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07/07/2017 | FRANCE | N°13/05541

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 07 juillet 2017, 13/05541


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 07 Juillet 2017

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05541



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 10/04215





APPELANT

Monsieur [H] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1949 à[Localité 1] (MAROC)r>


comparant en personne, assisté de Me Samya BOUICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0479





INTIMEE

SOCIETE NOUVELLE DU JOURNAL L'HUMANITE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 07 Juillet 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05541

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 10/04215

APPELANT

Monsieur [H] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1949 à[Localité 1] (MAROC)

comparant en personne, assisté de Me Samya BOUICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0479

INTIMEE

SOCIETE NOUVELLE DU JOURNAL L'HUMANITE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN290, Mme [T] ÉPOUSE [Z] (Membre de l'entrep. DRH) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christophe BACONNIER, Faisant fonction de Président

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

Madame Valérie AMAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, faisant fonction de Président et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

LES FAITS

Monsieur [A] a été embauché le 7 mai 1977 par la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ en qualité d'agent de sécurité en CDI.

Le 1er juillet 1979, il a été promu employé à responsabilité 2ème échelon.

Le 1er décembre 1979, il a été nommé responsable adjoint du service courrier.

Le 1er janvier 1982, il a été nommé chef du service courrier catégorie cadre.

Sa rémunération depuis son embauche a évolué de 2.829 francs à 7.824 francs. Elle a ensuite régulièrement augmenté pour atteindre 11.238 francs en mai 1998, puis 11.587 francs, soit 1.766 € au 1er janvier 2002.

Monsieur [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 10 décembre 2010, aux fins de faire juger qu'il été victime de discrimination, faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et faire condamner son employeur au paiement des indemnités subséquentes, de dommages intérêts pour préjudice moral, rappel de salaire, indemnité de préavis, dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

En cours de procédure, Monsieur [A] a pris sa retraite en mars 2012 sur la base d'un salaire, primes et bonus compris, de 3.168,4 € par mois sur 12 mois, y inclus le 13ème mois. Il totalisait alors 34 ans et 11 mois d'ancienneté.

Monsieur [A] a été débouté par jugement du 2 mai 2013 de l'ensemble de ses demandes.

Le 10 mai 2013, Monsieur [A] a, à nouveau, saisi le conseil de prud'hommes aux fins de faire ordonner la communication des bulletins de paie de trois collègues et des dossiers des salariés ayant travaillé au sein des services généraux.

Sa demande a été rejetée par ordonnance du 17 décembre 2013.

Entre temps, Monsieur [A] avait relevé appel du jugement du 2 mai 2013.

Saisie d'une demande de communication des mêmes pièces, la cour d'appel a rendu la décision suivante:

« Dit que la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ communiquera à Monsieur [A] dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt :

- les contrats de travail, avenants et bulletins de salaire de MM. [J] [M], [H] [G], [Y] [K] des mois de décembre, depuis leur embauche jusqu'à ce jour ou au moins ceux des cinq dernières années (2009 à 2014),

- les éléments relatifs à l'avancement et a la promotion des salariés affectés aux services

généraux depuis l'embauche de M. [A] jusqu'à ce jour (...) »

Monsieur [A] a formé appel de la décision du conseil de prud'hommes en date du 2 mai 2013.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Monsieur [A] demande que la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ soit condamnée à lui payer les sommes suivantes:

- indemnité pour licenciement sons cause réelle et sérieuse : 111.814,56 €

- dommages et intérêts du titre de son préjudice moral: 20.000 €

- solde de l'indemnité légale de licenciement : 77.324,41 €

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail: 20.000 €

- dommages et intérêts pour discrimination durant l'exécution du contrat de travail : 175.000 €

- dommages et intérêts pour discrimination dons les droits à la retraite : 32.400 €

- solde d'indemnité compensatrice de préavis : 3.105,96 €.

- congés payes y afférents : 310,60 €

- indemnité du titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 4.000 €,

- remise d'une attestation POLE EMPLOI, d'un bulletin de paie et d'un certificat de travail, conformes au présent arrêt,

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ s'oppose à ces demandes, conteste toute discrimination point par point et soutient que la lettre de Monsieur [A] informant son employeur de son départ à la retraite ne mentionne aucun grief et ne peut avoir les effets d'une prise d'acte de rupture ; la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur [A] et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 26 mai 2017 prorogée au 7 juillet 2017 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

sur la demande de prise d'acte de rupture

Monsieur [A] a en premier lieu saisi le conseil de prud'hommes le 13 décembre 2010 d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif de la discrimination dont il disait avoir été victime tout au long de sa carrière en raison de son origine.

Monsieur [A] a été débouté par le conseil de prud'hommes et a fait appel. Cependant le litige a évolué dés lors qu'il a pris sa retraite le 1er avril 2012 ; par suite, il demande à la cour de dire que sa demande de départ en retraite doit être analysée en une prise d'acte de rupture de son contrat de travail.

La société nouvelle du journal L'HUMANITÉ s'oppose à cette demande au motif que la lettre de Monsieur [A] informant son employeur de son départ à la retraite ne mentionne aucun grief et ne peut donc pas constitué une prise d'acte de rupture.

La cour constate que dans sa lettre du 3 mars 2012 par laquelle il faisait valoir ses droits à la retraite, Monsieur [A] ne formulait aucun grief.

Cependant la cour retient que l'existence d'une procédure prud'homale, aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, à la date de la lettre du 3 mars 2012, implique que Monsieur [A] avait des griefs à l'encontre de son employeur et que son départ à la retraite était à tout le moins équivoque.

Or lorsqu'un salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu'à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'un départ volontaire à la retraite.

Il s'en déduit que la demande de départ à la retraite de Monsieur [A] s'analyse en une prise d'acte de rupture, laquelle peut avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs relatifs à la discrimination sont retenus, et dans le cas contraire les effets d'un départ volontaire à la retraite, ce qui nécessite d'examiner les moyens relatifs à la discrimination.

sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une religion ou une race.

Selon l'article 1erde la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1erde la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [A] soutient qu'il était l'objet d'une discrimination en raison de son origine, qu'il a fait l'objet d'une discrimination durant l'exécution de son contrat de travail quant à l'évolution de sa carrière, à la fixation de son coefficient, et à l'accès aux réunions des chefs de service, et que le contrat de travail a été exécuté déloyalement.

Monsieur [A] fait ainsi valoir :

- qu'il a fait l'objet d'une discrimination du fait de son appartenance ethnique tout au long de sa carrière,

- que dès lors que le salarié apporte des éléments laissant supposer l'apparence d'une discrimination, c'est à l'employeur de prouver que les faits résultent d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu'à défaut, la discrimination est établie,

- qu'à partir des dossiers communiqués, il a été possible d'établir deux groupes, le premier constitué de salariés ayant connu un avancement limité, où se trouvent des salariés de nationalité étrangère à leur embauche et le second un avancement réel, voire important, constitué de salariés ayant la nationalité française,

- que selon une autre méthode consistant à comparer deux carrières dont la sienne avec des durées comparables et une embauche au même niveau, à savoir agent de sécurité, il apparaît - que la sienne a stagné à partir de 1982 alors que celle de son collègue s'envolait à partir de 1984, sans qu'il soit justifié d'aucun élément objectif,

- qu'il n'a jamais été convié aux réunions de chefs de service, alors qu'il était cadre et qu'il avait sous sa responsabilité 3 personnes pour le courrier et 7 pour les courses,

- que pendant 20 ans, il lui a été appliqué un coefficient erroné,

- qu'il lui a été imposé en 1989 de prendre en charge le service des coursiers, sans avenant à son contrat de travail ni compensation financière et que ce service lui a été brutalement retiré le 14 mai 2010 lorsque son conseil a écrit à la direction, qu'il s'agit d'une exécution déloyale du contrat de travail,

- qu'il n'y a pas lieu d'appliquer de prescription lorsqu'il s'agit de comparer des carrières,

- que l'esprit même du panel de comparants est d'être constitué selon 3 critères : date d'entrée, diplôme et statut à l'embauche,

- que la comparaison peut être faite avec un seul salarié,

- qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir postulé sur des postes, cette pratique n'étant pas en vigueur à L'HUMANITÉ,

- qu'il était le moins payé des cadres.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [A] a constitué, à partir de 98 dossiers de salariés travaillant ou ayant travaillé comme lui aux services généraux, communiqués par la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ en exécution d'une ordonnance de la cour, deux groupes de salariés :

- un groupe 1 composé de 7 salariés discriminés, dont lui-même, de nationalité étrangère lors de leur embauche et d'origine européenne ou maghrébine, comme lui

- et un groupe 2 composé de 9 salariés non discriminés, de nationalité française.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur [A] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société nouvelle du journal L'HUMANITÉ s'oppose à ses demandes et fait valoir en réplique :

- que Monsieur [A] a bénéficié de 38 augmentations de salaire en 34 ans de carrière dont toutes les augmentations conventionnelles, soit 31, et 7 personnelles

- qu'il ne conteste pas ce fait,

- qu'au bout de cinq ans, entré comme agent de sécurité, il a été promu chef de service, cadre, soit plus rapidement que beaucoup de ses collègues,

- que les panels qu'il a constitués sélectionnent certains salariés et en excluent beaucoup, et que de plus, les critères qu'il dit avoir retenus ne sont pas respectés notamment en sélectionnant des carrières très courtes et des dates d'embauche très différentes, jusqu'à 27 ans après la sienne,

- que la majorité des salariés n'ont pas eu d'évolution de carrière aussi rapide que la sienne, notamment des salariés français à l'embauche,

- qu'il n'y a aucun droit à la carrière en droit et que de toute façon, il n'a sollicité aucun poste, et notamment ceux de chef de la sécurité ou de directeur des services généraux

- que, contrairement à ce qu'il veut démonter, certains des salariés qu'il cite comme non discriminés n'ont jamais quitté leur service,

- qu'il n'avait pas les compétences pour être nommé à une direction financière, ou du personnel ou encore de la diffusion et du développement,

- que l'absence de changement de service ou de poste n'est pas en soi discriminatoire, et qu'il n'est ni prouvé ni même soutenu que les salariés qu'il cite aient formulé de telles demandes,

- que des salariés qu'il cite dans l'échantillon des salariés discriminés ont eu des évolution plus rapides que plusieurs salariés de nationalité française,

- que les salariés qu'il classe parmi les discriminés ne se sont jamais plaints,

- que deux salariés du groupe 1 sont qualifiés «d'origine européenne» par Monsieur [A], alors que l'un des deux est français et un autre salarié est qualifié de maghrébin alors qu'il est de nationalité française ; qu'ils se retrouvent pourtant tous deux dans le groupe 1 composé de 7 salariés d'origine étrangère discriminés, alors qu'ils devraient plutôt faire partie des salariés du groupe 2 composé de 9 salariés non discriminés de nationalité française,

- que certains des salariés qu'il cite comme non discriminés ont des formations très supérieures à la sienne, ainsi Messieurs [R], [V], [I], [W] et Madame [E],

- qu'il reproche la nomination de salariés à des postes pour lesquels il n'a jamais postulés,

que pour certains cas, aucune discrimination n'est démontrée (Messieurs [W] et [K]),

- que le salaire de Monsieur [A] à son départ à la retraite est égal ou supérieur à certains des salariés qu'il cite comme non discriminés, Madame [E] et Monsieur [C],

- que Monsieur [D] a intégré la rédaction, dont la convention collective est différente et avait donc des compétences différentes,

- que Monsieur, [U] qui a terminé avec un salaire inférieur et n'a jamais quitté le service de sécurité, n'a jamais été cadre,

- qu'il n'était pas le seul cadre à ne pas être invité à toutes les réunions de cadres, étant rappelé qu'il y avait trois groupes de cadres et qu'il appartenait au premier, le troisième étant celui des dirigeants,

- que l'erreur sur son coefficient n'a eu aucune incidence sur sa paye,

- qu'il n'a jamais géré le budget de la fête de «l'Huma» mais seulement du magasin de la fête,

- que le fait de lui avoir confié le service des coursiers ne modifiait pas son contrat de travail, dès lors qu'il avait les compétences requises et que les nouvelles tâches ne modifiaient pas profondément ses fonctions.

En ce qui concerne les panels invoqués par Monsieur [A], la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ réplique que la méthode de comparaison employée par Monsieur [A] est critiquable au motif qu'il a appliqué la méthode des panels avec un critère de l'ancienneté « à géométrie variable », avec un grand nombre d'omissions, et en faisant une mauvaise application des fonctions et surtout de la catégorie professionnelle des salariés retenus dans les panels, de sorte que les salariés comparés ne sont pas dans des situations comparables à la sienne.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ démontre que les faits matériellement établis par Monsieur [A] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En effet, la cour constate que, pour constituer les deux groupes, Monsieur [A] sélectionne dans l'un, les salariés d'origine maghrébine et ceux dits « d'origine européenne » ayant connu, selon lui, une évolution limitée et dans l'autre, des salariés de nationalité française dès leur embauche ayant connu, selon lui, une évolution de carrière réelle ou importante.

La cour constate qu'en excluant ainsi du groupe des salariés dont l'évolution de carrière avait été médiocre ceux qui ne sont pas d'origine maghrébine ou étrangère et qu'en excluant du groupe des salariés ayant connu une bonne évolution, ceux d'origine maghrébine ou étrangère, Monsieur [A] ne pouvait parvenir à une autre conclusion que celle d'une discrimination à l'égard des salariés d'origine maghrébine.

La compétence étant un élément essentiel de l'évolution professionnelle, la cour retient qu'il ne pouvait être inclus dans chacun des échantillons que des salariés d'un niveau d'études ou de compétences en rapport avec celui de Monsieur [A], que ces compétences aient été acquises avant ou durant la carrière ; que tel n'est pas le cas des groupes constitués par Monsieur [A] en sorte que ses panels ne sont pas pertinents.

La cour retient encore que Monsieur [A] ne peut introduire dans le groupe des salariés non discriminés des salariés qui ne sont pas restés aux services généraux, les carrières journalistiques ne pouvant être comparées avec les carrières administratives en sorte que ses panels ne sont pas pertinents.

La cour retient en outre que l'ancienneté ne saurait constituer le seul critère de promotion, et que, quoiqu'il en soit, et contrairement à ce qu'il prétend, les salariés retenus par Monsieur [A] dans les deux groupes ont non seulement des carrières de durées très différentes qui vont de 8 à plus de 30 ans, mais aussi des carrières débutant à des dates très éloignées les unes des autres, alors que les techniques de fabrication ont évolué et ne nécessitent plus les mêmes compétences, en sorte que ses panels ne sont pas pertinents.

La cour retient par ailleurs, comme la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ l'établit, que Monsieur [A] a eu une promotion plus rapide pendant les 5 années suivant son embauche que plusieurs autres, dont certains, embauchés dans les années 1975-80, ont quitté l'entreprise (plus de 10 salariés cités) sans avoir eu de promotion au bout de 5 à 10 ans et qu'il a terminé avec un salaire égal ou supérieur à celui de nombreux salariés de nationalité française, restés dans l'entreprise pendant une durée comparable à la sienne.

La cour retient aussi, comme la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ l'établit, que la discrimination n'est pas démontrée pour plusieurs des salariés retenus dans le premier groupe, Monsieur [A] ayant omis de prendre en compte les salariés de nationalité françaises ayant des carrières comparables ou moins favorables que celles de son échantillon, en sorte que ses panels ne sont pas pertinents.

La cour retient encore que Monsieur [A] ne démontre pas que l'ancienneté dans l'entreprise entraînait une promotion automatique dans la carrière du fait de dispositions conventionnelles ou d'accords d'entreprise.

La cour retient enfin que c'est en vain que Monsieur [A] compare son évolution de carrière avec celle de Monsieur [M], d'une ancienneté comparable ; qu'en effet la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ a pu, sans abus ni discrimination, préférer promouvoir Monsieur [M] pour son expérience professionnelle au motif que des qualités professionnelles et une expérience différente peuvent expliquer une promotion.

La cour ajoute que Monsieur [A] n'a jamais postulé au poste auquel il reproche qu'on ne l'ait pas nommé étant précisé que Monsieur [M] et lui terminent leur carrière avec un écart de salaire d'une cinquantaine d'euros.

La cour retient que c'est encore en vain que Monsieur [A] compare son évolution de carrière avec celle de Madame [N] ; en effet celle-ci est employée à un poste de secrétariat, activité et filière sans rapport avec celle de Monsieur [A], et elle a été embauchée en 2004.

La cour retient que c'est en outre en vain que Monsieur [A] compare son évolution de carrière avec celle de Monsieur [R] qui a été embauché 14 ans avant lui et qui avait une formation qualifiée.

La cour retient que c'est aussi en vain que Monsieur [A] compare son évolution de carrière avec celle de Monsieur [V] qui est informaticien, qualification que Monsieur [A] n'avait pas et qu'il n'a pas non plus chercher à acquérir.

La cour retient que c'est aussi en vain que Monsieur [A] compare son évolution de carrière avec celle de Monsieur [I] qui a quitté les services généraux et qui avait une formation d'ingénieur acquise au CNAM.

La cour retient que c'est enfin en vain que Monsieur [A] invoque la situation de Monsieur [W] qui a terminé à un coefficient inférieur à celui de plusieurs salariés du groupe 1, de Monsieur [C] n'a jamais été cadre, de Monsieur [D] avec qui la différence de salaire est expliquée par une différence d'ancienneté, et de Monsieur [U], qui a été embauché à 48 ans, est resté 12 ans et n'a jamais été cadre.

Il résulte de ce qui précède que la cour ne retient pas de discrimination entre Monsieur [A] et les salariés du groupe 2 présumés « non discriminés » et elle ne retient pas non plus de discrimination pour les salariés du groupe 1, présumés discriminés, et dont il convient de relever qu'aucun n'a introduit de procédure prud'homale, par rapport aux salariés du groupe 2 ; en effet les promotions de ceux dont la carrière a été plus favorable que la sienne sont justifiées par critères objectifs fournis par l'employeur, tels que la spécialisation, la compétence ou encore le changement de secteur d'activité au sein du journal.

Et c'est enfin en vain que Monsieur [A] soutient qu'il n'a jamais été convié aux réunions de chefs de service alors qu'il était cadre, que pendant 20 ans, il lui a été appliqué un coefficient erroné, qu'il lui a été imposé en 1989 de prendre en charge le service des coursiers, sans avenant à son contrat de travail ni compensation financière et que ce service lui a été brutalement retiré le 14 mai 2010 lorsque son conseil a écrit à la direction, qu'il s'agit d'une exécution déloyale du contrat de travail, et qu'il était le moins payé des cadres au motif que la cour retient que Monsieur [A] n'était pas le seul cadre à ne pas être invité à toutes les réunions de cadres, étant rappelé qu'il y avait trois groupes de cadres et qu'il appartenait au premier, le troisième étant celui des dirigeants, que l'erreur sur son coefficient n'a eu aucune incidence sur sa paye, que le fait de lui avoir confié le service des coursiers ne modifiait pas son contrat de travail, dès lors que dispatcher les courses des coursiers relevait du service courrier dont il était chargé, que ce service ne lui a pas été brutalement retiré le 14 mai 2010 lorsque son conseil a écrit à la direction mais lui a été retiré sans abus lorsqu'il a été externalisé et enfin que Monsieur [A] n'était pas le cadre le moins bien payé comme le montre notamment le fait que M. [K], de nationalité française, a toujours été rémunéré au même niveau que lui, avant et après 2002.

Les demandes directement ou indirectement relatives à la discrimination, doivent par conséquent être rejetées.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes de Monsieur [A].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et par décision mise à la disposition des parties au greffe, la Cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Déboute la société nouvelle du journal L'HUMANITÉ de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [A] aux dépens.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/05541
Date de la décision : 07/07/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°13/05541 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-07;13.05541 ?
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