RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 Septembre 2017
(n° , 08 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08325 et 14/08609
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 13/01636
APPELANTE PRINCIPALE - INTIMÉ INCIDENT
SAS RENEE COSTES IMMOBILIER
N° SIRET : 481 431 666 00058
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0022
INTIMÉ PRINCIPAL - APPELANT INCIDENT
Monsieur [E] [N]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne
assisté de Me Sabrina CABRILO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0931
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre
Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2017
Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Renée Costes Immobilier est une société immobilière spécialisée dans les transactions d'immeubles en viager.
Monsieur [E] [N] a été engagé selon contrat à durée indéterminée du 15 septembre 2008 en qualité de négociateur immobilier. Il a été promu directeur commercial France, niveau cadre, à compter du 1er juillet 2009.
L'entreprise compte plus de onze salariés. La convention collective applicable est celle de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers.
Par lettre du 21 novembre 2012, Monsieur [N] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 novembre suivant.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 3 décembre 2012.
Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 28 mars 2014, a partiellement fait droit à ses demandes et condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
- 6.160,52 euros à titre de rappel de salaire fixe du 1er janvier au 31 décembre 2009, outre les congés afférents,
- 25.388,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,
- 8.815,45 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 50.776,92 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 500 euros au titre des frais de procédure.
La société Renée Costes Immobilier a interjeté appel de cette décision et à l'audience demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de rappels de salaires pour les années 2009 et 2010 et de confirmer le jugement pour le surplus.
A titre subsidiaire, si le licenciement était considéré comme abusif, elle demande à la cour de limiter l'indemnité à six mois de salaire.
En tout état de cause, elle réclame la somme de 2.000 euros au titre des frais de procédure.
Monsieur [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de la société Renée Costes Immobilier mais de l'infirmer pour le surplus.
Il réclame la condamnation de la société Renée Costes Immobilier à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts :
- 14.813 euros à titre de rappel de salaire variable pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009,
- 9.525 euros à titre de rappel de salaire variable pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010,
- 7.191 euros au titre des commissions sur les affaires gagnées en contentieux (3.010 euros pour l'affaire [T]/[B] et 4.181 euros pour l'affaire [K]/[R]),
- 153.300 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 30.466,18 euros au titre de la contrepartie de l'obligation de non-concurrence, outre les congés afférents,
- 10.000 euros au titre des frais de procédure.
Il réclame également la remise sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, des bulletins de paie de juin 2009 à décembre 2010, d'un reçu de solde de tout compte et d'une attestation pôle emploi conformes.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Pour une meilleure administration de la justice, la cour ordonne la jonction des affaires 14/08325 et 14/08609 sous le numéro 14/08325.
Sur la demande de rappel de salaire
Il est constant que lors de son embauche en qualité de négociateur immobilier, la rémunération de Monsieur [N] était composée comme suit :
- une partie fixe égale au SMIC,
- une partie variable égale à 10% de la commission (hors taxes) de l'agence sur toutes les affaires apportées ou vendues par son intermédiaire au dessus de 3.000 euros de commission HT, ce seuil minimum étant apprécié sur une base cumulée de 12 mois. La commission ainsi déterminée inclut le 13ème mois.
A partir du 1er juillet 2009, lorsque Monsieur [N] est devenu directeur commercial, sa rémunération a été fixée à 3.000 euros bruts mensuels, auxquels s'ajoutait un 13ème mois calculé sur la base de la rémunération fixe. Il était convenu qu'il percevrait en outre une rémunération variable égale à 2,1% du chiffre d'affaires hors taxes encaissé dans le mois. Il était précisé dans le contrat de travail que la commission et l'indemnité de congés payés s'établissaient à 1,9091% au titre de la commission, en ce compris le 13ème mois, et à 0,1909% au titre des congés payés.
Selon avenant du 2 janvier 2012, sa rémunération variable a été limitée à la somme de 5.000 euros bruts par mois à compter du 1er janvier 2012.
Sur la demande de rappel de salaire fixe
Si l'employeur fait valoir que lors de la signature de l'avenant du 1er juillet 2009, il avait été convenu avec le salarié que tant qu'il percevrait des commissions sur sa fonction précédente de négociateur immobilier, la somme de 3.000 euros ne lui serait pas versée, de même que sa rémunération variable, force est de constater qu'il ne produit aucun élément justifiant de la réalité de cet accord.
Dès lors, il convient d'appliquer les dispositions du contrat de travail et de faire droit à la demande de rappel de salaire fixe du salarié. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de rappel de salaire variable
Monsieur [N] sollicite un rappel de salaire à ce titre (commission et intéressement) et produit un tableau des sommes qu'il estime lui être dues. Il rappelle qu'il appartient à l'employeur de prouver le paiement des salaires.
La société Renée Costes Immobilier s'étonne que le salarié n'ait jamais réclamé de complément de salaire pour 2009 et 2010, ce qui atteste selon elle de l'accord convenu entre les parties de décaler dans le temps la mise en 'uvre du nouveau système de rémunération comme évoqué précédemment.
C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli.
En l'espèce, le salarié verse aux débats des tableaux récapitulatifs de ses demandes. La cour observe que la société Renée Costes Immobilier ne conteste pas les chiffres et les calculs avancés par le salarié et ne produit aucun élément lui permettant d'apprécier si les sommes effectivement dues au salarié au titre de son salaire variable lui ont été réglées.
Il convient par conséquent de faire droit aux demandes de rappel du salarié à ce titre. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de rappel de commissions sur les affaires gagnées en contentieux
Monsieur [N] explique avoir appris que deux affaires sur lesquelles il était intervenu en qualité de négociateur avaient été gagnées en contentieux et devaient par conséquent lui être rémunérées pour un montant total de 7.191 euros.
L'article 13 de son contrat de travail de négociateur immobilier prévoit l'existence d'un droit de suite sur les commissions après expiration du contrat. Ainsi « le salarié bénéficie d'un droit de suite concernant les commissions qu'il aurait perçues si le contrat de travail n'avait pas expiré. L'exercice de ce droit de suite est soumis à deux conditions quant aux affaires ouvrant droit à commissions :
- seules sont prises en compte les affaires définitivement conclues dans la durée du droit de suite,
- seules sont prises en compte les affaires qui sont la suite et la conséquence du travail effectué par le salarié pendant l'exécution de son contrat de travail.
La durée du droit de suite est de six mois ».
Dès lors, ces affaires gagnées au contentieux postérieurement à la rupture de son contrat de travail, l'ont nécessairement été plus de six mois après qu'il ait cessé ses fonctions de négociateur immobilier au profit de celles de directeur commercial.
Sa demande de rappel de salaire à ce titre sera par conséquent rejetée.
Sur le licenciement
Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
« Nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs ci-après exposés :
Directeur commercial depuis le 1er juillet 2009 dans notre société, à ce titre, vous avez notamment pour missions de développer la productivité et les compétences des équipes commerciales, mais aussi d'assurer le reporting auprès de la direction sur les évolutions du chiffres d'affaires.
Or, nous avons découvert, le 13 novembre 2012, qu'il existait des défaillances dans votre suivi des éléments de reporting de l'activité commerciale.
Le chiffres d'affaires prévisionnel prend en compte tous les dossiers à partir du moment où l'offre de l'acquéreur est acceptée par le vendeur. Dans le cas où le vendeur ne veut plus vendre, où l'acquéreur se rétracte, où le crédit est refusé, ces dossiers doivent bien évidemment être retirés du chiffre d'affaires prévisionnel. Pourtant, 14 dossiers, représentant un montant total de 301.370 euros TTC, figurent toujours dans le chiffre d'affaires de 2.818.990 euros alors qu'ils auraient dû être retirés, en moyenne plus d'un mois auparavant, ce qui représente une erreur de 11% sur le chiffre d'affaires prévisionnel total de la société.
Du fait de votre ancienneté dans notre société, vous aviez parfaitement conscience que comptabiliser ces dossiers défaillants fausserait l'analyse économique des résultats et pouvait entraîner un risque important dans le pilotage de l'entreprise.
Cette conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 3 décembre 2012, sans indemnité de préavis, ni de licenciement ».
La société Renée Costes Immobilier explique que le directeur commercial avait pour charge de piloter la volumétrie de l'activité commerciale terrain et de veiller à la bonne exécution des transactions. Il devait donc à ce titre suivre les clients et accompagner les transactions jusqu'aux signatures devant le notaire. Elle ajoute que Monsieur [N] occupait un poste de confiance et qu'il devait faire remonter les informations auprès de la direction qui en fonction du chiffre d'affaires prévisionnel communiqué, budgétait les dépenses, notamment publicitaires. Elle explique que comme le prévisionnel n'était pas maîtrisé, cela l'a conduite à engager des dépenses et une perte en fin d'exercice.
A l'appui de ses explications, la société Renée Costes Immobilier produit notamment :
- un listing intitulé « dossiers ayant un problème » daté du 26 novembre 2012,
- des échanges de mails entre le salarié et le directeur de la société dans lesquels Monsieur [N] l'informe des nouveaux dossiers enregistrés,
- des comptes rendus de réunion au cours desquels les dossiers en difficultés sont abordés,
- les comptes de résultats de l'entreprise entre janvier et juin 2013,
- une attestation de Monsieur [V] [U], ingénieur statisticien, indiquant « Dans le cadre de mes fonctions, au cours du dernier trimestre 2012, j'ai travaillé sur le développement de l'analyse statistique commerciale et notamment la gestion du stock de dossiers en cours de vente. Après la formalisation des process, le séquençage des étapes et la définition d'une grille de catégorisation des dossiers, j'ai procédé à un carottage du stock de dossiers en cours de vente afin de confronter mon modèle à un échantillon de dossiers réels. Au cours de l'analyse de cet échantillon, je me suis rendu compte que le stock était faux et largement surévalué car il comprenait des dossiers qui ne devaient plus s'y trouver. J'ai aussitôt remonté cette information à Monsieur [Q]. Ce dernier m'a alors demandé de procéder à une revue complète du stock de dossiers en cours de vente. J'ai procédé à cette revue et remis mes conclusions à Monsieur [Q] autour du 20novembre 2012 ».
Monsieur [N] conteste les faits qui lui sont reprochés. Il fait valoir qu'aucune obligation de « reporting » n'était stipulée dans son contrat de travail, que l'employeur ne lui a jamais adressé le moindre reproche, que ce prétendu manquement ne lui est pas imputable et qu'en tout état de cause il n'est pas démontré.
Force est de constater que l'employeur ne justifie pas de la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
Outre le fait que l'employeur ne démontre pas que le salarié était tenu de reporter et de mettre à jour le chiffre d'affaires prévisionnel, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les éventuelles erreurs relevées par Monsieur [U] soient imputables à Monsieur [N].
En tout état de cause, la cour relève que l'employeur ne produit aucun élément justifiant de la réalité de ces erreurs et de leur impact sur le chiffre d'affaires prévisionnel, le seul listing intitulé « dossiers ayant des problèmes » ne permettant pas d'apprécier à quelle date le dossier aurait du être retiré ni même de s'assurer que la vente n'a effectivement pas pu aboutir.
Dès lors, c'est par une juste appréciation des éléments du dossier que les premiers juges ont considéré que le licenciement de Monsieur [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera par conséquent confirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement
Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter. La convention collective prévoit un préavis de trois mois pour les cadres ayant deux ans d'ancienneté.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Aux termes de l'article 33 de la convention collective, après deux de présence, les salariés licenciés reçoivent une indemnité de licenciement calculée sur la base de ¿ du salaire global brut mensuel contractuel acquis à la date de cessation du contrat de travail et par année de présence au prorata temporis et sous réserve de l'application plus favorable du dispositif légal conduisant à une indemnité pouvant être plus favorable que la présente conventionnelle.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Monsieur [N] la somme de 8.815,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
A la date du licenciement, Monsieur [N] percevait une rémunération mensuelle brute de 8.462,83 euros, avait 42 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans et 2 mois au sein de l'établissement.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Monsieur [N] ne rapporte aucun élément sur le préjudice moral qu'il aurait subi. Ainsi, il ressort des circonstances propres à l'espèce que la rupture a été notifiée au salarié par courrier recommandé qui lui a été adressé personnellement, aucune interpellation n'ayant été faite de façon publique.
Par ailleurs, aucun préjudice moral distinct de celui qui résulte de la perte de son emploi et qui a été pris en compte dans l'évaluation du préjudice du salarié n'est démontré.
Monsieur [N] sera, par conséquent, débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la clause de non-concurrence
L'article 10 du contrat de travail de Monsieur [N] stipule une clause de non-concurrence aux termes de laquelle « Monsieur [N] s'engage (') à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées chez Renée Costes Immobilier. Cet engagement est limité à la région Ile de France et est limité à une durée d'une année suivant la date de rupture. En contrepartie de l'engagement prix par le salarié, la société s'engage à lui verser 30% de sa rémunération moyenne calculée sur les 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail. Toutefois, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la rupture du contrat par l'employeur ou le salarié, l'employeur peut néanmoins par lettre recommandée avec accusé de réception renoncer à l'application de la clause de non-concurrence, en portant sa décision par écrit à la connaissance du salarié ; dans ce cas, ce dernier ne peut prétendre à aucune contrepartie pécuniaire ; ou décider de réduire la durée de l'interdiction. L'indemnité due au salarié sera alors réduite dans les mêmes proportions. La lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la décision de l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence ou de réduire doit être présentée au salarié avant l'expiration du délai de 15 jours susmentionné ».
La société Renée Costes Immobilier explique qu'elle a délié le salarié de cette clause par lettre remise en mains propres le 3 décembre 2012. Si le salarié conteste avoir signé cette lettre et avoir porté plainte pour faux, elle constate que cette plainte a été classée sans suite. Elle estime que la formalité de remise par lettre recommandée prévue par le contrat de travail n'est pas sanctionnée par la nullité mais permet seulement de garantir la preuve de la réalisation.
Monsieur [N] conteste avoir reçu cette lettre. Il s'étonne que l'employeur ne produise pas l'original de ce courrier ce qui ne permet pas à la cour de procéder aux vérifications nécessaires.
Il estime par ailleurs que la renonciation par lettre remise en mains propres ne respecte pas le formalisme prévu par le contrat de travail et la convention collective.
La cour rappelle que la renonciation à la clause de non concurrence ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de l'employeur de renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence.
Lorsque le formalisme contractuellement prévu a pour objet de permettre au salarié d'être correctement et clairement informé de l'étendue de sa liberté de travailler, et si, sans observer précisément ce formalisme, l'employeur a bien notifié par écrit et dans les délais imposés sa renonciation à la clause, la renonciation peut alors être regardée comme valable.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que l'employeur a délié le salarié de la clause de non-concurrence dans les délais impartis par le contrat de travail et la convention collective, peu importe que le formalisme contractuellement prévu n'ait pas été respecté.
Si le salarié conteste avoir signé ledit courrier le 3 décembre 2012, il apparaît que contrairement à ce qu'il soutient, il était présent dans les locaux de l'entreprise à cette date puisqu'il ressort des pièces versées aux débats qu'il a restitué le même jour son ordinateur et son téléphone, ce qu'au demeurant il ne conteste pas.
Enfin, la cour observe que la plainte pour faux en écritures déposée par le salarié à l'encontre de son employeur a été classée sans suite, dès lors aucun élément ne permet de remettre en cause l'authenticité du document dont la copie est versée aux débats.
Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation du salarié au titre de la clause de non-concurrence.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la remise de documents sociaux
Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes (bulletin de paie, reçu de solde de tout compte et attestation pôle emploi), dans les termes du dispositif sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte.
Sur les frais de procédure
L'équité commande de condamner la société Renée Costes Immobilier à verser à Monsieur [N] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
Comme elle succombe dans la présente instance, la société Renée Costes Immobilier sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié que la cour ordonnera dans le cas d'espèce dans la limite de six mois.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Ordonne la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 14/08325 et 14/08609,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire variable et en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement abusif,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Renée Costes Immobilier à verser à Monsieur [N] les sommes suivantes :
- 14.813 euros à titre de rappel de salaire variable pour l'année 2009,
- 9.525 euros à titre de rappel de salaire variable pour l'année 2010,
- 65.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1343-2 du code civil,
Ordonne le remboursement par la société Renée Costes Immobilier à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [N] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois,
Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Renée Costes Immobilier aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT