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23/06/2017 | FRANCE | N°16/11295

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 23 juin 2017, 16/11295


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 23 Juin 2017

(n°414 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11295



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL section RG n° 12/01396





APPELANTE

EPIC OPH PARIS HABITAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle GUERY MATHIEU, avo

cat au barreau de PARIS, toque : J061 substitué par Me Angélique CORES, avocat au barreau de PARIS, toque : J061





INTIMEE

Madame [R] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 23 Juin 2017

(n°414 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11295

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL section RG n° 12/01396

APPELANTE

EPIC OPH PARIS HABITAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle GUERY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : J061 substitué par Me Angélique CORES, avocat au barreau de PARIS, toque : J061

INTIMEE

Madame [R] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (Espagne)

représentée par Me Isabelle NARBONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 339

substitué par Me Roxane GRIZON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 339

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre et par Mme Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La Cour est saisie de l'appel interjeté par PARIS HABITAT-OPH et Madame [R] [Q] du jugement du Conseil des Prud'hommes de CRETEIL, section Activités diverses statuant en départage, rendu le 29 juillet 2016 qui a ordonné la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2009, a dit le licenciement de Madame [R] [Q] sans cause réelle et sérieuse et a condamné PARIS HABITAT- OPH à lui payer avec remise des documents conformes les sommes de :

- 1.520,35€ à titre d' indemnité de requalification

- 3.751,88€ à titre d' indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

- 5.002,50€ à titre d' indemnité de licenciement

- 11.260€ à titre d' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 750€ à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité par l'employeur

- 1.200€ en application de l' article 700 du Code de procédure civile

les intérêts légaux à compter du 25 Mai 2012 sur les créances de nature salariale et à compter du jugement sur le surplus, a fixé la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires à la somme de 1.525,50€ et a ordonné le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versés à la salariée dans la limite d'un mois.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

PARIS HABITAT-OPH est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont la mission principale est de construire et gérer des logements destinés aux personnes de condition modeste ;

Madame [R] [Q] née au mois de juillet 1955 a été engagée en qualité de gardienne remplaçante dans le cadre de contrats à durée déterminée sur la période du 7 juillet 2008 au 21 septembre 2010 ;

Le 4 octobre 2010 elle a été embauchée en contrat à durée indéterminée en qualité de gardienne de l'immeuble sis [Adresse 3] moyennant un salaire brut mensuel de 1.343,80€ avec attribution d'un logement de fonction ;

Le 28 Juin 2011 PARIS HABITAT- OPH a notifié un avertissement à Madame [R] [Q] que la salariée a contesté le 1er juillet 2011 et que l'employeur a maintenu le 5 juillet 2011 ;

Le 5 février 2012 Madame [R] [Q] a été victime d'une agression entraînant une fracture de l'index gauche ; elle a été en arrêt de travail jusqu'au 1er avril 2012 ; à l'occasion de la visite de reprise le 11 avril 2012, le médecin du travail l'a déclarée apte avec réserve afin de trouver une solution concernant la pente de sortie des ordures ménagères ;

Le 17 avril 2012 Madame [R] [Q] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 27 avril 2012 en vue d' un éventuel licenciement ;

Madame [R] [Q] a été licenciée pour faute grave le 4 Mai 2012 ; la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige mentionne les faits suivants :

- Lors de sa visite de reprise le 11 avril 2012 et de son examen par le Docteur [R], médecin du travail, elle s'est violemment emportée contre lui en contestant l'avis qu'il venait d'émettre et en refusant de quitter son bureau s'il ne faisait pas état de l'exemption partielle de différentes tâches

- devant son refus de modifier son avis elle a proféré des menaces à son encontre en quittant son bureau : « je connais plein de gens » « il ne restera pas longtemps à son poste » « il aura un certificat de décès dans les deux jours » ainsi que l'ont entendu les deux salariées du cabinet médical

- Elle a nié avoir tenu de tels propos tout en indiquant que le certificat de décès dans les deux jours ne s'adressait pas au médecin du travail mais qu'elle parlait de sa propre situation

- son directeur territorial lui a rappelé les accrochages multiples qu'elle avait eus avec son supérieur hiérarchique, Monsieur [A] ainsi que son ton parfois très agressif ou par exemple la sanction qui lui a été précédemment notifiée pour avoir été impliquée dans une altercation avec un tiers à l'établissement

- Proférer des menaces à l'encontre d'un professionnel de santé qui refuse de l'exempter de tâches est inacceptable. Seul le médecin du travail est compétent pour se prononcer sur l'aptitude d'un salarié.

- Ni vous-même, ni la hiérarchie de l'établissement ne devez remettre en cause les prescriptions (sic)

Par l'intermédiaire d'un avocat, Madame [R] [Q] a contesté son licenciement le 14 Mai 2012 ; elle a saisi le Conseil des Prud'hommes le 16 mai 2012 ;

Le 29 Mai 2012 PARIS HABITAT- OPH a rappelé à Madame [R] [Q] qu'elle étai tenue de restituer le logement de fonction qu'elle occupait . Un jugement ordonnant l'expulsion de Madame [R] [Q] a été rendu le 27 septembre 2013 par le tribunal d'Instance de Nogent sur Marne.

PARIS HABITAT-OPH demande de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [R] [Q] de sa demande d'annulation de l'avertissement et de celle concernant le harcèlement moral dont elle se prétendait victime mais de l'infirmer en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 4 Septembre 2009 et a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse .

Il demande en conséquence de dire que le licenciement de Madame [R] [Q] repose sur une faute grave, de la débouter de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

Madame [R] [Q] demande de débouter PARIS HABITAT- OPH de l'intégralité de ses prétentions et infirmant le jugement d'annuler l'avertissement qui lui a été notifié le 28 juin 2011 et de condamner l'employeur à lui payer de ce chef la somme de 1.875,86 €. Pour le surplus, elle demande de confirmer la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 4 Septembre 2009 mais statuant à nouveau de condamner PARIS HABITAT- OPH à lui payer les sommes de :

- 5.627,58 € à titre d'indemnité de requalification

- 9.971,20 € à titre de rappel de salaires afférents à la requalification plus congés payés afférents

- De dire que son licenciement est nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse et de condamner PARIS HABITAT- OPH à lui payer les sommes de :

- 5.627,58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

- 4.220,67 € à titre d'indemnité de licenciement et subsidiairement à la somme de 2.813,78 €

- 97.296 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement pour rupture abusive

- 15.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral

- 1.875,86 € à titre de dommages intérêts pour non respect de la procédure

- 1.875,86 € à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

- 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Sur la demande d'annulation de l'avertissement

Le 17 Juin 2011 Madame [R] [Q] avait signalé à son employeur en la personne de sa gérante, avoir été agressée verbalement sur son site, fait pour lequel elle avait déposé plainte le même jour au commissariat de [Localité 2] ;

Le 28 Juin 2011, l'employeur sous la signature du DRH a notifié un avertissement à la salariée en lettre recommandée avec avis de réception en ces termes :

« (...) L'auteur des faits serait un ferrailleur qui souhaitait venir récupérer à son profit la porte de l'un des ascenseurs qui avait été déposée du fait d'une réhabilitation en cours. Vous avez refusé qu'il s'empare de cette porte en lui indiquant que vous l'aviez déjà promise à un autre ferrailleur. Vous avez ensuite déposé une plainte au sujet de cette altercation (...) Nous vous rappelons qu'il ne rentre pas dans le cadre de vos attributions de disposer du matériel usagé qui viendrait à être remplacé lors des réhabilitations ou des opérations d'entretien susceptibles d'intervenir sur le site dont vous assurez, en qualité de gardienne, la gestion. Ce matériel reste la propriété de notre établissement. Compte tenu de ce qui précède nous vous notifions un avertissement »

Outre le fait que Madame [R] [Q] a contesté dès le 1er juillet 2011 le caractère justifié du motif de l'avertissement en faisant valoir n'avoir jamais eu l'intention de s'attribuer le matériel de son employeur mais seulement de libérer les parties communes encombrées comme selon ses dires elle le fait chaque fois pour tous appareils ménagers en faisant appel à un ferrailleur venant régulièrement sur le site et sans en tirer personnellement aucun profit, elle soulève l'irrégularité de la sanction faute de convocation à un entretien préalable et de l'impossibilité devant laquelle elle s'est trouvée de ce fait de saisir la commission de discipline ;

PARIS HABITAT-OPH soutient que l'avertissement n'avait pas besoin d'être précédé d'un entretien préalable au regard des articles L 1332-2 et suivants du Code du travail, que la salariée a été reçue par son directeur territorial Monsieur [L] et que Madame [R] [Q] n'a pas saisi la commission conformément aux textes applicables, enfin qu'elle reconnaît faire régulièrement appel à un ferrailleur « pour distribuer le matériel d'OPH » ;

Le contrat de travail de Madame [R] [Q] signé le 30 septembre 2010 à effet du 4 octobre 2010 mentionne à l'article 2 « statut » qu'il est régi par le décret n° 93-852 du 17 Juin 1993 portant règlement statutaire des personnels ne relevant pas de la fonction publique territoriale employés par les offices publics d'aménagement et de construction et portant modification du code de la construction et de l'habitation, l'accord collectif d'entreprise du 15 décembre 1994 et ses avenants ultérieurs et l'accord collectif d'entreprise du 21 novembre 2000 relatif aux gardiens de Paris Habitat-OPH et ses avenants ;

Il existe en outre un règlement intérieur au sein de PARIS HABITAT- OPH applicable notamment au personnel sous statut Paris Habitat-Oph telle Madame [R] [Q], entré en vigueur le 15 Juin 2009 régulièrement soumis au CHSCT, affiché et déposé au conseil des prud'hommes (article 16 et suivants dudit règlement) ;

L'article 10 du règlement intérieur applicable au personnel sous statut Paris Habitat-Oph stipule que tout manquement aux obligations professionnelles ou à la discipline constitue une faute pouvant, compte tenu de sa gravité, faire l'objet d'une sanction et article 10-1 que « l'avertissement peut-être donné par les chefs de service en ce qui concerne les personnels placés sous leur responsabilité, après avis préalable de leur directeur (...) et que l'avis préalable du directeur dont dépend le salarié faisant l'objet d'une sanction sera systématiquement recueilli ;

L'article 11-1 indique de son côté sous la rubrique « Droits de la défense » que « toute sanction sera entourée des garanties de procédure suivantes ( article L 1332-2 et suivants du code du travail ) :

- le salarié sera convoqué par écrit à un entretien préalable

- pour cet entretien, le salarié pourra se faire assister par une personne de l'établissement

- au cours de l'entretien, le salarié aura connaissance du motif de la sanction envisagée et pourra présenter sa défense (...)

L'article 11-2 précise que les salariés sous statut Paris Habitat -Oph bénéficient en outre des garanties disciplinaires prévues par le décret 93-852 du 17 Juin 1993 et qu'à ce titre une commission disciplinaire peut-être saisie pour avis de tout projet de sanction à l'encontre d'un salarié et que la commission se réunit à la demande du salarié sur convocation de son président ;

Enfin l'article 11-3 mentionne « A compter de la prise de connaissance, lors de l'entretien préalable, des faits qui lui sont reprochés, le salarié dispose d'un délai de 48h pour demander la réunion de la commission de discipline prévue à l'article 12 du décret 93-852 du 7 Juin 1993 » ;

Aux termes de l'article 1332-1 du Code du travail l' avertissement est bien une sanction qui selon l'article L 1332-2 du code du travail ne requiert pas de convocation préalable, cependant le règlement intérieur auquel fait référence la salariée accorde en son article 11-2 des garanties renforcées au salarié sous statut Paris Habitat-Oph concernant « les droits de la défense » en leur offrant la possibilité de demander la réunion de la commission de discipline dans un délai de 48h à compter de la prise de connaissance des faits qui lui sont reprochés ; ces dispositions n'excluent pas les salariés faisant l'objet d'un simple avertissement du bénéfice de la saisine de la commission de discipline et les dispositions les plus favorables doivent bénéficier aux salariés ;

En l'absence de convocation à entretien préalable certes non obligatoire au regard de la loi, compte tenu de la nature de la sanction, Madame [R] [Q] n'a eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés qu' à réception de la notification de l'avertissement soit dans la plus favorable des hypothèses et au mieux le mercredi 29 Juin, c'est à dire une fois la sanction prononcée ;

Il s'ensuit que Madame [R] [Q] s'est trouvée privée de la possibilité de saisir la commission de discipline avant le prononcé de la sanction et qu'au regard du droit plus protecteur des droits de la défense reconnu à son statut par le règlement intérieur de PARIS HABITAT- OPH et des garanties disciplinaires prévues par le décret du 17 Juin 1993 instituant la possibilité de saisir pour avis la commission de discipline, elle a été privée de se faire entendre par cette commission avant toute mesure disciplinaire prononcée à son encontre ;

Les droits de la défense ayant été violés, il y a lieu d'annuler l'avertissement du 28 Juin 2011 et d'allouer à la salariée à titre de dommages intérêts la somme de 1.875,86 € .

Sur la demande de requalification des CDD en CDI

PARIS HABITAT- OPH énumère en concordance avec la liste de ses 20 CDD dressée par Madame [R] [Q], les remplacements effectués par la salariée en qualité de gardien remplaçant sur une période qu'il indique lui-même allant du 7 juillet 2008 au 21 septembre 2010 ;

L'examen des différents CDD versés aux débats fait ressortir qu'ils comportent tous un motif lié soit à la période de congés payés du salarié remplacé dont le nom est mentionné, soit à un congé maladie ; ces contrats pour certains de quelques jours et pour d'autres de plusieurs semaines sont interrompus par des périodes de plusieurs jours voire de plusieurs semaines ( remplacement de melle [T] du 21 au 31 décembre 2009 inclus et le CDD suivant n'est conclu que pour la période du 17 février 2010 au 16 mars 2010 inclus, de même le remplacement de Mme [E] du 10 au 15 Mai 2010 ne sera suivi d'un nouveau CDD pour le remplacement de Monsieur [X] [Z] que le 5 juillet 2010) ;

C'est donc par une juste appréciation des faits que le premier juge a retenu qu'il n'était pas démontré que Madame [R] [Q] qui remplaçait des salariés absents sur différents sites, occupait un emploi lié à l'activité normale et permanente de PARIS HABITAT- OPH ;

Cependant, aux termes de l'article L 1242-13 du Code du travail le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, le jour de l'embauche ne compte pas dans ce délai non plus que le dimanche et la violation de cette disposition entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée ;

Si de l'examen des CDD versés aux débats par PARIS HABITAT- OPH, il apparaît que plusieurs rappelés par la salariée page 12/40 de ses conclusions ont été signés trois jours après son embauche, il ressort surtout et de façon nettement caractérisée et illégale que :

- le contrat concernant la période du 4 septembre 2009 au 21 septembre 2009 que l'employeur date comme ayant été rédigé le 25 août 2009, n'a été signé par la salariée que le 17 septembre 2009 sans que l'employeur justifie l'avoir effectivement adressé dans le délai prescrit par les dispositions légales rappelées ci-avant ou remis en main propre et sans non plus justifier être intervenu auprès de Madame [R] [Q] pour en obtenir la régularisation avant que la salariée le signe et le date ; ainsi il ne peut soutenir valablement la mauvaise foi de la salariée et avoir rempli dans le délai légal l'obligation qui pèse sur lui ;

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié en CDI la relation contractuelle de Madame [R] [Q] et de PARIS HABITAT- OPH à compter du 4 septembre 2009 ainsi que demandé par la salariée ;

En application de l'article L 1245-2 § 2 du Code du travail il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef et d'allouer à la salariée la somme de 1.520,35 € à titre d' indemnité de requalification eu égard au dernier salaire mensuel brut de Madame [R] [Q] avant la saisine de la juridiction prud'homale, sans qu'aucune circonstance ne justifie une indemnité supérieure ;

Madame [R] [Q] ne justifie pas s'être tenue à la disposition de PARIS HABITAT- OPH pendant les périodes où elle n'était pas en CDD pour le compte de cet office, la cour considère que c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de rappel de salaires et de congés payés afférents fondée sur la requalification des contrats en CDI.

Sur le licenciement

Madame [R] [Q] soutient à tort que son licenciement est nul pour lui avoir été notifié pendant une période de suspension de son contrat de travail consécutive à l'accident de travail dont elle aurait été victime le 4 Mai 2012 ;

Selon les faits exposés par Madame [R] [Q] elle a été prise d'un malaise le 4 Mai 2012 sur son lieu de travail en présence du responsable de secteur, d'une représentante du service RH et de la gérante « à la suite de l'annonce extrêmement violente de son licenciement pour faute grave » ;

L'employeur conteste que le licenciement soit intervenu en période de suspension du contrat de travail suite à un accident du travail tout en indiquant que ses supérieurs hiérarchiques lui ont seulement indiqué le 4 Mai qu'une lettre de licenciement lui avait été adressée en lui rappelant qu'elle allait devoir quitter le logement mis à sa disposition pour son successeur ;

Il ressort en effet des pièces versées aux débats que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, après enquête, a refusé le 3 Septembre 2012 de prendre en charge le malaise de Madame [R] [Q] au titre des accidents du travail ;

Subsidiairement, Madame [R] [Q] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de son caractère verbal ;

PARIS HABITAT- OPH invoquant sa lettre de licenciement datée du 4 Mai 2012 conteste avoir licencié la salariée verbalement ;

Il ressort cependant des pièces produites à nouveau devant la cour par la salariée, que dans le cadre de l'enquête administrative de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ( pièce 57/1 et 57/4) suite à sa demande de prise en charge de son malaise du 4 Mai 2012 au titre des risques professionnels (demande rejetée par le TASS de [Localité 3] le 4 novembre 2015), Monsieur [S], directeur des ressources humaines de PARIS HABITAT- OPH avait déclaré que « le 4 Mai 2012 Madame [R] [Q] n'était plus sous la subordination de l'employeur puisque son licenciement pour faute grave sans préavis lui avait été notifié la veille soit le 3 Mai 2012. Ce 3 Mai 2012, Monsieur [A], responsable du site de [Localité 4] lui notifiait sa fin d'activité le soir même et lui demandait de remettre les clés de sa loge » ;

Que par ailleurs, le responsable du site de [Localité 4], Monsieur [A], dans un mail à Monsieur [S], DRH a écrit « Madame [R] [Q] s'est vue signifier son licenciement pour faute grave le 3 Mai 2012 avec dispense de préavis », qu'enfin il ressort de la pièce 57/5 de la salariée que le 20 juillet 2012 PARIS HABITAT- OPH sous la signature du DRH a établi un certificat de travail déclarant que Madame [R] [Q] a été employée du 4 octobre 2010 au 3 Mai 2012 ;

Monsieur [A] a encore déclaré au cours de l'enquête de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie « Madame [R] [Q] ayant néanmoins rejoint son poste le 4 Mai au matin, décision a été prise de lui signifier sur place son départ » ;

L'article L 1232-6 du Code du Travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par LRAR, PARIS HABITAT- OPH ne verse pas aux débats le bordereau d'envoi de la lettre de licenciement ; la photocopie de l'accusé de réception produit est illisible, seul le cachet d'arrivée au service DRH est lisible et mentionne 09 Mai 2012 ; dans son courrier du 14 Mai 2012 à PARIS HABITAT- OPH, l'avocat de Madame [R] [Q] indique que sa cliente a reçu la lettre de licenciement le 7 Mai 2012 ;

Eu égard à l'ensemble de ces faits, la cour considère que même la preuve d'une remise en main propre de la lettre de licenciement n'est pas rapportée puisque l'inspecteur du travail indique dans sa lettre du 24 Mai 2012 à l'employeur que la salariée a fait un malaise, qu'elle est tombée parterre, qu'une ambulance a été appelée et qu'elle a été transportée à l'hôpital et que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a dit que le contrat de travail de Madame [R] [Q] a été rompu verbalement de sorte qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Le licenciement verbal ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'examen du bien fondé des griefs allégués par l'employeur est sans objet.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le premier juge a justement retenu que la moyenne des salaires bruts des douze derniers mois est de 1.875,94 € ;

Madame [R] [Q] sollicite à bon droit l'application de l'article 9 de son contrat de travail fixant à trois mois le préavis en cas de licenciement puisque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ;

Il s'ensuit qu'il convient d'infirmer le jugement quant au quantum de l'indemnité compensatrice de préavis allouée et de la porter à 5.627,58 € dans les limites de la demande plus 562,75 € au titre des congés payés afférents ;

Eu égard aux conclusions de la salariée concernant le mode de calcul de son indemnité de licenciement sur la base de l'article 45 du décret 2011-636 du 8 juin 2011 applicable et à son ancienneté compte tenu de la date de requalification des contrats à durée déterminée et du préavis, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité de licenciement ainsi que sollicité par Madame [R] [Q] à la somme de 4.220,67 € et par conséquent d'infirmer le jugement quant au quantum de l'indemnité allouée ;

Eu égard à la rémunération mensuelle moyenne brute de la salariée à la date de son licenciement, à son ancienneté, à son âge, à ses difficultés pour retrouver un emploi, il y a lieu de juger appropriée la somme de 11.260 € allouée à Madame [R] [Q] par le premier juge en application de l'article L 1235-3 du Code du Travail ;

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté à bon droit la demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement puisqu'il n' y a pas lieu à cumul d'une indemnité pour irrégularité de la procédure avec les dommages intérêts alloués en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité

Les faits invoqués par Madame [R] [Q] à l'appui de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral concernent en réalité soit les circonstances immédiates du licenciement qui ont abouti à un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse pour une question de forme sans que le bien fondé des griefs ait de ce fait été examiné et sont en conséquence indemnisées dans ce cadre, soit des faits postérieurs à la rupture du contrat de travail liés aux procédures judiciaires régulières qui ont découlé de la rupture du contrat de travail ; il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de dommages intérêts pour harcèlement moral, les faits sur lequel Madame [R] [Q] fonde sa demande ne caractérisant pas la réalité de l'existence d'un harcèlement moral au regard des articles L 1152-1 du Code du Travail ;

Madame [R] [Q] fait valoir n'avoir jamais bénéficié de visite médicale d'embauche, avoir souffert de douleurs aux coudes et aux poignets et avoir vainement demandé à plusieurs reprises à son employeur une mutation pour avoir un meilleur accès pour les ordures ménagères et ne jamais avoir reçu d'information sur les risques liés à l'utilisation des produits qu'elle devait utiliser dans le cadre de son activité ;

L'employeur ne justifie pas avoir pris des mesures de prévention pour prévenir les risques professionnels ni avoir fait passer de visite médicale d'embauche à la salarié appelée à effectuer des tâches physiques dans le cadre des contrats à durée déterminée (À titre d'exemple sortie de containers dans une pente ) alors qu'elle avait passé la cinquantaine lors de son embauche ; il ne justifie pas non plus des dispositions prises suite aux préconisations de la médecine du travail en 2011 et à la demande de mutation de la salariée ; il convient en conséquence de confirmer le jugement quant à la somme allouée à Madame [R] [Q] à titre de dommages intérêts laquelle est appropriée à la réparation du préjudice réelle subi en l'absence de justification plus ample et caractérisée du préjudice subi.

Sur les frais irrépétibles

Il convient d'allouer la somme de 3000 € à Madame [R] [Q] au titre des entiers frais irrépétibles d'instance et d'appel et de dire que PARIS HABITAT- OPH conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qui concerne la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 4 Septembre 2009, en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [R] [Q] est sans cause réelle et sérieuse et a condamné PARIS HABITAT- OPH à payer à Madame [R] [Q] les sommes de :

- 11.260 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 750 € à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de résultat de l'employeur

Annule l'avertissement du 28 Juin 2011 et condamne PARIS HABITAT- OPH à payer à Madame [R] [Q] la somme de 1.875,86€ à titre de dommages intérêts

Confirme le jugement dans son principe en ce qu'il a alloué une indemnité de licenciement à Madame [R] [Q] et une indemnité compensatrice de préavis mais l'émendant condamne PARIS HABITAT- OPH à payer à Madame [R] [Q] la somme de 5.627,58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 562,75 € au titre des congés payés afférents et la somme de 4.220,67 € à titre d'indemnité de licenciement.

Ordonne le remboursement par l'employeur, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois.

Rejette les autres demandes des parties.

Condamne PARIS HABITAT - OPH aux entiers dépens et à payer à Madame [R] [Q] la somme de 3.000 € au titre des entiers frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/11295
Date de la décision : 23/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/11295 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-23;16.11295 ?
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