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07/07/2017 | FRANCE | N°14/00580

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 07 juillet 2017, 14/00580


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 07 Juillet 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00580



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° F04/04191





APPELANT

Monsieur [F] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de M

e Audrey TAMBORINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1379 substitué par Me Sylvère HATEGEKIMANA, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 229





INTIMEE

SA FEDERAL EXPRESS CORPORATION

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 07 Juillet 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00580

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° F04/04191

APPELANT

Monsieur [F] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Audrey TAMBORINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1379 substitué par Me Sylvère HATEGEKIMANA, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 229

INTIMEE

SA FEDERAL EXPRESS CORPORATION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe DANESI du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Valérie AMAND, Faisant fonction de Présidente

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, faisant fonction de Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Par jugement en date du 10 décembre 2013 dans le litige opposant Monsieur [F] [S] à son employeur, la société FEDEX, le conseil de prud'hommes de BOBIGNY en formation de départage:

-condamnait la société FEDEX à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 40 911,14 € pour la période allant du 16 novembre 2007 au 10 novembre 2010 à titre d'indemnité compensatrice (salaires );

-condamnait la société FEDEX à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 19 438,92 € à titre de rappel de salaires pour la période courant du 10 novembre 2010 au 8 août 2011, déduction faite des provisions versées ;

-ordonnait la libération du séquestre;

-condamnait la société FEDEX à payer à Monsieur [F] [S] les sommes suivantes :

*28 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 4319,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 431,98 € pour les congés payés sur préavis,

* 500 € à titre de dommages-intérêts au titre du DIF;

- rappelait que les créances de nature salariale portent intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du dossier initial et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

-ordonnait à la société FEDEX de remettre à Monsieur [S] les documents sociaux conformes à la présente décision;

-rappelait que l 'exécution provisoire est de droit en vertu de l'article R1 454-28,2°du code du travail, pour les documents que l'employeur est tenu de délivrer.

-ordonnait l'exécution provisoire à concurrence de 50 000 euros, par application de l'article 515 du code de procédure civile ;

-condamnait la société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;

-condamnait d'office la société FEDEX à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées à Monsieur [S] dans la limite de 6 mois;

-condamnait la société FEDEX aux entiers dépens de la présente instance.

Monsieur [F] [S] faisait appel de cette décision.

La société FEDEX faisait appel incident et limité aux dispositions ci-après rappelées du jugement, le 16 janvier 2014.

Devant la cour, Monsieur [F] [S] formait les demandes suivantes:

-fixer son salaire mensuel moyen à la somme de 36l4,6 euros.

-confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes du 10 décembre 2013 en ce que le licenciement du 16 novembre a été annulé par le Conseil d'État dans son arrêt du 19 juin 2013 et

-condamner la SA FEDEX à verser à Monsieur [S], les sommes suivantes :

- 623,50 euros au titre de remboursement des sommes retenues au titre des mises à pied injustifiées.

- 203.456,18 euros au titre de rappels des salaires pour la période du 16 novembre 2007 au 8 août 2011.

- dire que le licenciement du 8 août 2011 est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ainsi condamner la SA FEDEX à verser à Monsieur [S] les sommes suivantes :

- 15.886,18 euros au titre de ses salaires « treizième mois '' (2007-2011) impayés

- 40 061, 81 euros au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse du 8 août 2011

- 15 663,13 euros au titre d'indemnité compensatrice des congés payés non versée

- 7 229,2 euros au titre d'indemnité de préavis non versée.

- dire, s'agissant des conséquences liées à l'arrêt du Conseil d'État du 19 juin 2013, que la SA FEDEX doit :

- Réintégrer Monsieur [S] dans ses fonctions ou procéder à son reclassement,

ou,

- Verser la somme de 43.375,21 euros correspondant à 12 mois de salaires sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail,

-condamner la société FEDEX à payer la somme de 58.000 euros à Monsieur [S] au titre dedommages et intérêts pour discrimination syndicale selon l'article L. 122-45 (devenu L.1134-1) du

code du travail,

-condamner la SA FEDEX à verser à Monsieur [S], la somme de 12.000 € à titre de harcèlement moral sur le lieu de travail,

-condamner la SA FEDEX à verser à Monsieur [S] la somme de 915 euros au titre de dommages-intérêts au titre du DIF,

-ordonner à la SA FEDEX de remettre à Monsieur [S] tous les documents sociaux, notamment les bulletins des salaires mensuels pour les années 2007 à 2011, le certificat de travail ainsi que l'attestation pôle emploi,

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir,

-condamner la société FEDEX à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [S] sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

- dire qu'il sera ajouté à cette somme des intérêts productifs au taux légal à compter du 16/11/2007 jusqu'à la date de la décision à intervenir conformément à l'article 1154 du code civil.

La société FEDEX demandait à la cour de :

-Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 10 décembre 2013 en ce qu'il a :

- condamné FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 40.911,14 euros à. titre d'indemnité compensatrice de salaires pour la période du 16 novembre 2007 au 10 novembre 2010 ;

- débouté Monsieur [S] de sa demande de régularisation des salaires depuis le 16 novembre 2007 jusqu'au 5 juillet 2013

- débouté Monsieur [S] de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice moral et financier ;

- débouté Monsieur [S] de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

- débouté Monsieur [S] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral;

- débouté Monsieur [S] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

- débouté Monsieur [S] de ses demandes au titre de la nullité des mises à pied du 31/08/2004 au 22/05/2006 ;

-Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 10 décembre 2013 en ce qu'i1 a :

- condamné la société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 19.438,92 euros à titre de rappels de salaires pour la période courant du 10 novembre 2010 au 8 août 2011 ;

- condamné la société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 28.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 4.319,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 431,98 euros à titre de congés payés afférents ;

- condamné la Société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du DIF.

En conséquence :

-Constater que Monsieur [S] a bien été réintégré au sein de FEDEX le 10 novembre 2010 suite au premier licenciement prononcé le 16 novembre 2007 ;

-Débouter Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes liées aux licenciements prononcés, et de sa demande de réintégration ;

-Débouter Monsieur [S] de ses demandes de rappel de salaires, primes et gratifications pour la période du 16 novembre 2007, date de son licenciement (numéro 1), et le 8 août 2011, date de son dernier licenciement (numéro 2), ainsi que les congés payés y afférents et le condamner au remboursement des sommes perçues à ce titre en exécution du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 10 décembre 2013 ;

Par ailleurs,

-Constater l'impossibilité pour FEDEX de fournir du travail à Monsieur [S] entre sa demande de réintégration du 10 novembre 2010 et son licenciement en date du 8 août 2011, faute d'habi1itation préfectorale ;

-Confirmer que le licenciement prononcé le 8 août 2011 à l'encontre de Monsieur [S] repose sur une cause réelle et sérieuse et condamner Monsieur [S] au remboursement des sommes perçues en exécution du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny à ce titre ;

En conséquence, enfin,

Dire et juger que les salaires demandés par Monsieur [S] pour la période du 10 novembre 2010 jusqu'au 8 août 2011 n'étaient pas dus ;

-Ainsi, condamner Monsieur [S] à rembourser les sommes perçues à ce titre en exécution du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny ;

-Constater l'absence de discrimination raciale, de discrimination syndicale et de harcèlement à l'encontre de Monsieur [S] et, en conséquence, le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

-Constater le caractère fondé des quatre mises à pied à titre disciplinaire notifiées à Monsieur [S];

-Constater que les temps de pause considérés comme temps de travail effectif ne doivent pas être payés ;

-Débouter Monsieur [S] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier et moral ;

-Débouter Monsieur [S] de ses demandes de rappels de salaires au titre du treizième mois ;

-Débouter Monsieur [S] de ses demandes d'indemnité compensatrice de congés payés non versés ;

-Débouter Monsieur [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du DIF ;

- Condamner Monsieur [S] à la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En toute hypothèse,

- Condamner Monsieur [S] au paiement de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Rappel des faits et des procédures suivies

Monsieur [F] [S] a été embauché par la société FEDEX ( Federal Express Corporation), ayant pour activité le transport express de colis, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 5 octobre 2000, en qualité de manutentionnaire Cargo ('Cargo Handler') catégorie ouvrier, coefficient 165.

Par avenant au contrat de travail, Monsieur [S] a bénéficié d'un temps complet à compter du ler décembre 2002.

Monsieur [S] a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires, en l'espèce des mises à pied, notifiées les 31août 2004, 18 octobre 2004, 30 juin 2005 et 24 avril 2006.

Il a été désigné représentant syndical Force Ouvrière au comité d'entreprise Fedex CDG le 25 mars 2004 et représentant syndical Force Ouvrière FRT au CHSCT le 8 février 2006.

Par décisions des 12 novembre et 13 novembre 2007, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Monsieur [S], placé en mise à pied conservatoire depuis le 12 septembre 2007.

La société FEDEX lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre du 16 novembre 2007.

Par jugement du 18 octobre 2010, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a annulé l'autorisation de licenciement.

Monsieur [S] ayant demandé sa réintégration le 10 novembre 2010, la société l'a réintégré à l'effectif de l'entreprise. Monsieur [S] s'est porté candidat aux élections professionnelles qui se sont déroulées le 20 janvier 2011 ; il n'a pas été élu. Il a suivi les formations requises pour le dépôt d'une demande d'autorisation d'accès aux zones réservées auprès du Préfet, lequel a refusé de la délivrer. Cette décision a été contestée devant le tribunal administratif.

Après expiration de la période de protection, Monsieur [S] a été licencié le 8 août 2011 pour défaut de badge d'accès.

Confirmant l'autorisation de licencier de l'inspecteur du travail, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé la décision du tribunal administratif par arrêt du 18 octobre 2011 ; à la même date, le conseil de prud'hommes, en référé, ordonnait à la société FEDEX paiement d'une provision sur salaires pour la période courant depuis la demande de réintégration et le 2ème licenciement.

Après que le Premier président de la cour d'appel de Paris ait autorisé la société à consigner les sommes entre les mains de la Carpa, avec versement par cette dernière de la somme de 300 euros par mois à Monsieur [S], la cour d'appel de Paris a confirmé par arrêt du 20 décembre 2012l'ordonnance du 18 octobre 2011, en conservant le principe du versement mensuel de 300 euros jusqu'au jugement au fond du conseil de prud'hommes compte tenu de la proximité de la date

d'audience au fond.

Par décision du 19 juin 2013, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 18 octobre 2011 et rejeté la requête de la société FEDEX tendant à 1'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise du 19 octobre 2010, de sorteque l'autorisation de licenciement délivrée en novembre 2007 était définitivement annulée.

Par décision du 27 janvier 2012, le tribunal administratif de Montreuil annulait la décision du préfet de Seine Saint Denis de refus d'habilitation permettant l'accès aux zones réservées . Une nouvelle décision du tribunal administratif de Montreuil du 8 janvier 2015 rejetait la demande d'indemnisation formée par Monsieur [F] [S] contre l'État, tout en admettant le principe de cette responsabilité pour la période allant du licenciement du 8 août 2011 au jugement du 27 janvier 2012, mais se fondant sur le fait que le demandeur n'avait pas établi l'étendue du préjudice matériel dont il se prévalait.

MOTIVATION

Sur les retenues pour mises à pied

C'est par une exacte appréciation des faits et des motifs pertinents, que la cour adopte que le conseil de prud'hommes de Bobigny a estimé justifiés et réguliers les avertissements adressés à Monsieur [F] [S] et a rejeté la demande de Monsieur [F] [S] en paiement des retenues sur salaires opérées par son employeur en suite des avertissements et mises à pied des 31 août 2004, 18 octobre 2004, 30 juin, 14 juillet et 19 juillet 2005, 16 au 22 mai 2005. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les salaires du 16 novembre 2007 au 8 août 2011

Pour le salarié, le débat ne porte plus que sur la détermination du salaire moyen.

La société FEDEX demande par contre la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que les salaires étaient dus pour la période du 19 novembre 2007, date du premier licenciement prononcé suite à l'autorisation de l'inspecteur de travail, autorisation définitivement annulée, au 10 novembre 2010, date de la réintégration, et fixé à la somme de 40 911,15 € l'indemnité compensatrice de salaires ; elle demande à la cour de dire qu'elle ne pouvait pas payer Monsieur [F] [S] de cette dernière date jusqu'à son licenciement le 8 août 2011 puisqu'il se trouvait sans l'autorisation nécessaire pour circuler en zone d'accès réservé.

Mais l'employeur, lié par les obligations du contrat de travail, est tenu de payer à son salarié un salaire durant la durée du dit contrat, quand bien même ne lui aurait-il trouvé aucun poste.

Le retrait de l'habilitation préfectorale d'accès à la zone réservée n'est pas en soi un cas de force majeure et en conséquence un motif d'inexécution par l'employeur de ses obligation; le contrat de travail se poursuit ainsi jusqu'à sa rupture, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.

Il en résulte que ses salaires sont dus à Monsieur [F] [S] jusqu'à son licenciement.

Sur le licenciement du 8 août 2011

Monsieur [S], sur le fondement des articles L1234-9 et L1234-11 du code du travail, demande la condamnation de la société FEDEX à lui verser une somme de 40 061,81 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais les articles visés et reproduits dans les conclusions de Monsieur [S], ainsi que le mode de calcul proposé, concernent l'indemnité de licenciement hors le cas de faute grave et non celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et il ne ressort pas des explications du salarié qu'il ait voulu réclamer l'indemnité de licenciement, qui apparaît sur l'attestation destinée à Pôle emploi, et dont il n'est pas soutenu qu'elle soit insuffisante ou n'ait pas été payée ;

il sera ainsi considéré que l'indemnité réclamée est celle visée à l'article L 1235-3 du code du travail.

La cour observe que Monsieur [F] [S] a été embauché en octobre 2000 en qualité de « manutentionnaire Cargo », qu'il était promu le 17 novembre 2006 Agent de coordination, qu'il n'est pas contesté qu'il ne pouvait exercer son emploi, contractuellement défini, qu'en zone réservée ;

Ainsi le retrait du titre d'accès à la zone réservée rendait impossible l'exécution du contrat de travail par le salarié et dans de telles circonstances, il ne pesait aucune obligation légale ou conventionnelle de reclassement sur l'employeur,

Au vu de l'article L. 1235-1 du code du travail, il y a lieu de considérer que la mesure de refus de renouvellement de son habilitation au salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

L'annulation de la mesure préfectorale en janvier 2012 par le tribunal administratif de Montreuil n'est pas de nature à remettre en cause une situation de droit résultant d'une décision préfectorale de refus d'autorisation d'accès en zone réservée, qui s'imposait alors à l'employeur, lequel n'est pas partie au litige entre son salarié et l'autorité administrative;

Il en résulte que sa demande d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le treizième mois

Monsieur [F] [S] demande pour la première fois devant la cour que soient ajoutés à ses salaires les treizièmes mois, pour la période de 2007 à 2013.

La société FEDEX s'y oppose en relevant que la demande de Monsieur [F] [S] est fondée sur la convention collective des entreprises de logistique et de communication, alors qu'est appliquée dans l'entreprise la convention collective des transports aériens qui ne prévoit pas de 13 ème mois mais une gratification annuelle qui a été payée.

La cour considère que c'est à bon droit que l'employeur fait valoir que la convention collective appliquée est celle des transports aérien, mentionnée sur les bulletins de salaire et dont le choix n'est pas critiqué au fond.

La demande de Monsieur [F] [S] sera rejetée.

Sur la détermination du salaire moyen

Monsieur [F] [S] fait valoir que le salaire de base à retenir est celui résultant de la moyenne la plus intéressante soit des 12 soit des 3 derniers mois de salaire. Il demande que le calcul soit fait à partir du document fourni par son employeur à l'ASSEDIC à l'occasion de son premier licenciement. Il demande que soit ajouté la prime annuelle 2007 de 1327,91 € et une prime exceptionnelle de 230 €.

Mais la cour observe qu'il apparaît que la gratification annuelle de 1327,91 € est versée au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2007 et la prime exceptionnelle pour juin 2007, que dès lors seule la gratification peut être prise en compte à concurrence de 1/11 ème;

qu'il en résulte que le salaire moyen brut est la moyenne des trois derniers mois, soit 2412,09 € + ( 1327/11) = 2532,72 € .

Monsieur [F] [S] compte 48 mois entre le 16 novembre 2007 et le 16 novembre 2010, mois de sa réintégration et y ajoute 9 mois 22 jours pour la période du 16 nov 2010 au 8 août 2011.

La cour observe que ce calcul est manifestement entaché d'erreur et que cet intervalle ne comporte que 2 ans 11 mois et 22 jours pour la première période et 9 mois pour la seconde, soit 44 mois et 22 jours ; qu'il n'explique pas la base de 3614 € adoptée pour la seconde période, ni comment il parvient à une période de 60 mois entre les deux licenciements ; qu'il ne propose aucune méthode pertinente pour calculer l'évolution alléguée de son salaire au cours de la période considérée, qu'en dernier lieu Monsieur [F] [S] demande que soit calculé l'ensemble de ses salaires, avant et après la réintégration, sur la base de 3505,71 €, somme qui inclut les gratification et primes dans leur totalité sans les calculer au pro-rata et que la cour ramène en conséquence à 2532,72 €, ainsi qu'il est calculé plus haut.

Il en résulte qu'il lui est dû au titre des salaires bruts pour l'ensemble des deux périodes antérieures et postérieures à sa réintégration, (2532,72 X 44) + ( 2532,72 / 30 X 22 ) = 113 296,62 € , somme à laquelle la société est condamnée sans qu'il y ait lieu de préciser qu'il y a lieu de soustraire des indemnités dues au titre des salaires les allocations de chômage perçues par Monsieur [S], dès lors que le Pôle emploi n'est pas partie à la présente procédure.

Sur la période du 8 août 2011 (licenciement) au 19 juin 2013

Pour la première fois devant la cour, et au motif de l'annulation par le Conseil d'État le 19 juin 2013 de la décision de l'inspecteur de travail autorisant son licenciement, Monsieur [F] [S] demande sur le fondement de l'article L2422-1 du code du travail sa réintégration.

Toutefois il n'établit pas avoir adressé à son employeur sa demande de réintégration, comme prévu au dit article, dans les deux mois de la décision définitive sur l'autorisation administrative de licenciement ;

Qu'à défaut de réintégration, il demande une indemnité sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail. Sur la base des salaires calculés par un expert comptable, il réclame ainsi à titre de dommages intérêts 12 mois de salaire, soit la somme de 43 375,21 €.

Mais la cour observe que l'article L1235-3 du code du travail s'applique en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; q ue suite à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail par le tribunal administratif du 19 octobre 2010, Monsieur [F] [S] avait été réintégré en novembre 2010 à l'effectif de l'entreprise.

Qu'il a été jugé dans la présente décision que le licenciement du 8 août 2011 était fondé sur une cause réelle et sérieuse pour absence de badge d'accès en zone réservée ; que la décision du Conseil d'État confirmant le jugement du tribunal administratif, lequel a été exécuté en ce que le salarié a été réintégré, ne modifie pas la situation de celui-ci; il s'ensuit que ses demandes seront rejetées.

Sur les indemnité de congés payés non versés

Pour la première fois en cause d'appel, Monsieur [S] réclame différentes sommes au titre des congés payés non versés de 2007 à 2011.

Toutefois Monsieur [S] a obtenu d'être payé 12 mois par année du premier licenciement au second et ne fournit à la cour aucune précision sur les droits qu'il avait acquis, au titre de l'année 2011, lors de son licenciement du 8 août 2011, se limitant à se référer aux bulletins de salaire élaborés par un expert comptable sur des bases non explicitées.

Sa demande sera rejetée .

Sur l'indemnité de préavis

Monsieur [S] réclame au titre du préavis une somme de 7229,20 € augmentée des congés payés afférentes, soit deux mois de salaire ;

Mais en l'absence de badge lui permettant l'accès à la zone réservée, Monsieur [S] était dans l'impossibilité d'effectuer son préavis ; cette situation s'imposait à son employeur ; dès lors sa demande sera rejetée ;

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de sa demande au titre de la discrimination syndicale, Monsieur [F] [S] énonce différents faits tels que : plusieurs mises à pied, l'incident avec Monsieur [X], à la suite duquel il a été seul sanctionné, la discrimination à l'égard de tout poste à pourvoir, apparition de griefs d'ordre professionnels, le retard dans l'évolution de sa carrière, les sanctions destinées à l'écarter de tout avancement,

Mais la cour observe que le juge départiteur a exactement relevé que si les éléments rapportés par Monsieur [S] pouvaient laisser présumer l'existence d'une discrimination syndicale, l'employeur a justifié les mesures prises par des raisons objectives tenant au comportement de son salarié, à son inaptitude à des fonctions d'encadrement, que les faits visés dans la plainte de 2006, classée sans suite, étaient établis et qu'il ne démontre pas enfin une activité syndicale particulière, que les sanctions prises ont été jugées justifiées, qu'une enquête de la HALDE a conclu à l'absence de discrimination,

Ainsi par une exacte appréciation des faits et des motifs pertinents que la cour adopte, le juge départiteur a constaté qu'il n'y avait pas eu de discrimination syndicale à l'encontre de Monsieur [S];

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ;

A l'appui de sa demande, Monsieur [F] [S] énonce que deux procédures pénales ont été lancées contre lui par FEDEX, cite plusieurs jugements et classement sans suite et un jugement de relaxe, ses mises à pied et deux arrêts de travail pour syndrome anxio-dépressif;

Toutefois Monsieur [F] [S] ne joint à ses écritures que deux avis d'arrêt de travail faisant état d'un syndrome anxio-dépressif en octobre et décembre 2007, une attestation concernant l'altercation avec Monsieur [X] en septembre 2007, une attestation mentionnant son caractère calme et généreux et une dernière relatant que depuis qu'il a été nommé représentant syndical, ses rapports avec la direction se sont détériorés.

Ainsi c'est par une exacte appréciation des faits et des motifs pertinents que la cour adopte que le juge départiteur a écarté l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [F] [S] ,

La décision de première instance sera confirmée.

Sur la demande de dommages intérêts au titre du DIF

Monsieur [F] [S] demande une somme de 915 € à titre de dommages intérêts

C'est par une exacte appréciation des faits et une juste application du droit que le juge départiteur a fait droit à la demande en son principe et fixé à 500 € le montant des dommages intérêts ; il convient de confirmer sa décision.

Sur la remise des documents sociaux

Monsieur [F] [S] demande que la société FEDEX lui remette les bulletins de salaire de 2007 à 2011 ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi.

La société FEDEX ne s'y oppose pas. La décision de première instance, qui a fait droit à la demande, sera confirmée.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire en cause d'appel ; il convient de libérer le séquestre dont la nécessité n'est pas avérée en l'état

Enfin il n'y a pas lieu, compte tenu de la décision à intervenir de faire droit à la demande de Monsieur [F] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le présent appel ne saurait être considéré comme abusif, compte tenu notamment des décisions administratives intervenues;

La demande de la société FEDEX sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort par décision mise à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé justifiées les mesures disciplinaires prises par l'employeur de Monsieur [S] et rejeté les demandes en paiement des retenues sur salaire,

Confirme le jugement en ce qu'il a jugé que les salaires étaient dus depuis le premier licenciement intervenu le 19 novembre 2007 et la réintégration du salarié le 10 novembre 2010, ainsi que pour la période du 10 novembre 2010 jusqu'au licenciement définitif du 8 août 2011,

Confirme le jugement quant l'indemnité au titre du DIF,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la discrimination et du harcèlement moral

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la libération du séquestre,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société FEDEX à payer à Monsieur [S] une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement quant au montant du salaire de référence et fixe le dit salaire à la somme de 2532,72 €,

Réforme le jugement en ce qu'il a ainsi fixé les sommes dues au titre des salaires,

Condamne la société FEDEX à payer à Monsieur [S] la somme de 113 296,62 € pour l'ensemble des salaires qui lui sont dus, sans déduction des allocations de chômage éventuellement perçues par M. [F] [S]

Infirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement du 8 août 2011 sans cause réelle et sérieuse et alloué de ce chef une indemnité au salarié,

Infirme en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société FEDEX à rembourser à Pôle emploi les prestations de chômage versées,

Infirme le jugement en ce qu'il a fait droit à l'indemnité de préavis et rejette la dite demande,

Rejette la demande de treizième mois, nouvelle en cause d'appel,

Rejette la demande au titre des congés payés de 2007 à 2011, nouvelle en cause d'appel,

Rejette la demande nouvelle en cause d'appel de réintégration ou d'indemnité pour la période du 8 août 2011 au 19 juin 2013,

Dit que les condamnations seront payées après déduction des sommes déjà réglées par provision et en exécution des dispositions réformées du jugement dont appel,

ORDONNE à la société FEDEX de remettre à Monsieur [S] les documents sociaux conformes à la présente décision;

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du dossier initial et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision qui les a alloués ;

Rejette la demande en cause d'appel de Monsieur [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejette les demandes d'indemnités de la société FEDEX pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

Condamne la société FEDEX aux dépens.

LE GREFFIERLA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/00580
Date de la décision : 07/07/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/00580 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-07;14.00580 ?
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