RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 Septembre 2017
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07346
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 13/17530
APPELANTE
SA FRANCE TOURISME IMMOBILIER (FTI) anciennement FRANCE DESIGN ET CREATION
N° SIREN : 380 345 256
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
représentée par Me Loïc HERON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0668
substitué par Me Margaux CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [O] [U]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
représenté par Me Jean-louis MARY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1539
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES BELLADINA, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2017
Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions de la SA France TOURISME IMMOBILIER et celles de Monsieur [O] [U] visées et développées à l'audience du 21 juin 2017.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] a été embauché par la société POIRAY JOAILLER, devenue France DESIGN et CREATION puis France TOURISME IMMOBILIER, par un contrat à durée indéterminée, le 5 mai 2009, en qualité de vendeur qualifié, statut employé niveau 3, échelon 1, coefficient 180 moyennant une dernière rémunération de 2.200 € bruts mensuels sur 13 mois (soit 2383 €) pour 35 heures par semaine et une rémunération variable sur objectifs qui a fait l'objet de plusieurs avenants dont le dernier date du 31 août 2011.
La convention collective applicable est celle du commerce de détail de l'horlogerie, bijouterie.
Monsieur [U] était affecté sur la boutique POIRAY situé [Adresse 6].
Par courrier du 29 juillet 2013, le salarié a pris acte des instructions de l'employeur de ne plus se présenter sur son lieu de travail et précisé qu'il n'était pas démissionnaire.
Par lettre du 9 octobre 2013, la société France DESIGN et CREATION a convoqué Monsieur [U] à un entretien préalable fixé au 21 octobre 2013 au cours duquel elle lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle, que le salarié a accepté par lettre du 22 octobre 2013.
Par lettre du 6 novembre 2013, l'employeur a adressé une lettre de licenciement pour motif économique fondé sur la fin du bail commercial de la boutique de la rue de la paix, la cession des boutiques de la société et des fonds de commerce décidée par assemblée générale du 31 juillet 2013, l'arrêt de l'activité de la société et donc la suppression du poste attaché au local commercial. L'employeur évoque aussi une tentative de reclassement externe.
Contestant son licenciement pour motif économique, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 5 décembre 2013 de diverses demandes au titre de la rupture, en inexécution fautive du contrat de travail, en rappel de salaires sur la base du principe "à travail égal salaire égal" et en rappel de prime.
Par jugement rendu le 22 septembre 2014, le conseil de prud'hommes a condamné la société France TOURISME IMMOBILIER à payer à Monsieur [U] les sommes de :
- 15.289,50 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Il a débouté Monsieur [U] du surplus de ses demandes, ainsi que la société France TOURISME IMMOBILIER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société France TOURISME IMMOBILIER a interjeté appel du jugement le 17 juillet 2015 et demande à la cour de l'infirmer en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail était sans cause réelle et sérieuse.
- A titre subsidiaire, elle propose la réduction de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou des dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements.
Elle s'oppose aux demandes de rappels de primes, de salaires de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail.
A titre subsidiaire, elle propose que le rappel de primes soit limité à la somme de 11.569 € brut, et le rappel de salaires à 10.800 € outre les congés payés afférents.
Elle réclame 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Monsieur [U] a formé un appel incident et demande à la cour la confirmation du jugement sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et les frais irrépétibles mais son infirmation pour le surplus. Il sollicite la condamnation de la société France TOURISME IMMOBILIER à lui régler les sommes suivantes :
- 20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement, à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements,
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
- 16.200 € à titre de rappel de salaire sur la base du principe, « à travail égal, salaire égal »,
- 1.620 € au titre des congés payés afférents,
- 1.350 € à titre de rappel du 13ème mois,
- 19.465 € à titre de primes d'objectifs et de produits du 6 mai 2009 au 31 octobre 2013,
- 1.946,50 € au titre des congés payés afférents,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur le rappel de salaire sur la base du principe, « à travail égal, salaire égal »
Monsieur [U] fait valoir que bien qu' exerçant le même travail que plusieurs collègues, il a subi une différence de traitement caractérisée par l'application d'un taux horaire de base inférieur à celui qui a été retenu pour les autres salariées. Il précise avoir sollicité diverses pièces que l'employeur n'a pas communiquées. Pourtant, devant la cour, l'employeur a produit un document annexé à l'acte de vente qui justifie ses affirmations. Il fait une comparaison avec les rémunérations de cinq salariés, entrés dans la société entre février 2008 et mai 2013 et qui étaient payés entre 29.250 € et 39.000 € alors que son salaire annuel était de 28.600 € soit une différence annuelle de 650 € à 10.400 €.
La société réplique que les situations des salariés ne sont pas comparables, que les augmentations individuelles étaient en lien avec des dépassements d'objectifs de certains salariés et avec l'ancienneté pour d'autres. Elle ajoute que le salarié était payé bien au-delà des minima conventionnels, que la perte prétendue de 300 € par mois est arbitraire et que si subsidiairement une comparaison devait être faite, elle ne peut se faire qu'en rapport avec la situation de Monsieur [D] qui occupait le même poste et avait la même ancienneté, le tout, en tenant compte de la prescription de trois ans de la loi du 14 juin 2013.
Monsieur [U] fait observer à juste titre que les dépassements d'objectifs sont récompensés par une rémunération variable tenant compte des performances individuelles, que l'ancienneté est prise en compte par une prime d'ancienneté prévue par la convention collective et que les différences constatées ne sont pas justifiées par des éléments probants.
Néanmoins, L'examen des éléments communiqués de part et d'autre montre que le salarié était effectivement rémunéré bien au-delà des minima de la convention collective, son salaire étant supérieur à celui que la convention prévoit pour un vendeur qualifié niveau III auquel il se compare au vu de ses diplômes et de son expérience.
Si Mesdames [W] et [Y] avaient une ancienneté plus importante qui justifie que leur rémunération fut à un niveau plus élevé nonobstant la prime d'ancienneté, Monsieur [D], engagé en mai 2009, bénéficiait d'une ancienneté comparable à celle du salarié également engagé en mai 2009, percevait un salaire annuel de 29.900 € alors que celui de Monsieur [U] ressortait à 28.600 € sans que l'employeur justifie de façon objective cette différence.
En conséquence, nonobstant le moyen tiré de la prescription dès lors que la prescription applicable reste celle de 5 années au regard des dispositions transitoires, la demande fondée sur la différence de traitement en application du principe « à travail égal, salaire égal » doit être accueillie pour la période de mai 2009 à juillet 2013. L'employeur sera condamné à verser à Monsieur [U] la somme de 3.600 € outre 360 € au titre des congés payés ainsi que la somme de 308,33 € à titre de rappel de 13ème mois.
Sur la prime d'objectifs et de produits
Monsieur [U] fait valoir qu'il avait droit à des primes d'objectifs et de produits sur la base du contrat de travail et des trois avenants successifs traitant des primes d'objectifs et de produits. Il précise que les modalités d'attribution et de versement desdites primes devaient être définies d'un commun accord entre les parties, que son accord n'a pas été sollicité par l'employeur, que ce dernier communiquait tardivement les objectifs, en sorte qu'il pouvait les adapter pour en limiter ou en annuler le montant.
Il ajoute qu' à partir de l'avenant du 31 août 2011, les objectifs n'étaient plus fixés mensuellement mais annuellement, qu'il n'en a été fixé aucun depuis 2011.
Le même système a été mis en place pour la prime produit.
Il soutient en conséquence que faute pour l'employeur d'avoir respecté les dispositions contractuelles, il est fondé à réclamer sur la base d'un objectif atteint à 100 % la somme de 19.465 € calculée par la différence entre les primes dues et celles qu'il a perçues durant la période du 5 mai 2009 à juillet 2013 selon son tableau (32.460 € - 4.914€ ' 8.081€).
En réponse, la société indique qu'il était convenu que les objectifs seraient fixés unilatéralement et n'étaient pas subordonnés à l'accord du salarié, que les objectifs pour l'obtention de la prime produit, était fixée par boutique et non par vendeur. Elle ajoute que le salarié était informé tous les mois des objectifs à poursuivre, qu'il avait parfaite connaissance des modalités de calcul et de fixation de sa rémunération variable puisqu'elles étaient définies dans les avenants, que Monsieur [U] n'a jamais contesté les primes versées. Elle conclut, subsidiairement, que si la cour devait entrer en voie de condamnation, il y a lieu de faire application de la prescription et que le montant du rappel de salaire ne peut excéder 11.569 € brut.
Il résulte du contrat de travail et des trois avenants des 5 mai 2009, 22 novembre 2010 et 31 août 2011 que le salarié bénéficiait en plus de son salaire d'une rémunération variable se décomposant en primes mensuelles sur objectifs et en primes produits. Si les objectifs étaient atteints à 100 % une prime mensuelle forfaitaire sur objectifs de 400 € (puis 440 au terme du second et troisième avenant) était versée au salarié et de 200 € pour la prime mensuelle 'produits'.
Mais le calcul du salarié ne correspond pas à ses indications puisqu'il estime qu'il aurait dû obtenir une prime de 600 et 660 € alors que les montants maximum de la prime sur objectifs nécessitant de réaliser 125 puis 135 % et plus des objectifs étaient de 560 € (1er avenant), 660 € (2ème avenant) et 660 € (3ème avenant) et que la prime obtenue en cas de réalisation des objectifs à 100% est de 400 € puis 440 € ; il n'a jamais reçu la totalité de la prime sur objectifs assise sur le chiffre d'affaires mais a perçu la prime produits de 200 € très régulièrement.
Par ailleurs, la société ne justifie pas que le salarié connaissait les objectifs à atteindre avant la fin de chaque mois ou en début d'année . En conséquence, il sera fait droit à la demande de Monsieur [U] sur la base d'un objectif atteint à 100%, nonobstant le moyen tiré de la prescription inopérant au regard des dispositions transitoires.
Il découle de ce qui précède que le salarié est fondé à obtenir un rappel de rémunération variable à hauteur de la somme de 14.769 € outre les congés payés afférents à concurrence de la somme de 1.476 €.
Sur le licenciement pour motif économique
Monsieur [U] a été convoqué par courrier du 9 octobre 2013 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique prévu le 21 octobre 2013 au cours duquel lui a été présenté le dispositif de sécurisation professionnelle.
Le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle par courrier du 22 octobre 2013 ainsi que le rappelle l'employeur dans la lettre de licenciement qui porte la date du 6 novembre 2013.
Toutefois, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai dont dispose le salarié pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.
En l'espèce, l'employeur n'a adressé au salarié une lettre énonçant le motif économique de la rupture que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, peu important que le délai de réflexion de 21 jours ne soit pas expiré car l'acceptation du CSP par le salarié fonde la rupture même si celle-ci intervient à l'expiration du délai.
Pour ce seul motif, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé, sauf sur la somme allouée au regard des éléments produits au débat et du préjudice subi par le salarié qui est resté au chômage durant plusieurs années. La société France TOURISME IMMOBILIER sera condamnée à verser à Monsieur [U] la somme de 17.000 €.
Sur l'inexécution fautive du contrat de travail
Monsieur [U] reproche à son employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour lui assurer le maintien de sa garantie prévoyance et maladie au-delà du 31 décembre 2013 et indique qu'il a subi un préjudice dont il demande réparation à hauteur de la somme de 2.000 €.
Mais c'est à juste titre que l'employeur observe que le salarié qui demande réparation d'un préjudice ne donne aucune explication et ne verse aucune pièce au soutien de sa demande. Il en sera débouté.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail
Dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235- 4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Dans le cas d'espèce, l'employeur ne fournit aucune indication sur le nombre de salariés employés lors du licenciement. Une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de l'employeur, pour les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d'un mois.
Succombant, la société France TOURISME IMMOBILIER sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [U] la totalité des frais irrépétibles qu'il a dû engager pour se défendre et faire valoir ses droits. Une somme de 2.000 €, en sus de la somme allouée par les premiers juges lui sera accordée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirmant partiellement le jugement déféré,
Dit que le licenciement économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société France TOURISME IMMOBILIER SA à payer à Monsieur [O] [U] les sommes suivantes :
- 17.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.600 € à titre de rappel de salaire sur la base du principe, « à travail égal, salaire égal »,
- 360 € au titre des congés payés afférents,
- 308,33 € à titre de rappel du 13ème mois,
- 14.769 € à titre de rappel de salaire sur les primes,
- 1.476 € au titre des congés payés afférents,
- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée par les premiers juges,
Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d'un mois.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société France TOURISME IMMOBILIER SA aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT