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29/06/2017 | FRANCE | N°16/05924

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 29 juin 2017, 16/05924


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 29 JUIN 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05924



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2016 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013013407





APPELANTE :



- La société ALLIANCE ENVIRONNEMENT, S.A.S.

Prise en la personne de son représentant légal>
Dont le siège social est [Adresse 1]

Immatriculée au RCS de NÎMES

N° SIRET : 538 019 670 00024



Représentée par Maître Sarah GEAY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152

AARPI ABSYS A...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 29 JUIN 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05924

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2016 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013013407

APPELANTE :

- La société ALLIANCE ENVIRONNEMENT, S.A.S.

Prise en la personne de son représentant légal

Dont le siège social est [Adresse 1]

Immatriculée au RCS de NÎMES

N° SIRET : 538 019 670 00024

Représentée par Maître Sarah GEAY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152

AARPI ABSYS AVOCATS,

ayant pour avocat plaidant Maître Arnaud JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

- M. [I] [X]

Né le [Date naissance 1] 1971 à VILLENEUVE LES AVIGNON (30)

Demeurant : [Adresse 2]

Représenté par La SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocats associés au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Maître Augustin ROBERT, avocat au barreau de PARIS,

toque : L0101 de la SELARL GRAMOND & ASSOCIES,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Michèle PICARD, Conseillère et Mme Christine ROSSI, Conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- M. François FRANCHI, président

- Mme Michèle PICARD, conseillère

- Mme Christine ROSSI, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Benoît TRUET-CALLU

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. François FRANCHI, président et par Mme Mariam ELGARNI-BESSA, greffier .

*

La société Orga d'Oc est spécialisée dans le traitement et l'élimination des déchets non dangereux, et exploite à ce titre des plates-formes de compostage.

Suite à une évolution de la réglementation, Orga d'Oc se voyait notifier le 24 mai 2011 un arrêté préfectoral modifiant les conditions d'exploitation de la plateforme du site de [Localité 1]. Les travaux prescrits n'étant pas exécutés, Orga d'Oc était mise en demeure le 28 septembre 2011 par la préfecture de l'Hérault de se mettre en conformité.

Jusqu'en 2011, Orga d'Oc était une filiale à 100 % de la société Terra Sol, détenue elle-même par monsieur [I] [X], associé majoritaire et par monsieur [L] [N], monsieur [X] étant à la fois président de la sas Terra Sol et gérant de la sarl Orga d'Oc.

Les 23 décembre 2011 et 18 janvier 2012, messieurs [X] et [N], ainsi que les autres associés, vendaient à la société Alliance Environnement l'intégralité de leurs actions dans la société Terral Sol ainsi que sa filiale Orga d'Oc. Messieurs [X] et [N], respectivement à hauteur de 77 % et 23 %, souscrivaient une garantie non solidaire d'actif et de passif au bénéfice d'Alliance Environnement.

Le 31 mai 2012, le site de [Localité 1] faisait l'objet d'une visite de l'administration qui menaçait de fermeture du site les nouveaux propriétaires.

En application de la convention de garantie, Alliance Environnement adressait une notification de réclamation à messieurs [X] et [N], estimant par la suite le préjudice global subi à 1.848.091,31 euros.

Le 31 octobre 2012, messieurs [N] et Alliance Environnement signaient une transaction aux termes de laquelle monsieur [N] versait 230.001 euros à Alliance Environnement au titre de sa garantie de passif.

Monsieur [X], de son côté, était mis en demeure le 19 décembre 2012 par Alliance Environnement de lui verser 77 % du montant réclamé, soit 1.423.030,30 euros. Monsieur [X] s'y opposait par courrier du 5 février 2013.

C'est dans ce contexte que par jugement du 5 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a dit que monsieur [I] [X] n'avait pas commis de dol lors de l'élaboration du contrat de cession et de la garantie de passif et a débouté la sas Alliance Environnement de sa demande à ce titre, dit que monsieur [I] [X] était redevable au titre de sa garantie de passif du prix des travaux de confinement de l'atelier de réception/mélange de 109.500 euros, dont il conviendra de déduire la franchise de 30.000 euros et sur lequel viendra s'imputer l'augmentation d'actif net de 365.101 euros, ramenant l'indemnité due à zéro, débouté la sas Alliance Environnement de toutes ses demandes au titre de la garantie de passif, condamné la sas Alliance Environnement à restituer à monsieur [I] [X] la somme de 362.550 euros majorée des intérêts de retard à compter du 15 janvier 2013, condamné la sas Alliance Environnement à payer à monsieur [I] [X] la somme de 70.000 euros, à titre de complément de prix, débouté monsieur [I] [X] de sa demande de donner acte, condamné la sas Alliance Environnement à payer à monsieur [I] [X] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, ordonné l'exécution provisoire sans garantie, et condamné la sas Alliance Environnement aux dépens.

La sas Alliance Environnement a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 8 mars 2016.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 4 avril 2016, la sas Alliance Environnement demande à la cour d'appel de déclarer l'appel formalisé par la sas Alliance Environnement recevable en la forme, au fond, l'accueillant, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 05 février 2016, ce faisant, au visa des articles 1134, 1147 et 1116 et suivants du code civil, de dire et juger que monsieur [I] [X] a commis un dol incident dans le cadre de l'acte de cession en date du 18 janvier 2012, au visa de l'article 3.5.3 de la convention de garantie d'actif et de passif en date du 18 janvier 2012, de dire et juger que la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif au profit d'Alliance Environnement est déplafonnée en l'état du dol de monsieur [X], de dire et juger que la réclamation de la société Alliance Environnement au titre de ladite garantie ressort vis-à-vis de monsieur [X] à 835.787,23 euros, de condamner en conséquence monsieur [I] [X] à régler à la société Alliance Environnement la somme de 835.787,23 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2012, jusqu'à parfait paiement, de condamner monsieur [I] [X] à payer à la société Alliance Environnement la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner monsieur [I] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 22 juillet 2016, monsieur [I] [X] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134, 1116 et 1147 du code civil, à titre principal : de constater que monsieur [I] [X] n'avait pas connaissance du caractère prétendument insuffisant des travaux qu'il avait engagés et juger en conséquence que le dol n'est pas établi ; de constater que les travaux programmés et engagés par monsieur [I] [X] permettaient la mise en conformité de la plateforme de [Localité 1] ; de constater qu'Alliance Environnement ne rapporte pas la preuve que les travaux complémentaires qu'elle a fait effectuer étaient nécessaires à l'exploitation régulière de la plateforme de [Localité 1] et qu'ils sont par conséquent exclus de la garantie consentie par monsieur [I] [X] ; en conséquence, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 février 2016 en ce qu'il a débouté Alliance Environnement de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée à restituer à monsieur [I] [X] la somme de 362.550 euros appelée au titre de la garantie à première demande, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2013 ; à titre subsidiaire, si la cour considérait que le confinement de l'atelier de réception/mélange était nécessaire à la mise en conformité de la plateforme de [Localité 1] : de constater que ces travaux pouvaient être effectués pour un prix de 109.500 euros HT ; de faire application des articles 3.5.2 et 3.2.2 de la garantie de passif et de juger que le montant de la franchise (30.000 euros) et le montant de l'augmentation d'actif dont ont bénéficié les sociétés Terra Sol et Orga d'Oc devront venir s'imputer sur l'indemnité due par monsieur [I] [X], ramenant celle-ci à zéro ; de constater que les pertes d'exploitation et le surcoût d'exploitation ne peuvent pas donner lieu à indemnisation aux termes de l'acte de garantie et qu'ils ont en outre été causés par la décision d'Alliance Environnement de faire effectuer des travaux non requis ; de constater qu'Alliance Environnement ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués ; en conséquence, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 février 2016 en ce qu'il a débouté Alliance Environnement de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée à restituer à monsieur [I] [X] la somme de 362.550 euros appelée au titre de la garantie à première demande, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2013 ; en toute hypothèse : de condamner Alliance Environnement à payer à monsieur [I] [X] le complément de prix lié au litige relatif à la plateforme de compostage de la société Ceval, soit la somme de 100.000 euros ou, s'il est fait application de la franchise de 30.000 euros, la somme de 70.000 euros ; de donner acte à monsieur [I] [X] qu'il demandera la condamnation d'Alliance Environnement à lui payer le complément de prix au titre du litige relatif à la plateforme de compostage de Terra Sol dès qu'Alliance Environnement aura communiqué les éléments nécessaires au chiffrage de ce complément de prix ; de condamner Alliance Environnement à payer à monsieur [I] [X] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Alliance Environnement aux entiers dépens.

SUR CE

Sur le dol reproché à monsieur [X] 

La sas Alliance Environnement soutient qu'en l'état du dol reproché à monsieur [X], la mise en jeu de sa garantie d'actif et de passif doit être déplafonnée.

Aux termes de l'article 2.3.2 de la convention de garantie d'actif et de passif, la garantie de passif n'avait vocation à s'appliquer, au titre de travaux nécessaires à l'obtention de l'autorisation concernant la plate-forme de [Localité 1], que si leur coût dépassait un montant de 945.106 euros. Aujourd'hui, l'appelante prétend avoir fait exécuter des travaux nécessaires pour un montant complémentaire de 439.356 euros. La garantie ayant été plafonnée pour monsieur [X] aux termes de l'article 3.5.3 à 793.104 euros, elle en sollicite le déplafonnement au motif d'un dol prétendu de la part de son co-contractant ayant vicié son consentement.

Il convient donc de rechercher si monsieur [X] a pu de bonne foi considérer satisfactoires les travaux engagés, et, dans tous les cas, si des travaux complémentaires s'imposaient afin d'assurer l'exploitation régulière de la plate-forme de compostage de boues de [Localité 1].

Doit être déterminé si les quatre ateliers - de réception/mélange des boues et déchets verts ; fermentation ; maturation ; criblage - composant la plate-forme devaient être seulement couverts ou bien confinés.

Pour soutenir que le confinement des ateliers réception/mélange, fermentation et criblage était indispensable, la société Alliance Environnement s'est fondée sur l'arrêté préfectoral APC n°2011-I-1201 du 24 mai 2011 en son article 24 :'Les opérations de réception, mélange des boues et déchets verts, fermentation et criblage du produit fini s'effectuent dans un bâtiment fermé et désodorisé. L'air extrait par aspiration de ce bâtiment, appelé 'air de process', est traité avant rejet à l'atmosphère. Le niveau d'odeur en limite du site ne dépasse pas les 5 unités d'odeur par m3. Dans le cas des sources potentielles d'odeurs de grande surface non confinées (aire de fermentation et bassins de rétention des eaux), celles-ci sont implantées et exploitées de manière à minimiser la gêne pour le voisinage.' La contradiction résultant de l'énoncé qui précède, relative à la zone de fermentation qui pourrait être à la fois confinée et non confinée, est à présent sans incidence dans la mesure où le litige ne porte plus que sur le seul atelier réception/mélange, la société Alliance Environnement ayant abandonné toute prétention autre, étant précisé que dans sa lettre du 7 novembre 2013, la DREAL annonçait des modifications de l'arrêté en vue de lever les incohérences l'affectant, un arrêté préfectoral en date du 26 juillet 2014 étant en effet intervenu en ce sens.

      

La société Alliance Environnement tire argument de la correspondance de la DREAL du 21 juin 2012 qui écrivait à propos de la suspension ordonnée qu'elle ne pourrait '(...) être levée qu'à l'achèvement des travaux (...) de confinement de l'aire de réception et de mélange de ces mêmes boues et du traitement de l'air issu de ce bâtiment' ; et de la lettre du 7 novembre 2013 aux termes suivants : 'La réalisation de la mise en conformité de votre installation a été constatée lors de la visite du 31 janvier 2013. Par lettre du 6 février, en annexe, je vous donnais mon accord pour reprendre la réception des boues.'

La société Alliance Environnement se réclame également du rapport de monsieur [J], expert judiciaire près la cour d'appel de Bordeaux, par elle mandaté, qui conclut que les travaux engagés par Orga d'Oc ne répondent que très partiellement aux exigences de l'arrêté précité. Elle critique les conclusions du rapport de monsieur [A] [F], expert près la cour d'appel de Lyon, mandaté par monsieur [X], favorables à ce dernier et dont elle estime qu'elles ne sont pas fondées et dénuées de toute force probante. Quant au rapport produit par monsieur [X], établi en août 2011 par la société ERM, elle oppose que l'audit réalisé l'a été sur la base des seules déclarations des cédants, ce que cette société a contesté dans le cadre de la procédure en intervention forcée diligentée à son encontre en indiquant que toutes les sources d'information visées à son étude avaient été utilisées par ses auteurs et qu'elles ne se limitaient pas aux déclarations de monsieur [X]. La société Alliance Environnement critique enfin le chiffrage des travaux admis par le tribunal de commerce à la somme de 109.000 euros ht ainsi défini par la société AF Conseil et dont elle oppose qu'il est sans rapport avec les travaux indispensables au respect de la réglementation. Elle fait valoir sur ce dernier point que l'audit de la société [K], mandaté par elle-même, conclut que les travaux par elles effectués sont justifiés, l'évaluation d'AF Conseil ne répondant pas aux exigences de la préfecture.

Ceci étant, dans son courriel du 30 décembre 2011, monsieur [U], représentant de la DREAL, écrivait à monsieur [X] 'Pour être précis, nous n'avons pas demandé de confinement sur la totalité du bâtiment mais avons estimé qu'il serait sans doute utile que ce confinement soit effectif pour la zone de mélange. Il appartient bien sûr à ORGA D'OC de définir les moyens qu'il juge suffisamment efficaces.' Aussi, comme l'ont retenu les premiers juges, monsieur [X] pouvait-il comprendre de bonne foi que le confinement de l'atelier réception/mélange n'était pas requis et que les travaux budgétés évalués à 945.106 euros étaient suffisants, à savoir en particulier la couverture des aires de réception/mélange et de fermentation - comprenant la création d'un bâtiment couvert avec bardage sur trois des quatre faces de ces deux ateliers - et l'installation d'un système de désodorisation pour l'aire process de la zone de fermentation. D'ailleurs la sous-préfecture de l'Hérault, dans une lettre du 16 septembre 2011, écrivait que le projet avait été 'validé techniquement par la DREAL et présente toutes les garanties réglementaires en termes de maîtrise des nuisances olfactives.'. De même, l'audit environnemental réalisé par la société ERM et dont l'objet était 'd'évaluer la conformité des installations au regard de la réglementation environnement applicable et d'apprécier les coûts de mise en conformité (...)' a conclu : '(...) ce plan d'investissement - visant à l'amélioration et la modernisation des installations - couvre l'ensemble des non-conformités matérielles avérées ou potentielles'. Le dol allégué à l'encontre de monsieur [X] n'est dès lors pas ici établi.

         

Alliance Environnement se réclame également, pour faire valoir le dol, du courriel du 29 mars 2011 dans lequel monsieur [X] explique à la DREAL qu'« il n'est pas économiquement réaliste de traiter de tels volumes d'air (air ambiant du bâtiment = zone des fermentation et de mélange) » et évalue le coût de ces travaux à une somme comprise entre 1,2 et 1,3 millions d'euros hors taxes. La solution jugée irréaliste par monsieur [X], qui consiste à confiner les ateliers de réception/mélange et de fermentation et à traiter l'air ambiant de ces ateliers, a précisément été abandonnée par la DREAL, comme l'indique le courriel du 30 décembre 2011 précité. Dès lors, aucune dissimulation ne peut être valablement imputée ici à monsieur [X].

Enfin, le fait que monsieur [N] ait réglé la somme de 230.001 euros correspondant à l'intégralité de son engagement personnel sur la garantie d'actif et de passif dans le cadre d'un accord transactionnel ne saurait permettre de retenir l'existence du dol prétendu à l'encontre de monsieur [X] qui oppose de plus que ladite transaction a porté sur la prise en charge de travaux auxquels la société Alliance Environnement ne prétend plus aujourd'hui.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas retenu le dol.         

Reste à examiner si les travaux engagés par monsieur [X] étaient suffisants ou si devaient être exécutés des travaux de confinement justifiant alors la mise en oeuvre de la garantie de passif dans la limite du plafond contractuellement défini.

Sur la mise en oeuvre de la garantie dans la limite de son plafonnement

Comme l'a relevé le tribunal, les imprécisions et ambigüités ci-avant pointées ont pu amener légitimement la société Alliance Environnement, dans une démarche normalement prudente, à considérer que l'atelier de réception/mélange devait être confiné. En revanche, les éléments obtenus normalement appréhendés ne justifiaient pas d'entreprendre le confinement des autres ateliers, la garantie n'ayant dès lors pas vocation à s'appliquer les concernant.

Il importe donc d'évaluer le coût des travaux de confinement de l'atelier de réception/mélange.

Parmi les travaux que la société Alliance Environnement a fait exécuter sur le site de [Localité 1], elle estime que 439.356 euros nets d'impôt ont été réellement consacrés à la mise en conformité du site. Les postes des travaux sont détaillés comme suit dans le rapport [J] : gros oeuvre 85.000 euros ht, charpente métallique 125.000 euros ht, électricité 20.415,37 euros ht, désodorisation 243.000 euros ht, portes automatiques 30.000 euros ht, intégration paysagère 6.000 euros ht, raccordement pont bascule 9.018 euros ht, portiques radio nucléides 7.500 euros ht, clôture bassin de stockage 3.600,16 euros ht, maîtrise d'oeuvre 10.370 euros ht, étude d'odeur 11.214 euros ht. L'appelante verse également le rapport de la société Ernst & Young qui a comptabilisé les factures relatives à ces coûts.

Monsieur [X] oppose, dans une analyse poste par poste fondée sur le rapport de la société AF Conseil, que le montant des travaux engagés par Alliance Environnement a été au-delà des exigences de la préfecture. Il soutient ainsi que l'extension de la zone de réception/mélange qui constitue l'essentiel du poste « gros oeuvre » n'est requise par aucun texte en plus d'être techniquement inappropriée, ce qui rend inutiles les travaux connexes de charpente et de raccordement du pont bascule. De façon similaire, il soutient que les travaux de désodorisation ne sont justifiés que par le confinement de la zone de fermentation, or celui-ci n'étant imposé par aucun texte, les travaux d'électricité destinés à augmenter la puissance de la capacité de désodorisation ne sont plus nécessaires.

Face aux contestations adverses, la société Alliance Environnement n'apporte pas d'élément probant de nature à justifier la nécessité de chacun des postes de travaux au regard de la règlementation. Elle apparaît au contraire, comme l'a soutenu monsieur [X], vouloir faire supporter par l'intimé les conséquences d'une décision de gestion qu'elle a prise en-dehors de toute exigence réglementaire.

Ainsi, il est établi que le coût des travaux supplémentaires s'imposait à hauteur de 109.500 euros ht, soit 61.000 euros au titre des travaux de confinement, outre 48.500 euros correspondant au raccordement de l'enceinte confinée à la désodorisation existante. Sont versés en ce sens l'étude de la société AF Conseils ainsi que le rapport complémentaire de monsieur [A] [F], qui estiment ces prix sur la base de devis réalisés par les entreprises Construction Métallique du Sud et TC Plastic. La société Alliance Environnement, se réclamant du rapport [K] d'avril 2016, soutient que le projet de travaux chiffré par monsieur [X] ne répond pas aux exigences de la préfecture, mais sans pour autant justifier la nécessité des prestations complémentaires qu'elle entend voir admettre, à savoir l'agrandissement du bâtiment de réception-mélange pour respecter le confinement lors du dépotage, et l'augmentation de la capacité de désodorisation du bâtiment. Comme l'a retenu le tribunal, monsieur [X] est donc redevable au titre de la garantie de passif du prix des travaux de confinement de l'atelier de réception/mélange pour la somme de 109.500 euros.

Outre le prix des travaux, la société appelante demande l'indemnisation des pertes d'exploitation liées à la fermeture du site ainsi que du surcoût d'exploitation après travaux, qu'il importe donc d'évaluer. 

A propos des pertes d'exploitation, Alliance Environnement soutient avoir dû suspendre la réception des boues sur la plateforme de [Localité 1] à compter du mois de juillet 2012 et pour une durée de sept mois, jusqu'à l'entière réalisation des travaux de mise en conformité de la plateforme. Elle se réclame du rapport d'Ernst & Young de juin 2016 qui évalue les pertes d'exploitation liées à la fermeture du site à 315.827 euros nets d'impôts correspondant au coût de déstockage du site, au coût de sous-traitance externe des boues sur d'autres sites et au coût de transport des boues vers les sous-traiteurs externes, diminué des économies d'énergie et des économies de charges d'analyse réalisées pendant la fermeture du site.

Contrairement à ce qu'oppose monsieur [X], le fait qu'Alliance Environnement ne vise pas nommément la déclaration de l'acte de garantie qui aurait été violée ne la prive pas du bénéfice de la garantie au titre de l'article 3.1.1. Cependant, ainsi qu'il a été vu, la suspension d'exploitation de sept mois trouve son origine dans la décision prise par la société appelante de réaliser des travaux d'une toute autre ampleur que ceux qui étaient requis par l'arrêté du 24 mai 2011. L'intimé soutient que les travaux détaillés et chiffrés dans le rapport d'AF Conseils auraient pu être réalisés dans un délai de quatre semaines. Il n'est nulle part prétendu que ces travaux étaient compatibles avec une poursuite de l'activité de la plateforme. Il convient donc d'appliquer, pour une durée d'un mois correspondant aux quatre semaines, les pertes d'exploitation chiffrées par l'appelante, soit 315.827 euros nets d'impôt / 7 mois = 45.118,14 euros nets d'impôt.

En ce qui concerne le surcoût d'exploitation, la société Alliance Environnement fait valoir qu'à la suite des travaux réalisés, le site de [Localité 1] affiche une hausse des charges d'exploitation et notamment des charges d'électricité, des charges relatives à la gestion des odeurs et des charges d'assurance qui totaliseraient un surcoût de 369.216 euros nets d'impôt. Comme l'a soutenu l'intimé, ces coûts n'auraient pas existé sans l'installation par l'appelante d'un nouveau système de désodorisation qui était surdimensionné au regard des exigences de la règlementation. De plus, tel que l'ont relevé les premiers juges, il est stipulé à l'article 3.2.4 de l'acte de garantie que monsieur [X] ne peut être tenu à indemnisation « au titre de tout préjudice ne donnant pas lieu à un décaissement en numéraire effectif ou un défaut d'encaissement par les Sociétés Cibles ou la Société Alliance Environnement, immédiat ou à terme ». Le préjudice invoqué par l'appelante n'entre donc pas dans le champ de la garantie de passif à laquelle est tenue monsieur [X].

Etant établi que l'appelante est fondée à demander à l'intimé l'indemnisation de la somme de 109.500 euros au titre des travaux outre 45.118,14 euros de pertes d'exploitation, il reste à tenir compte de la franchise et de la clause de compensation prévues contractuellement.

Sur l'application de la franchise et de la clause de compensation

Les parties ne contestent pas l'application de la franchise contractuelle de 30.000 euros qui, conformément aux stipulations de l'article 3.5.2 de l'acte de garantie, doit venir diminuer toute condamnation de monsieur [X] au profit d'Alliance Environnement. Ladite franchise de 30.000 euros doit donc être déduite de l'indemnité due.

A propos de la compensation, l'article 3.2.2 de l'acte de garantie stipule que « Toute diminution de passif ou augmentation d'actif dont profiterait la Société Ceval, la Société [Terra Sol] ou la Filiale [Orga d'Oc], préalablement à la mise en oeuvre de la Garantie pour chaque Evénement constaté et devant faire l'objet d'une Indemnité, bénéficiera aux Garants et viendra en compensation des éventuelles réclamations pour fixer le montant de ladite Indemnité ». Il n'est pas contesté que la société Alliance Environnement a bénéficié d'une augmentation d'actif net de 365.101 euros entre le 31 décembre 2010, date des comptes de référence, et l'acte de cession du 18 janvier 2012. La société appelante soutient qu'une lecture littérale de l'article 3.2.2 conduit à dénaturer l'intention des parties, qui serait de limiter le jeu de la compensation aux diminutions de passif ou augmentations d'actif dont la cause est antérieure au 31 décembre 2010. Elle demande à ce que la convention de garantie soit soumise à interprétation conformément aux dispositions de l'article 1156 ancien du code civil. Cependant les termes de l'article 3.2.2 sont clairs et précis et ne prévoient pas que la cause de l'augmentation d'actif doit être antérieure à la date des comptes de référence ; aussi n'y a-t-il pas lieu d'ajouter à l'article une stipulation qui n'y figure pas. Il y a donc lieu à compensation entre l'indemnité due par l'intimé et l'augmentation d'actif net dont a bénéficé Alliance Environnement, en sorte que ladite indemnité est réduite à zéro, comme l'a retenu le tribunal.

A toutes fins, il sera relevé que monsieur [X] n'a pas prétendu n'être tenu qu'à proportion de sa part de 77% conformément à la répartition fixée par la garantie de passif, mais qu'en tout état de cause, il ne reste rien devoir du fait de la compensation.

A propos du complément de prix lié au litige Ceval, Alliance Environnement ne contestant pas devoir verser à monsieur [X] la somme de 70.000 euros à titre de complément de prix, le jugement sera confirmé sur ce point.

Eu égard aux développements qui précèdent, le jugement sera également confirmé en ce qu'il condamne Alliance Environnement à restituer la somme de 362.550 euros majorée des intérêts de retard à compter du 15 janvier 2013 au titre de la garantie à première demande. Alliance Environnement n'avait pas vocation à en réclamer le bénéfice puisqu'en raison de la compensation avec la garantie d'actif, il ne lui est rien dû.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution retenue fonde de condamner la société Alliance Environnement aux dépens d'appel.

L'équité justifie de condamner la société Alliance Environnement à payer à monsieur [X] une somme complémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 5 février 2016 par le tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu'il a débouté la société Alliance Environnement de sa demande au titre des pertes d'exploitation ;

En conséquence y ajoutant,

Définit à la somme de 45.118,14 euros les pertes d'exploitation subies par la société Alliance Environnement et qui entrent dans le champ de la garantie de passif, montant qui viendra s'imputer sur l'augmentation d'actif net, monsieur [I] [X] ne restant rien devoir ;

Condamne la société Alliance Environnement à payer à monsieur [I] [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Alliance Environnement aux dépens d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/05924
Date de la décision : 29/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°16/05924 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-29;16.05924 ?
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