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15/09/2017 | FRANCE | N°15/01631

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 15 septembre 2017, 15/01631


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01631



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2013F00551





APPELANTE



SA DATA DYNAMIC SYSTEMS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au

dit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 329 324 792 (Paris)



représentée par Me Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1380







I...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01631

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2013F00551

APPELANTE

SA DATA DYNAMIC SYSTEMS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 329 324 792 (Paris)

représentée par Me Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1380

INTIMEES

SASU ARCELORMITTAL PURCHASING

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 444 574 008

représentée par Me Antonin STAUB de la SELARL AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0515

SASU ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE venant aux droits de la société ArcelorMIttal IT Supply France (Siren 425064664),

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 444 718 563

représentée par Me Antonin STAUB de la SELARL AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0515

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre chargé du rapport, et Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre,

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre,

M. François THOMAS, Conseiller, désigné par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour.

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal IT Supply France (Arcelor) sont entrées en relation en 2010 avec la société Data Dynamic Systems (DDS) pour étendre l'utilisation de son logiciel DDS SHIPPER à 42 sites aciers plats et aciers longs en Europe. Deux contrats ont été signés le 1er décembre 2010 :

- un contrat de licence et de support et maintenance (contrat de licence), conclu par Arcelor Mittal Purchasing, concernant les modules existants et standards de DDS ;

- un contrat de prestations de services d'installation et de paramétrage (contrat de services), conclu par Arcelor Mittal IT Supply France, concernant la réalisation des développements nécessaires pour combler les écarts entre la solution standard de DDS et les fonctionnalités requises par Arcelor Mittal.

Le 27 juillet 2012, Arcelor a décidé de réaliser une étude comparative de solutions ; le 28 août 2012, elle a confirmé l'arrêt des travaux, à l'exception de tâches de support, puis, le 4 décembre 2012, a notifié la décision d'arrêt d'utilisation des logiciels DDS SHIPPER et la résiliation de tous les contrats.

Le 21 décembre 2012, Data Dynamic Systems a mis en demeure Arcelor de poursuivre les contrats ou de l'indemniser de ses pertes. Cette mise en demeure et la tentative de médiation étant demeurées sans effet, Data Dynamic Systems a, par acte du 23 avril 2013, assigné les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal IT Supply France devant le tribunal de commerce de Bobigny.

Par jugement rendu le 16 décembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- débouté la société Data Dynamic Systems de ses demandes visant au paiement d'un complément de prix concernant les licences et la maintenance, à l'exception du montant de 29.055 euros HT pour lequel elle a donné acte à la société Arcelor Mittal Purchasing de son offre de paiement ;

- débouté la société Data Dynamic Systems de toutes ses demandes visant au paiement des factures de prestations de service, à l'exception d'un montant de 10.829,28 euros au titre de formation commandée et réalisée pour lequel elle a donné acte à la société Arcelor Mittal Purchasing de son offre de paiement sous condition d'émission d'une facture ;

- débouté la société Data Dynamic Systems de ses demandes concernant la rupture brutale de contrat ou de relations commerciales établies ;

- débouté la société Data Dynamic Systems de ses demandes relatives à la réparation du préjudice moral ou du préjudice d'image ;

- débouté la société Data Dynamic de ses demandes relatives aux coûts de location de bureaux ;

- condamné la société Data Dynamic Systems à verser une somme de 15.000 euros par moitié à chacune des deux défenderesses, la société Arcelor Mittal Purxhasing et la société Arcelor Mittal IT Supply France ;

- condamné la société Data Dynamic Systems aux dépens.

La SA Data Dynamic Systems a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 23 janvier 2015.

Par arrêt rendu le 3 mars 2017, la Cour a révoqué l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure, avant le 28 avril 2017, sur l'irrecevabilité encourue en application du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Prétentions des parties

La société Data Dynamic Systems, par dernières conclusions déposées et notifiées le 23 septembre 2016, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- dire DATA recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;

- dire que les relations des parties étaient distinctes car composée du contrat de licence logiciel et de maintenance intitulé « Contrat for IS/IT/Telco Capital Investment (CCP-IP) » du 1er décembre 2010 et du contrat de prestations de services intitulé « Contrat for IS/IT/Telco Capital Investment (CCP-IP) du 1er décembre 2010 ;

- dire que les demandes de Data ne portent pas atteinte au principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et son recevables ;

- dire que la demande, à titre principal, des sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique Lorraine visant à déclarer irrecevables les demandes de la Société Data Dynamic Systems est nouvelle en appel et par conséquent irrecevable ;

Sur le caractère brutal de la rupture sur les prestations de services informatiques au sens de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce :

- constater que la résiliation, sans préavis, intervenue le 4 décembre 2012, avait un caractère brutal au sens de l'article L.442-6 du code de commerce ;

- constater que par courriel du 27 juillet 2012, la société Arcelor Mittal IT Supply France a suspendu unilatéralement le contrat de prestation de service signé le 1er décembre 2010 jusqu'à la date du 13 décembre 2012, date de la résiliation contestée ;

- condamner en conséquence in solidum les Sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic SystemS la somme de 376.700 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L.442-6 du code de commerce ;

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 345.300 euros HT, sauf à parfaire, au titre du maintien de la mobilisation des équipes DDS pour la période du 27 juillet 2012 au 13 décembre 2012 ;

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 116.000 euros au titre des bureaux complémentaires loués pas Data Dynamic Systems pour le projet ;

Sur la rupture abusive du contrat de licence et de maintenance logiciel conclu le 1er décembre 2010 :

- prononcer la résiliation des contrats aux torts exclusifs des sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine ;

- constater que la commune intention des parties était d'établir un contrat d'une durée déterminée de cinq ans ;

- constater que la société Arcelor Mittal Purchasing a rompu le contrat de licence et de maintenance logiciel conclu le 1er décembre 2010 unilatéralement par lettre du 4 décembre 2012 sans respecter le délai de cinq ans, sans motif ni grief, puis au visa de motifs exprimés tardivement et non fondés ;

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 1.067.550 euros au titre des licences minimums non facturées, avec les intérêts de retard à compter de la date de la mise en demeure du 21 décembre 2012 ;

A défaut de qualifier le contrat de licence de contrat à durée déterminée de cinq ans,

- constater que le contrat en question comporte une obligation de minimum garanti non atteinte à la date de sa rupture ;

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 756.742,50 euros HT au titre de la maintenance associée aux licences minimums garanties ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 1.500.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- débouter les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 35.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens de la présente instance.

Elle fait valoir, sur le non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, qu'elle sollicite d'une part, sur le fondement délictuel, l'indemnisation de son préjudice au titre de la rupture brutale concernant les prestations de service informatique, d'autre part, sur le fondement contractuel, l'indemnisation de son préjudice au titre de la rupture abusive de sa relation au titre du contrat de licence et de maintenance. Les demandes de la société Data Dynamic Systems portant sur deux contrats distincts et indépendants l'un de l'autre, différant quant à leur objet, leur durée, le lieu d'exécution des prestations et sur les cocontractants, elles ne portent pas atteinte au principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Sur l'absence de dérive du projet et sur le comportement de la société Arcelor Mittal dans la gestion du projet, elle estime qu'en ayant accepté les avenants aux contrats proposés par les sociétés Arcelor, elle a fait preuve de souplesse. Elle considère également avoir fait preuve d'une réactivité remarquable pendant l'exécution du projet. Au contraire, en rompant un contrat d'un montant important deux ans après sa conclusion, les sociétés Arcelor Mittal ont fait preuve de désinvolture.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies, elle fait valoir qu'elle était en relations d'affaires avec la société Ugines & ALZ du Groupe Arcelor Mittal depuis 2005, que c'est donc naturellement que le Groupe Arcelor Mittal a décidé de contracter avec la société Data Dynamic Systems.

A partir de la mise en place du projet en 2010 et jusqu'à son terme le 4 décembre 2010, ce dernier a pris de l'envergure. Le chiffre d'affaires réalisé par Data Dynamic Systems dans le cadre de ce projet représentait d'ailleurs 17 % de son chiffre d'affaires total au premier semestre 2012. Les relations commerciales étaient donc établies et la société Data Dynamic Systems pouvait donc légitimement croire qu'elles perdureraient.

La société Arcelor Mittal n'ayant à aucun moment exprimé son intention de rompre le contrat, ni évoqué les circonstances de l'étude comparative effectuée et la résiliation du contrat n'ayant pas été précédée d'un préavis, la rupture a été brutale.

Sur la rupture abusive du contrat de licence et de maintenance logiciel, elle soutient que le contrat de licence et de maintenance logiciel ayant été stipulé pour une durée de cinq ans, la volonté des parties était bien d'établir une relation contractuelle de cinq ans ; or, le tribunal de commerce n'a pas recherché la commune intention des parties. Le terme de ce contrat ayant été fixé à cinq ans, sa résiliation ne peut avoir lieu avant son terme, sauf en cas de consentement mutuel des parties. Or, la société Arcelor Mittal a décidé unilatéralement de rompre le contrat deux ans après la conclusion du contrat.

Si la société Arcelor Mittal a justifié cette rupture par un coût du projet plus important que prévu, il ressort d'une étude réalisée par cette société que la solution Data Dynamic Systems était la moins coûteuse et la plus intéressante en termes de temps et de déploiement. Il y a donc résiliation abusive du contrat de licence et de maintenance logiciel.

La société Arcelor Mittal ayant mis fin au contrat de licence et de maintenance logiciel avant son terme, elle doit l'obligation de minimum garanti de cinq ans énoncée dans ledit contrat. En raison de la rupture abusive ou du non-respect de l'obligation de minimum garanti, la société Arcelor Mittal est tenue au paiement de la différence entre les montants de licence facturées et payées et le montant fixé au contrat au titre du minimum garanti.

Elle précise qu'Arcelor Mittal ne peut lui reprocher de n'avoir pas fourni de rapport d'activité, alors qu'elle a communiqué, tout au long du projet, des rapports hebdomadaires et mensuels précisant, de manière détaillée, les tâches et les prestations réalisées. De même, un développement du projet ayant été mis en production le 14 juin 2012, Arcelor Mittal ne peut considérer que le projet était dans l'impasse en raison de dysfonctionnements.

Elle ajoute que, dans son courrier en date du 27 juillet 2012, Arcelor Mittal a demandé à Data de suspendre ses travaux tout en maintenant ses équipes mobilisées, en vue de réaliser une étude comparative ; en agissant de la sorte, Arcelor Mittal a souhaité profiter de ses ressources, avant de rompre le contrat de manière brutale et abusive. Le coût de ce maintien à disponibilité des équipes a été évalué à 345.300 euros.

Sur le préjudice, elle expose que la rupture brutale des relations commerciales par la société Arcelor Mittal a :

- entraîné une désorganisation interne de Data Dynamic Systems ;

- causé un effet négatif sur son image et ses investissements en termes de communication;

- subi un préjudice moral constitué par une certaine démotivation parmi les collaborateurs de Data impliqués dans le projet par suite de la brutalité de la rupture.

Data Dynamic Systems ayant conclu un bail commercial portant sur des bureaux supplémentaires pour la réalisation du projet Arcelor Mitttal, elle souligne enfin que la location de locaux destinée à répondre aux besoins d'Arcelor Mittal est inutile et représente un préjudice de 116.000 euros (soit la location de décembre 2012 à mai 2015).

Les sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine, par conclusions signifiées par le RPVA le 12 avril 2017, demandent à la Cour de :

A titre principal,

- déclarer Data Dynamic Systems irrecevable en ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter Data Dynamic Systems de l'ensemble de ses demandes ;

A titre très subsidiaire,

- réduire le montant de la condamnation ;

En tout état de cause,

- condamner Data Dynamic Systems en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la société Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine la somme de 20.000 euros, et à Arcelor Mittal Purchasing celle de 20.000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles concluent en premier lieu à l'irrecevabilité des demandes de la société Data Dynamic Systems, en faisant valoir que :

- les demandes de la société Data Dynamic Systems sont à la fois fondées sur l'article L.442-6 I 5° du code de commerce et sur l'article 1134 ancien du code civil, que ces demandes constituent de surcroît des demandes cumulatives, et non une demande principale et une demande subsidiaire ;

- toutes les demandes de la société Data Dynamic Systems reposent sur le même fait générateur qui est la lettre de résiliation du 4 décembre 2012, laquelle serait abusive sur le terrain contractuel et brutale sur le terrain délictuel ;

- la demande de la société Data Dynamic Systems est donc irrecevable en application du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle.

Elles indiquent en second lieu, que, si la relation commerciale est établie, elle n'existe que depuis la signature des contrats le 1er décembre 2010, qu'au moment de la suspension du projet, la relation contractuelle est donc d'un an et demi de sorte que la durée de préavis de six mois réclamée est excessive. Elle précise, sur la rupture abusive, que, le contrat de licence étant à durée indéterminée, la société Arcelor Mittal était en droit de le résilier à tout moment.

La société Data Dynamic Systems ayant été informée des mécontentements de la société Arcelor Mittal sur la conduite et la réalisation du projet, les sociétés étaient entrées en pourparlers quant à la poursuite du projet au mois de mars 2012 ; Data Dynamic Systems a pu défendre son intérêt de poursuivre le projet en septembre 2012, aucune commande n'ayant eu lieu au cours des derniers 18 mois, de sorte que la rupture des relations commerciales ne peut pas être qualifiée de brutale.

En ce qui concerne le préjudice subi par Data Dynamic Systems, elles précisent que l'indemnisation demandée est calculée sur la base des charges moyennes entre mars et juin 2012, et non sur la durée totale du projet.

Sur la durée des contrats de licence, Data Dynamic Systems ne peut demander à la Cour d'interpréter les dispositions du contrat relative au contrat de licence dès lors que les termes de ce contrat sont clairs et précis.

En tout état de cause les contrats n'ont pas été conclus pour une durée de 5 ans, mais pour une durée indéterminée. La durée de 5 ans du contrat avait été uniquement prévue par Data Dynamic Systems dans sa proposition commerciale du 10 octobre 2010, rejetée par la Société Arcelor Mittal le 21 janvier 2013. C'est donc à bon droit que le Tribunal de commerce a écarté toute qualification de contrat à durée de 5 ans.

En outre, le contrat de licence ayant été conclu le 1er décembre 2010, les licences ne peuvent courir à compter de ce même mois. En effet, lors de la mise en place du contrat, il reste un travail important de définition, conception, développement et validation de fonctionnalités spécifiques puis un travail d'installation et de migration à réaliser.

Sur le revenu minimum garanti issu du contrat de licence, Data Dynamic Systems estime que si le contrat de licence et de maintenance logiciel est un contrat à durée indéterminée, il comporte une obligation de minimum garanti. Or, cet argument repose sur une interprétation erronée de l'article 6 du contrat de licence. En effet, cet article n'est pas de nature à fixer le contrat à une durée de 5 ans, ni à déterminer un revenu minimum garanti de 1.121.100 euros au profit de la société Data Dynamic Systems. Cet article ne vise pas un montant minimum de licence que la Société Arcelor Mittal s'engageait à acquérir mais un projection du nombre de licences qu'Arcelor Mittal était susceptible d'acquérir sur une période de 5 ans.

La demande en paiement de la société Data Dynamic Systems reposant sur l'existence d'un prétendu minimum garanti ne figurant pas dans le contrat et n'ayant pas été tacitement convenu entre les parties, elle est infondée. C'est donc à bon droit que le tribunal de commerce a écarté la qualification de 'contrat à volume minimum garanti'.

Sur le montant dû au titre du contrat de services : Arcelor Mittal n'ayant pas demandé à la Société Data Dynamic Systems de maintenir son personnel mobilisé pendant la suspension des travaux, cette dernière ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice à ce titre. Le tribunal de commerce a en ce sens retenu que la société Data Dynamic Systems n'apportait pas la preuve d'une quelconque commande de nature à maintenir ses équipes sur le projet. Toutefois, Arcelor Mittal reconnaît devoir à la société Data Dynamic Systems le coût de la formation commandée et réalisée, soit 10.829,28 euros.

Sur le montant dû au titre des prestations de maintenance

Conformément aux stipulations de l'annexe 5 du contrat de licence, le prix de maintenance résulte directement d'un taux appliqué au montant des licences acquises. Seules les licences acquises et susceptibles d'être utilisées par le Groupe Arcelor Mittal sont facturables par la société Data Dynamic Systems.

Arcelor Mittal ayant commandé et payé toutes les prestations de maintenance du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, la société Data Dynamic SystemS doit être déboutée de sa demande en paiement.

Sur les autres chefs de préjudice, elles font valoir que :

- Arcelor Mittal étant en doit de résilier les contrats, Data Dynamic Systems ne peut obtenir réparation sur le fondement de la rupture abusive ;

- Data n'apportant aucune preuve du préjudice d'image ni du préjudice moral qu'elle aurait subi, cet argument doit être rejeté, le tribunal de commerce ayant d'ailleurs retenu qu'elle ne 'rapporte pas la preuve du ou des préjudices subis ni leur quantums' ;

- enfin, Data réclame le remboursement de l'intégralité de son bail commercial sans apporter la preuve du lien entre les coûts supportés et le projet.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de la société Data Dynamic Systems

Considérant qu'une partie ne peut, à peine d'irrecevabilité, fonder ses demandes sur un cumul des actions contractuelle et délictuelle à raison d'un même fait ;

Considérant que Data conclut à l'irrecevabilité, comme nouvelle en cause d'appel, de la demande des sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine visant à déclarer irrecevables les demandes de Data ; que la Cour ayant rouvert les débats sur l'irrecevabilité encourue en application du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la demande d'Arcelor Mittal doit être déclarée recevable ;

Considérant qu'aux termes de ses conclusions n° 2 signifiées le 23 septembre 2016, la société Data Dynamic Systems demandait de :

' Sur le caractère brutal de la rupture, constater que la résiliation, sans préavis intervenue le 4 décembre 2012 avait un caractère brutal au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, (...)

Sur la rupture abusive des contrats de licence, de maintenance et de prestations de services, prononcer la résiliation des contrats aux torts exclusifs des sociétés Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine.' ;

Que, dans ses conclusions n° 3 signifiées le 26 avril 2017 sur réouverture des débats, Data fait valoir qu'elle invoque :

- un fondement délictuel, au visa de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce, la rupture brutale de la relation commerciale établie au titre de la rupture du contrat de prestations de services informatiques conclu le 1er décembre 2010 ;

- un fondement contractuel, au visa de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, au titre de la rupture du contrat de licence et de maintenance logiciel conclu le 1er décembre 2010 ;

Mais considérant que les demandes de Data reposent sur le même fait générateur, à savoir la lettre de résiliation du 4 décembre 2012 qui vise l'ensemble des contrats en cours - 'Nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision d'arrêter d'utiliser vos produits dans le cadre de notre projet Metris. Nous vous informons également que nous ne renouvellerons pas, à son échéance annuelle, la maintenance des produits dont nous avons déjà acquis les licences' - constitutive, selon Data, d'une rupture 'brutale' sur le terrain délictuel et 'abusive' sur le terrain contractuel ;

Que les demandes de la société Data doivent être déclarées irrecevables en application de la règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ; que la Cour infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Considérant que l'équité commande de condamner Data à payer à Arcelor Mittal Purchasing la somme de 10.000 euros et à Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine celle de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DÉCLARE recevable la demande des SAS Arcelor Mittal Purchasing et Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine tendant à déclarer irrecevables les demandes de la SA Data Dynamic Systems ;

INFIRME le jugement entrepris ;

STATUANT A NOUVEAU ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la SA Data Dynamic Systems en application de la règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ;

CONDAMNE la SA Data Dynamic Systems à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la SAS Arcelor Mittal Purchasing la somme de 10.000 euros et à la SAS Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine celle de 10.000 euros ;

CONDAMNE la SA Data Dynamic Systems aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/01631
Date de la décision : 15/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°15/01631 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-15;15.01631 ?
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