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26/09/2017 | FRANCE | N°15/08703

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 26 septembre 2017, 15/08703


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 26 Septembre 2017

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08703



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Août 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section activités diverses RG n° 13/04485





APPELANT

Monsieur [R] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Lo

calité 2]

comparant en personne, assisté de Me Florence FANNI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0218







INTIMEE

SARL LES 3 CHARDONS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 26 Septembre 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08703

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Août 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section activités diverses RG n° 13/04485

APPELANT

Monsieur [R] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Florence FANNI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0218

INTIMEE

SARL LES 3 CHARDONS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Renaud DUBREIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0058

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et prorogé à ce jour

- signé par M.Bruno BLANC, Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[R] [V], né en 1967, bénéficie du statut d'intermittent du spectacle ; il a été engagé par la SARL LES 3 CHARDONS à compter de septembre 1995 comme comédien pour jouer des spectacles pour enfants dans les écoles de la région parisienne et de province, pendant les périodes scolaires.

[R] [V] a signé une série de contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) à temps partiels pour un nombre minimum de représentations, qui ont été complétés de conventions mutuelles conclues pour des périodes de 2/3 mois et de contrats de travail journaliers ; ainsi, pour la période allant du 21.04 au 13.06.2008, une convention mutuelle a été signée avec la SARL LES 3 CHARDONS le04.04.2008 qui était complétée du contrat de travail se référant à cette convention mutuelle, co-signé entre les deux parties chaque jour de représentation et figurant au bas de chaque feuille de route, le salarié étant engagé en qualité d'artiste comédien (petites salles), un bulletin de salaire étant édité à la semaine et récapitulant les prestations et heures travaillées sur la période.

Une convention identique a été réitérée notamment pour la période allant du 16.09 au 18.12.2010.

A partir de 2011, des CDDU ont été régularisés pour des périodes de 2/3 mois, et la convention mutuelle a été supprimée ; ainsi [R] [V] a été engagé par la SARL LES 3 CHARDONS par contrat à durée déterminée d'usage à temps partiel signé le 02.05.2011 et jusqu'au 30.06.2011,'dans la limite maximum de 4 jours par semaine (lundis, mardis, jeudis et vendredis) en fonction des demandes des écoles, et hors période de vacances scolaires' sauf exception, en qualité d' 'artiste comédien (catégorie petites salles), pour assurer, seul, la représentation du spectacle intitulé 'L'Arbre Roux' et éventuellement du spectacle 'Boubam et le TamTam'' ; il était stipulé que le salarié était 'rémunéré à la Prestation (durée de 4 heures) la prestation correspondant à la présentation d'une ou 2 séances consécutives ('double séance') d'un spectacle sur un même lieu' ; il était prévu que pour chaque prestation le salarié recevait une feuille de route.

De nouveaux contrats à durée déterminé d'usage similaire ont été conclus entre les parties pour la période du 14.11.2011 et jusqu'au 18.12.2011, du 04.01 au 22.04.2012, puis du 23.04 au 29.06.2012.

La SARL LES 3 CHARDONS a une activité d'arts du spectacle vivant. L'entreprise est soumise à la convention collective régissant les rapports entre les entrepreneurs de spectacles et les artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques, marionnettistes, de variétés et musiciens en tournée ; elle comprend plus de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [R] [V] s'établit à 1.601,64 €.

Le CPH de Paris a été saisi par [R] [V] le 11.04.2013 en contestation de la rupture du contrat de travail devant être requalifié en contrat à durée indéterminée, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 08.09.2015 par [R] [V] du jugement rendu le 28.08.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Activités Diverses chambre 2 en formation de départage, qui a :

Requalifié les contrats à durée déterminée conclus par les parties entre septembre 1995 et

juin 2012 en contrat à durée indéterminée ayant débuté le 14 septembre 1995 ;

Condamné la société LES 3 CHARDONS à payer à [R] [V] :

- à titre d'indemnité de requalification : 1.601,64 €

- à titre d'indemnité de préavis : 3.203,28 €

- à titre de congés payés afférents : 320,33 €

- à titre d'indemnité légale de licenciement : 6.807 €

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10.000 €

- en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile : 1 000 € ;

Ordonné la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à POLE EMPLOI,

conformes aux dispositions du présent jugement ;

Ordonné le remboursement par la société LES 3 CHARDONS des indemnités de chômage

versées à [R] [V], dans la limite d'un mois d'indemnités ;

Rappelé qu'une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du

Conseil de prud'hommes de Paris au Pôle Emploi ;

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élèvait à la somme de 1601,64 € et rappelle les dispositions de l'article R 1454-28 du Code du travail ;

Débouté [R] [V] du surplus de ses demandes ;

Condamné la société LES 3 CHARDONS aux dépens.

[R] [V] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 28 août 2015 en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de travail successifs conclus à compter du 14 septembre 1995 entre [R] [V] et la société LES 3 CHARDONS,

Y Ajoutant :

- Dire que le contrat de travail était un contrat à durée indéterminée à tems plein,

Infirmer les autres dispositions du jugement,

Et statuant à nouveau :

- Condamner la société LES 3 CHARDONS à payer à [R] [V] les sommes suivantes:

- 128,460 euros à titre de rappel de salaire à temps plein, dont 42,170,21 euros au

titre de l'emploi occupé de «rôle principal» et 19.995 euros à titre de commissions,

- 12.846 euros à titre de rappel de congés payés afférents,

- 8.362 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 836 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis ,

augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- 4.181 euros à titre d'indemnité spécifique à la requalification,

- 71.077 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 18.117,66 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 25.086 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir,

Subsidiàirement, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait que [R] [V] était marionnettiste,

- Condamner la société LES 3 CHARDONS à payer à [R] [V] les sommes suivantes:

- 97.030 euros à titre de rappel de salaire à temps plein, dont 10.160,59 euros au

titre de l'emploi occupé de «marionnettiste et 19.995 euros à titre de commissions,

- 9.703 euros à titre de rappel de congés payés afférents,

- 6.860 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 686 à titre d'indemnités de congés payés sur préavis ;

augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- 3.430 euros à titre d'indemnité spécifique à la requalifîcation,

- 58.310 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 14.863,31 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 20.580 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir,

Dans tous les cas,

- Ordonner la remise des pièces suivantes à [R] [V] :

- certificat de travail établi pour la période du 19 septembre 1995 au 7 août 2012,

- bulletins de salaire conforme pour la période du 7 avril 2008 au 7 août 2012,

- attestation POLE EMPLOI conforme,

sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard et par document,

- Condamner la société LES 3 CHARDONS à verser à [R] [V] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de Procédure civile,

- Condamner la société LES 3 CHARDONS aux entiers dépens.

De son côté, la SARL LES 3 CHARDONS demande de :

$gt; INFIRMER en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 août 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, sauf en celles qui ont débouté [R] [V] de ses demandes de rappels de salaires et de congés afférents,

» Statuant de nouveau :

$gt; DIRE ET JUGER que c'est à bon droit que la société LES TROIS CHARDONS a fait une application volontaire du barème de rémunération « petites salles » prévu par la

Convention Collective,

Subsidiairement :

$gt; DIRE ET JUGER, comme l'ont fait les premiers juges, que l'emploi occupé par

[R] [V] était un emploi « d'Artiste marionnettiste » relevant du barème de rémunération « des Artistes marionnettistes » prévu par la Convention Collective,

En tout état de cause :

$gt; DEBOUTER en conséquence [R] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

$gt; CONDAMNER [R] [V] à rembourser à la société LES TROIS CHARDONS la somme de 9.697,93 euros nets, perçue au titre de l'exécution provisoire,

et ordonner la restitution du bulletin de salaire établi sur la base du jugement,

$gt; CONDAMNER [R] [V] à payer à la société LES TROIS CHARDONS, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'Article 700

du Code de Procédure Civile,

$gt; CONDAMNER [R] [V] aux entiers dépens de l'instance.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 10.05.2017, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) sur la requalification de la série de contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée :

La SARL LES 3 CHARDONS déclare que [R] [V], qui n'était pas embauché à temps plein, ne travaillait pas exclusivement pour l'entreprise, ce qui était rappelé dans la convention mutuelle (article 2), la compagnie s'engageant à fournir un nombre de représentation minimum sur la période considérée hors vacances scolaires et en principe hors mercredi, samedi et dimanche. [R] [V] était indemnisé par Pôle Emploi les jours non travaillés en sa qualité d'intermittent du spectacle s'il ne travaillait pas pour un autre employeur, et son planning était aménagé en fonction de ses autres engagements ce dont il est justifié.

La SARL LES 3 CHARDONS relève que d'une part dans le domaine artistique la règle est le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée l'exception et que d'autre part les artistes liés à cette compagnie et ayant joué le spectacle 'Gallou le Berger' ont réclamé dans une pétition signée le 15.06.2013 de travailler sous contrats à durée déterminée pour ne pas perdre leur statut d'intermittents du spectacle vis à vis de Pôle Emploi ; elle produit également 19 attestations délivrées par des comédiens en ce sens ; enfin, elle constate que le CDDU est expressément prévu par les accords inter-branches des 12.10.1998 et 24.06.2008 applicables aux entreprises de spectacles, conformément à la liste figurant à l'article D 1242-1-6° du code du travail, et conformément aux articles L 1242-2 et L 1244-1 du code du travail. Elle oppose que les dispositions conventionnelles autorisent spécifiquement la conclusion de CDDU aux artistes employés par un même employeur sur une période d'au moins 3 ans si la durée des contrats est inférieure à la barre de 70% de la durée légale du travail, ce seuil ayant été porté en 2008 à 75% sur une période de 2 années, ce qui est le cas de [R] [V] dès lors que celui ci n'a jamais travaillé pour la compagnie plus de 50% de la durée légale de travail entre 2008 et 2012.

Cependant la requalification en CDI de la succession de contrats à durée déterminée d'usage s'impose, même si les conditions relatives au secteur d'activité et au caractère naturellement temporaire de l'emploi sont remplies, lorsque l'employeur ne présente pas d'éléments concrets établissant, dans le cas précis, le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Or la SARL LES 3 CHARDONS reconnaît que [R] [V] a travaillé pour son compte chaque année sur une durée de 17 années, en exécutant des prestations certes tout au long de l'année mais renouvelées et donc différentes d'une année sur l'autre.

Dans ces conditions la SARL LES 3 CHARDONS n'était pas autorisée à recourir à un contrat à durée déterminée pour en réalité pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise qui était constituée par la représentation de spectacles au sein des écoles.

La succession de contrats à durée déterminée d'usage doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée dès l'origine ; une indemnité de requalification doit être versée à concurrence d'un mois de salaire ; le jugement sera confirmé.

2) sur le rappel de salaire :

[R] [V] revendique la requalification de son contrat en contrat à temps plein par application des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail. L'article L 3123-6 impose que le contrat de travail à temps partiel mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée de travail hebdomadaire, mensuelle, plurihebdomadaire ou annuelle prévue.

En l'espèce, les documents contractuels écrits, comprenant la convention mutuelle, le CDDU et le contrat journalier accompagné de la feuille de route, mentionnaient l'emploi de comédien (catégorie petites salles) qui était plus précisément celui de marionnettiste, la période contractuelle, les jours de la semaine travaillés, les conditions de rémunération, le contrat journalier précisant les horaires.

Il ressort des déclarations de revenus produites par le salarié que la SARL LES 3 CHARDONS constituait sont principal sinon unique employeur ; les conditions de ses engagements ne lui permettaient pas de prévoir suffisamment à l'avance à quel rythme il devait travailler et [R] [V] était ainsi tenu de se tenir constamment à sa disposition. Le contrat doit donc être requalifié de contrat à temps plein.

[R] [V] forme en conséquence un rappel de salaire et revendique le statut d''artiste dramatique - rôle principal' dans la grille de classification de la convention collective, dès lors qu'il était seul sur scène et jouait tous les rôles et qu'il ne se limitait pas à manipuler des marionnettes ; il en conclut qu'il aurait dû être rémunéré au cachet et non à la prestation qui était contractuellement convenue.

Pour sa part, la SARL LES 3 CHARDONS estime que le premier juge a avec juste raison décidé que l'emploi rempli par [R] [V] relevait principalement de la manipulation de marionnettes.

En effet, si [R] [V] a été engagé en qualité d' 'artiste comédien catégorie petite salle', et si les bulletins de salaire mentionnent un emploi de comédien avec le statut d'artiste, il a exercé en réalité des fonctions très polyvalentes puisqu'il était seul pour jouer les spectacles tout en assurant la mise en place de la représentation, ce qui comprenait le transport et l'installation du matériel comprenant le décor, la sonorisation et l'éclairage ainsi que le démontage et le rangement... toutes ces tâches ayant été recensées dans les cahiers comédien confiés pour chaque spectacle. [R] [V] dans ces conditions assumait divers rôles et ne pouvait pas être considéré comme un artiste dramatique assurant le rôle principal d'une pièce ; les photographies communiquées par la SARL LES 3 CHARDONS montrent de manière explicite que les spectacles faisaient intervenir principalement des marionnettistes, même si les comédiens intervenaient également comme acteurs et conteurs et aussi comme animateur du groupe d'enfants.

Il n'y a donc pas lieu à rappel de salaire en tant que rôle principal.

[R] [V] réclame à titre subsidiaire un rappel de salaire en sa qualité de marionnettiste puisqu'il aurait pu être rémunéré au cachet. La SARL LES 3 CHARDONS expose qu'elle a choisi de rémunérer ses artistes sur la base du tarif 'petites salles' par simple analogie ; elle relève que le barème fixé par la convention collective n'est qu'indicatif puisque les emplois qui y sont inscrits ne correspondent pas à ceux effectivement remplis, le texte conventionnel n'ayant pas été adapté aux conditions actuelles de réalisation des spectacles vivants ; à titre subsidiaire elle se réfère au tarif 'artiste marionnettiste' fonction principale assurée par les artistes.

La SARL LES 3 CHARDONS fait état notamment de l'accord interbranche conclu le 24.06.2008 qui lui est directement applicable, ainsi qu'il est rappelé dans le Préambule, de même que les dispositions conventionnelles communes, à fin d'éviter des distortions de concurrence et d'améliorer les conditions contractuelles d'emploi dans ce secteur. La conclusion des contrats impose ainsi la mention de la catégorie de l'emploi concerné et la description du travail, ce qui permet un contrôle judiciaire des conditions d'emploi ; par suite, la SARL LES 3 CHARDONS ne peut pas valablement écarter les dispositions conventionnelles en invoquant leur inadéquation à la mission remplie par l'artiste qui était particulièrement polyvalente. Doit donc être appliqué le barême conventionnel concernant les artistes marionnettistes, fonction retenue compte tenu de l'activité principale de l'artiste sur scène, et non pas celui applicable aux petites salles, moins favorable, dès lors que la qualification d'artiste de variété ou d'artiste musicien n'a pas été retenue.

Par ailleurs, le premier juge décide à bon droit que les parties ne pouvaient pas s'accorder sur une rémunération inférieure à celle garantie par les dispositions conventionnelles, ce qui induit qu'en cas de double représentation, la seconde ne pouvait pas être rémunérée à moins de 35 € ; en outre le salaire devait être rémunéré au mois lorsqu'un minimum de 24 représentations étaient données ; il en conclut que la somme perçue par le salarié pour la période s'étant écoulée du 07.04.2008 au 07.06.2012 ayant été supérieure à celle résultant de l'application des dispositions conventionnelles aucun rappel de salaire n'est dû.

Il y a lieu de confirmer la décision rendue qui a rejetée la demande.

3) sur la demande de rappel de commissions :

[R] [V] déclare qu'outre les nombreuses tâches assurées lors des représentations, il devait réaliser la vente des livres et cassetttes audio puis des CDRom des spectacles présentés, ce qui incluait le stockage, le transport, la commande et le recouvrement, activité non rémunérée distinctement. Il produit les feuilles de route de mai 2010 à juin 2012 pour justifier de cette activité et calcule les commissions qui seraient dues au taux de 13% sur le chiffre d'affaires réalisé ; il rappelle les consignes données dans les cahiers comédien en vue de la promotion des ventes, les artistes ne venant pas uniquement livrer les supports ; le contrat prévoyait explicitement cette activité commerciale qui en fin de spectacle ne relevait pas du travail de comédien.

La SARL LES 3 CHARDONS a répliqué que ce travail était inclus dans la prestation fournie par l'artiste sans rémunération spécifique ; elle précise que les livres et CDRom étaient proposés aux parents des élèves avant le spectacle par des plaquettes d'information distribuées dans les écoles, les parents pouvant adresser leur commande à l'école accompagnée d'un chèque préalablement au spectacle, la prestation de l'artiste se limitant donc à la livraison du bien commandé ; les documents contractuels prévoyaient que cette activité était incluse dans la rémunération de l'artiste.

En effet, la convention mutuelle mentionnait comme tâches dont l'acteur avait la responsabilité : la remise à la directrice d'école des livres et CD achetés ainsi qu'un bon de commande et une enveloppe, la tenue d'une comptabilité quotidienne du stock de livres et CD ; le CDDU prévoyait pour l'artiste la remise aux enseignantes des ouvrages qu'elles désiraient acheter, la remise d'un bon de commande et une enveloppe à la directrice et la tenue de la comptabilité ; les contrats conclus pour chaque feuille de route indiquaient une rémunération forfaitaire par contrat-école, incluant nécessairement le travail de restitution des livres/CD vendus ; enfin le cahier comédien précisait que la marge réalisée sur le budget global des livres était comprise dans la prestation payée au comédien.

Il en ressort que l'activité de vente des livres et CDRom était bien comprise dans la rémunération de l'artiste ; la demande de [R] [V] doit être rejetée et le jugement confirmé.

Au vu de la solution donnée il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé, l'intention de l'employeur de contrevenir aux dispositions légales n'étant pas démontrée.

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

La SARL LES 3 CHARDONS a cessé unilatéralement à partir du 07.06.2012 de fournir du travail à son salarié sans respecter la procédure de licenciement ; cette rupture doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement confirmé.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de [R] [V], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la SARL LES 3 CHARDONS sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts une somme portée à 25.000€ outre les indemnités de rupture ainsi qu'il est précisé au dispositif.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Il est fait droit à la demande de remise des documents sociaux comprenant un bulletin de salaire récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire.

Il serait inéquitable que [R] [V] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SARL LES 3 CHARDONS qui succombe même partiellement doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 28.08.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Activités Diverses chambre 2 en formation de départage en ce qu'il a requalifié la série de contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée à compter du 14.09.1995, dit que la rupture constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité de requalification, une indemnité de préavis outre les congés payés afférents, et une indemnité de licenciement outre 1.000€ en vertu de l'article 700 du CPC, avec remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes, et en ce qu'il a ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage à concurrence de un mois, enfin ce ce qu'il a débouté [R] [V] de ses demandes relatives à un rappel de salaire, à un rappel de commissions, à une indemnité pour travail dissimulé ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat de travail de [R] [V] est requalifié de contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;

Condamne la SARL LES 3 CHARDONS à payer à [R] [V] la somme de 25.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Dit que la SARL LES 3 CHARDONS devra transmettre également à [R] [V] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la SARL LES 3 CHARDONS aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [R] [V] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/08703
Date de la décision : 26/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/08703 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-26;15.08703 ?
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