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06/09/2017 | FRANCE | N°13/11886

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 06 septembre 2017, 13/11886


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 06 Septembre 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11886



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 11/02351





APPELANTE

SAS PROCHIMA SEGALA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me André JOULIN, avocat au barreau de

PARIS, toque : E1135







INTIMÉE

Madame [J] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle RAMISSE, avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Julia JACQUET, avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 06 Septembre 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11886

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 11/02351

APPELANTE

SAS PROCHIMA SEGALA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me André JOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1135

INTIMÉE

Madame [J] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle RAMISSE, avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Julia JACQUET, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Madame Séverine TECHER, Vice-présidente placée

Greffier : Mme Clémence UEHLI, greffier lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [J] [L] a été embauchée par contrat verbal en date du 19 octobre 1998 en qualité de secrétaire par la société Prochima Segala, spécialisée dans le traitement des eaux ; elle était promue secrétaire de direction à compter du 1er juin 2003.

Par lettre remise en main propre le 29 juillet 2011 la SAS Prochima Segala convoquait Madame [L] à un entretien préalable à son éventuel paiement le 5 septembre 2011 avec mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 septembre 2011 la société Prochima Segala notifiait à Madame [L] son licenciement pour faute grave.

Le 29 juillet 2011, Madame [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil en contestation de son licenciement.

Par décision en date du 7 novembre 2013, le Conseil de Prud'hommes sous la présidence du juge départiteur a condamné la SAS Prochima Segala à payer à Madame [L] les sommes suivantes :

- 2787, 10 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

- 278,71 euros au titre des congés payés afférents,

- 1554,12 euros à titre de rappel de congés payés,

- 7252,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 725,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 21'305,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 45'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

- 1200 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

avec exécution provisoire.

Le 11 décembre 2013, la SAS Prochima Segala (dite société Segala)a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 14 juin 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Segala conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour de dire que le licenciement de Madame [L] est fondé sur une faute grave, de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui restituer la somme de 82'205,78 euros avec intérêts de droit à compter de la notification de l'arrêt à intervenir outre une indemnité de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 14 juin 2017 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Madame [L] demande la confirmation du jugement entrepris sauf à lui allouer les sommes complémentaires suivantes :

- 65'276,46 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7252,94 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi,

- 334,45 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la rupture du contrat de travail :

La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur étant rappelé que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient au juge de qualifier le degré de gravité de la faute. Si la faute retenue n'est pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis, il appartient au juge dire si le licenciement disciplinaire repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce la lettre de licenciement est motivée par cinq types de griefs trois concernent des agissements en vue de favoriser des personnes proches au détriment de l'entreprise, Monsieur [P] directeur technique avec lequel elle aurait eu des relations privilégiées et Madame [F] [L] sa mère, le quatrième est relatif à la réticence de la salariée à communiquer à l'employeur les codes informatiques qu'elle avait adoptés et la détention du disque dur de l'ordinateur de l'entreprise, en fin le dernier grief concerne la non-application de la clause annuelle de révision figurant dans les contrats d'assistance technique des clients.

L'employeur démontre qu'il avait accordé à Mme [L] des responsabilités et des prérogatives en lien avec la confiance que lui faisait ce chef d'une petite entreprise de treize salariés. Mme [L] disposait d'une carte bancaire nominative lui permettant d'effectuer les virements bancaires de la société Segala en faveur des fournisseurs, des organismes sociaux et des salariés ; elle disposait d'une procuration bancaire et fiscale et transmettait au cabinet d'expertise comptable les informations nécessaires à l'établissement des bulletins de paie.

Les pièces produites par la société Segala, notamment les relevés de communications téléphoniques, démontrent que de jour comme de nuit Mme [L] utilisait le téléphone professionnel qui lui avait été confié pour téléphoner ou adresser de multiples textos à M. [P]. S'il est exact qu'aucune note relative à l'utilisation de ce matériel professionnel n'est produite, le nombre, et plus encore les horaires de ces communications, démontrent leur caractère privé et les liens étroits entretenus par ces deux salariés.

Il a été définitivement jugé que M. [P] avait présenté à partir du mois de février 2011 des notes de frais de restaurant comportant des mentions mensongères, et des notes de carburant indues ; les notes lui ont été payées après délivrance par Madame [L] d'un bon à payer. Cependant même si l'on peut relever que les repas litigieux ont tous étaient pris dans le Val de Marne où demeure Madame [L], qu'un salarié a attesté que Monsieur [P] déjeunait souvent avec Madame [L], qu'une note de carburant datée du samedi 12 février 2011 à 0h09 a été établie à [Localité 5], dans la ville où demeure Madame [L], ces coïncidences troublantes, ne permettent pas d'établir avec certitude que Madame [L] connaissait le caractère indu des notes de frais de M. [P] et qu'il en a obtenu le remboursement avec sa connivence.

En revanche il résulte de l'attestation de l'expert-comptable que c'est Mme [L] qui calculait et lui communiquait le montant des commissions sur chiffre d'affaires dues à M. [P] et à tous les autres salariés. Les feuilles manuscrites avec mention de la date ( juin, juillet, septembre 2006, janvier et février 2007), de colonnes de calcul et des initiales des salariés, manifestement établies par Mme [L] en charge de ces opérations, démontrent que les commissions étaient, conformément à tous les contrats de travail des salariés, calculées avec un taux de 4%, seules les commissions dues à M. [P] étaient calculées au taux de 5% alors que son contrat de travail prévoyait également un commissionnement calculé au taux de 4%.

Madame [L] ne conteste pas avoir calculé les commissions de Monsieur [P] au taux de 5 % mais prétend que cela résulte d'un accord verbal de l'employeur remontant à l'année 2004 ou 2005, pour étayer ses dires elle produit les attestations sibyllines de deux anciens salariés Messieurs [I] et [U].

Aucun de ces deux salariés ne précise la date à laquelle cet accord purement verbal serait intervenu, M. [U] le situe 'quelque temps après son embauche' en 2004. Outre le fait que les liens entre M. [P] et Messieurs [I] et [U] qui ont travaillé pendant plusieurs années ensemble pour un autre employeur sont établis par, ces attestations sont manifestement mensongères. En effet M. [U] a démissionné le 23 octobre 2005 avant d'être réembauché le 12 mars 2007 dans le cadre d'un nouveau contrat de travail qui, comme le précédent, précise bien que le taux des commissions est calculé sur la base de 4%.

Ainsi il est établi que Mme [L] a délibérément avantagé M. [P] au détriment de l'entreprise en communiquant à l'expert comptable, sans l'accord et à l'insu de l'employeur, le montant de ses commissions calculées à un taux de 5% au lieu de 4%. Il est également démontré que sans motif légitime Mme [L] a accepté de scinder en plusieurs virements la paie de M. [P].

Il est également justifié que Mme [L] a avantagé sa mère rémunérée pour une durée de travail de 22 heures mensuelles alors qu'elle ne travaillait que deux heures et demi par semaine le mercredi matin, Mme [L] assurant son transport à l'arrivée et au départ de l'entreprise. La preuve que Mme [L] mère accomplissait les heures restantes au domicile personnel du gérant de l'entreprise n'est en rien rapportée.

Ainsi il apparaît qu'à l'insu de l'employeur Mme [L] [J] a indûment favorisé sa mère et M. [P], au détriment de la société, ces faits au regard des responsabilités de la salariée, ne permettaient pas son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ils caractérisent une faute grave sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Dès lors il convient d'infirmer le jugement déféré, de dire le licenciement de Madame [L] fondé sur une faute grave, de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents pendant la mise à pied conservatoire, de l'indemnité de licenciement, des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur la demande au titre des congés payés :

L'employeur invoque une note de service aux termes de laquelle à compter du 01 juin 2011 les congés payés étaient décomptés en jours ouvrés et non jours ouvrables les salariés devant acquérir 25 jours de congés payés pour la période à venir et l'employeur ayant converti le solde des jours acquis au 31 mai 2011 en jours ouvrés.

Rien n'interdit à l'employeur de procéder à un décompte des jours de congés en jours ouvrés, cependant le calcul de l'indemnité de congés payés en jours ouvrés doit garantir aux salariés des droits aux moins égaux à ceux résultant du calcul en jours ouvrables.

Au regard des pièces produites Mme [L] avait acquis le 31 mai 2011 un total de 47,5 jours ouvrables de congés, elle a été en congés payés du 01 au 26 août 2011, décomptés comme 19 jours ouvrés, ce qui correspond à 24 jours ouvrables.

Après prise de ces congés il restait donc dû à la salariée au moment de la rupture du contrat une indemnité correspondant à 23,5 jours ouvrables, soit 19,5 jours ouvrés, outre les congés acquis depuis le 01 juin 2011soit 6,24 jours ouvrés (7,5 jours ouvrables).

La salariée pouvait donc prétendre au paiement d'une indemnité de congés payés d'un montant de 3871,17 € bruts(25,74 jours x 7 heures x 21,485 €), or la société lui a payé une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 3879,46 € bruts. Mme [L] a été intégralement remplie de ses droits. Le jugement entrepris sera infirmé et Mme [L] déboutée de ce chef de demande.

* Sur le rappel de prime d'ancienneté pour les mois d'août et septembre 2011:

La mise à pied conservatoire de la salariée étant fondée Mme [L] ne peut prétendre au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté pour cette période. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

* Sur la demande en restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire :

Le présent arrêt, partiellement infirmatif, emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à celle-ci, par ailleurs les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Segala en condamnation de Mme [L] à restitution.

* Sur les autres demandes :

Mme [L] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles en première instance ainsi qu'en appel et sera condamnée aux dépens de la procédure. Le jugement sera également infirmé sur ce point.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Prochima Segala qui se verra allouer la somme de 2000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Madame [L] en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté,

et statuant de nouveau

DIT le licenciement de Madame [L] fondé sur une faute grave,

DÉBOUTE Madame [L] de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande en restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire,

CONDAMNE Madame [L] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et à verser à la SAS Prochima Segala la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/11886
Date de la décision : 06/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/11886 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-06;13.11886 ?
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