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21/09/2017 | FRANCE | N°15/24070

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 21 septembre 2017, 15/24070


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/24070



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012072751





APPELANTE



SAS DELUBAC ASSET MANAGEMENT agissant poursuites et diligences de son Président domicilié audit siège en c

ette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 430 045 229

ayant son siège social [Adresse 1]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/24070

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012072751

APPELANTE

SAS DELUBAC ASSET MANAGEMENT agissant poursuites et diligences de son Président domicilié audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 430 045 229

ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Franck IACOVELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1994

INTIMÉS

Monsieur [I] [E]

né le [Date naissance 1] 1965 à DIEULEFIT

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [H] [W]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Pier CORRADO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1587

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Michèle PICARD, Conseillère, faisant fonction de Présidente et Mme Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Michèle PICARD, Présidente de Chambre

M François FRANCHI, Président de Chambre

Mme Christine ROSSI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mariam ELGARNI-BESSA

MINISTÈRE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Michèle PICARD, Présidente et par Mme Rada POT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Salariés de la banque Delubac et Cie, Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] étaient également respectivement président du directoire et directeur général/membre du directoire de la société de gestion du groupe, la société anonyme Delubac Asset Management, ci-après "la société Delubac AM".

En décembre 2011, le conseil de surveillance les a révoqué de leurs mandats pour fautes de gestion. Ils avaient quelques jours plus tôt été licenciés par la banque Delubac et Cie, licenciement ayant donné lieu à la saisine du conseil de prud'hommes le 20 juin 2012. En novembre 2012 la banque Delubac a déposé une plainte pénale à l'encontre de ses anciens salariés (après classement sans suite de cette plainte, la banque Delubac et Cie a réitéré sa plainte en septembre 2013 en se constituant partie civile).

C'est pour obtenir réparation du préjudice qu'elle affirme avoir été causé par les fautes de gestion de ses dirigeants que la société Delubac AM a saisi le tribunal.

Par assignation du 15 novembre 2012, la société Delubac AM a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir réparation du préjudice subi du fait des fautes de gestion de ses anciens dirigeants, Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W].

Par jugement du 13 novembre 2015 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré irrecevable la demande de nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire de la société Delubac AM tenue le 16 décembre 2011,

- dit recevable mais mal fondée la demande de nullité du procès-verbal de cette assemblée et la rejette,

- condamné la société Delubac AM à payer à Monsieur [I] [E] et à Monsieur [H] [W] la somme de 40.000 euros chacun à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société Delubac AM à payer à Monsieur [I] [E] et à Monsieur [H] [W] la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La société Delubac AM a interjeté appel à l'encontre de ce jugement le 27 novembre 2015.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2017, la société Delubac Am demande à la cour d'appel au visa des articles 1382 et suivants et 1850 et suivants du code civil et L. 225-251 et suivants du code de commerce :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit irrecevable la demande de nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 16 décembre 2011 et rejeté la demande de nullité du procès-verbal de la même assemblée,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Delubac Am,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Delubac Am,

En conséquence :

- de condamner Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W], solidairement, à payer à la société Delubac AM la somme de 309.361,87 euros à titre dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et matériel,

- de condamner Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W], solidairement, à payer à la société Delubac AM la somme provisionnelle de 200.000 euros à titre dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image,

- de débouter Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] de l'intégralité de leurs demandes,

- de condamner Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] solidairement à payer une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entier dépens.

***

Dans leurs dernières conclusions comportant appel incident notifiées par voie électronique le 11 octobre 2016, Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1382 et 1850 du code civil, L. 225-251 et suivants du code de commerce, L. 225-61, al. 1 er du code de commerce et de l'article L. 123-9 du code de commerce :

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu la caractère abusif de l'instance engagée par la société Delubac AM devant le tribunal de commerce de Paris, et, statuant à nouveau, de condamner la société Delubac AM à payer à Monsieur [I] [E] et à Monsieur [H] [W] la somme de 50.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] de leur demande d'annulation des délibérations de l'assemblée générale ordinaire de la société Delubac AM du 16 décembre 2011 et, statuant à nouveau, de prononcer la nullité des délibérations de l'assemblée générale ordinaire des associés du 16 décembre 2011 ; subsidiairement de prononcer l'inopposabilité desdites délibérations à Monsieur [I] [E] et à Monsieur [H] [W],

- de condamner la société Delubac AM à payer à Monsieur [I] [E] et à Monsieur [H] [W] la somme de 100.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive et sans juste motif de leurs mandats sociaux,

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires,

- de condamner la société Delubac AM à payer à Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] la somme de 10.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 avril 2017.

L'audience de plaidoirie a eu lieu le 14 juin 2017.

SUR CE

Sur les fautes reprochées à Monsieur [H] [W]

La société Delubac AM soutient tout d'abord, que Monsieur [H] [W] a gravement manqué à son devoir de conseil et a fait courir à la société Delubac AM un risque important de sanction. Elle fait valoir qu'il n'a pas respecté la réglementation édictée par l'autorité des marchés financiers (AMF) en ne se conformant pas dans la gestion du portefeuille de la société Delubac AM aux objectifs indiqués par le client - la société [U] - dans son questionnaire investisseur, qu'en effet dans son questionnaire investisseur le client mentionnait notamment que "l'investissement recherché excluait tout risque en capital au terme de 3 ans", que cependant, le support financier proposé au client par Monsieur [H] [W] s'avérait tout à fait incompatible avec un placement financier sans risque en capital. En conséquence, il est indéniable que Monsieur [H] [W] a fait prendre un risque important à son client dont les conséquences sont susceptibles d'engager la responsabilité de la société Delubac AM.

La société Delubac AM soutient ensuite que Monsieur [H] [W] a cherché à masquer sa faute en décidant, de sa propre initiative et sans en avoir le pouvoir, de faire remise au client de tous les frais et commissions, sans en informer aucune instance de la société, portant ainsi préjudice à la société Delubac AM.

La société Delubac AM soutient enfin que Monsieur [H] [W] s'est retrouvé dans une position personnelle de conflit d'intérêts qui aurait dû le conduire à respecter les procédures internes applicables dans cette situation, notamment la saisine du RCCI (responsable de la conformité et du contrôle interne) en l'espèce Monsieur [I] [E], ce qu'il s'est abstenu de faire.

Monsieur [H] [W] soutient tout d'abord que la société Delubac AM ne peut sérieusement lui reprocher ni un manquement au devoir de conseil à l'égard du client [U] pour ne pas lui avoir proposé « un placement financier en adéquation avec sa contrainte de préservation du capital' » ni « une prise de risque inconsidérée sur ce dossier », alors même que le client [U] a souscrit expressément à une gestion discrétionnaire de son capital avec une faculté pour le mandant d'investir son capital jusqu'à 100% en actions et assimilés, et qu'il a accepté expressément le risque de perte du capital confié après avoir reçu toutes les informations utiles. En conséquence, aucune faute n'a été commise dans la gestion du portefeuille du client [U], strictement conforme au mandat de gestion.

Il soutient ensuite, qu'en sa qualité de directeur général, mandataire social de la société Delubac AM, il était investi du pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers, conformément à la loi et aux statuts, qu'il détenait donc le pouvoir de modifier le mandat de gestion souscrit entre la société Delubac AM et la société [U], notamment en réduisant ou supprimant, à titre de remise commerciale, certains frais, sans avoir aucunement à en référer à aucune instance de la société.

Monsieur [H] [W] affirme enfin qu'il ne se trouvait pas dans une situation personnelle de conflit d'intérêts et n'a donc commis aucune faute à ce titre.

La cour rappelle qu'en vertu de l'article L 225-254 du code de commerce la responsabilité civile d'un dirigeant social peut être recherchée envers la société ou envers les tiers soit pour des 'infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes soit des violations des statuts soit des fautes commises dans leur gestion'.

En l'espèce, le mandat de gestion portant sur la somme de 3.200.000 euros donné par la société [U] à la société Delubac AM le 25 octobre 2010 ne mentionne aucun objectif de conservation du capital ni aucun objectif de rentabilité. En revanche, il précise qu'il s'agit d'un mandat discrétionnaire d'une durée de 36 mois 'en premier lieu' avec un degré de risque de placement élevé. Le mandat précise également que le mandant est averti des risques financiers sélectionnés par le mandataire et qu'il est averti que son capital n'est pas garanti et pourrait ne pas lui être restitué en totalité.

C'est dans le questionnaire rempli le même jour par Monsieur [P], dirigeant de la société [U], qu'il est précisé qu'aucune perte en capital n'est acceptée et que la préservation du capital est impérative avec une rentabilité de 3,5 % à 3,7% au terme de trois ans. La société [U] est qualifiée de client non averti.

Il ressort de ces documents une contradiction flagrante que Monsieur [W] aurait probablement dû relever.

Ce pendant, la cour considère que seul le mandat a une valeur contractuelle et engage le mandataire. En l'espèce le mandataire ne s'est pas engagé à la préservation du capital ni sur la rentabilité de l'investissement.

La cour relève au demeurant que la société Banque Delubac AM ne produit aucune pièce sur la valeur de l'investissement de la société [U] à l'issue des trois ans mentionnés dans le mandat de gestion donné en 2010. La perte dont elle se prévaut pour établir la faute a été constatée en 2011 au bout d'un an, soit antérieurement à la date à laquelle les parties avaient convenu de revoir le mandat.

Il en résulte que la société banque Delubac AM n'établit pas l'existence d'un préjudice ni à son égard ni à l'égard du client [U].

Sur la remise consentie par Monsieur [W] des frais et commissions la cour relève que Monsieur [W] était directeur général de Delubac AM et que l'article 18 des statuts de la société stipule que 'le directoire est investi à l'égard des tiers des pouvoirs les plus étendus pour agit en toutes circonstances au nom de la société, dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d'actionnaires'.

En l'absence de limitation statutaire ou légale, Monsieur [W] pouvait donc négocier avec les clients toute remise de frais et de commissions sans que puisse lui être opposée la procédure n°14 dont se prévaut la société Delubac, document ne s'appliquant qu'au personnel de la société Banque Delubac et Cie et non aux mandataires sociaux de la société Delubac AM au titre de laquelle Monsieur [W] avait consenti ces avantages.

Quant au conflit d'intérêt soulevé par la société Delubac la cour observe avec les premiers juges qu'aucune indication n'est donnée sur la nature de ce conflit.

En l'absence de faute et de préjudice la demande sera écartée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les fautes reprochées à Monsieur [I] [E]

La société Delubac AM soutient tout d'abord que Monsieur [I] [E], à la suite de la découverte des faits reprochés à Monsieur [H] [W], en dépit de sa fonction de responsable de la conformité et du contrôle interne de la société Delubac AM, n'a ni traité, ni rendu compte de la gestion déplorable des dossiers suivis par celui-ci, que si Monsieur [I] [E] avait régulièrement assuré son rôle de supervision et de contrôleur de la conformité, la société Delubac AM n'aurait pas eu à déplorer une perte d'au moins 258.161,87 euros.

La société Delubac AM fait valoir ensuite que la profession est régie par des normes obligatoires édictées par l'autorité des marchés financiers (AMF), laquelle impose des procédures impératives à toutes les institutions financières, qu' il est apparu que Monsieur [I] [E] n'a pas respecté ni fait respecter ces normes, que Monsieur [I] [E] n'a pas contrôlé les agissements de Monsieur [H] [W] alors qu'il était également responsable de la conformité et du contrôle interne de la société Dam et enfin que Monsieur [I] [E] a pris des risques inconsidérés dans la conclusions de certains contrats au mépris des principes essentiels de bonne gestion, constituant une faute grave dans l'exercice de son mandat.

La société Delubac AM soutient également qu'il est établi que Monsieur [I] [E] a failli à ses obligations en ne respectant pas les dispositions du règlement général de l'autorité des marchés financiers (AMF) et en mettant ainsi la société Delubac AM en risque, tant sur le plan juridique à l'égard de son client - la société [U] -, que sur le plan administratif vis-à-vis de l'autorité des marchés financiers (AMF) qui est susceptible de sanctionner un tel comportement et qu'en conséquence sa responsabilité est établie.

Monsieur [I] [E] fait valoir qu'il n'a pu participer aux fautes de Monsieur [H] [W], puisque ce dernier n'a commis aucune faute, que s'agissant du non-respect des normes et procédures, notamment des normes obligatoires de l'autorité des marchés financiers (AMF), les accusations sont formulées en termes totalement généraux et sans qu'aucune preuve n'en soit apportée.

La cour n'ayant retenu aucune faute de la part de Monsieur [W] les demandes à l'encontre de Monsieur [E] afférentes aux fautes prétendument commises par Monsieur [W] seront t rejetées.

Sur les griefs reprochés à Monsieur [E] de non respect des normes édictées par l'AMF ou sur les risques inconsidérés pris dans le dossier Filles de la Charité, la cour relève qu'aucune pièce n'est produite qui établirait de telles fautes et que l'AMF n'a pas sanctionné Delubac AM pour avoir commis de telles fautes.

Le jugement sera donc également confirmé sur l'absence de faute de Monsieur [E].

Sur le préjudice d'image subi par Delubac AM

La société Delubac AM reproche à Messieurs [E] er [W] d'avoir dévalorisé son image.

Messieurs [E] et [W] contestent ces faits.

La société Delubac AM produit à cet effet un courriel de Monsieur [C] qui ne concerne que Monsieur [W] et qui relate une réunion ayant eu lieu à une date inconnue, probablement en octobre 2013 selon la date du courriel, au cours de laquelle Monsieur [W] aurait critiqué et mis en cause l'honorabilité de la banque Delubac ainsi que des pratiques malhonnêtes.

La cour relève que la victime de ce dénigrement n'est pas la société Delubac AM mais la Banque Delubac et Cie et que cette dernière n'est pas dans la cause.

La demande est donc irrecevable et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la révocation des mandats sociaux des intimés

Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] soutiennent que la révocation de leurs mandats sociaux intervenue le 22 décembre 2011 par le conseil de surveillance a été prononcée par un organe incompétent, le conseil de surveillance, que seule une assemblée générale extraordinaire avait le pouvoir de révoquer leurs mandats, que la modification des statuts par l'assemblée générale extraordinaire du 16 décembre 2011 relative à la révocation des membres du directoire n'a été publiée qu'un an après la révocation de leurs mandats sociaux et qu'il s'agit d'une régularisation a posteriori de la décision litigieuse. Ils demandent la nullité de l'assemblée générale ou son inopposabilité. Ils ajoutent que la révocation était dépourvue de juste motif, qu'elle a été prononcée dans des circonstances brutales et vexatoires, et qu'enfin, la société Delubac AM a violé le principe du contradictoire lorsqu'elle a prononcé leur révocation des intimés. Leur révocation présente donc un caractère abusif et ils sont par conséquent fondés à solliciter de la cour d'appel la condamnation de la société Delubac AM à leur payer la somme de 100.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive et sans juste motif de leurs mandats sociaux.

La société Delubac Am soutient que les statuts ont valablement pu être modifiés pour donner compétence au conseil de surveillance de révoquer les membres du directoire, ce qui est au demeurant expressément admis par l'article L. 225-61 du code de commerce. Le conseil de surveillance était donc compétent afin de révoquer les mandats sociaux de Monsieur [I] [E] et de Monsieur [H] [W]. La révocation de fonctions de mandataire social des défendeurs était bien fondée sur de justes motifs. En effet, indépendamment du caractère fautif des faits reprochés, les actionnaires de la société Delubac AM ne pouvaient conserver leur confiance à leurs mandataires sociaux qui, au mépris de l'intérêt social, ne respectaient pas les volontés des clients ou qui décidaient de la suppression de frais et de commission. Enfin, le principe du contradictoire a été respecté lors de la révocation puisque Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] ont été conviés à s'expliquer ou à se justifier et ils étaient présents mais n'ont pas souhaité s'exprimer.

La cour relève en premier lieu que Messieurs [E] et [W] ont été révoqués de leurs mandats sociaux par décision du conseil de surveillance de Delubac AM en date du 22 décembre 2011.

Aux termes de l'article 15-3 des statuts de la société Delubac AM dérogeant à l'article L 225-61alinéa 1er du code de commerce et modifiés par une décision d'une assemblée générale extraordinaire du 16 décembre 2011, le conseil de surveillance est compétent pour révoquer les membres du directoire.

Il résulte des pièces versées aux débats par la société Delubac AM et Messieurs [W] et [E] que le commissaire aux comptes et plusieurs actionnaires ont été convoqués par lettres recommandées avec accusé de réception début décembre à une assemblée générale extraordinaire dont l'ordre du jour était la modification de l'article 15-3° des statuts et les formalités subséquentes. Le procès verbal de cette assemblée qui indique par erreur qu'il s'agit d'une assemblée générale ordinaire et que les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions composant le capital social, mentionne que la modification des statuts est adoptée à l'unanimité. La feuille de présence de cette assemblée précise bien qu'il s'agit d'une assemblée générale extraordinaire et que seulement deux actionnaires qui totalisent ensemble 3 actions sur 20.849 actions composant le capital social sont absents. Il en résulte que les conditions de majorité et de quorum nécessaires à la modification des statuts ont bien été remplies.

Les contradictions relevées par Messieurs [W] et [E] dans le procès verbal ou dans la feuille de présence de cette assemblée générale ne suffisent pas à entraîner son annulation pour faux s'agissant de simples suppositions de leur part.

La cour considère au regard de ces pièces que la société Delubac AM a régulièrement modifié ses statuts de sorte que les intimés ont été régulièrement révoqués dans le respect des statuts malgré les erreurs manifestes figurant au procès verbal lesquelles sont démenties par les autres mentions.

Le fait que la publication des nouveaux statuts n'ait eu lieu que postérieurement à la révocation des intimés n'a aucune incidence sur celle ci, Messieurs [E] et [W] n'étant pas des tiers à la société au sens de l'article 123 -9 du code de commerce puisqu'ils étaient membres du directoire de la société.

Le jugement sera donc confirmé sur ces points.

Sur les justes motifs de révocation la cour rappelle qu'elle n'a retenu aucune faute à l'encontre de Messieurs [E] et [W].

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que leur révocation était sans juste motif.

Sur l'absence de contradictoire, la cour relève que les convocations adressées à Messieurs [W] et [E] le 16 décembre 2011 en vue d'une réunion du conseil de surveillance devant avoir lieu le 22 décembre suivant afin de statuer sur la révocation de leurs mandats ne mentionnent aucun motif.

Le procès verbal de la réunion du conseil de surveillance ne mentionne pas non plus les motifs de la révocation. La cour note cependant avec les premiers juges qu'aucune obligation n'existe de mentionner les motifs de la révocation dans la lettre de convocation et que les intimés n'ont fait aucun commentaire lors de la réunion du conseil de surveillance. L'absence de commentaires implique qu'on leur a décrit les manquements reprochés.

La cour considère également que la nomination de Monsieur [S] aussitôt après la décision de révocation ne démontre nullement que ce dernier était déjà nommé mais qu'il avait accepté par avance une telle nomination.

La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas retenu le grief d'absence de contradictoire lors de la procédure de révocation.

Enfin, sur le caractère brutal de la révocation, la cour relève que Messieurs [E] et [W] avaient été licenciés par la société Banque Delubac le 7 décembre 2011, la lettre de convocation à l'entretien préalable est quant à elle datée du 29 novembre 2011 et comporte une mise à pied conservatoire..

Ainsi, dès le 29 novembre, ils ont été privés de tout accès à l'informatique et à leurs messagerie étant précisé que les locaux de la Banque Delubac et de Delubac AM sont identiques.

Il résulte de la chronologie des ces événements que Messieurs [E] et [W] bien que n'ayant pas encore été révoqués n'avaient au moment de leur révocation depuis plusieurs semaines plus d'accès à l'informatique ou à leurs messagerie.

La cour relève également qu'entre la date de la convocation à l'entretien préalable qui comporte une mesure de mise à pied conservatoire immédiate et la révocation de leurs mandats sociaux, il s'est écoulé moins d'un mois alors que les motifs du licenciement, la gestion du dossier [U] et la remise des frais, ne justifiaient pas un tel empressement, la prétendue faute ayant déjà été commise.

La cour considère en conséquence que la révocation a été brutale sans pour autant avoir été vexatoire et le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts

Monsieur [E] fait valoir qu'il a exercé son mandat pendant dix ans et Monsieur [W] pendant sept ans. Ils exposent qu'ils étaient connus dans leur milieu professionnel et que leur révocation brutale leur a causé un préjudice d'image. Ils reprochent également à la société Delubac des propos dénigrants. Enfin ils n'ont pas retrouvé de travail depuis décembre 2011. Ils ont cependant reçu une indemnité de l'assurance chômage, Monsieur [E] jusqu'en octobre 2014.

Ils ont créé une société en activité depuis le second semestre 2014 mais cette société a été placée en redressement judiciaire du fait des dénigrements systématiques de Delubac. Ils sollicitent chacun le paiement de dommages et intérêts d'un montant de 100.000 euros aussi bien pour leur préjudice moral que pour leur préjudice matériel.

La société Delubac AM conteste le fait que les intimés aient subi un préjudice et rappelle qu'ils ont créé leur propre société et qu'ils ont obtenu l'agrément de l'AMF pour cela. Elle conteste également tout dénigrement.

Aucune pièce n'est produite qui montrerait que la société Delubac AM aurait tenu des propos dénigrants à l'encontre des intimés si ce n'est une attestation de Monsieur [D] reprenant des propos de Monsieur [S] qui n'engagent pas la société.

La cour, pour les motifs adoptés par les premiers juges, confirmera en conséquence l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 40.000 euros pour révocation sans justes motifs de chacun des intimés. Il convient d'y ajouter une somme de 15.000 euros au titre du préjudice subi du fait du caractère brutal de la révocation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Monsieur [I] [E] et Monsieur [H] [W] demandent à la cour d'appel de condamner la société Delubac Am à payer à leur payer la somme de 50.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, qu'en effet, il a été démontré que la société Delubac AM a engagé la présente instance en responsabilité contre les intimés leur réclamant des sommes très importantes sans démontrer la réalité des fautes et des préjudices allégués. En conséquence, un tel comportement caractérise un abus de droit qui justifie une réparation.

La société Delubac AM soutient que les appelants ne justifient pas en quoi la procédure légitimement intentée par la société Delubac AM serait une procédure abusive, qu'en conséquence, la demande indemnitaire de 50.000 euros pour procédure abusive soulevée par les appelant ne pourra qu'être écartée puisque la procédure de la société Delubac AM est parfaitement légitime.

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, un tel comportement de la part de la société Delubac AM n'est pas suffisamment caractérisé. La demande sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Messieurs [E] et [W] sollicitent chacun le paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient en conséquence de faire droit à la demande.

PAR CES MOTIFS,

Confirme partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 novembre 2015,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Sa Delubac Asset Management à payer la somme de 55.000 euros de dommages et intérêts à Monsieur [I] [E] et la somme de 55.000 euros de dommages et intérêts à Monsieur [H] [W],

Condamne la société Sa Delubac Asset Management à payer à Monsieur [I] [E] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société Delubac Asset Management aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/24070
Date de la décision : 21/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°15/24070 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-21;15.24070 ?
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