RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 27 Septembre 2017
(n° , 09 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03314
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 15/00556
APPELANTE
Madame [D] [R]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne
assistée de Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374
INTIMEE
Société DLA PIPER FRANCE LLP venant aux droits de DLA PIPER UK LLP
N° SIREN : 808 297 766
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me François MILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0788
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Président de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2017
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée conclu le 21 novembre 2012, à effet au 7 janvier 2013, Madame [D] [R], née en 1983, a été engagée en qualité de responsable marketing et communication, statut cadre, niveau 2, échelon 2, coefficient 140, de la convention collective applicable au personnel salarié des avocats au sein de la succursale française de la société DLA Piper UK LLP, cabinet d'avocats.
Le contrat prévoyait une rémunération brute annuelle de 70.000 € payable sur 13 mois et, au dernier état de la relation contractuelle, Madame [R] percevait un salaire brut moyen de 6.218,62 € par mois.
Madame [R] a bénéficié d'un congé maternité du 1er septembre 2014 au 28 février 2015.
A la suite à son retour le 3 mars 2015, Madame [R] a reçu deux avertissements les 29 mai et 21 juillet 2015.
Depuis le 16 septembre 2015, elle bénéficie d'un congé parental.
Le 2 février 2015, Madame [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry afin d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, sollicitant la convocation de la société DLA Piper France LLP et de la société DLA Piper UK LLP.
Par jugement en date du 2 février 2016, le conseil des prud'hommes d'Evry a condamné la société DLA Piper France LLP à verser à Madame [R] les sommes suivantes :
- 1 € à titre de dommages et intérêts pour absence de traduction de la fiche de poste,
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le conseil a débouté Madame [R] de l'ensemble de ses autres demandes.
Par déclaration en date du 4 mars 2016, Madame [R] a relevé appel de la décision qui lui avait été notifiée le 15 février 2016.
Elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DLA Piper France LLP à lui verser la somme d'un euro à titre d'indemnité pour absence de traduction de fiche de poste ainsi que la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société DLA Piper de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer pour le surplus et de :
- prononcer la nullité des avertissements notifiés par la société DLA PIPER les 29 mai et 21 juillet 2015,
- constater l'existence d'un harcèlement moral à son encontre,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et dire que le licenciement produit les effets d'un licenciement nul,
- condamner la société DLA Piper à lui verser les sommes suivantes :
* 6.218,62 € (1 mois) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 18.655,86 € (3 mois) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 1.865,58 € au titre des congés payés afférents,
* 111.935,16 € (18 mois) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
* 10.000 € au titre du préjudice subi en raison du harcèlement moral dont elle a été victime,
* 10.000 € au titre du préjudice subi en raison du manquement de la société DLA PIPER à son obligation de sécurité,
* 10.000 € au titre du préjudice subi en raison du traitement discriminatoire dont elle a été victime,
* 10.000 € au titre du préjudice subi en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail,
* 48.468,58 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées,
* 4.846,86 € au titre des congés payés afférents,
* 37.311,72 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 7.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal, à compter de la demande introductive d'instance.
La société DLA Piper France LLP venant aux droits de la société DLA Piper UK LLP demande à la cour de dire que la demande de résiliation judiciaire n'est pas fondée, de débouter Madame [R] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Madame [R], qui ne conteste pas que la société DLA Piper France LLP vient aux droits de la société DLA Piper UK LLP, n'a pas précisé à l'encontre de quelle des deux sociétés étaient formulées ses demandes de condamnation.
Les bulletins de paie de Madame [R] étant en dernier lieu établis par la société DLA Piper France LLP, la société DLA Piper UK LLP sera mise hors de cause.
Sur la demande indemnitaire au titre du défaut de traduction de la fiche de poste
Cette demande, à laquelle les premiers juges ont fait droit à hauteur de dommages et intérêts fixés à un euro, n'est pas motivée en cause d'appel.
Au vu des éléments relevés en première instance, cette demande repose sur le fait que la fiche de poste de Madame [R] était rédigée en anglais en violation des dispositions de l'article L. 1321-6 du code du travail qui dispose que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son contrat de travail est rédigé en français.
S'il est exact que la fiche de poste versée aux débats, remise à Madame [R] lors de son embauche (pièce 43 de la salariée) est établie en anglais, l'article 4 du contrat prévoit que ' les principales attributions de la salariée... sont décrites dans le descriptif de poste annexé...' et que la salariée 'déclare parfaitement comprendre la langue anglaise et accepter sans réserve que le descriptif de ses fonctions soit rédigé en anglais'.
Ayant accepté de manière claire et non équivoque que ce descriptif en anglais lui soit remis, Madame [R], qui ne justifie ni même n'explicite le préjudice dont elle sollicite réparation, sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires
Aux termes des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Madame [R] soutient que la charge de travail qu'elle avait à accomplir excédait largement son temps de travail hebdomadaire contractuellement fixé à 35 heures.
Pour étayer sa demande, elle verse aux débats :
- des courriels échangés avec l'entreprise en 2013 (pièce 56) et en 2014 (pièce 57),
- deux tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires effectuées en 2013 et 2014.
La société DLA Piper France LLP fait valoir d'une part qu'il n'a jamais été demandé à la salariée d'effectuer des heures supplémentaires et, d'autre part, que la réalité de celles-ci n'est pas établie : deux témoins attestent que la salariée quittait son poste de travail vers 18 heures ; de plus, les courriels versés aux débats ne permettent pas de vérifier l'amplitude horaire et ne constituent pour la plupart que des simples accusés de réception ou réexpéditions à son équipe depuis un terminal portable (Iphone ou Blackberry).
La société ajoute que le décompte des heures supplémentaires est approximatif.
Le contrat de travail de Madame [R] prévoyait un horaire hebdomadaire de 35 heures réparties du lundi au vendredi de 10 h à 18 h avec une pause méridienne d'une heure.
En dehors des attestations de Monsieur [J] et de Madame [T], qui travaillaient dans l'équipe de Madame [R], la société DLA Piper France LLP ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par la salariée.
Or, travaillant principalement par messages électroniques, Madame [R] pouvait être en situation de travailler même lorsqu'elle n'était pas présente physiquement dans l'entreprise en sorte que les témoignages susvisés ne sont pas pertinents.
Par ailleurs, l'examen des courriels que Madame [R] verse aux débats démontre que le plus souvent, les messages qu'elle envoyait ou recevait à des heures matinales ou tardives étaient échangés principalement soit avec les membres de son équipe et contenaient des instructions à leur égard, soit avec des avocats et membres de la société et constituaient des questions, réponses ou précisions sur divers sujets ayant trait à l'activité de la société.
Dès lors, la société DLA Piper France LLP ne peut valablement soutenir qu'elle n'avait pas accepté ni a fortiori demandé à Madame [R] de dépasser son temps de travail.
Or, l'examen des mails produits témoignent d'une activité importante de la salariée en dehors de ses strictes heures de travail et établit le caractère fondé du principe de sa demande en paiement.
En revanche, ne seront pas retenus les mails constituant des simples accusés de réception ou des transferts de documents lorsque ces mails ne contiennent aucune mention impliquant la nécessité d'une réponse immédiate.
Par ailleurs, ont été retirés des décomptes certains jours fériés non pris en considération dans les tableaux de calcul établis par Madame [R] et, outre la pause méridienne, a été déduite une heure supplémentaire pour les envois postérieurs à 22 heures (correspondant à une pause pour le dîner).
En considération de ces éléments, il sera alloué à Madame [R] les sommes suivantes :
- année 2013 : les bulletins de paie n'étant pas versés aux débats, le calcul a été effectué sur la base d'un taux horaire de 38,46 € (70.000 € /12/151,67) ; la somme due s'élève à 18.164,55 € bruts ;
- année 2014 : taux horaire normal retenu : 39,81 € et déduction de la période de congé d'été ; la somme due s'élève à 7.962,90 € bruts.
La société DLA Piper France LLP sera condamnée à payer à Madame [R] ces sommes ainsi que les congés payés afférents, la décision déférée étant réformée de ce chef.
Sur la demande d'annulation des avertissements
Madame [R] a fait l'objet de deux avertissements :
- le 29 mai 2015 pour des dysfonctionnements professionnels : absence de diffusion d'un ordre du jour d'une réunion prévue le 22 mai 2015, omission de se proposer pour rédiger le compte-rendu de cette réunion, retard puis refus de participer à la réunion en demeurant fixée sur son ordinateur, réponse provocatrice à sa responsable, enfin, après le départ de sa responsable, suspension immédiate de la réunion sans avoir abordé les points restant à l'ordre du jour ;
- le 21 juillet 2015 pour des méthodes de management instaurant une ambiance délétère pesante dénoncée par ses collaborateurs (Monsieur [J] et Madame [T]).
Aux termes des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le premier avertissement vise des faits que la salariée conteste et qui ne reposent que sur les seules allégations de la société DLA Piper France LLP non suffisamment étayées par le seul mail de Madame [X] demandant à Madame [R] de fermer son ordinateur pendant cette réunion.
Il ne peut donc être considéré que ces faits sont établis. Cet avertissement sera annulé.
Quant au second avertissement, d'une part, Madame [R] invoque le caractère irrégulier de la procédure suivie au motif qu'elle a été convoquée à l'entretien préalable à cette sanction par courriel et non par lettre recommandée avec avis de réception et que ce courriel ne précisait pas le lieu de l'entretien.
Cette irrégularité ne saurait conduire à elle seule à l'annulation de la sanction dès lors que la formalité de l'entretien préalable n'est pas obligatoire pour un avertissement et qu'au surplus, Madame [R] a accusé réception de sa convocation, précisant d'ailleurs qu'elle serait assistée par un représentant du personnel et qu'elle a été dûment entendue en ses explications par l'employeur.
D'autre part, Madame [R] fait observer que les courriels adressés par les deux salariés se plaignant de son management sont postérieurs à l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable.
Force est de constater que les courriels que la société DLA Piper France LLP verse aux débats pour justifier la sanction notifiée à la salariée sont datés du 2 juillet 2015 pour Monsieur [J] et du 10 juillet 2015 pour Madame [T] et sont donc postérieurs à la convocation à entretien préalable adressée le 30 juin. Si pour Madame [T], il est même fait état d'une démission, aucune pièce ne vient justifier celle-ci, le mail du 10 juillet n'en faisant pas mention et, si Monsieur [J] fait référence à un courriel antérieur adressé à [W] [M], ce document n'est pas versé aux débats.
Compte tenu de ces éléments, le second avertissement reposant sur des faits insuffisamment établis sera également annulé.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat
En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.
La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Au soutien de sa demande, Madame [R] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination en raison de sa situation de famille ou de son état de grossesse et que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité ainsi qu'à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
Sur le harcèlement
Madame [R] soutient qu'à son retour de son congé de maternité, elle a subi une dégradation de ses conditions de travail qu'elle qualifie de harcèlement moral.
Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Au soutien de ses prétentions, Madame [R] invoque les faits suivants :
- le retrait de ses fonctions d'encadrement et de management,
- une mise à l'écart dans ses attributions,
- des propos humiliants et vexatoires auxquels ont participé les avertissements injustifiés dont elle a fait l'objet ;
- l'altération de sa santé mentale et physique résultant de ses arrêts de travail.
Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment :
- un mail de [W] [M] annonçant le 13 octobre 2014 la réorganisation du cabinet et l'attribution à [V] [X] de la responsabilité de la fonction Business Development ainsi que la supervision du marketing ;
- un mail de [W] [M] du 3 novembre 2014 faisant état du déménagement à venir dans des nouveaux locaux avec doublement des dimensions du cabinet parisien ;
- un échange de mails entre elle-même et Madame [X] début décembre 2014 sur la nouvelle organisation proposée ;
- un mail de [W] [M], daté du 11 mars 2015, lui annonçant, après son retour de congé de maternité du 3 mars 2015, qu'elle est désormais rattachée hiérarchiquement à [V] [X] et non plus directement à lui ;
- un échange de mails avec [W] [M] au sujet d'une réunion du 22 mai 2015 à, laquelle elle n'a pas été conviée ;
- son entretien annuel d'évaluation du 27 avril 2015 dans lequel Madame [R] fait part de plusieurs des doléances reprises dans le cadre du présent litige quant à la modification de ses fonctions, la diminution de ses responsabilités et sa mise à l'écart, ainsi que sa localisation nouvelle dans un bureau partagé ;
- un échange de mails daté du 10 mars 2015 au sujet de ses difficultés d'accès à certains formulaires de performance des membres de son équipe, accès qui, selon ses dires, ne lui auraient été restitués qu'une fois que le processus d'évaluation de ses subordonnés (Monsieur [J] et Madame [T]) a été terminé sans qu'elle n'y soit associée ;
- un échange de mails avec [V] [X] où Madame [R] se plaint d'avoir été 'mise à l'écart au cours d'une réunion du 26 mai 2015" ;
- les courriers de contestation des avertissements dont Madame [R] a été l'objet ;
- un courriel adressé par une candidate au recrutement en qualité de coordinateur marketing à Madame [X] le 1er juillet 2015 ;
- un courriel adressé par Madame [R] le 8 juillet 2015 à [W] [M] où elle évoque des reproches que celui-ci lui aurait fait publiquement à propos de la qualité de son travail quant à un communiqué de presse relatif à [U] [P] ;
- un échange de mails courant mars et avril 2015 relatif au nouvel espace de travail qui lui est attribué ;
- son dépôt de plainte pour harcèlement et discrimination (pièce 69 - courrier en anglais du 10 juillet 2015) sollicitant une enquête sur les faits dont elle s'estime victime.
Pour la plupart, les faits dénoncés par Madame [R], et notamment la modification de ses tâches et responsabilités ainsi que les propos humiliants dont elle aurait été victime, ne reposent que sur ses seules allégations reproduites dans les nombreux courriels ou courriers adressés à son employeur.
La cour relève que la seule création d'un échelon hiérarchique intermédiaire, qui ressort du pouvoir de direction de l'employeur, ne peut en soi être assimilée à une modification du contrat ni a fortiori à un acte de harcèlement, d'autant que la réorganisation critiquée par Madame [R] reposait sur un accroissement objectif et non contesté des services parisiens de la société.
Ce nouveau rattachement hiérarchique, s'il entraînait nécessairement un changement des relations et modalités de reporting auxquelles était soumise la salariée, se justifiait, au vu des pièces produites, par l'ampleur opérationnelle prise par le cabinet parisien et ne peut caractériser des agissements de harcèlement d'autant que l'examen du nouvel organigramme résultant de cette réorganisation révèle que l'ensemble des chefs de service étaient soumis à la supervision d'un 'senior marketing coordinator'.
Si effectivement, Madame [R], par l'effet de cette nouvelle organisation, relevait d'un échelon hiérarchique supplémentaire, il ne peut en être déduit la diminution de ses fonctions ou responsabilités qu'elle allègue.
En particulier, il ressort des pièces qu'elle produit que d'une part, elle a été associée au recrutement de nouveaux membres de l'équipe marketing en janvier 2015.
D'autre part, un échange de mails entre Madame [R] et Madame [X] (5 mars 2015) démontre que celle-ci l'associait aux orientations du service, Madame [R] étant notamment chargée de l'élaboration du budget.
Par ailleurs, s'il résulte d'un mail adressé le 10 mars 2015 par le service des ressources humaines, que pendant le congé maternité de Madame [R], les paramétrages des performances avaient été basculés sur Madame [X], le message précise que le système a été modifié afin de permettre à Madame [R] d'y accéder à nouveau et il n'est en aucune manière établi, comme celle-ci l'affirme, que cette impossibilité d'accès a perduré.
Concernant l'évaluation des membres de son équipe, il ne peut être considéré comme anormal que son nouveau supérieur hiérarchique y ait directement procédé dès lors que pour la période évaluée, elle n'avait été présente que moins de 4 mois outre que le mail adressé par Madame [X] à Madame [R] le 11 mars 2015 démontre qu'il est prévu que Madame [R] soit associée à la préparation des entretiens.
S'agissant des réunions de service, dans la mesure où son service était supervisé par Madame [X], il ne peut pas plus être considéré que Madame [R] en a été écartée à tort, le mail envoyé le 23 mai 2015 par Monsieur [M] démontrant en outre qu'elle était invitée à la partie de la réunion portant sur son service, Madame [X] confirmant par la suite (courriel du 5 juin) qu'il n'y a pas eu de modification des attributions des membres de son équipe.
De même, le choix de matériel destiné au fonctionnement de son service (sono) ne peut être considéré comme une activité déqualifiante, seul le chef de service disposant du pouvoir de passer une commande sur le budget qui lui est attribué et Madame [R] avait déjà par le passé été amenée par exemple à procéder à des réservations d'hôtels ou de dîners sans que cela ne pose difficultés.
Enfin, s'agissant de son nouveau poste de travail, il ressort des propres écrits de Madame [R] qu'antérieurement au déménagement, elle ne disposait pas plus d'un bureau individuel puisqu'elle partageait son précédent bureau avec une autre personne et Madame [R] ne peut, sans se contredire, se plaindre à la fois d'avoir été privée d'un espace confidentiel dont elle ne disposait pas avant le déménagement, mais aussi d'un éloignement de son équipe dont elle partageait l'espace aux termes de la nouvelle configuration. La société DLA Piper France LLP n'est en outre pas démentie lorsqu'elle indique que plusieurs responsables de service sont dans la même situation du fait de la création d'open space, le mail de Madame [N], manager des ressources humaines du 24 avril 2015 démontrant en outre que l'espace attribué à Madame [R] a fait l'objet, à sa demande, d'un aménagement spécifique.
Il ne subsiste finalement que les avertissements dont Madame [R] a été l'objet en mars et juillet 2015 ; ces seuls faits isolés ne suffisent à caractériser des agissements tels que définis par l'article L. 1152-1 du code du travail.
Par ailleurs, force est de constater que l'employeur, destinataire de ses multiples doléances, a d'une part, répondu de manière précise et circonstanciée à ses courriers et mails, et, d'autre part, a mis en oeuvre une première enquête puis, sur le recours qu'elle a exercé, une seconde enquête, qui n'a révélé aucun fait de harcèlement, les rapports de ces enquêtes versés aux débats par l'employeur (rapport du 13 octobre 2015 puis, suite à l'appel exercé par Madame [R], rapport du 1er décembre 2015) démentant la réalité de l'ensemble des accusations portées par Madame [R].
Quant à l'impact de la situation de harcèlement allégué, force est de relever que les allégations de Madame [R] à ce titre ne sont étayées par aucune pièce médicale probante, l'arrêt de travail du 11 au 26 juin 2015 produit évoquant un 'surmenage professionnel' sans autre justificatif et alors même, que pour cette période, aucune réclamation au titre d'un dépassement d'horaires n'est présentée.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que les faits présentés par Madame [R] sont, pour la plupart, non établis et, pour les autres, justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
Sur la discrimination, sur le manquement aux obligations de sécurité et d'exécution de bonne foi du contrat de travail
L'argumentation de Madame [R] sur ces différents manquements reposent sur les mêmes faits que ceux invoqués à l'appui du harcèlement que la cour a considéré comme non établis.
Madame [R] sera donc déboutée de ses demandes à ce titre.
Les manquements invoqués par Madame [R] pour justifier sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail n'étant pas démontrés, Madame [R] a, à juste titre été déboutée de cette prétention et des demandes subséquentes en découlant.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Le contrat de travail étant toujours en cours, Madame [R] sera déboutée de sa demande à ce titre, l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail n'étant applicable qu'en cas de rupture du contrat.
Sur les autres demandes
Les dépens seront mis à la charge de la société, condamnée au paiement des heures supplémentaires effectuées et il sera alloué à Madame [R] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le jugement déféré.
***
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [R] de ses demandes au titre du harcèlement, de la discrimination, de l'exécution déloyale du contrat, du manquement à l'obligation de sécurité et de résiliation judiciaire de son contrat et lui alloué la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Met hors de cause la société DLA Piper UK LLP,
Annule les avertissements notifiés à Madame [R] les 29 mai et 21 juillet 2015,
Condamne la société DLA Piper France LLP à payer à Madame [R] les sommes de 26.127,45 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2013 et 2014 et de 2.612,74 € bruts au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes,
Déboute Madame [R] du surplus de ses prétentions,
Condamne la société DLA Piper France LLP aux dépens ainsi qu'à payer à Madame [R] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT