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22/09/2017 | FRANCE | N°14/02734

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 22 septembre 2017, 14/02734


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 22 Septembre 2017

(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02734



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F13/10459





APPELANT

Monsieur [V] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Grégoire BRAVAIS, avocat au barreau de PAR

IS, toque : P43







INTIMEE

SARL LEK CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 405 369 539

représentée par Me Nathalie CAZEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0247 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 22 Septembre 2017

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02734

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F13/10459

APPELANT

Monsieur [V] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Grégoire BRAVAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P43

INTIMEE

SARL LEK CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 405 369 539

représentée par Me Nathalie CAZEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0247 substitué par Me Olivier JAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0247, Me Olivier JAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0247

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie Luce CAVROIS, président

Madame Valérie AMAND, conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente empêchée et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [M] a été embauché par la société LEK CONSULTING en tant qu'analyste débutant pour exercer à compter du 2 octobre 2006 les fonctions « d'analyste », catégorie cadre, position 3.1, coefficient 170 de la Convention Collective Nationale SYNTEC ; le contrat prévoyait que sa durée de travail serait calculée selon les modalités du forfait en jour, le salarié devant travailler 217 jours par an et qu'en contrepartie, il percevrait une rémunération forfaitaire mensuelle égale à 3 583.33 € bruts.

Il a été promu "Analyste Deuxième Année" le 1er septembre 2007, puis a bénéficié d'une promotion au grade d'analyste Consultant au mois de juin 2008 et sa rémunération était élevée à la somme de 5 083.33 € bruts à compter du 1er septembre 2008.

Il a sollicité un congé sans solde - qui lui a été accordé - entre le 5 janvier et le 13 février 2009.

Le 29 avril 2009 il s'est porté candidat aux élections des délégués du personnel organisées au mois de mai 2009 mais n'a pas été élu.

Monsieur [M] a rempli son auto- évaluation le 13 mai 2009.

Le 19 juin, n'ayant aucun retour de l'évaluation REV1, il a relancé son employeur qui lui a répondu que son évaluation était bloquée par son supérieur hiérarchique ; après avoir pris connaissance du document écrit servant d'évaluation, il a constaté que l'employeur lui reprochait de « ne pas chercher à en faire plus (') A mon sens, tu as entièrement les capacités pour régler la MIRE au niveau voulu et sa note finale a été dégradée à 2 ("en dessous des attentes").

Le salarié s'inscrivait à l'Insead dans le dernier trimestre 2009 et était admis pour suivre une scolarité en 2010.

Un entretien était fixé entre M.[H] et le salarié au 9 février 2010 ; si l'initiative et le contenu de cet entretien sont discutés par les parties, il était en tout cas suivi d'un courriel électronique et d'une lettre du même jour du salarié qui indiquait :

« Vous continuez les man'uvres et pressions multiples à mon encontre pour me forcer à quitter l'entreprise. Je suis désormais déterminé à relever vos abus. Trop c'est trop.

Je vous confirme que je dénonce le travail « de nuit » que vous m'avez imposé sans contrepartie (par pression directe et indirecte) depuis 2006, en m'obligeant à effectuer des heures de travail au-delà des limites contractuelles.

Il s'agit de travail dissimulé. Comme je vous l'ai déjà dit, je dénonce votre harcèlement moral à mon encontre sous forme orale et écrite, ainsi que la pression constante que vous me faites subir au mépris de ma santé »

La société répondait le 12 février 2010 à ce courrier en indiquant :

« J'ai été très surpris du contenu de ton message qui évoque le mot de « man'uvres » pour qualifier un entretien qui a eu lieu à ta demande pour évoquer les conditions éventuelles de ton départ de la société, dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

Je te rappelle que tu as demandé à discuter avec nous de ces modalités et que tu as exprimé le désir de quitter la société. C'est donc une initiative qui est venue de toi à l'origine et non de la société LEK. Je ne peux admettre le qualificatif injurieux de man'uvres pour décrire une simple réunion qui avait pour but d'examiner, à ta demande, les conditions éventuelles de ton départ' »

Le 18 février 2010, Monsieur [M] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, motif pris de la nullité de la convention de forfait et du non-paiement de nombreuses heures supplémentaires.

Le 23 février 2010 la société LEK notifiait à Monsieur [M] un avertissement, considérant que les propos tenus dans son courrier du 9 février 2010 étaient fautifs, car "injurieux ".

La société convoquait le salarié 18 mars 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 29 mars 2010 et lui répondait que le départ du dernier délégué du personnel titulaire interviendrait après autorisation de l'inspection du travail, au cours du mois d'avril 2010, et que « nous mettrons bien évidemment en place des élections partielles de délégués du personnel pour le remplacer, ainsi que pour remplacer [D] [Y], ancien délégué suppléant ».

Par ailleurs, elle organisait une visite médicale périodique le 23 mars 2010.

Par lettre recommandée AR datée du 1er avril 2010, la société LEK notifiait au salarié son licenciement pour faute grave en lui reprochant :

« Une attitude agressive et très négative avec les membres du personnel de LEK avec qui vous travaillez » ;

« Une insubordination et un refus d'exécuter les tâches qui vous sont demandées » ;

« Le non-respect des règles de confidentialité et de secret professionnel ».

Par jugement du 18 février 2014, le conseil de prud'hommes de PARIS a condamné la société LEK à verser à Monsieur [M] les sommes suivantes :

- paiement des jours de mise à pied : 406.67 € bruts ;

- congés payés y afférents : 40.66 € bruts ;

- indemnité compensatrice de préavis : 15 250.00 € bruts ;

- congés payés sur préavis : 1 525.00 € bruts ;

- indemnité conventionnelle de licenciement : 5 950.00 € ;

- article 700 du Code de procédure civile.

Il a débouté Monsieur [M] de ses autres demandes.

Monsieur [M] a fait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffier, M. [V] [M] demande à la cour de :

Vu la décision du 23 juin 2010 du Comité européen des droits sociaux

Vu l'article L 3171-4 du Code du Travail.

Vu l'article D 3131-7 du Code du Travail.

Vu les articles L. 8221-5 et L.8223-1 du Code de Travail.

Vu l'article L . 1222-1 du Code du Travail.

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 29 juin 2011 (N° 09-71.107) et l'arrêt du 24 avril 2013

(N° 11-28.398)

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LEK CONSULTING à lui verser les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 15 250.00 € bruts ;

- congés payés sur préavis : 1 525.00 € bruts ;

- indemnité conventionnelle de licenciement : 5 950.00 € ;

- article 700 du Code de procédure civile : 300 €

- L'infirmer pour le surplus et y ajoutant :

- Dire et juger que la convention de forfait annuel en jours prévue par le contrat de travail de Monsieur [M] est nulle et de nul effet ;

- Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

En conséquence :

- Condamner la Société LEK CONSULTING à lui verser, au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 2 octobre 2006 et le 1er avril 2010, la somme de 188 445.00 € bruts ;

- Condamner la Société LEK CONSULTING à lui verser, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures supplémentaires, la somme de 18 844.50 € bruts.

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié le 1er avril 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que la convention de forfait annuel en jours prévue par le contrat de travail de Monsieur [M] est nulle et de nul effet ;

En tout état de cause :

- Condamner la Société LEK CONSULTING à lui verser les sommes suivantes :

- Paiement des jours de mise à pied : 406.67 € bruts ;

- Congés payés y afférents : 40.66 € bruts ;

- Indemnité pour licenciement nul, ou à défaut pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

61 000 € ;

- Indemnité pour travail dissimulé : 30 500 € ;

- Article 700 du Code de procédure civile : 5 000 €.

- Dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Bureau de Conciliation pour ce qui concerne les salaires impayés, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, les congés payés, et à compter du jugement à intervenir pour les autres demandes.

- Condamner la Société LEK CONSULTING en tous les dépens.

Par conclusions visées par le greffier, la société LEK CONSULTING demande à la cour de :

Vu les articles L1222-1, L8221-5 et suivants du code travail ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les stipulations de la convention collective ;

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal

-Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et la demande nullité du forfait en jours , ainsi que la demande de nullité du licenciement

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société LEK CONSULTING de ses demandes et considéré que le licenciement de Monsieur [M] n'était pas intervenu pour cause réelle et sérieuse

- En conséquence, réformant et statuant à nouveau, dire et juger que les demandes de Monsieur [M] ont été faites de mauvaise foi et

- Débouter le salarié de toutes ses demandes fins et conclusions

- Dire n'y avoir lieu à une quelconque condamnation au paiement d'heures supplémentaires et débouter le salarié de toutes ses demandes subséquentes,

- Dire que le licenciement est intervenu pour faute grave et débouter le salarié de toutes ses demandes subséquentes

- Condamner Monsieur [M] à rembourser à LEK tous les montants réglés par l'employeur en exécution de la décision de première instance

- Condamner Monsieur [M] à payer à la société LEK une somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par son attitude déloyale.

- Condamner Monsieur [M] à verser à la société LEK la somme de 4.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. "

MOTIVATION

Sur le rejet de pièces

La société fait valoir avec raison que sur les 173 pièces versées en appel par l'appelant, beaucoup sont agrémentées de commentaires ou de chapeaux explicatifs propres à la défense du salarié, que certaines sont tronquées avec des adresses de destinataires ou d'expéditeurs peu lisibles, qu'elles n'ont pas la même numérotation qu'en première instance et que certaines sont en anglais avec une traduction libre.

Pour autant ces pièces ne sont pas irrecevables et la société intimée a pu les discuter contradictoirement en en contestant le cas échéant la valeur probante.

Le principe du contradictoire a été ainsi respecté et aucune irrecevabilité de ces pièces n'est encourue, la cour devant en apprécier la portée et la valeur probante.

Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat a été justifiée.

En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement querellé , il convient d'examiner les manquements allégués par le salarié à l'appui de cette demande, à savoir le fait de lui avoir imposé une convention de forfait nulle afin de ne pas lui payer les nombreuses supplémentaires réalisées, de lui avoir imposé une charge de travail excessive en ne respectant pas les règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire, en dépassant la durée maximale absolue hebdomadaire (48h) et même la durée moyenne maximale sur 12 semaines et la durée légale quotidienne ; il reproche également à la société LEK CONSULTING de ne pas avoir organisé les visites médicales périodiques obligatoires et de ne pas avoir réalisé les entretiens annuels permettant d'évaluer sa charge de travail.

Sur la demande de nullité de la convention de forfait

Le salarié soutient que la convention de forfait prévue à l'article 6 de son contrat de travail est nulle, par application en particulier de la jurisprudence du 24 avril 2013, qu'il n'était pas éligible au forfait faute de remplir les conditions cumulatives visées dans l'accord collectif du 22 juin 1999 (article 4) et que la société LEK n'a pas appliqué de façon loyale cette clause en ne respectant aucune des prescriptions légales relatives à la durée du travail et destinées à préserver la santé du salarié, qu'il n'a notamment pas bénéficié d'entretiens d'évaluation de sa charge de travail.

La société LEK CONSULTING objecte que le salarié ne peut se prévaloir de la jurisprudence posée par la Cour de cassation postérieure à la rupture de son contrat de travail et que la cour qui doit tenir compte de la situation au jour où elle statue pour prononcer la résiliation judiciaire constatera qu'un accord d'entreprise a été signé le 25 octobre 2013 prévoyant le recours au forfait jours conforme aux prescriptions jurisprudentielles ; elle ajoute que le salarié était éligible au forfait jour au regard de sa classification et de son autonomie, et qu'elle a appliqué loyalement la clause de forfait.

En droit, aux termes de l'article L. 3121-39 du code du travail, « la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ».

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, à défaut, toute clause instituant un forfait jours ne satisfaisant pas à ces exigences visant à préserver la santé et la sécurité des salariés est réputée non écrite, ce qui a pour effet de soumettre le salarié à la durée légale du travail, de 35 heures hebdomadaires.

En l'espèce, contrairement à ce qu'elle indique, la société ne peut se prévaloir de l'accord conclu le 25 octobre 2013 postérieurement au licenciement ; cet accord d'entreprise n'était pas applicable au salarié au moment de son embauche ni pendant la durée du contrat et n'a donc pu régir le fonctionnement de la clause ; la convention individuelle de forfait litigieuse ne vise aucun accord collectif d'entreprise mais seulement la convention collective Syntec et ses annexes ; or l'accord du 22 juin 1999 pris en application de la convention collective prévoyant le recours au forfait annuel applicable au jour de l'embauche ne prévoyait :

- ni l'établissement d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé ;

- ni de suivi régulier par le supérieur hiérarchique du salarié, de l'organisation de son travail et de sa charge de travail ;

- ni la tenue d'un entretien annuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique, au cours duquel doivent être évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité n'est pas davantage prévue ;

- ni de mécanisme propre à garantir le respect des durées maximales du travail, de façon à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Dans ces conditions, les dispositions de cet accord pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

Au surplus, si la société LEK CONSULTING affirme que le salarié bénéficiait d'entretien annuel permettant d'évaluer sa charge de travail, cette allégation n'est assortie d'aucun moyen de preuve.

A cet égard, le planning prévisionnel des jours ou demi-journées travaillées, de ses jours de repos et de ses jours de congés payés que devait établir le salarié ( pièce 51 de l'employeur) ne permet pas de considérer qu'un échange sur le temps de travail s'est instauré, ces plannings étant destinés à évaluer la performance du salarié (pièce 51) tout comme les revues de performances ( pièces 104 39 et 109 du salarié ) sans caractériser un échange sur la charge de travail du salarié ; qu'il en est de même des entretiens d'évaluation qui avaient pour objet d'apprécier les points forts et les points à améliorer du salarié sans vérifier ni échanger sur la charge effective du travail du salarié.

Pour toutes ces raisons, la convention individuelle de forfait est nulle.

Sur les heures supplémentaires et le respect des durées légales de travail

En l'absence de convention de forfait en jours valide, M. [V] [M] était soumis à la durée légale de travail ce qui lui permet, le cas échéant, de solliciter le paiement d'heures supplémentaires.

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du Code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L.3121-22 du même code.

L'heure supplémentaire se définit comme toute période correspondant au travail effectif effectuée par un salarié au delà de la durée légale de travail. Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis sur les horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Les éléments relatifs au temps de travail réel, au-delà de 35h hebdomadaires, doivent être étayés par le salarié et être suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur de fournir aussi des éléments pour nourrir la contradiction.

En l'espèce, pour justifier du bien fondé de sa demande à hauteur de 188 445 €, M. [V] [M] verse aux débats notamment :

- Les tableaux journaliers présentent la charge de travail de Monsieur [M] au quotidien et mentionnant les dépassements aux durées légales de travail pour les années 2006 à 2010 (pièces 112 à 117) ; il expose qu'une journée standard commençait à 9h30 comme demandé dans le welcome pack (pièces 6-4, 100 et 8 ) et se finissait généralement à 20h30 et avec une pause déjeuner d'une heure, soit 10 heures de travail correspondant au maximum légal ; que cette amplitude de travail était très régulièrement dépassée avec des départs à plus de 21 heures ou 22 heures

- de nombreux courriels avec heures d'envoi et de réception, les fichiers modifiés et leur contenu, des fiches de taxis et des factures de commandes de repas et des éléments contextuels ;

Il déduit de l'ensemble de ces éléments :

- l'existence de 112 semaines au cours desquelles la durée maximale de 48 heures de travail hebdomadaire a été dépassée en infraction avec l'article D 3137- 7 du code du travail (pièces 112 à 126 ) sans visites médicales

- que sur une période de 117 semaines consécutives, la durée moyenne de travail hebdomadaire était de 45,4 heures, dépassant les 44 heures hebdomadaires maximales pour 12 semaines consécutives prévues à l'article L3121-36 du code du travail (pièces 124 à 126)

- l'existence de 58 journées où le repos quotidien de 11 heures n'est pas respecté en infraction avec l'article D 3137- 7 du code du travail ( pièces 112 à 126) et en donne 10 exemples entre 2007 et 2009 ( pièces 79-6, 136 et pièce adverse 52)

- l'existence de 11 semaines où le repos hebdomadaire de 35 heures consécutives (24+11) n'est pas respecté et en donne deux exemples le dimanche 25 mai 2008 et le 14 septembre 2008 ( pièces 112 à 126, 75.15, 75.36, 12, 13, 82 à 85, 101 115.- 6 115.10, 92.2 et 92.3 et 83 à 98 )

- 2 semaines avec du travail de nuit (pièces 124 à 126 ).

Les tableaux de synthèse par année récapitulent les sommes réclamées après application des majorations légales (pièce 125) sur la base d'un taux moyen de rémunération horaire après calcul du repos compensateur.

En l'état de ces pièces précises, la société LEK CONSULTING est en mesure d'apporter la contrariété et fait d'ailleurs valoir que le salarié disposait d'une très grande autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il ne fournit pas d'éléments probants des heures réellement effectuées et de l'amplitude de travail qu'il revendique, n'ayant jamais formulé aucune réclamation à ce titre durant la relation contractuelle. La société dénonce diverses incohérences dans les pièces produites, conteste l'amplitude journalière de 10 heures en produisant plusieurs attestations de salariés faisant état d'arrivées tardives de la part du salarié ; subsidiairement elle considère que les calculs opérés sont faux comme étant fondés sur un salaire horaire moyen et non sur un salaire effectif applicable selon la période travaillée et produit un tableau rectifiant ces erreurs .

Au vu des pièces versées de part et d'autre et des explications des parties, la cour observe que :

- l'amplitude systématique de 10 heures pour une journée standard (9h30-20h30) avec 1 heure de pause ne peut être retenue au vu des attestations concordantes de deux collègues de travail de l'appelant qui témoignent de ce que le salarié avait des arrivées le plus souvent vers 9h45 ou 10 heures avec des pauses supérieures à une heure et des départs vers 20 heures (pièces 8, 9 ) ; cette amplitude journalière a été à tort retenue par le salarié lors des nombreuses journées de formation dont la société justifie et qui durent 7 heures.

- l'envoi d'un mail tôt le matin ou en soirée ne signifie pas que le salarié ait travaillé en continu entre l'heure apparente de début de journée et l'envoi du dernier mail.

- les fiches de taxi produites ne suffisent pas à établir la réalité du travail effectif jusqu'à 21 heures puisque l'heure mentionnée est celle de l'arrivée à domicile et que certaines fiches de taxis sont incohérentes avec l'heure de clôture de dossiers informatiques

- que de nombreux horaires tardifs de départ indiqués dans les tableaux produits (5 juin 2008 - 22h10 , 10 juin 2008 ' 22h20, 11 juin 2008 ' 00h06, 3 juillet 2008 ' 22h57, 11 juillet 2008 ' 22h07 , 19 aout 2008 ' 21h56 , 25 aout 2008 ' 21h48 , 26 aout 2008 ' 21h33 , 27 aout 2008 ' 22h22, 28 aout 2008 ' 0h16, 02 septembre 2008 ' 21h44 , 15 septembre 2008 ' 21h29 , 18 septembre 2008 ' 21h30, le 01 octobre 2008 ' 22h03 -02 octobre 2008 ' 22h54 , 23 mars 2009 ' 21h12 , 24 mars 2009 ' 21h12 , 25 mars 2009 - 21h53 , 30 mars 2009 ' 21h21 , 01 avril 2009 ' 21h17 06 avril 2009 - 21h29 06 avril 2009 - 21h55, 15 avril 2009 ' 23h16, 27 avril 2009 ' 22h8 , 29 avril 2009 ' 00h07 18 mai 2009 ' 21h04 25 mai 2009 ' 20h59 27 mai 2009 ' 22h37, 28 mai 2009 ' 21h38 , 06 juillet 2009 - 21h10 , 08 juillet 2009 ' 22h01 , 15 juillet 2009 ' 21h11, 16 juillet 2009 ' 21h07, 01 décembre 2009 ' 21h33 02 décembre 2009 ' 21h13 ) et prétendument justifiés par les notes de repas achetés dans divers établissements proches du domicile du salarié ou éloignés du lieu de travail sont incompatibles avec les horaires de fermeture à 20 h de ces magasins,

- que M. [V] [M] disposait d'une large autonomie dans l'organisation de son travail même s'il devait naturellement inscrire l'exécution de son travail dans le cadre d'un travail d'équipe avec l'encadrement de ses supérieurs.

La cour considère, qu'en dépit de leur volume, les pièces communiquées par le salarié, dont beaucoup présentent des incohérences et ont été modifiées par rapport à celles de première instance pour faire disparaître certaines contradiction sont insuffisantes à établir l'ampleur des heures supplémentaires telle que revendiquée par le salarié qui se fonde sur une amplitude systématique de 10 heures au moins non avérée.

En revanche, sans que cela soit systématique, il est établi que plusieurs missions confiées au salarié exigeaient de quitter le bureau tardivement vers 22 heures comme en atteste son collègue (pièce 10 de l'employeur) et que le salarié était régulièrement sollicité pour des travaux urgents nécessitant une charge de travail importante concentrée sur deux ou trois jours ( pièces 92,7, 92,8, 92.9 et 92.3) qu'il pouvait être amené à exécuter à domicile où il disposait d'une connexion à distance ( pièces 83 à 98 ).

Dans ces conditions, et après analyse des pièces versées, la cour est en mesure de retenir que le salarié a été amené à effectuer des heures supplémentaires à raison de 25,2 heures en 2006, 123,9 heures en 2007, 176,40 heures en 2008, 80,5 heures en 2009, 1,4 heures en 2010, tel que cela s'évince du tableau de l'employeur (pièce 54) qui indique les heures effectivement travaillées chaque semaine par le salarié au regard des missions confiées et des repos pris.

Au vu de ce tableau, il apparait que l'employeur n'a à aucun moment enfreint les règles relatives au respect des durées légales du temps de travail et des repos légaux et que le salarié n'a pas droit à repos compensateur dès lors que le contingent conventionnel annuel n'a pas été dépassé.

Au vu des taux horaires applicables à la date concernée, non discutés par le salarié, la cour condamne la société LEK CONSULTING à payer à M. [V] [M] la somme de 10 952,07 euros au titre des heures supplémentaires effectuées par le salarié pendant l'exécution de son contrat de travail. Il convient d'y ajouter la somme de 1 095, 20 euros au titre des congés payés afférents.

Le salarié doit être débouté du surplus de sa demande ; à cet égard, vainement reproche-t-il à son employeur de ne pas avoir satisfait à sa demande de communication de pièces et ainsi de ne pas avoir communiqué les fiches de taxis des membres de l'équipe de Monsieur [M], la copie exacte du dossier informatique de chaque mission, celle des courriels reçus et envoyés , la comptabilité et facturation des lignes téléphoniques, le rapport officiel du responsable informatique permettant de préciser : les dates, heures, titres des documents et nombre de pages des impressions lancés, les heures de connexion à distance, les taux de recovery des missions auxquelles Monsieur [M] a participé, l'intégralité des timesheet , des notes de repas et le bilans comptables.

Comme le soutient à juste titre la société, au vu d'une attestation circonstanciée du responsable informatique, cette communication était matériellement impossible, puisqu'en 2012 la société a changé de plateforme de messagerie informatique passant de Lotus Notess à Microsoft Exchange, que seuls les courriels des collaborateurs encore présents dans l'entreprise ont été transférés, qu' il n'existe pas de fonction « log » sur les appels entrants ou sortants, que « les dates et heures de connexions, d'ouverture/ fermeture ou impressions des fichiers sont des informations que la société ne conservait pas avant l'année 2012, qu'il en est de même pour l'historique des connexions à distance de telles données ne sont pas archivées par la société qui ne dispose pas davantage des timesheets antérieurs à l'année 2013.

Au surplus, le salarié a lui-même transféré sur sa messagerie personnelle toutes les données qu'il souhaitait en sorte qu'il a pu étayer de manière précise sa demande sous réserve pour la cour d'apprécier la valeur probante des pièces versées ainsi qu'il a été jugé.

Sur l'absence de suivi médical:

S'il est exact que la société LEK CONSULTING n'a pas organisé de visites médicales périodiques prévue par l'article R.4624-16 du code du travail, ce grief ancien n'a pas empêché la poursuite du contrat par le salarié qui a été convoqué par le médecin du travail pour une visite le 16 juin 2009 à laquelle il ne s'est pas rendu, car il était en congés sans solde ( pièce 21) et qu'il était à nouveau convoqué chez le médecin du travail le 23 mars 2010 (pièce 50).

Le salarié qui n'a subi que des arrêts de travail ponctuels de très courte durée et sans lien avec ses conditions de travail ne peut considérer que le manquement de suivi de sa santé était d'une gravité telle qu'elle empêchait la poursuite du contrat de travail alors que le suivi était régularisé au moment du licenciement.

A cet égard, les crises d'asthme pour lequel le salarié a été traité très ponctuellement ne peuvent être mises en lien avec les conditions de travail du salarié, aucun élément probant n'étant produit sur ce point.

Sur l'absence d'entretien annuel d'évaluation de la charge de travail

Le manquement à l'article L.3121-46 du code du travail est certes avéré ainsi qu'il a été jugé par la cour (cf supra) mais ce grief n'était pas à lui seul d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail par le salarié qui n'a pas réclamé un tel entretien.

Sur la résiliation judiciaire

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat par l'employeur et il convient de vérifier la gravité des manquement invoqués

Au vu des manquements retenus par la cour et dont l'un était régularisé au moment du licenciement, il apparait qu'ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail au regard de leur ancienneté et du montant relativement faible des rappels d'heures supplémentaires dont le salarié a été privé sur une durée de 5 ans qu'il n'a jamais réclamé avant mai 2009 à un moment où il n'était pas satisfait de son évaluation.

Par suite, la cour déboute le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Sur le statut de salarié protégé

M. [V] [M] considère qu'il devait être considéré comme un salarié protégé car il était le premier à avoir sollicité le 10 mars 2010 l'organisation d'élections anticipées à la suite du départ prévu du délégué du personnel M. [W], que la société savait que sa candidature était imminente puisqu'il avait déjà présenté sa candidature en 2009 et qu'en le convoquant à un entretien préalable dès le 18 mars 2010 un mois après sa propre saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur a utilisé le licenciement comme moyen de rétorsion à son action judiciaire ; il conclut à la nullité de son licenciement.

Mais d'une part, dans son courriel du 10 mars 2010, le salarié se bornait à écrire " « Ceci est une demande d'information. J'apprends que [L] [W] quitte la société courant avril 2010. Envisagez-vous de mettre en place des élections partielles de délégués du personnel pour remplacer [L] ' »

Il ne se déduit aucunement de ce courrier ni une candidature imminente ni même une demande d'organisation d'élections partielles de délégué du personnel.

Contrairement à ce qu'indique le salarié, l'employeur lui a répondu le jour même en lui indiquant que des élections ne seraient organisées que lorsque le salarié aurait reçu l'autorisation de quitter l'entreprise, ce qui été le cas ultérieurement, l'inspection du travail ayant autorisé la rupture conventionnelle du délégué du personnel partant le 22 avril 2010 (pièce 47) qui prévoyait son départ au 9 juin 2010, peu important que le délégué ait annoncé un pot de départ pour mi-avril, cette circonstance ne permettant pas d'en déduire que la réponse de l'employeur ait été intentionnellement peu informative ; par ailleurs, il ne s'évince nullement de la capture d'écran produite ( pièce 58 du salarié) que la messagerie de l'employeur ait été verrouillée pour lui interdire de répondre.

En l'absence de tout autre élément, la cour retient que le salarié ne démontre pas que l'employeur ait été saisi d'une première demande d'organisation d'élections professionnelles ni de l'imminence de la sa candidature pour 2010 ; à cet égard, il ne peut se déduire de la précédente candidature le 29 avril 2009 une nécessaire nouvelle candidature en 2010.

Le salarié n'est pas fondé à revendiquer le statut de salarié protégé.

Par ailleurs, s'il est exact qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié, le seul fait que la procédure de licenciement ait été initiée le 18 mars 2010 ne suffit pas à en déduire qu'elle visait à sanctionner sa candidature imminente puisqu'en réalité le différend entre les parties était déjà cristallisé par l'action en résiliation judiciaire intentée le 18 février 2010 par le salarié ni qu'elle visait à le sanctionner en raison de cette action, alors que le licenciement repose sur des griefs précis et graves ainsi qu'il est jugé infra.

La demande de nullité du licenciement est rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement

Il convient de rappeler à titre liminaire que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; en cas de doute, il profite au salarié.

Dans la lettre de licenciement, la société LEK CONSULTING reproche au salarié trois griefs :

- attitude très agressive et très négative avec les membres du personnel avec qui vous travaillez mettant gravement en cause la bonne marche du service en nuisant à l'équipe entière et mettant en péril les projets préparés pour les clients

A l'appui de ce grief suffisamment précis et matériellement vérifiables, la société LEK CONSULTING produit six attestations circonstanciées et convergentes faisant état d'un comportement agressif vis-à-vis de ses collègues de travail, le salarié raccrochant son téléphone au milieu de conversations professionnelles avec eux sans écouter son interlocuteur , Madame [A] [A] [X], un comportement irrespectueux dans le cadre d'un entretien avec Monsieur [H], auquel Monsieur [M] lui a sommé d'arrêter « de faire le loup », menaçant l'entreprise de dénonciations auprès du Trésor Public et autres institutions, (M. [H]) le refus de dialoguer avec ses collègues sur des missions en cours, le salarié campant sur ses positions en refusant toute contradiction ou échange ou un comportement agressif et un refus de communication avec ses supérieurs ( M. [P] et M. [R])

A cet égard, le fait que les attestants soient vice-présidents de la société et pour l'une membre de la direction des ressources humaines ne peut suffire à discréditer leur témoignages recueillis dans les conditions de l'article 202 du code de procédure civile et alors que le salarié non content qu'aucune rupture conventionnelle lors de l'entretien du 9 février 2010 ne soit envisagée est devenu d'autant plus agressif.

Par ailleurs l'avertissement notifié le 9 février 2010 ne peut avoir épuisé le pouvoir disciplinaire de l'employeur dans la mesure où le comportement d'agressivité s'est poursuivi.

Le premier grief est établi.

- une insubordination et un refus d'exécuter les tâches qui vous sont demandées : était visé le refus de remplir l'autoévaluation et de signer un projet FFI3, absence de production sérieuse dans le projet Samsic malgré un rappel le 18 mars 2010

A l'appui de ce grief, la société LEK CONSULTING verse aux débats les auto-évaluations normalement renseignées par le salarié et les relances faites par Mme [N] pour avoir celle signée relative à un projet déterminé (demande le 10 mars, relance le 16 mars puis le 23 mars 2010) qui n'ont pas été suivies d'effet ; à cet égard en se bornant à indiquer le 15 mars 2010 "j'ai déjà tout écrit sur l'unilatéralité des évaluations ; ..je n'ai rien à ajouter," le salarié n'a pas satisfait à l'instruction de son supérieur hiérarchique auquel il a refusé de retourner l'évaluation signée, bloquant ainsi le processus d'évaluation légitimement mis en place par l'entreprise.

Le fait qu'à la date des demandes, le contentieux était en cours ne pouvait dispenser le salarié toujours lié à son employeur par un contrat de travail de se soumettre aux instructions de travail ; l'insubordination est caractérisée.

S'agissant du travail indigent produit par le salarié dans un dossier important (Samsic) pour la société, cette dernière produit les mails d'insatisfaction du supérieur hiérarchique mais cela est insuffisant à caractériser le refus volontaire de travailler ; le bénéfice du doute doit profiter sur ce point au salarié.

Sur le non-respect des règles de confidentialité et de secret professionnel

Le salarié reconnait avoir transféré sur sa messagerie personnelle divers documents après l'entretien préalable mais soutient qu'il s'agit de documents nécessaires au soutien de sa défense.

Mais s'il ne peut être reproché au salarié d'avoir transféré nombre de courriels et de documents de travail sur sa messagerie personnelle dès lors que ces documents produits en grande partie dans la présente instance servent à sa défense, il apparaît que le salarié a également transféré pour son usage personnel des documents sans lien avec le contentieux.

Monsieur [M] a ainsi transféré des emails comportant les codes d'accès à des bases de données auxquelles LEK bénéficiait d'un accès sur abonnement , des listings de contacts auprès d'entreprises, informations confidentielles, à l'évidence, et sans rapport avec les relations de travail entretenues entre les parties (échanges d'emails sur les listings de contacts ALSTOM), des notes d'entretien contenant des informations sur différentes entreprises, informations représentant une valeur sur le plan stratégique, des documents de synthèse établis par LEK pour des clients, contenant des informations sur des projets confidentiels (pièces 35 à 38 de l'employeur).

Le transfert de ces documents produits par la société intimée est également attesté par le directeur des systèmes de gestion.

Le troisième grief est avéré.

Chacun des griefs retenus par la cour suffisait à justifier le licenciement immédiat du salarié, la société ne pouvant plus compter sur la collaboration loyale de son salarié y compris pendant la période du préavis.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était justifié mais infirmé en ce qu'il a écarté la faute grave.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

S'il est avéré que l'employeur n'a pas payé toutes les heures supplémentaires réalisées par M. [V] [M], ce dernier ne démontre aucune dissimulation d'emploi intentionnelle, alors que sa créance d'heures supplémentaires ne résulte que de la nullité de la convention de forfait et que ce seul fait est insuffisant à caractériser le caractère intentionnel exigé par la loi.

Sur la demande d'indemnisation pour attitude déloyale du salarié

La société LEK CONSULTING réclame la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par l'attitude déloyale du salarié, auquel elle reproche d'avoir provoqué son départ de façon artificielle et manière déloyale pour quitter l'entreprise en bénéficiant soit d'une rupture conventionnelle, soit d'indemnités chômage pour effectuer une formation à [Localité 3] payée par Pôle Emploi en faisant des reproches infondés à la société quitte à reconstruire un scénario fictif.

Mais, ainsi qu'il a été jugé, certaines des prétentions du salarié s'avèrent justifiées quant à la nullité de la convention de forfait et à la réalisation d'heures supplémentaires non payées ; si la cour retient que le licenciement était en revanche fondé sur une faute grave du salarié, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que le salarié a artificiellement provoqué son départ ; le fait avéré que le salarié a été admis à l'Insead en 2009 avec une formation à réaliser en 2010 était certes de nature à inciter le salarié à envisager de quitter l'entreprise courant 2010, sans rendre pour autant certains de ses griefs infondés ; par suite, la cour retient que la preuve d'une attitude fautive du salarié dans l'action judiciaire engagée à l'encontre de son employeur n'est pas démontrée ; la société LEK CONSULTING est déboutée de sa demande de dommages intérêts de ce chef.

Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit la cour à mettre les dépens de de première instance et d'appel à la charge de la société LEK CONSULTING, de condamner cette dernière à payer à l'appelant la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la débouter de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [V] [M] de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, en ce qu'il a débouté la société LEK CONSULTING de sa demande de dommages intérêts et en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

L'infirmant sur les autres dispositions

Dit que la convention de forfait est nulle et de nul effet

Dit que le licenciement de M. [V] [M] par la société LEK CONSULTING repose sur une faute grave

Condamne la société LEK CONSULTING à payer à M. [V] [M] la somme de 10 952,07 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 1 095,20 euros à titre de congés payés afférents, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la réception par la société LEK CONSULTING de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes saisi

Y ajoutant

Condamne la société LEK CONSULTING à payer à M. [V] [M] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne la société LEK CONSULTING aux dépens d'appel

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERP/LA PRESIDENTE EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/02734
Date de la décision : 22/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/02734 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-22;14.02734 ?
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