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06/07/2017 | FRANCE | N°15/03420

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 juillet 2017, 15/03420


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 06 Juillet 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03420



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 12/07109









APPELANT

Monsieur [F] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nadia TIAR, avoca

t au barreau de PARIS,

toque : G0513







INTIMEE

Association ARVALIS - INSTITUT DU VEGETAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hervé DUVAL, avocat au barreau de PARIS, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 Juillet 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03420

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 12/07109

APPELANT

Monsieur [F] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS,

toque : G0513

INTIMEE

Association ARVALIS - INSTITUT DU VEGETAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hervé DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0110

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [R] a été engagé par l'association ITCF à compter du 1er juillet 1979 en qualité d'ingénieur.

L'association Arvalis-Institut du Végétal sera créée en décembre 2002 à l'occasion de la fusion des deux associations, ITCF (regroupant les producteurs de céréales et de fourrages) et AGPM (regroupant les producteurs de maïs).

L'association poursuit une activité de recherche appliquée agricole, financée et gérée par les producteurs. Elle emploie plus de onze salariés et ne fait pas application d'une convention collective.

M. [R] avait été nommé responsable du service agro-équipement en 1990 puis chargé de mission auprès du directeur de l'institut, le 29 décembre 1999, chargé de la mise en oeuvre des technologies de l'information.

Le salaire de référence s'établit à 5.355,75 € bruts mensuels selon M. [R] et à 5.191,14 € bruts mensuels selon l'association Arvalis.

Le 5 juillet 2005, M. [R] a adressé à la direction générale une lettre dans laquelle il se plaignait de mesures vexatoires constitutives de harcèlement moral depuis janvier 2004, résultant notamment de son déclassement consécutif au départ du directeur général M. [T] et à son remplacement par M. [N] directeur général adjoint opérationnel.

Le 27 décembre 2005, il a été convoqué à un entretien préalable tenu le 23 janvier 2006 et licencié le 7 février 2006 pour motif économique.

Le 25 juin 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 26 janvier 2015, le conseil de prud'hommes a rejeté l'intégralité de ses demandes.

La cour a été régulièrement saisie d'un appel formé par M. [R].

Par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, M. [R] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 26 janvier 2015,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire son licenciement nul suite à la dénonciation du harcèlement moral,

A titre subsidiaire,

- dire le licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association Arvalis à lui verser les sommes suivantes :

* 120.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

* 53.500 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral

* 32.134 € à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention

* 32.134 € à titre de dommages intérêts pour exécution fautive et vexatoire du contrat

* 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, l'association Arvalis demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le rejet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral et la cause du licenciement

A l'appui de son appel, M. [R] soutient qu'il a été licencié pour un faux motif économique en raison de la dénonciation du harcèlement qu'il subissait depuis 4 ans. Il estime qu'il a été déclassé en janvier 2004 en raison de son rattachement au responsable de la recherche et du développement alors qu'il était antérieurement rattaché au directeur de l'institut M. [T]. Il ajoute qu'il a subi un nouveau déclassement en juin 2005 dès lors qu'on lui a retiré sa mission de développement des systèmes d'information et l'animation d'une équipe. A titre subsidiaire, il estime que l'association ne fait pas état d'une menace sur sa compétitivité et que la lettre ne fait pas référence à sa situation économique.

En réplique, l'association Arvalis fait valoir que M. [R] ne démontre pas le lien entre le harcèlement moral et son licenciement pour motif économique. Elle ajoute que le harcèlement a été écarté par une ordonnance de non-lieu du 5 décembre 2011 et que la lettre du 5 juillet 2005 n'a été écrite que lorsque M. [R] a eu connaissance du projet de réorganisation des services. Elle conteste les déclassements allégués et estime que le salarié a toujours été valorisé dans ses projets et n'a pas été écarté. Elle considère que le licenciement pour motif économique était justifié par la réorganisation des services.

En droit, il sera rappelé qu'en application des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. La mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions, est nulle de plein droit.

En l'espèce, M. [R] a fait parvenir à la direction générale de l'association Arvalis, une longue lettre le 5 juillet 2005, se plaignant de harcèlement moral depuis plusieurs années.

En substance, M. [R] évoque son isolement et son déclassement alors que l'association considère que cette lettre est consécutive à l'annonce des mesures de restructuration nécessitées par les difficultés économiques.

Toutefois, la cour relève que dès avant le projet de restructuration, M. [R] avait fait part de ses inquiétudes sur son positionnement au sein de l'association.

Aux termes de deux lettres des 29 décembre 1999 et 13 janvier 2000, M. [R] avait été nommé à un poste de chargé de mission auprès du directeur de l'institut, à compter du 1er janvier 2000, chargé de la mise en oeuvre des nouvelles technologies de l'information.

La lettre du 29 décembre 1999 précise qu'il animera une petite équipe dédiée à cette mission.

Les organigrammes communiqués par M. [R] le rattachent au directeur M. [T], au même titre que les cinq autres directions (direction des actions régionales confiée à M. [N], recherche et développement, direction scientifique, marketing, administrative et qualité).

Un organigramme daté du 30 avril 2004 le rattache au directeur général adjoint M. [W], lequel est au même niveau que M. [N], devenu directeur général adjoint opérationnel.

Une lettre du 2 septembre 2004 de M. [T], non contestée, annonce à tous les collaborateurs que suite aux réorganisations de janvier 2004, deux décisions ont été prises :

- le service NTI rejoint le département R&D sous l'autorité de son directeur ;

- un projet Développement des systèmes d'information est lancé, avec des objectifs de veille technologique avec les équipes concernées. Ce projet qualifié de stratégique pour les années à venir, est confié à M. [R] qui répondra pour cette mission à M. [W], directeur général adjoint.

Dès le 25 janvier 2000, une lettre de M. [R] adressée à M. [T], non contestée, manifeste son inquiétude sur un risque d'isolement lié à son positionnement particulier comme responsable des NTI.

De son côté, l'association Arvalis évoque sa nécessaire restructuration consécutive aux difficultés économiques.

Toutefois, la cour observe que l'association ne produit pas le plan d'adaptation progressif adopté le 14 juin 2005 par le conseil d'administration, qui constitue le support de la réorganisation envisagée et la suppression du poste de M. [R].

L'association communique seulement des documents relatifs aux difficultés financières auxquelles elle se trouvait confrontée du fait de la supression de ses financements par les taxes para-fiscales, documents manifestement insuffisants sur les modalités de la réorganisation, et des documents préparatoires relatifs au plan d'adptation progressif (rapports présentés aux réunions des 2 février 2005 et 14 juin 2005 du conseil d'administration, et compte-rendu de la réunion du 2 février 2005).

Ces documents préparatoires, insuffisants pour démontrer la réalité de réorganisation décidée le 14 juin 2005, ne font en outre aucune référence à des projets de licenciement, évoquent pour l'essentiel les questions liées au budget et à l'équilibre des comptes de l'association, et si une seule phrase parle de réorganisation des équipes, elle ne comporte aucune précision à ce sujet sur les services concernés.

L'association produit une note du 13 avril 2005 de M. [R] sur la création d'un pôle Systèmes d'information.

Cette note, qui propose une extension des responsabilités de M. [R], loin de justifier la suppression du poste qu'il occupait, démontre au contraire la volonté de valoriser son service, dans a continuité de la lettre du 2 septembre 2004 de M. [T].

Après la lettre du 5 juillet 2005 de M. [R] qui dénonce le dénigrement de son travail et l'annonce verbale le 3 juin 2005 de la suppression de sa mission développement des systèmes d'information, l'association Arvalis lui a adressé plusieurs lettres dont celles des 29 juillet 2005 et 8 septembre 2005, comportant des propositions de nouveaux postes, propositions qui s'inscrivent selon les termes de ces courriers, dans le plan d'adaptation progressif :

- le 29 juillet 2005, proposition d'un poste au sein de la direction scientifique, sans plus de précision. La lettre précise que M. [R] est "libéré de l'animation du service NTI dont les collaborateurs vont rejoindre le service études statistiques et méthodes".

- le 8 septembre 2005, proposition d'un poste de responsable ingéniérie de la recherche, au sein de la direction scientifique, axé sur des actions de recherche, comportant une part de veille scientifique en appui au département R&D, et une veille sur les systèmes d'information.

Au vu de ces propositions, il n'est pas contestable que M. [R] a été écarté du service NTI qui n'est pas supprimé puisque les équipes sont rattachées au service études statistiques et méthodes.

Le 27 décembre 2005, M. [R] qui avait refusé ces propositions et se trouvait en arrêt de travail pour maladie, a fait l'objet de la convocation à entretien préalable et sera licencié le 7 février 2006 pour motif économique, par une lettre très succincte qui évoque la suppression du service NTI dont il avait la responsabilité.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère comme non démontré le projet de suppression du poste occupé par M. [R] dès lors qu'il n'est pas produit de document sur la réorganisation projetée en juin 2005, et notamment le plan d'adaptation progressif, et qu'en outre les pièces démontrent que le service NTI a été rattaché à une autre direction, R&D ou scientifique.

En outre, faute pour l'association de justifier de la réalité du projet de suppression du poste occupé par M. [R], la cour considère comme établi le lien entre la décision de mettre en oeuvre une procédure de licenciement et la dénonciation par M. [R] du harcèlement dont il se prétendait l'objet le 5 juillet 2005.

Les propositions de reclassement faites le 23 janvier 2006 à M. [R], confirment d'ailleurs la volonté de le déclasser puisque les six postes proposés sont tous des postes d'ingénieur rattaché à des responsables intermédiaires, alors que M. [R] était rattaché au directeur général jusqu'en 2004 et à compter de septembre 2004 pour partie au directeur du département R&D et pour partie au directeur général adjoint sur le projet développement des systèmes d'information.

Au surplus, l'association fait valoir qu'il n'a pas été le seul à être licencié économique alors que le livre des entrées et de sorties démontre au contraire qu'il est seul dans cette situation au mois de février 2006, d'autres licenciements intervenant pour ce motif courant 2007 et 2008.

Il ressort en définitive que le licenciement du 7 février 2006, directement consécutif à la dénonciation de faits de harcèlement moral par M. [R], est nul de plein droit.

Le salaire de référence s'établit à 5.266,97 € bruts mensuels qui représente la moyenne des trois deniers mois.

Compte tenu des éléments de la cause, et notamment de l'ancienneté de M. [R] âgé de 55 ans, qui n'a pas retrouvé d'emploi salarié, la somme de 120.000 € constitue une juste indemnisation de la rupture du contrat, laquelle intègre également la réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral.

Les demandes présentées au titre de la violation de l'obligation de sécurité et de prévention et de l'exécution fautive et vexatoire du contrat, sont fondées exactement sur les mêmes éléments, et seront rejetées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'association Arvalis devra payer à M. [R] une indemnité de 3.000 € sur le fondement de ce texte.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 26 janvier 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du licenciement du 7 février 2006,

Condamne l'association Arvalis à payer à M. [R] la somme de 120.000 € au titre du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt,

Rejette les autres demandes de M. [R],

Condamne l'association Arvalis aux dépens de l'instance et à payer à M. [R] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/03420
Date de la décision : 06/07/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/03420 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-06;15.03420 ?
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