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05/07/2017 | FRANCE | N°15/08444

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 05 juillet 2017, 15/08444


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 05 juillet 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08444



Décision déférée à la cour : jugement du 23 juin 2015 -conseil de prud'hommes - formation paritaire de MELUN - RG n° 14/00473





APPELANT

Monsieur [Q] [G] [V] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])



Comparant en personne, représenté et assisté de Me Arthur ANDRIEUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER



INTIMEE

SA BOUCHARD AGRICULTURE

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée et ass...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 05 juillet 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08444

Décision déférée à la cour : jugement du 23 juin 2015 -conseil de prud'hommes - formation paritaire de MELUN - RG n° 14/00473

APPELANT

Monsieur [Q] [G] [V] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])

Comparant en personne, représenté et assisté de Me Arthur ANDRIEUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMEE

SA BOUCHARD AGRICULTURE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée et assistée de Me [Q] FROGET, avocat au barreau de MELUN, en présence du président de la société, M. [Q] [F]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Q] [C] a été engagé sans contrat écrit par la SA BOUCHARD AGRICULTURE à compter du 2 avril 2002, pour y exercer les fonctions de responsable pulvérisation, statut cadre, avec une reprise de son ancienneté au 1er avril 1987, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 2 997.70 €, outre le versement de commissions.

La relation contractuelle de travail a pris fin le 30 juillet 2010 dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

L'entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [Q] [C] a saisi, le 4 janvier 2011, le conseil de prud'hommes d'Arras, lequel, par jugement rendu le 22 septembre 2011 s'est déclaré compétent pour connaître du litige, en invitant les parties à conclure au fond. Par arrêt rendu le 30 mars 2012, sur contredit de la société BOUCHARD AGRICULTURE, la cour d'appel de Douai a infirmé ce jugement, en renvoyant les parties devant le conseil de prud'hommes de Melun.

Par jugement rendu le 23 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Melun a débouté M. [Q] [C] de ses demandes en rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à juillet 2010 avec les congés payés afférents, en retenues sur commissions outre les congés payés afférents ainsi que de sa demande en indemnisation de son préjudice moral et financier.

Le 18 août 2015,M. [Q] [C] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 28 mars 2017 et soutenues oralement, M. [Q] [C] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BOUCHARD AGRICULTURE à lui verser les sommes suivantes :

'80 373.50 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à juillet 2010

'8 037.35 € au titre des congés payés afférents

'4 320.73 € au titre des retenues sur commissions

'432.07 € au titre des congés payés afférents

'75 201 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi sur sa retraite du fait du non-paiement de créances salariales dues

'3 168.06 € à titre de dommages et intérêts au titre de l'impact des salaires non versés sur les indemnités perçues par pôle emploi

'20 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

'2 000 € au titre de la première instance et 2 500 € au titre de la procédure d'appel sur le fondement de de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande en outre la condamnation de l'employeur à lui remettre une fiche de paie rectifiée, précisant l'ensemble des sommes en paiement desquelles il aura été condamné ainsi que leur objet et leur référence et ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard ainsi que la charge des dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 28 mars 2017 et soutenues oralement, la société BOUCHARD AGRICULTURE sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions.

Elle conclut, également, au rejet des demandes nouvelles de ,M. [Q] [C] au titre de l'indemnisation des préjudices subis sur sa retraite à hauteur de 75 201 € et du fait de l'impact des salaires non versés à sur pôle emploi, à hauteur de 3 168.06 €.

Elle sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Melun qui a condamné le salarié au paiement d'une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et elle forme une demande reconventionnelle de 3 000 € sur le même fondement.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

1/ Sur la modification du contrat de travail

M. [Q] [C] reproche à la société BOUCHARD AGRICULTURE d'avoir, à compter du mois de mars 2003, réduit de manière discrétionnaire, son salaire mensuel de base à la somme de 1 525 € et de lui avoir alloué jusqu'au mois de décembre 2003 une prime compensatoire de 1 472.70 €. Le salarié fait valoir qu'en dépit de nombreuses demandes orales, il n'a pu obtenir la poursuite de la relation contractuelle de travail aux conditions initiales, que par courrier recommandé adressé le 13 mars 2010, il a dénoncé à l'employeur la réduction de son salaire de base depuis mars 2003 et il conteste l'argumentation de ce dernier selon laquelle il serait à l'origine de cette modification.

La société BOUCHARD AGRICULTURE fait valoir qu'à sa demande, M. [Q] [C] a bénéficié du statut VRP cadre à compter du mois de janvier 2003 avec un salaire fixe moins élevé et des commissions régulières plus importantes, alors même qu'il n'avait pas signé son contrat de travail initial du 2 avril 2002, qu'il n'a émis aucune réserve quant aux modalités et au montant de sa rémunération pendant sept ans et qu'il n'a contesté la modification du montant de son salaire de base que par courrier recommandé du 13 mars 2010. Elle estime que, du fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail pendant sept ans, M. [Q] [C] a, par son comportement, manifesté son accord à la novation apportée dans les rapports contractuels et qu'il ne lui appartient plus de remettre en cause cette acceptation en saisissant la juridiction prud'homale près de huit ans après cette modification et cinq mois après avoir signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail, n'incluant aucun rappel de salaire.

Toutefois, la modification du contrat de travail nécessite une acceptation expresse, claire et non équivoque du salarié, laquelle ne saurait résulter de la poursuite du travail aux nouvelles conditions et ne peut se déduire d'un acquiescement implicite.

L'intention de nover ne se présume pas davantage et la novation du contrat de travail implique un accord clair et non équivoque du salarié, qui ne saurait résulter de la poursuite de l'exécution du contrat aux nouvelles conditions.

Il en résulte que M. [Q] [C] qui bénéficiait d'un salaire de base de 2 997.70 €, en ayant la qualification de responsable pulvérisation, statut cadre, ainsi que l'attestent les bulletins de paie versés aux débats, ne pouvait se voir imposer, sans son accord exprès, clair et non équivoque, à compter du mois de mars 2003, la qualification de VRP avec une réduction de son salaire de base à la somme de 1 525 € et l'allocation d'une indemnité compensatrice de 1 472.70 € pendant 10 mois, d'autant que l'intéressé a déclaré avoir contesté, oralement, cette modification et avoir matérialisé cette contestation par l'envoi en recommandé d'un courrier le 13 mars 2010et ce, peu important qu'il n'ait pas signé le contrat de travail du 2 avril 2002.

Dès lors que la société BOUCHARD AGRICULTURE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'acceptation expresse, claire et non équivoque de M. [Q] [C] à la modification de son statut de cadre à celui de cadre VRP avec une diminution notable de sa rémunération fixe, le salarié est fondé à se prévaloir de l'inopposabilité de cette modification.

2/ Sur la demande en rappel de rémunération

a) Le rappel de salaire

M. [Q] [C] réclame une somme de 80 373.50 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à juillet 2010, outre les congés payés afférents s'élevant à la somme de 8 037.35 €, correspondant au solde de la rémunération due, en exécution de l'engagement contractuel avant sa modification unilatérale par l'employeur.

La société BOUCHARD AGRICULTURE s'oppose à ce chef de demande, en faisant valoir que le salarié qui a accepté cette modification, en poursuivant la relation contractuelle de travail, n'a subi aucune perte de salaire du fait de son commissionnement plus important en sa qualité de VRP.

En l'occurrence, les bulletins de salaire versés aux débats établissent que M. [Q] [C] a perçu les rémunérations suivantes :

- d'avril 2002 à février 2003 (ancien mode) : 3.302.42 €

(2.997,70€ base + 304,72€ moyenne de ses commissions

- en 2006 (44.928,87 cumul brut annuel : 12)': 3.744.07 €

- en 2007 (38.672,34 cumul brut annuel : 12)': 3.222.69 €

- en 2008 (47.352,80 cumul brut annuel : 12)': 3.946.06 €

- en 2009( 38 797.48 cumul brut annuel : 12)': 3.233.12 €

Il a été précédemment retenu que la réduction du salaire de base de M. [Q] [C] n'avait pas été acceptée par celui-ci de manière expresse, claire et non équivoque.

Il en résulte que le salarié est fondé à solliciter le paiement du solde de sa rémunération calculé en exécution de l'engagement contractuel initial avant la modification unilatérale de l'employeur, déduction faite des sommes versées par ce dernier au titre de la rémunération modifiée et correspondant au montant total des commissions perçues, soit la somme de 63 137.42 €.

Il y a lieu de condamner la société BOUCHARD AGRICULTURE à verser à M. [Q] [C] la somme de 17 236.08 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à juillet 2010, outre les congés payés afférents s'élevant à la somme de 1 723.61 € pour les causes précitées.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de ce chef de demande sera infirmé.

Il convient d'ordonner à la société BOUCHARD AGRICULTURE de remettre à M. [Q] [C] un bulletin de paie rectifié, conforme au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire pour en garantir l'exécution.

b) Le rappel de commissions

M. [Q] [C] réclame une somme de 4 320.73 € à titre de rappel de commissions pour la période de janvier 2006 à juillet 2010, outre les congés payés afférents s'élevant à la somme de 432.07 € correspondant aux retenues pratiquées par l'employeur sur les commissions dues. Le salarié reproche à la société BOUCHARD AGRICULTURE d'avoir pratiqué ces retenues de manière irrégulière, alors même que les commissions étaient dues au VRP dès que les commandes provenaient des clients et qu'aucune régularisation ultérieure ne pouvait remettre en cause le caractère acquis de ces commissions. Il souligne le caractère illégal de ces retenues qui s'analysent en compensations, en infraction aux dispositions de l'article L. 3251-1 du code du travail.

La société BOUCHARD AGRICULTURE conteste le bien fondé de cette demande, en relevant que le salarié ne lui a présenté aucune demande en régularisation des commissions litigieuses. Elle rappelle que les commissions sont calculées et versées dès que la commande est validée mais que des régularisations sont susceptibles d'intervenir en cas de modification par le client, ayant pour résultat la diminution du bon de commande, ou en cas d'annulation pure et simple de la commande ou de l'intervention d'un autre commercial ou la conclusion d'une autre affaire sur le secteur d'un collègue. L'employeur verse aux débats des attestations de salariés confirmant cette pratique au sein de l'entreprise.

M. [Q] [C] ne peut se prévaloir de l'illégalité des retenues opérées par l'employeur sur le fondement de l'article L. 3251-1 du code du travail, dès lors que les opérations effectuées n'étaient pas destinées à compenser les sommes dues par le salarié pour fournitures diverses mais des sommes à caractère salarial indûment perçues.

Les attestations de M. [S] [N], ancien salarié de l'entreprise ainsi que celles de M. [M] [V], et M. [D] [T], cadres commerciaux, confirment que les commissions dont ils pouvaient bénéficier sont susceptibles de régularisations, notamment en cas d'annulation de la commande suite au refus de crédit de financement, ou en cas d'omission d'accessoires du matériel, de son transport ou de tout autre élément de nature à impacter directement la marge du produit. Ces attestations ne sont pas remises en cause par celle versée par le salarié, M. [U] [B], ancien commercial au sein de l'entreprise, qui indique que les commissions n'étaient versées que sur les fiches de commande validées.

Il ressort de l'examen des documents relatifs aux relevés et aux fiches de commissionnements, les régularisations de commissions suivantes :

- en novembre 2006, 269.94 € du fait de la vente par le salarié d'un matériel sur le secteur d'un autre collègue , M. [M] [V] , et la demande de ce dernier en régularisation de sa propre commission';

- en septembre 2007, 355 € pour l'annulation d'une commande par le client, EARL [D]';

- en octobre 2007, 93,22 € pour une commande du client CHEVREVILLE, en raison de l'oubli du salarié de comptabiliser les frais de port à hauteur de 500 €, réduisant d'autant la marge brute';

- en novembre 2007, 41.68 € pour les mêmes motifs d'omission des frais de port concernant le client BOURBON VALLET';

- en décembre 2007, 676.44 € pour les mêmes motifs d'omission des frais de port concernant les clients [J] et [L] pour des montants respectifs de 200 € et 300 € et pour une erreur de prix d'achat d'environ 2 000 €, s'agissant du client [A]';

- en mars 2008, 116.32 € en raison d'un prix d'achat erroné et de l'absence de prise en compte des frais de courtage PROMODIS pour le client EARL MICHELVB ainsi que du partage de la commission avec un autre collègue, M.[M] [V], s'agissant du client FRABOT';

- en juillet 2009, 631€ du fait de la suppression de la prime de 3% Club expert non validée par le concessionnaire [W] [G] à hauteur de 1 162.17 € et entraînant une minoration de la commission de 439 €, s'agissant du client GILQUIN, de la décision de l'inspecteur du concessionnaire [W] [G] de ne pas verser l'aide financière entraînant une marge inférieure à 2000 €, s'agissant du client COURTENAIN( MONTEPOT) et du calcul erroné de frais de ports de plus de 50 €, pour le client BEGAT';

- en septembre 2009, 112 € en raison de la réception de la facture du fournisseur avec un prix d'achat supérieur au prix initialement prévu du fait de la fourniture de buses supplémentaires';

- en février 2010, 372.67 € , s'agissant d'un prix d' achat moins élevé pour le client SCEA SAINT ARNOULT , d'un oubli par le salarié de la fourniture des extensions pour le client EARL GERIGEON et d'une reprise de 177 € versée au salarié en juillet 2010 pour l'affaire concernant le client EARL VECTEN ;

- en avril 2010, 258 €, compte tenu de l'annulation du bon de commande VECTEN';

- en juillet 804 €, s'agissant de la prise en compte du montage de buses et de phares de cabine prévus au bon de commande et non comptabilisés par le salarié pour le client SAINT ARNOULT et de la reprise d'une machine sans jeu de roues, concernant le client [Y].

En produisant l'ensemble des documents justifiant des régularisations effectuées, la société BOUCHARD AGRICULTURE démontre avoir versé à M. [Q] [C] les commissions qui lui étaient dues selon les modalités de commissionnement pratiquées dans l'entreprise, dès lors que la commande était validée par les services comptables et après vérification de la valeur du matériel et des accessoires commandés, du montant des frais de port, de l'absence de reprise du matériel et de la prise en compte du commissionnement d'un autre commercial compte tenu du secteur géographique concerné.

M. [Q] [C] sera débouté de sa demande en rappel de commissions pour la période de janvier 2006 à juillet 2010, outre les congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

3/ Sur la demande en indemnisation du préjudice subi quant au montant de la pension de retraite

M. [Q] [C] forme une demande nouvelle en paiement d'une somme de 75 201 € en indemnisation du préjudice subi quant au montant de sa pension de retraite. Il estime que le salaire de référence pour le calcul des pensions de retraite de base et complémentaires a été affecté par les sommes non versées par l'employeur.

La société BOUCHARD AGRICULTURE, pour sa part, conteste le bien fondé de ces demandes compte tenu de la poursuite de la relation contractuelle de travail et de l'acceptation implicite du salarié de la modification de ses conditions de rémunérations.

Cependant, il a été précédemment retenu que la réduction du salaire de base de M. [Q] [C] n'avait pas été acceptée par celui-ci de manière expresse, claire et non équivoque et que le salarié était fondé à solliciter le paiement du solde de sa rémunération, calculé en exécution de l'engagement contractuel initial avant la modification unilatérale de l'employeur,

En l'espèce, M. [Q] [C] verse aux débats les décomptes du calcul de sa retraite de base et de ses retraites complémentaires ARRCO et AGIRC qui établissent que les droits à retraite du salarié sont calculés sur le montant de son salaire de base et qu'il subit un préjudice dans la mesure où les organismes de retraite ont calculé ses droits sur la base d'un salaire annuel moyen sur 25 ans de 31 811 € alors même que la prise en compte du salaire initial de 2 997.70 € conduirait à la prise en compte d'un salaire annuel moyen sur 25 ans de 36 276 €.

Cette demande en indemnisation s'analyse en une demande en réparation d'une perte de chance, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

En l'espèce, le préjudice subi par M. [Q] [C] du fait de la modification unilatérale par l'employeur de son salaire de base, résulte de sa perte de chance d'obtenir des droits à retraite comparables à ceux garantis par le précédent salaire de base contractuellement prévu et ne peut être équivalent au montant de ces droits.

Compte tenu des éléments versés aux débats, notamment de la fiche de calcul produite et de l'espérance de vie du salarié, né en 1953, M. [Q] [C] qui justifie d'une perte mensuelle de droits à hauteur de 151.15 € pour la pension de retraite de base, de 119.58 € pour la pension complémentaire de l'AGIRC et de 42.51 € pour celle de l'ARRCO, est fondé en sa demande en indemnisation d'une perte de chance de bénéficier de ces droits que la cour évalue à 30 000 €, somme au paiement de laquelle la société BOUCHARD AGRICULTURE sera condamnée.

4/ Sur la demande en indemnisation du préjudice subi quant au montant des allocations chômage

M. [Q] [C] forme une demande nouvelle en paiement d'une somme de 3 168.06 € en indemnisation du préjudice subi quant au montant des allocations chômage perçues.

La société BOUCHARD AGRICULTURE, pour sa part, conteste le bien fondé de ces demandes.

Cependant, M. [Q] [C] démontre qu'il a perçu des indemnités journalières de chômage d'un montant de 49.47 €, alors même qu'en tenant compte de son salaire de base initial de 2 997.70 €, il aurait dû percevoir des indemnités d'un montant de 67.26 €, soit une différence de 27.79 €.

Le salarié qui justifie avoir été indemnisé par pôle emploi du mois de novembre 2010 au mois de février 2011, est fondé en sa demande en paiement de la somme de 3 168.06 € à titre de dommages et intérêts du fait de l'impact des salaires non versés sur les indemnités perçues de pôle emploi. La société BOUCHARD AGRICULTURE sera condamnée au paiement de cette somme.

5/ Sur la demande en indemnisation pour préjudice moral et préjudice financier résiduel

M. [Q] [C] sollicite une indemnisation du préjudice moral et du préjudice financier qu'il a subi.

La société BOUCHARD AGRICULTURE, pour sa part, conteste le bien fondé de cette demande.

Le salarié qui s'est vu allouer un rappel de salaires et de congés payés afférents ainsi qu'une indemnisation au titre de la perte financière subie dans le montant des indemnités chômage versées et une indemnisation financière réparant la perte de ses droits à retraite, ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de ceux déjà indemnisés et de celui résultant du retard de paiement réparé par les intérêts moratoires, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour constate que, contrairement à ce que déclare l'employeur, le salarié n'a pas été condamné en première instance au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BOUCHARD AGRICULTURE qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en versant à M. [Q] [C] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [Q] [C] de ses demandes en paiement à titre de rappel de commissions pour la période de janvier 2006 à juillet 2010, outre les congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA BOUCHARD AGRICULTURE à verser à M. [Q] [C] les somme suivantes :

' 17 236.08 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à juillet 2010

' 1 723.61 € au titre des congés payés afférents

' 30 000 € en indemnisation de la perte de chance des droits à retraites de base et complémentaires

' 3 168. 06 € à titre de dommages et intérêts au titre de l'impact des salaires non versés sur les indemnités perçues de pôle emploi

ORDONNE à la SA BOUCHARD AGRICULTURE de remettre à M. [Q] [C] un bulletin de salaire rectifié, conforme au présent arrêt ;

CONDAMNE la SA BOUCHARD AGRICULTURE à verser à M. [Q] [C] une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BOUCHARD AGRICULTURE aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/08444
Date de la décision : 05/07/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/08444 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-05;15.08444 ?
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