RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 30 Juin 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13033
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section RG n° 13/01220
APPELANT
Monsieur [A] [K]
[Adresse 1]
[Localité 1] / Fran
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2] - Cameroun (99)
comparant en personne, assisté de Me Innocent FENZE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1048
INTIMEE
Me [U] [L] (SCP [U]-[F]) - Liquidateur de DUMELU SECURITE PROVEE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-charles NEGREVERGNE, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Lucie DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX
PARTIE INTERVENANTE :
Société UNEDIC CGEA IDF EST
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Thierry BLAZICEK, avocat au barreau de PARIS, toque : C.44
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre
Madame Valérie AMAND, Conseillère
Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Frédérique LOUVIGNE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
La société DUMELU SECURITE PRIVEE avait pour activité la surveillance humaine à destination des professionnels.
Elle a engagé Monsieur [A] [K] né le [Date naissance 1] 1965 par contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er février 2012 en qualité de Responsable Administratif et Financier, statut cadre.
Sa rémunération brute mensuelle a été fixée à 6 000 euros bruts pour une durée de travail mensuelle de 140 heures.
La société relève de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 15 mai 2013 à l'encontre de la société DUMELU SECURITE PRIVEE qui a ensuite été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Meaux du 30 septembre 2013 désignant Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 14 octobre 2013, Maître [U] a notifié à Monsieur [A] [K] son licenciement pour motif économique sous réserve de la réalité de son contrat de travail conclu pendant la période suspecte et de son activité au sein de la société.
Le 21 octobre 2013, l'AGS avisait le liquidateur judiciaire de son refus de prendre en charge la créance salariale de Monsieur [A] [K] dont elle conteste la qualité de salarié.
C'est dans ces conditions que Monsieur [A] [K] a saisi le 3 décembre 2013 le conseil de prud'hommes de Meaux aux fins de voir reconnaître sa qualité de salarié, de dire son licenciement nul et obtenir diverses sommes. Par jugement du 12 novembre 2015, Monsieur [A] [K] a été débouté de toutes ses demandes et condamné aux dépens.
Monsieur [A] [K] a interjeté appel de ce jugement.
A l'audience, les conseils des parties et le conseil de l'AGS ILE DE FRANCE EST ont soutenu oralement les conclusions déposées et visées par le greffe.
Monsieur [A] [K] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
- dire et juger qu'il a la qualité de salarié de la société DUMULU SECURITE PRIVEE
- dire et juger que le procès-verbal de la réunion du 10/10/2013 est nul et de nul effet pour défaut de qualité du signataire pour le compte du mandataire liquidateur
- dire et juger qu'il y a eu absence d'entretien collectif ou d'information au personnel sur le projet des licenciements rendant nuls les licenciements
- dire et juger en conséquence que le licenciement est nul
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DUMULU SECURITE PRIVEE au profit de Monsieur [A] [K] les sommes suivantes :
*9 096 € au titre des salaires de septembre et octobre 2013
*909, 06€ au titre des congés payés
*14 516 € à titre de rappel de salaire des mois de mars,avril et mai 2013
*1 451,60 € au titre des congés payés
*12 000 € au titre des indemnités de congés payés
*18 000 € au titre de l'indemnité de préavis
*1 800 € au titre des congés payés
*1 200 € à titre d'indemnité de licenciement
*60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul
*30 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil
*3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- avec intérêts au taux légal à compter du 03/12/2013
- ordonner la capitalisation des intérêts
- ordonner la remise du certificat de travail, attestation Pôle Emploi, bulletins de paie sous astreinte de 150 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir.
- dire l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC CGEA ILE DE FRANCE EST
Maître [U] conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et subsidiairement, demande à la cour de réduire les demandes de Monsieur [A] [K] à de plus justes proportions; en toute état de cause, de le condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'AGS ILE DE FRANCE EST demande à la cour à titre principal de confirmer purement et simplement le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [A] [K] de l'ensemble de ses demandes; à titre subsidiaire, de le débouter de ses demandes et en tout état de cause, de dire que l'AGS ne garantit pas l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que le plafond applicable est le plafond 5; de condamner Monsieur [A] [K] aux dépens.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.
MOTIFS
Sur la qualité de salarié et sur la nullité du contrat de travail
Monsieur [A] [K] produit aux débats un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er février 2012 par le gérant de la société Monsieur [Z] par lequel il est engagé pour occuper les fonctions de Responsable Administratif et Financier, statut cadre, position III-A, coefficient 800. Sa rémunération brute mensuelle est fixée à 6 000 € bruts en fonction d'une durée mensuelle de travail de 140 heures au taux horaire brut de 42,857 €. Il produit également ses six premiers et six derniers bulletins de paie.
Le contrat de travail a été signé après la date de cessation des paiements de la société DUMELU SECURITE PRIVEE fixée par le tribunal de commerce au 15 janvier 2012.
Maître [U] et l'AGS ILE DE FRANCE soutiennent que le contrat de travail est inexistant en l'absence de lien de subordination établi par l'appelant et de preuve de la réalité de sa prestation de travail mais également au regard d'un ensemble de faits qui permettent d'établir que le gérant désigné, Monsieur [Z], était un gérant de paille, et que Monsieur [A] [K] occupait en fait les fonctions principales dans la société sans lien de subordination.
Ils concluent également à la nullité du contrat de travail conclu pendant la période suspecte en application des dispositions de l'article L 632-1 du code de commerce.
En présence d'un contrat de travail apparent il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Dans sa lettre du 21 octobre 2013, l'AGS a justifié son refus de prendre en charge la créance salariale de Monsieur [A] [K] au motif qu'il apparaissait en qualité de gérant dans onze sociétés différentes dont certaines étaient sans activité ; que la déclaration préalable d'embauche le concernant n'avait été faite que le 21 janvier 2013, soit près d'un an après la signature du contrat de travail, même si les les cotisations pour 2012 avaient bien été réglées; qu'il apparaissait par ailleurs en tant que salarié de la société ANTONY CONSULTING INVESTISSEMENT, exerçant pour le compte de la société DUMELU SECURITE PRIVEE une mission d'expertise comptable ; que les deux sociétés avaient les mêmes locaux et partageaient la même boîte aux lettres; que la déclaration d'embauche n'avait été faite que le 8 avril 2013 au profit de Monsieur [A] [K] par la société ANTONY CONSULTING INVESTISSEMENT dont le gérant est un ancien agent de sécurité de la société DUMELU SECURITE PRIVEE ainsi que le précisent le liquidateur judiciaire et l'AGS; que le gérant de la société DUMELU SECURITE PRIVEE, Monsieur [Z], ne détenait que 10% des parts sociales et avait été salarié à temps complet en 2011 d'une société ASSI ce qui ne lui permettait pas à l'évidence d'exercer des fonctions de gérant et qu'il était manifestement un homme de paille, l'AGS supposant que Monsieur [A] [K] et Madame [H] étaient les «réels managers» de la société.
Dans le bilan qu'il a établi le 18 septembre 2013, l'administrateur judiciaire notait que la société employait à l'ouverture de la procédure collective 17 salariés dont Monsieur [A] [K] dont il indiquait que ses relations avec le cabinet ANTHONY CONSULTING et la société DUMELU SECURITE PRIVEE restaient confuses, puisqu'il semblait qu'il était salarié des deux sociétés domiciliées dans les mêmes locaux.
Il résultait de ses entretiens avec Monsieur [Z] que celui-ci avait créé la société en 2009 laquelle avait connu une croissance exponentielle jusqu'en 2012, date à laquelle étaient apparues des difficultés de trésorerie. Malgré diverses demandes la remise des comptes annuels n'avait eu lieu que le 23 septembre 2013 et l'expert comptable chargé par l'administrateur judiciaire de vérifier les comptes annuels 2010, 2011 et 2012 ainsi que les grands livres 2012 et 2013 n'avait pu mener à bien sa mission faute de collaboration de la part de la société. Il émettait dans ces conditions des réserves sur la sincérité des comptes.
La cour relève qu'aucun des éléments invoqués par le liquidateur judiciaire et l'AGS , qu'il s'agisse du fait que le gérant ne soit pas l'associé majoritaire, qu'il ait exercé à titre principal une activité salariée, ni l'éventuelle confusion entre les sociétés DUMELU SECURITE PRIVEE et ANTHONY CONSULTING INVESTISSEMENT ne permettent de remettre utilement en cause la réalité du contrat de travail dont bénéficie Monsieur [A] [K], en l'absence de tout élément de preuve qu'il appartient aux intimés de rapporter démontrant que Monsieur [A] [K] aurait accompli des actes de direction ou de gestion engageant la société.
En revanche, la cour estime que la rémunération de Monsieur [A] [K] fixée à 6 000 € bruts pour un temps partiel de 140 heures mensuelles par référence au minimum conventionnel de 5 189,04€ bruts pour un temps complet établit une rupture notable de l'équilibre contractuel au détriment de la société pendant la période suspecte, Monsieur [A] [K] ne démontrant pas que ses missions en qualité de Responsable Administratif et Financier, son activité et les conditions d'exécution du contrat de travail justifiaient une telle rémunération.
Dans ces conditions, la cour dit que le contrat de travail de Monsieur [A] [K] est nul par application des dispositions de l'article L 632-1 du code du travail et déboute en conséquence l'appelant de ses demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de rappels de salaire et d'indemnité de congés payés.
Monsieur [A] [K] succombant en cause d'appel supportera la charge des dépens et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 12 novembre 2015 en ce qu'il a dit que le contrat de travail conclu entre la société DUMELU SECURITE PRIVEE et Monsieur [A] [K] est nul et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [A] [K] aux dépens
LE GREFFIERLA PRESIDENTE