RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 19 Septembre 2017
(n° 685 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04651
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL section activités diverses RG n° 12/02386
APPELANTE
SAS MARCELLETTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 732 034 814
représentée par Me Emilie REBOURCET, avocat au barreau de SENLIS
INTIME
Monsieur [C] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Vincent COSTEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1346
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, faisant fonction de Président
Mme Soleine HUNTER-FALCK, Conseillère
Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour
- signé par Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, faisant fonction de Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
La SAS MARCELLETTE qui compte plus de 11 salariés exerce une activité d'importation, d'exportation et de négoce de fruits et légumes.
Monsieur [C] [L], né en 1967 a été embauché par la Société MARCELLETTE dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en date du 18 avril 2012 en qualité de "préparateur-manutentionnaire" coefficient N4 échelon 2 moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.900,00 €.
Le terme initial de son contrat de travail est alors fixé au 18 juillet 2012.
La convention collective applicable est celle du Commerces de Gros.
Par courrier en date du 2 mai 2012, la Société MARCELLETTE confirme à Monsieur [L] la fin de sa période d'essai et la poursuite de son contrat.
Une lettre en date du 18 mai 2012, signée de Monsieur [L] et de la Société MARCELLETTE , a mis fin à la relation contractuelle .
Monsieur [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes CRETEIL en date du 2 octobre 2012 aux fins de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de contestation de la rupture intervenue.
Le Conseil de Prud'homme de Créteil statuant en départage a:
-Rejeté la demande de Monsieur [X] [L] tendant à la requalification de son contrat de travail;
-Debouté Monsieur [X] [L] de ses demandes d'indemnité de requalification, d'indemnité de préavis et congés payés afférents et d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement;
-Requalifié la rupture conventionnelle en une rupture anticipée pour faute grave;
-Declaré la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave intervenue
le 18 mai 2012 abusive;
-Condamné la société MARCELLETTE à payer à Monsieur [X] [L], 3800 € à titre de dommages-intérêts ;
Condamné la société MARCELLETTE à payer à Monsieur [X] [L] une indemnité de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Débouté la société MARCELLETTE de sa demande au titre de l'article 700 du Code
de procédure civile;
Condamné la société MARCELLETTE aux dépens.
Le 25 avril 2014 la Société MARCELETTE a régulièrement interjeté appel de ce jugement .
Elle demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL en date du 3 avril 2014 en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [L] tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ;
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL en date du 3 avril 2014 en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de ses demandes d'indemnité de requalification, d'indemnité de préavis et congés payés afférents et d'indemnité pour irrégularité de procédure;
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL en date du 3 avril 2014 pour le surplus;
A titre principal :
- Dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [L] est intervenue d'un commun accord entre les parties;
- Débouter Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes;
A titre subsidiaire :
-Constater que la rupture anticipée du contrat de travail de Monsieur [L] était
justifiée pour faute grave;
-Débouter Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes;
A titre plus subsidiaire
- Ramener à de plus justes proportions la demande de Monsieur [L] afférente
à l'indemnité pour rupture anticipée de son contrat de travail;
- Débouter Monsieur [L] du surplus de ses demandes plus amples et contraires;
En tout état de cause
- Condamner Monsieur [L] à verser à la société MARCELLETTE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile et à supporter les entiers dépens.
Monsieur [X] [L] sollicite de la Cour de :
1/ Sur la requalification du contrat
-Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée;
-condamner la société MARCELLETTE à lui verser la somme de 1.900 € au titre de l'indemnité de requalification au titre de l'article L. 1245-2 du code du travail;
2/ Sur la rupture d'un commun accord
A titre principal,
- constater la nullité de la rupture d'un commun accord et, par conséquent,
-condamner la société MARCELLETTE à lui verser les sommes de :
* 3.800 € au titre de la rupture abusive au titre de l'article L. 1235-5 du code du
travail ;
*1.900 € brut au titre du préavis conventionnel de licenciement (Article 35 de la
CCN du commerce de gros) et 190 € brut au titre des congés payés afférents ;
À titre subsidiaire,
- confirmer le jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL en requalifiant la rupture d'un commun accord en rupture anticipée abusive et en condamnant la société MARCELLETTE à lui verser la somme de 3.800 € au titre de l'indemnité pour rupture abusive anticipée;
3/ Sur les autres demandes
-condamner la société MARCELLETTE à lui verser la somme de 2.500 €au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
SUR CE
Sur la requalification du contrat
Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L.1242-2 du même code dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d'un salarié (...),
2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise,
3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte . A défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion et les activités de la Société MARCELLETTE ne constituant pas une exception aux dispositions légales encadrant le recours aux contrats à durée déterminée, il lui appartient de justifier la réalité du motif visé par le contrat objet du litige.
Le motif visé en l'espèce dans le contrat de travail est le suivant : "un accroissement temporaire d'activité dû à la saisonnalité du site de RUNGIS" .
En l'absence de production d'éléménts comptables permettantd'en vérifer les données , les tableaux retraçant l'évolution des chiffres d'affaires produits par la Société MARCELETTE ne sont pas suffisants pour établir la réalité de l'accroissement d'activité visée au contrat. .
Dès lors ,infirmant le jugement il convient de faire droit à la demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et à la demande en paiement de l'indemnité de requalification soit la somme de 1900 €, correspondant à un mois de salaire, en application de l'article L1245-2 du code du travail .
Sur les conditions de la rupture
Toute rupture d'un contrat à durée indéterminée d'un commun accord doit respecter la procédure prévue aux articles L.1237-11 et suivants du code du travail et destinée à garantir la liberté du consentement des parties.
En l'espèce, le contrat à durée déterminée ayant été requalifié en contrat à indéterminé, la Société MARCELLETTE devait respecter les dites règles d'ordre public .
Or en l'espèce, en l'absence notamment du versement d' indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de toute homologation par l'inspection du travail la lettre de rupture d'un commun accord du 18 mai 2012 ne respecte pas les dispositions légales .
Par ailleurs à la lecture de cette lettre qui contient une énumération de griefs à l'encontre du salarié qui l'a signée en portant la mention 'sous réserve de tous mes droits ', sa volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail n'est pas démontrée.
Il convient donc de déclarer nulle la rupture d'un commun accord résultant de la lettre du 18 mai 2012 .
La nullité de cet accord valant licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié est en droit de prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle de préavis de 1 mois en application de la convention collective soit 1.900 € brut et au congés payés y afférents soit 190 € brut .
En revanche ,la relation de travail n'ayant duré qu'un mois , et le salarié ne versant aucune pièce et n'évoquant aucun élément permettant de vérifier l'existence d'un quelconque préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail , il convient de rejeter sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1235-5 du code du travail .
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer les dispositions du jugement sur les frais irépétibles et les dépens.
La SAS MARCELETTE est par ailleurs condamnée au paiement de la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens .
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel recevable ;
Confirme les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens .
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fait droit à la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Condamne la SAS MARCELETTE à payer à Monsieur [X] [L] les sommes suivantes:
- 1900 € brut au titre de l'indemnité de requalification ;
- 1900 € brut au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 190 € au titre de congés payés y afférents.
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la SAS MARCELETTE payer à Monsieur [X] [L] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT