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27/09/2017 | FRANCE | N°15/13339

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 27 septembre 2017, 15/13339


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 27 Septembre 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13339



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 décembre 2015 par le conseil de prud'hommes d'AUXERRE - section commerce - RG n° 14/00098





APPELANT

Monsieur [I] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à AUX

ERRE (89000)

représenté par Me Anne MARQUE, avocat au barreau de DIJON







INTIMEE

SAS MMCC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON




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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 27 Septembre 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13339

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 décembre 2015 par le conseil de prud'hommes d'AUXERRE - section commerce - RG n° 14/00098

APPELANT

Monsieur [I] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à AUXERRE (89000)

représenté par Me Anne MARQUE, avocat au barreau de DIJON

INTIMEE

SAS MMCC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [I] [K] a été engagé par la SAS MMCC, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2005, pour y exercer les fonctions de technico-commercial, niveau 6, échelon 2, auprès de la clientèle industrielle du secteur Bourgogne comprenant les départements de la Côte d'or, de la Nièvre, de la Saône et Loire et de l'Yonne, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 1 372.05 €, outre un intéressement, pour une durée mensuelle de travail de 151.67 heures. La relation de travail était régie par la convention collective nationale du commerce de gros.

Le 1er décembre 2008, les parties signaient un nouveau contrat de travail à durée indéterminée aux termes duquel le salarié exerçait ses fonctions de technico-commercial, statut agent de maîtrise, dans les conditions suivantes :

- modification du périmètre de prospection par l'ajout des départements du Doubs, du Jura, de la Haute Saône, du Territoire de Belfort et de la Haute Marne ;

- réduction de la gamme de produits mis en vente à la seule gamme des produits D1 ;

- maintien d'une clause d'objectif libellée en ces termes : «Le présent contrat vous fait obligation d'atteindre un chiffre d'affaires en augmentation de 10.000 € H. T., par mois, à l'issue de 12 mois de début de l'exercice de vos fonctions. il est rappelé qu'à la date de prise de vos fonctions, le chiffre d'affaires H. T. moyen mensuel du secteur et faisant l'objet des produits dudit contrat est de 10 251 € par mois » ;

- rémunération brute mensuelle fixée à 3 500 € outre un intéressement, pour 151.67 heures.

Par avenant au contrat de travail du 1 février 2010, le périmètre de prospection du salarié était étendu aux départements de l'[Localité 3], du Cher et du Loiret.

Le 5 octobre 2012, un avertissement était notifié à M. [I] [K] en ces termes :

« ... Lors de votre entretien individuel du 5 septembre 2011 avec votre direction commerciale, il a été fixé un objectif moyen mensuel de chiffre d'affaires de 17 000 € pour l'exercice social du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012;

Compte tenu du potentiel de votre secteur votre direction commerciale vous avez proposé un objectif moyen mensuel de chiffre d'affaires de 30 000 €.

Pour atteindre votre objectif vous avez identifié des cibles et des actions commerciales à mener.

Hors vous avez réalisé au 30 juin 2012 un chiffre d'affaires moyen mensuel de 14 429 € qui est loin de l'objectif retenu.

Nous vous demandons plus d'implication dans la réalisation de vos fonctions et vous accordons un délai supplémentaire de 3 mois pour réaliser cet objectif .

Vous considérez ce courrier comme un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel...».

Le 15 février 2013, un second avertissement était notifié au salarié en ces termes :

«.... Nous sommes au regret d'avoir à constater que vous avez réalisé au 13 janvier 2013 un chiffre d'affaires moyen mensuel de 15 667 € qui est loin de l'objectif de 17 000 € et qui ramené sur 12 mois représente une non- réalisation de chiffre d'affaires de 15 996 €.

Nous vous rappelons que compte tenu des cibles et actions commerciales identifiées vous avez validé cet objectif, ce qui nous amène à vous adresser un deuxième et dernier avertissement qui sera versé à votre dossier personnel.

Nous vous demandons désormais de tout mettre en 'uvre pour atteindre votre objectif mensuel moyen de chiffre d'affaires, à défaut, nous serons malheureusement tenu de devoir envisager de mettre un terme à notre collaboration.

Nous vous rappelons que vous avez renégocié lors de votre entretien annuel avec votre direction commerciale un objectif moyen mensuel de chiffre d'affaires de 20.000 € pour l'exercice en cours qui clôture au 30 juin 2013, qui reste sur votre secteur largement inférieur à la réalité du marché».

Par lettre recommandée du 5 juillet 2013, la société MMCC a convoqué M. [I] [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 juillet 2013.

Un licenciement a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 24 juillet 2013, rédigé en ces termes :

« ...  Les explications recueillies auprès de vous lors de cet entretien n'ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet, et nous sommes donc au regret de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle, caractérisée par un manque de développement de votre portefeuille client et de votre chiffre d'affaires, ne vous permettant pas d'atteindre vos objectifs' contractuels en terme de chiffre d'affaires et un manque d'implication dans l'exercice de votre fonction.

En effet dans le cadre de la mise en 'uvre d'une démarche qualité nous avons mis en place des entretiens individuels avec votre direction commerciale permettant de faire un point sur votre activité et de fixer vos objectifs moyens mensuels de chiffre d' affaires et d'attirer votre attention sur les qualités à démontrer désormais afin d'être en mesure d'atteindre les objectifs fixés.

Pour l'exercice social s'étalant du 1er juillet 2011 au 30 juillet 2012, vous avez retenu un objectif de chiffre d'affaires moyen mensuel de 17 000 € compte tenu des cibles et des actions commerciales que vous deviez mener.

Cet objectif n 'ayant pas été atteint au 30 juin 2012 vous avez reçu un avertissement le 5 octobre 2012 dans lequel nous vous donnions un délai supplémentaire de 3 mois pour réaliser votre objectif.

Au 13 janvier 2013 votre objectif n'étant toujours pas atteint, vous avez reçu un nouvel avertissement le 15 février 2013 dans lequel nous vous demandions de tout mettre en 'uvre pour atteindre vos objectifs en vous rappelant, compte tenu de vos nouvelles cibles et actions commerciales que vous aviez retenu un chiffre d'affaires moyen mensuel de 20 000 € pour l'exercice qui clôture au 30juin 2013.

Or, vous avez réalisé au 30 juin 2013 un chiffre d'affaires moyen mensuel de 16 430 € qui est très éloigné de l'objectif retenu et qui, ramené sur 12 mois, représente une non réalisation cumulée de chiffre d'affaires de 42 840 €.

Nous avons analysé sur la période du 1er janvier au 30 juin 2013 vos rapports d'activité pour lesquels il a fallu vous relancer pour que vous enregistriez vos actions commerciales informatiquement.

Nous regrettons tout d'abord qu'il ait fallu vous relancer à plusieurs reprises pour utiliser un tel outil de travail qui est pourtant indispensable à l'exercice de votre activité commerciale.

En outre nous y avons constaté que :

L'essentiel de vos déplacements se situe dans les départements 21, 58 et 89 limitrophes de votre domicile, alors que votre secteur comprend la Franche Comté (départements 25/39/70/90, la Champagne (10/52) et le Centre (18/45).

De nombreux départements à forts potentiels ne sont quasiment pas prospectés, comme le département du Doubs (25) ou le Cher (18).

Or et comme vous le savez, la prospection est la seule piste permettant ale développer votre portefeuille client et ne peut être effective que par une présence efficace et régulière sur le terrain. La technicité de nos produits et les préconisations a apporter aux clients nécessitent en effet des visites en prospection et en clientèle afin de pouvoir garantir le succès des actions commerciales engagées.

De plus vos actions commerciales ont été principalement axées sur un seul produit de la gamme pour le sciage du bois (Biosane F5), alors que notre gamme comprend d'autres axes de fort développement comme les aérosols sur marchés utilisateurs.

Lors de votre dernier entretien individuel du 5 septembre 2012, vous aviez pourtant indiqué à votre direction commerciale des pistes pour développer votre chiffre d'affaires :

- Prospection de marches utilisateurs : vous avez comme indiqué ci- dessus privilégié le sciage du bois au détriment de votre c'ur de métier qui sont les produits de maintenance (aérosols, graisse, solvants),

- Le développement des départements de 18/45/25 était votre objectif mais en fait ils ont été très peu travaillés,

- La recherche de nouveaux distributeurs dans les départements 39 et 90 s'est révélée infructueuse,

- Le client BOUTILLON, un de vos plus gros clients n'a pas augmenté significativement son chiffre d'affaires, + 436 € par mois de progression sur le dernier exercice au 30 juin 2013,

- Enfin la stratégie de développement basée sur des ventes spots par quantité à des distributeurs prospects n'a pas été menée, par exemple tarif spéci'que pour 504 aérosols.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments qui démontrent votre manque d'implication dans l'exercice de votre fonction et le fait que vous ne souhaitez pas mettre en 'uvre nos directives, nous nous voyons contraints de devoir vous licencier pour cause réelle et sérieuse.

Votre préavis de deux mois que nous vous dispensons d'effectuer débutera à la date de présentation de cette lettre estimée au 26 juillet 2013 '».

L'entreprise employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [I] [K] a saisi, le 21 mars 2014, le conseil de prud'hommes d'Auxerre, lequel, par jugement rendu en formation de départage le 1er décembre 2015, a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclaré irrecevable sa demande de dommages et intérêts au titre de sa participation financière pour l'utilisation personnelle du véhicule de société, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné it n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et M. [I] [K] aux dépens.

Le 23 décembre 2015, M. [I] [K] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 16 mai 2017 et soutenues oralement, M. [I] [K] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement notifié le 24 juillet 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société MMCC à lui verser les sommes suivantes :

- 72 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 13 750 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 16 mai 2017 et soutenues oralement, la société MMCC sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de toutes les demandes de M. [I] [K] et la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

1/ Sur l'exécution fautive du contrat de travail

M. [I] [K] forme une nouvelle demande en indemnisation de 13 750 € pour inexécution fautive par l'employeur du contrat de travail.

* En premier lieu il reproche à la société MMCC d'avoir imposé à l'ensemble des commerciaux, à compter du 1er janvier 2007, une participation financière pour l'utilisation à titre personnel du véhicule de société alors même qu'il n'utilisait ce véhicule que pour les besoins de son activité professionnelle et que suite à la contestation des salariés, dont lui-même, l'employeur a cessé de prélever cette participation injustifiée à compter du mois de juin 2008. Il réclame à ce titre la somme de 1 750 € à titre d'indemnisation égale au préjudice qu'il a subi.

La société MMCC fait valoir qu'afin de tenir compte de ce que M. [I] [K] utilisait cinq jours par semaine son véhicule à des fins professionnelles, elle a procédé à une évaluation de cet avantage en nature en retenant une utilisation personnelle à hauteur de 2/7, que c'est à compter de la date à laquelle le salarié a certifié de ne pas utiliser ce véhicule mis à sa disposition à des fins personnelles, soit le 1er juin 2008, que la société MMCC a cessé de cotiser pour son compte au titre d'un avantage en nature, que le salarié doit donc être débouté de ce chef de demande, et ce d'autant que sa demande est prescrite conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Sous le couvert d'une réclamation indemnitaire, M. [I] [K] demande paiement d'une créance salariale, comme il le précise lui-même dans ses conclusions indiquant qu'il sollicite un « rappel de salaire ... en lien avec l'utilisation du véhicule de société ». Cette créance salariale portant sur la période du 1er janvier 2007 au mois de mai 2008 inclus, l'action en paiement du salarié est prescrite, conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail fixant à trois ans la prescription de l'action en paiement ou en répétition du salaire, dès lors qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 21 mars 2014.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable ce chef de demande.

* En second lieu M. [I] [K] soutient pour la première fois en cause d'appel qu'il aurait du bénéficier du statut de VRP, ce qui lui aurait permis de prétendre à une indemnité de clientèle, en application de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975. Il fait valoir également qu'à défaut d'application de cet accord, ce n'était pas la convention collective de commerce de gros qui devait s'appliquer mais celle des industries chimiques, plus favorable que la première.

La société MMCC fait valoir que le salarié ne remplissait pas les conditions cumulatives énumérées par l'article L. 7311-3 du code du travail pour bénéficier du statut des VRP. Elle affirme par ailleurs qu'elle est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros de produits chimiques et qu'elle ne fabrique pas les produits qu'elle commercialise, de sorte qu'elle relève bien de la convention collective du commerce de gros.

M. [I] [K] a été engagé en qualité de technico-commercial ; il bénéficiait en dernier lieu du statut d'agent de maîtrise et non de celui de cadre et il exerçait ses fonctions sous un lien de subordination directe avec le directeur commercial auquel il devait rendre compte de son travail de prospection auprès des clients dont la liste lui était fournie par l'entreprise ; le salarié n'était pas soumis à une convention de forfait en jours mais à une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

Pour bénéficier du statut professionnel, le représentant doit répondre aux conditions énumérées par l'article L. 7311-3 du code du travail qui sont les suivantes :

- exercice de la représentation (prospection en vue de prendre des commandes et transmission des ordres),

- exercice exclusif et constant,

- absence d'opérations commerciales , l'engagement peut être écrit ou verbal,

- vente ou achat de produits ou services,

- existence d'un secteur,

- rémunération fixée à l'avance.

En l'occurrence, M. [I] [K] qui exerçait seulement une activité de prospection et de prise de commandes, n'était pas pleinement autonome dans la mesure où il lui appartenait de se soumettre a une organisation hebdomadaire de planning mise en place par l'employeur, de sorte qu'il ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut de VRP. IL ne pouvait en conséquence prétendre à l'application à son égard de l'accord de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975.

Par ailleurs la société MMCC, qui appartient au groupe TEC INVESTISSEMENTS, justifie qu'elle a pour activité le commerce de gros de produits chimiques qu'elle achète à une autre société du groupe, la société TEC INDUSTRIES. Il en résulte que la société MMCC relève bien de la convention collective du commerce de gros.

* En troisième lieu le salarié soutient pour la première fois en cause d'appel que l'activité de la société MMCC relève des dispositions de l'article R. 4412-1 du code du travail relatif à la prévention du risque chimique et qu'il aurait du bénéficier des mesures de prévention et protection du risque chimique, d'un suivi médical renforcé et à tout le moins de la visite médicale à l'embauche.

L'article R. 4412-2 du code du travail précise le champ d'application de la protection médicale renforcée concernant la prévention des risques chimiques, en ces termes :

- 1° Activité impliquant des agents chimiques, tout travail dans lequel des agents chimiques sont utilisés ou destinés à être utilisés dans tout processus, y compris la production, la manutention, le stockage, le transport, l'élimination et le traitement, ou au cours duquel de tels agents sont produits ,

2° Agent chimique, tout élément ou composé chimique, soit en l'état, soit au sein d'un mélange, tel qu'il se présente à l'état naturel ou tel qu'il est produit, utilisé ou libéré, notamment sous forme de déchet, du fait d'une activité professionnelle, qu'il soit ou non produit intentionnellement et qu'il soit ou non mis sur le marché ».

En l'occurrence, la relation contractuelle de travail était soumise aux dispositions de la convention collective du commerce de gros.

Les courriels versés aux débats par le salarié concernent des problèmes d'allergie rencontrés par les opérateurs et les utilisateurs des produits commercialisés par M. [I] [K], lequel exerçait des fonctions de technico-commercial au sein de l'entreprise et ne justifie pas qu'il remplissait les conditions précitées pour bénéficier d'une protection médicale renforcée.

Enfin s'il n'est pas contesté que le salarié n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche, il convient de relever que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice résultant de cette absence d'examen médial initial, et ce d'autant qu'il a fait l'objet d'un suivi médical régulier dont la dernière visite médicale périodique du 29 mars 2011, au cours de laquelle il a été déclaré apte à exercer ses fonctions, la visite suivante étant prévue en 2013.

En conséquence M. [I] [K] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits matériellement vérifiables.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié une insuffisance de résultats caractérisée par un manque de développement de son portefeuille clients et du chiffre d'affaires, ne lui permettant pas d'atteindre les objectifs contractuels impartis, ainsi qu'un manque d'implication dans l'exercice de ses fonctions et un refus de mettre en 'uvre les directives.

Le salarié, pour sa part, rappelle qu'il a déjà été sanctionné pour la non-réalisation des objectifs sur les exercices 2011/2012 et 2012/2013 par les avertissements notifiés les 5 octobre 2012 et 15 février 2013, ainsi que pour le défaut de saisine informatique des visites par le courriel du 29 mai 2013 et qu'en l'absence de réitération de fait fautif non invoqué dans la lettre de rupture, il ne peut être, de nouveau, sanctionné.

Toutefois, aux termes des deux avertissements notifiés les 5 octobre 2012 et 15 février 2013, la société MMCC a mis en demeure M. [I] [K] d'atteindre les objectifs contractuels et la lettre de rupture prend en compte l'activité du salarié au 30 juin 2013, en constatant le non-respect des objectifs à cette date, de sorte qu'elle peut se prévaloir d'une insuffisance professionnelle de l'intéressé pour une période postérieure à l'avertissement du 15 février 2013.

Il convient de reprendre chacun des griefs reprochés au salarié, en les analysant au vu des observations précitées.

a) La non-atteinte des objectifs contractuels

La société MMCC reproche à M. [I] [K] de ne pas avoir atteint les objectifs contractuels impartis, faute par l'intéressé d'avoir développé son portefeuille clients en s'abstenant de prospecter sur des départements à forts potentiel et en ne promouvant qu'un seul produit de la gamme, le Biosone F5, au détriment des autres.

Le salarié insiste sur le caractère irréaliste des objectifs imposés par la direction commerciale pour l'ensemble des secteurs géographiques, à l'exception de la région Alsace Lorraine, compte tenu des moyens mis à disposition par l'entreprise et de la mise en place du réseau I-BIOTEC permettant la commercialisation sur internet de produits similaires destinés aux industriels.

Si le non respect d'objectifs peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, encore faut-il que de tels objectifs aient été assignés au salarié pour que l'employeur puisse légitimement lui reprocher de ne pas les avoir réalisés, ces objectifs devant, en outre, être réalistes et le salarié doté des moyens nécessaires à leur réalisation.

Par ailleurs, le non respect des objectifs ou l'insuffisance de résultats doit résulter d'éléments concrets, permettant notamment, la comparaison avec les résultats obtenus par d'autres salariés placés dans une situation identique et être imputables personnellement au salarié et non à une situation conjoncturelle difficile.

En l'espèce, M. [I] [K] qui exerçait ses fonctions de technico-commercial dans quatre départements, s'est vu confier neuf autres, soit au total 12 départements à compter du 1er février 2010.

Lors de son entretien individuel force de vente du 29 septembre 2011, le salarié a réclamé une formation de base en chimie organique, en l'absence de formation depuis son intégration dans l'entreprise, ainsi qu'une meilleure disponibilité du soutien technique, en insistant sur la nécessité de raccourcir les délais de livraison sur les produits en rupture ; il a, également, contesté l'objectif de 30 000 € par mois pour l'exercice 2011/2012, en proposant celui de 17 000 € qui a été validé.

Lors de son entretien individuel force de vente du 5 septembre 2012, le salarié a réitéré sa demande de soutien technique, en l'absence de moyens sur négociation et référencement, en insistant sur la nécessité de bénéficier d'un soutien commercial sur les nouveaux marchés ; il a , également, contesté l'objectif de 30 000 € par mois pour l'exercice 2012/2013, en proposant celui de 20 000 € qui a été validé.

La société MMCC ne justifie pas avoir satisfait à ces demandes de formation et d'avoir ainsi respecté son obligation d'adaptation et de formation, peu important les fonctions formateur précédemment exercées par le salarié dans une entreprise concurrente, dès lors que l'intéressé a demandé à bénéficier d'une formation de base en chimie organique, en soulignant l'absence de moyen logistique de la structure.

La cour constate que l'annexe produite par la société MMCC dans son courrier du 9 novembre 2010 mentionne une situation largement déficitaire pour l'ensemble des régions, à l'exception de l'Alsace-Lorraine, et que les objectifs impartis ne sont pas atteints, le résultat net du salarié étant de -50.28%, tandis que celui de la région Midi Pyrénées était de -145.26 %, celui de la région Aquitaine de -198.43%, celui de Nord Picardie de ' 10.67%, celui de la région Auvergne-Centre de - 159.05% et celui des grands comptes de -419.92%.

L'examen des données chiffrées de l'activité de M. [I] [K] révèle que celui-ci a fait évoluer le chiffre annuel de son secteur de 121 000 € en 2008 dans les proportions suivantes :

- exercice 2010 : 155 158.57 €

- exercice 2011 : 174 898.18 €

- exercice 2012 : 197 159.08 €

La cour relève, en outre, que l'extension du périmètre de prospection confié à M. [I] [K] est concomitante à la décision du président de la société MMCC , M. [R] [N], de nommer M. [U] [J] en qualité de responsable qualité en vue d'obtenir une certification ISO 9000 en mars 2011, à la limitation de la gamme des produits à la gamme D1, à la mise en place d'un système de vente sur internet de produits iBiotec ainsi qu'à la disparition d'une partie importante de la force de vente de l'entreprise ainsi que le confirme le registre du personnel versé aux débats .

Dans son attestation, M. [M] [R], ancien directeur régional Sud Est, précise que «..... Le secteurs des commerciaux ont été redistribués sans que ces derniers puissent réellement discuter leurs nouvelles attributions et les objectifs. Les commerciaux ont été, via cette organisation, privés du fruit de leur travail réalisé sur le terrain depuis 2 ans sur le marché des bitumes. Les clients ont été repris par une autre société du groupe VEGETAL BIOTEC.

cette réorganisation , les nouvelles attributions, les objectifs fixés» non négociés» par la direction , ont mis , à mon sens , en situation d'échec des commerciaux qui étaient avant en situation de réussite. M. [I] [K] en est un exemple».

Ces déclarations ne sont pas utilement remises en cause par l'employeur qui s'abstient de produire le moindre organigramme de la société quant à la répartition des périmètres de prospection et qui ne justifie d'ailleurs pas du remplacement de son salarié, ni des résultats commerciaux obtenus.

Par ailleurs, l'examen des fiches sur internet concernant les produits iBiotec révèle que ceux-ci sont conçus, fabriqués et réalisés par la société MMCC, filiale du groupe TEC INVESTISSEMENTS, implantée sur le site de production de [Localité 4] et que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les produits commercialisés sur le réseau internet sont identiques à ceux dont la vente était confiée à M. [I] [K] et qui sont fabriqués par la société TEC INDUSTRIES, filiale du même groupe.

Les industriels sont invités à télécharger cette documentation qui précise que la totalité des produits est en stock, qu'il est possible d'effectuer des remises sans délai, qu'iBiotec peut délivrer un certificat de conformité des produits avec un certificat d'analyse et qu'elle assure la traçabilité sur 100% des lots avec conservation des données sur 10 ans. Elle indique par ailleurs la faculté de vendre les produits à la marque des distributeurs ou des constructeurs à partir de 504 unités.

Dans ces circonstances, le salarié qui était chargé de commercialiser ces mêmes produits aux industriels mais à des conditions moins avantageuses, ne peut se voir reprocher de pas avoir suffisamment prospecté sur des départements à fort potentiel, la preuve n'étant en outre pas rapportée que M. [I] [K] promouvait le Biosone F5 au détriment des autres produits, ainsi que le démontrent les tableaux récapitulant les diverses ventes effectuées par le salarié.

Il en résulte que la non -atteinte des objectifs par le salarié n'est pas imputable à ce dernier, mais à une conjoncture difficile ainsi que l'admet l'entreprise dans un courrier du 9 novembre 2010, à la mise place d'une nouvelle organisation de l'entreprise et au lancement d'un système de vente concurrente des mêmes produits aux industriels par le biais du réseau internet.

b) Le manque d'implication dans l'exercice des fonctions et le refus de mettre en 'uvre les directives

La société MMCC reproche également à M. [I] [K] un manque d'implication et un refus de mettre en 'uvre les directives.

Le grief relatif au manque d'implication du salarié formulé en termes vagues et généraux n'est pas suffisamment caractérisé pour constituer un motif de rupture.

L'employeur affirme que le salarié refuse de mettre en 'uvre les directives.

En l'espèce, l'intéressé s'est vu rappeler à l'ordre par M. [U] [J] aux termes de courriels des 28 et 29 mai 2013 quant à la nécessité de saisir les comptes-rendus de visite aux clients en vue de l'obtention de la future qualification TS.

Ce courriel qui concerne également, un autre salarié, M. [T], n'établit pas le grief invoqué dès lors que l'employeur ne démontre pas le refus de M. [I] [K] de mettre en 'uvre ces directives.

En l'état des explications et des pièces fournies, les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, de sorte qu'infirmant le jugement entrepris, il convient de dire le licenciement sans cause et sérieuse.

3/ Sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à dix salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute versée à M. [I] [K], soit 4 000 €, de son ancienneté de plus de huit années et son âge, soit 54 ans, à la date de la rupture, enfin des conséquences du licenciement à son égard, en particulier de la période de chômage de plus de 24 mois qui a suivi la rupture, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3, du code du travail, une somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'application de l'article L. 1235-3 du code du travail appelle celle de L. 1235-4 du même code, de sorte que la société MMCC sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [I] [K], dans la limite de six mois.

4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société MMCC qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en versant à l'intimé une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [K] de sa demande en paiement relative à sa participation financière pour l'utilisation du véhicule de société ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DIT que le licenciement de M. [I] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS MMCC à verser à M. [I] [K] la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS MMCC à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [I] [K], dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la SAS MMCC à verser à M. [I] [K] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la SAS MMCC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/13339
Date de la décision : 27/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/13339 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-27;15.13339 ?
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