y avoir lieu à allocation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Melun a relevé appel de ce jugement.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 18 décembre 2016, le ministère public demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement du 23 septembre 2015 du tribunal de commerce de Melun et de condamner Monsieur [K] [G] à un comblement de la totalité de l'insuffisance d'actif et à une mesure d'interdiction de gérer de 10 ans.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 13 mars 2017, la scp [A] [U], liquidateur judiciaire de la société Cap Sensoria, demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 651-1, L.651-2, L. 653-4 et L.653-8 du Code de Commerce, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de condamner Monsieur [K] [G] à payer entre les mains de la scp [A] [U] ès-qualités tout ou partie du montant de l'insuffisance d'actif que font apparaître les opérations de liquidation judiciaire de la société Cap Sensoria, à savoir 5.429.094,58 euros ; de prononcer à l'encontre de Monsieur [K] [G] la faillite personnelle ou telle interdiction de gérer pour telle durée qu'il lui plaira de fixer ; de condamner Monsieur [K] [G] à payer à la scp [A] [U] ès-qualités la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et d'employer les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 3 mars 2017, Monsieur [K] [G] demande à la cour d'appel de dire totalement irrecevables les prétentions formulées à son encontre ; et subsidiairement, de confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Melun le 23 septembre 2015.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes

Monsieur [G] oppose n'avoir jamais eu la qualité de dirigeant de droit ou de fait de la société Cap Sensoria.

Cependant, la présidence de la société Cap Sensoria était assurée par la société Holding Patrimoine et Tourisme dont il était représentant permanent.

Dès lors, et en application

des dispositions des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, les demandes formées à son encontre par le ministère public et le mandataire judiciaire sont recevables.

Sur le fond

À titre liminaire, il sera observé que le juge commissaire n'était pas tenu de recueillir les observations de Monsieur [G] avant de désigner le cabinet [C], et qu'il a pu être débattu contradictoirement du rapport établi par le technicien dont il n'y a pas lieu d'écarter les conclusions.

- sur le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours

La date de cessation des paiements qui n'a pas donné lieu à report est définitivement fixée au 23 novembre 2010, ce grief ne peut dès lors être retenu.

- sur le défaut de tenue de comptabilité

Monsieur [G], qui souligne que la société disposait d'un service de comptabilité, ne saurait valablement faire grief à Monsieur [C] de n'avoir pas entendu le directeur financier, l'expert-comptable et le comptable - diligence qui ne s'immposait pas -. Il ne peut mieux se limiter à soutenir que ne serait pas caractérisé le défaut de tenue de comptabilité et que seul serait articulé à son encontre un défaut de remise des dits documents, alors qu'il est établi que le cabinet d'expertise comptable en charge de la comptabilité de la société a indiqué qu'aucun élément comptable ne lui avait été remis afférent aux années 2010 et 2011, qu'ont encore fait défaut pour toutes les sociétés du groupe les grands livres généraux et auxiliaires pour l'année 2009, seuls ayant été fournies les plaquettes annuelles de l'exercice 2009. Ces manquements sont encore confortés par l'inventaire des archives collectées par la société SPGA qui ne mentionnent ni les grands livres ni les journaux comptables. A ce jour, les éléments manquants font toujours défaut. Enfin, le fait opposé par Monsieur [G] que les ordinateurs de la société ont été vendus dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire n'est pas pertinent étant relevé au surplus que l'intéressé a eu antérieurement accès aux dits ordinateurs. Est donc caractérisé le grief visé à l'article L. 653-5 6° du code de commerce qui sanctionne le fait de n'avoir pas tenu de comptabilité rendue obligatoire par les textes ou de l'avoir fait disparaître.

Ce défaut de tenue de comptabilité en particulier en 2010, soit alors que la société Cap Sensoria était déjà en difficulté, a nécessairement contribué à l'aggravation du passif en privant le dirigeant d'un instrument de pilotage de son entreprise.

- sur la poursuite d'une activité déficitaire

Monsieur [G] oppose que la preuve n'est pas faite de ce que l'insuffisance d'actif serait la conséquence de ses fautes de gestion.

Il n'apporte cependant pas de contradiction aux éléments suivants qui attestent de la poursuite, à des fins personnelles, de l'activité en dépit de son caractère déficitaire qu'il ne pouvait ignorer. Ainsi en particulier, d'une part, les salariés ont déclaré avoir été réglés avec retard dans le courant de l'année 2009, mais surtout, d'autre part, l'expertise a établi que ledirigeant avait sciemment masqué les difficultés de la holding en entretenant une trésorerie artificielle avec en particulier deux de ses filiales, les avances en compte courant ayant représenté plus de 50% des sources de financement de la société Cap Sensoria en 2009, tandis que lesdites filiales étaient également déficitaires et devaient postérieurement déposé le bilan. Et, si la date de cessation des paiements arrêtée définitivement au 23 novembre 2010 n'a pas fait l'objet d'une procédure de report, il est néanmoins amplement établi que la société n'était pas en mesure de faire face à son passif immédiatement exigible au moyen de son actif disponible bien antérieurement, soit à l'exercie clos au 31 décembre 2009. Est donc caractérisé le grief visé à l'article L. 653-4 4° du code de commerce qui sanctionne le fait de poursuivre abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements.

Monsieur [G] fait valoir que la preuve n'est pas faite de ce que les prétendues fautes de gestion auraient contribué à l'augmentation du passif. Il impute la situation au retard d'environ deux années pris pour la construction d'un important complexe immobilier d'affaires et de tourisme, et fait grief au liquidateur d'avoir abandonné une procédure initiée en paiement d'une indemnité de retard qui aurait couvert l'insuffisance d'actif. Sur ce point, le liquidateur oppose s'être désisté de l'instance de référé introduite en raison de la fragilité de l'argumentation et du risque de condamnation pour procédure abusive, il ajoute que toutes les filiales étaient en état de liquidation judiciaire et que l'exploitation du site en cause n'aurait pas eu d'incidence sur le caractère structurellement déficitaire de la société Cap Sensoria.

Au 31 décembre 2009, l'insuffisance d'actif s'élevait à 1.582.381 euros avec un actif de 1.613.542 euros et un passif de 3.195.923 euros. En poursuivant l'activité de l'exploitation dans les conditions de gestion fautive précédemment examinées et démontrées, Monsieur [G] a nécessairement contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif qui avait atteint un montant de 5.429.094,58 euros lors des opérations de liquidation judiciaire.

Cependant, si ces fautes de gestion caractérisées sont en partie à l'origine de l'insuffisance d'actif, elles n'en constituent pas la cause exclusive, la conjoncture économique et les difficultés extérieures à laquelle a été confrontée l'entreprise ayant également contribué à la déconfiture.

Les développements qui précèdent fondent de condamner Monsieur [G] qui n'apporte pas d'éléments sur sa situation matérielle au paiement de la somme de trois millions d'euros, en application des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce.

Enfin, les griefs avérés à l'encontre de Monsieur [G] justifient sa condamnation à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de dix années.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en toutes ses disposisions sauf en ce qu'a été écarté le grief de déclaration tardive de l'état de cessation des paiements.

L'équité justifie de condamner monsieur [G] à payer à la scp [A] [U] ès qualités la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 23 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Melun, sauf en ce qu'a été écarté le grief de déclaration tardive de l'état de cessation des paiements ;

Y substituant partiellement,

Condamne Monsieur [K] [G] à payer entre les mains de la scp [A] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Cap Sensoria la somme de trois millions d'euros au titre de la prise en charge de partie de l'insuffisance d'actif ;

Prononce à l'encontre de Monsieur [K] [G] pour une durée de DIX années, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celle-ci ;

Condamne Monsieur [K] [G] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne Monsieur [K] [G] à payer à la scp [A] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Cap Sensoria la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Rejette toute autre demande.

Fait à [Localité 2], le 28 septembre 2017

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/22988
Date de la décision : 28/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°15/22988 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-28;15.22988 ?
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