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23/06/2017 | FRANCE | N°16/00903

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 23 juin 2017, 16/00903


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 23 JUIN 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00903



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/13409





APPELANTS



Monsieur [H] [A]

Né le [Date naissance 1] 1965 À [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]>


Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

Substitué par Maître Hanae STEFIANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A905



Madame [P...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 23 JUIN 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00903

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/13409

APPELANTS

Monsieur [H] [A]

Né le [Date naissance 1] 1965 À [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

Substitué par Maître Hanae STEFIANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A905

Madame [P] [O] épouse [A]

Née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

Substitué par Maître Hanae STEFIANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A905

INTIMEE

SA SOCIETE GENERALE

RCS PARIS 552 120 222

Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077

Ayant pour avocat plaidant Maître Keita BOUBOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Mme Muriel GONAND, Conseillère

M. Marc BAILLY, Conseiller

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise CHANDELON, président et par Mme Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Par offre préalable du 1er avril 2003, la Société Générale a consenti à M. [H] [A] et à Mme [P] [O] épouse [A] un prêt immobilier d'un montant de 533 571 euros, remboursable en 180 mensualités, portant intérêts au taux fixe de 4 % hors assurance groupe, le TEG étant indiqué à 4,0113 %, destiné à financer l'acquisition de leur résidence principale à [Localité 3].

Les appelants exposent avoir pris connaissance d'une erreur affectant le TEG de l'offre de prêt à compter de l'analyse financière effectuée par la société Humania Consultants et à compter du rapport d'un spécialiste, Monsieur [P], déposé le 17 février 2014.

Par exploit du 22 juillet 2014, ils ont fait assigner la Société Générale devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir, principalement, prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, d'obtenir le remboursement de l'excédent d'intérêts indus, de voir substituer le taux d'intérêt légal, subsidiairement, de voir prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels et de la voir condamner à leur payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information et de loyauté et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 25 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

- déclaré toutes leurs demandes irrecevables comme prescrites, tant en nullité de la stipulation d'intérêts sur le fondement des articles 1304, 1907 du code civil et L313-2 du code de la consommation qu'en déchéance du droit aux intérêts de l'article L312-33 code de la consommation,

- les a condamnés au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déclaration d'appel des époux [A] a été déposée au greffe de la cour le 22 décembre 2015.

Par leurs dernières écritures datées du 21 mars 2017, les époux [A] font valoir :

- que l'action n'est pas prescrite dès lors qu'elle est soumise à la prescription quinquennale dont le délai court non à compter de la date de la convention - à la seule lecture de laquelle les emprunteurs non professionnels n'ont pu se convaincre par eux-mêmes des erreurs affectant le taux effectif global puisqu'ils ne disposent d'aucune compétence en matière d'analyse financière - mais à compter du moment où ces erreurs leur ont été révélées, soit en l'espèce la communication du rapport de M. [P] et de l'analyse mathématique de la société Humania Consultants, d'où il résulte l'absence d'équivalence des flux entre les sommes prêtées et les versements de l'emprunteur et le caractère erroné du taux de période,

- qu'en outre un courrier de la Société Générale, postérieur au contrat comme daté du 25 avril 2003, révèle que c'est l'année lombarde qui a été usitée en violation de la loi puisque les intérêts intercalaires correspondant à 360 jours ont été alors sollicités, ce qui ne résulte pas de la simple lecture de l'acte alors qu'il n'incombe évidemment pas aux emprunteurs de faire vérifier leur contrat dans les cinq années qui suivent sa conclusion,

- qu'il doit être précisé qu'ils soulèvent en l'espèce le caractère erroné du TEG non pas dans l'offre mais dans le contrat de prêt pour obtenir la nullité du contrat sur le fondement des articles 1304 et 1907 du code civil, invoquant également une erreur dans le taux de période,

- qu'en partant des arrêtés de compte de la banque, il a été possible de déterminer le taux d'intérêt conventionnel réel qui est non pas de 4 % mais de 4,06 %, les intérêts prélevés indûment étant de 72 747,41 euros,

- que le taux effectif global indiqué par la banque est incontestablement erroné au regard des prescriptions des articles L312-2, L312-33 et R 313-1 anciens du code de la consommation en ce qu'il ne comprend pas les frais de garanties et ne porte pas d'indication du taux de période conformément à la seconde de ces dispositions pour ne pas être proportionnel au TEG annuel puisqu'il ressort à 4,0673 et non à 4,0113 % comme indiqué dans l'offre, et ce, sans que la pratique des arrondis ne puisse s'appliquer et l'expliquer en l'espèce puisqu'elle est réservée au TEG calculé selon la méthode d'équivalence et non selon la méthode proportionnelle imposée pour les prêts immobiliers,

- que le taux effectif global indiqué est encore erroné au regard des exigences d'ordre public de l'article R 313-1 du code de la consommation imposant d'observer l'égalité des flux entre les sommes prêtées par la banque et versées par l'emprunteur dont le respect ne peut être

démontré comme le montre l'analyse de la société Humania Consultants, confortée par celles de Messieurs [C], expert-comptable, et [H], mathématicien, alors qu'ils ont été privés de la possibilité de vérifier, sans faire appel à un expert, l'étendue de leur engagement,

- qu'il ressort des constatations de M. [P], dès lors que l'offre n'a pas inclus le coût des frais de notaire, qui étaient déterminables, et d'assurance décès, qui était une condition de l'octroi du prêt même si elle a été souscrite auprès d'un tiers et déléguée, que le calcul du coût total du crédit et donc du TEG n'est pas conforme aux exigences des articles L312-4, L312-8 et R313-1 anciens du code de la consommation,

- qu'en tout état de cause, la banque a manqué à ses devoirs d'information, de loyauté et d'honnêteté, ce qui est à l'origine d'un préjudice, de sorte qu'ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer leur action recevable,

- de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt,

- subsidiairement, de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts,

- de condamner la Société Générale à lui rembourser l'excédent d'intérêts indus soit la somme de 72 747,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juin 2014,

- de fixer le taux applicable au contrat à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter du jugement à intervenir,

- de condamner la Société Générale sous astreinte à produire un nouvel échéancier,

- de condamner la Société Générale à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts,

- de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par ses dernières conclusions en date du 22 mars 2017 la Société Générale expose:

- à titre principal, que l'action en nullité est irrecevable dès lors que seul l'article L312-33 du code de la consommation prévoyant la déchéance, en tout ou partie, du droit de la banque aux intérêts trouve à s'appliquer, que les appelants ne peuvent utilement invoquer la nullité du contrat de prêt lui-même constitué de l'offre acceptée, aucun contrat ou acte notarié n'ayant été signé postérieurement, la contestation du taux de période ne se distinguant pas de celle du TEG puisque tous deux doivent être conformes à l'article L312-8 du code de la consommation,

- que le jugement doit être confirmé sur la prescription tant de l'action en nullité que de celle relative à la déchéance du droit aux intérêts puisqu'elle court, pour l'application des articles 1304, 1907 et L313-12 du code de la consommation ou de l'article L110-4 du code de commerce, du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur du TEG, que le dépôt d'un rapport d'un spécialiste sollicité par l'emprunteur pour vérifier les conditions du crédit ne peut retarder le point de départ de la prescription dès lors qu'il a été établi sur la base des énonciations de l'offre de prêt, qu'une erreur de calcul à partir des données du prêt ne peut repousser ce point de départ qui ne peut être à la discrétion de l'emprunteur sous peine que l'action devienne imprescriptible, que si l'offre de prêt ne permet pas de déceler l'erreur, le point de départ correspond au moment de sa découverte,

- qu'en l'espèce, l'examen de la teneur de l'offre permettait de se rendre compte que le calcul du TEG ne comprenait pas les éléments dont les appelants déplorent l'omission puisqu'aucune cotisation d'assurance n'y figure et qu'il est précisé, dans la mention du coût total du prêt, que les charges liées aux constitutions de garantie ne sont pas comprises, qu'ils étaient parfaitement en mesure de s'assurer de la proportionnalité entre le taux de période et le TEG compte tenu du tableau d'amortissement joint,

- que les calculs de M. [P] et de la société Humania Consultants, comme l'a relevé le tribunal, ne sont fondés que sur l'offre et que les époux [A] disposaient donc de tous les éléments d'appréciation dès son acceptation, que l'argument sur la prétendue utilisation de l'année civile comme base de calcul -invoqué de mauvaise foi pour contourner la prescription- ne se fonde encore que sur le rapport Humania Consultant, lui-même établi selon les seules mentions de l'offre, qu'en tout état de cause, le différentiel minime entre les durées de l'année de référence et du mois moyen recalculé ne s'explique que par l'utilisation par les appelants de valeurs arrondies et non d'une irrégularité,

- qu'en toute hypothèse, sur l'action en contestation du montant des intérêts intercalaires, il est établi que les emprunteurs en ont eu connaissance au moyen d'un courrier de la banque du 25 avril 2003, qu'ils produisent aux débats, les réclamant à hauteur de 770,10 euros pour une période de 13 jours, qui a seule servi de base aux calculs de la société Humania Consultant dans son second rapport,

- que le TEG exprimé dans l'offre est conforme au code de la consommation, que les époux [A] ne prouvent pas le contraire et que l'erreur alléguée aurait entraîné une différence de plus d'une décimale, qu'ils ne démontrent pas plus avoir engagé les frais ayant conditionné l'octroi du crédit non intégrés au TEG, qu'aucun des rapports produits ne s'exprime sur le prétendu réel TEG qui aurait été appliqué et qu'ils sont imprécis sans que ce défaut ne soit pallié par les deux autres analyses de spécialistes versées aux débats,

- que le non respect du principe 'd'égalité des flux' n'est pas plus démontré et qu'il a été parfaitement respecté en l'espèce puisqu'elle a calculé le taux de période conformément à l'article R313-1 du code de la consommation et que le rapport d'Humania Consultant est inexact pour être fondé sur le taux de période arrondi figurant dans l'offre -qui n'est pas celui ayant servi aux calculs-, ce qui ne contrevient pas au code de la consommation alors qu'en tout état de cause une erreur ne conduisant pas à une décimale de différentiel n'est pas sanctionnée, alors que l'erreur résultant des calculs eux-mêmes erronés de la société Humania Consultant n'est que de (419,12 - 409)= 10,12 euros,

- que, s'agissant des frais notariés, seuls ceux correspondant aux constitutions de garantie doivent être intégrés au TEG si leur application n'est pas hypothétique alors qu'en l'espèce, seule une promesse d'hypothèque en premier rang a été stipulée et que les époux [A] ne démontrent pas l'existence de l'acte notarié ni le paiement effectif de ces frais,

- que le TEG annuel est parfaitement proportionnel en l'espèce au taux de période compte tenu de la pratique adoptée de l'arrondi qui peut d'autant moins lui être reproché qu'elle a indiqué les taux, arrondis, avec une précision du millième, alors qu'elle a calculé les intérêts en utilisant le mois normalisé de 30,41666 jours et l'année civile de 365 jours conformément à l'article R313-1 du code de la consommation et non l'année bancaire de 360 jours, hypothèse dans laquelle, dès lors que ce serait une erreur dans le calcul des intérêts conventionnels, seuls des dommages-intérêts sous forme de restitution du trop perçu pourraient s'appliquer, mais que tel n'est pas le cas en l'espèce, que si la critique, qui ne pourrait valoir que pour les intérêts intercalaires, était retenue, la sanction y serait également limitée, la cour devant les débouter de leurs prétentions puisque leur préjudice n'excéderait pas, en tout état de cause, la somme de (770,71 - 760,16)= 10,55 euros pour les seuls intérêts intercalaires,

- à titre très subsidiaire, que la déchéance du droit aux intérêts est la seule sanction légale d'un TEG erroné conformément au caractère spécial de l'article L312-33 code de la consommation qui le prévoit, que la sanction de la nullité des intérêts conventionnels est contestable et n'est prévue par aucun texte, que l'ampleur de la déchéance dépend du pouvoir d'appréciation du juge alors qu'aucune perte de chance de contracter un prêt à des conditions plus favorables n'est établie en l'espèce alors que le prétendu TEG réelle n'est pas exprimé, qu'il n'est pas démontré l'existence d'une erreur affectant la décimale,

- que les manquements allégués fondant la demande de dommages-intérêts ne sont pas démontrés alors que la sanction d'un TEG erroné prévue par la loi est exclusive de toute autre, de sorte qu'elle demande à la cour :

- à titre principal,

- de déclarer irrecevable la demande de nullité des intérêts conventionnels, seule la déchéance étant encourue et l'action étant prescrite,

- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire,

- de débouter les époux [A] de toutes leurs demandes, à défaut qu'ils démontrent une erreur susceptible de sanction,

- à titre très subsidiaire,

- de débouter les époux [A] de toutes leurs demandes, faute qu'ils démontrent un préjudice,

- en tout état de cause

- de débouter les époux [A] de toutes leurs demandes,

- de les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 mars 2017 ;

SUR CE

Le prêt litigieux résulte d'une offre émise le 1er avril 2003, dont la date d'acceptation n'est pas donnée en l'absence de renseignement de la rubrique dans le seul exemplaire du contrat produit et à défaut de communication de tout acte authentique, qui porte sur la somme en principal de 533 571 euros - le montant total de l'acquisition de la résidence principale des emprunteurs étant fixé à 1 048 712 euros-, au taux nominal de 4 %, les cotisations d'assurance étant indiquées à 0 ou 'néant', les frais de dossier de 400 euros outre 9 euros de frais de timbre, au TEG indiqué de 4,0113 % l'an, le taux effectif mensuel mentionné étant de 0,3343 % 'sur la base d'une mise à disposition totale des fonds en une seule fois et de la cotisation d'assurance'.

Sur la recevabilité de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts sollicitée à titre principal

Aux termes de l'article L312-33 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, il est énoncé que 'le prêteur (ou le bailleur) qui ne respecte pas l'une des obligations prévues' à l'article L312-8 ancien, lequel renvoie, concernant le TEG, aux prescriptions de l'article L313-1 du même code dans son ancienne version, en définissant le contenu, 'pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge'.

Or, ce texte spécial déroge nécessairement, pour les prêts immobiliers régis par la loi Scrivener, aux dispositions générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence d'indication du taux d'intérêt dans un écrit et, par extension, d'un TEG dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence.

Ainsi, l'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité ou déchéance, notamment en distinguant artificiellement l'offre en elle-même et le contrat résultant de son acceptation alors que la sanction de l'article L312-33 du code de la consommation vise le prêteur et non l'émetteur de l'offre, étant encore observé qu'il ne peut exister de contentieux civil en l'absence d'acceptation de l'offre, la transparence de celle-ci ayant, si tel n'a pas été le cas, permis au consommateur d'opérer un meilleur choix.

Une telle option, privant le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité de l'erreur ne participe pas, d'une part, à l'objectif recherché par le législateur, à savoir donner au TEG une fonction comparative et à la poursuite, dans le cas d'une violation de ces prescriptions, d'une sanction dissuasive mais proportionnée.

En conséquence, la demande principale tendant au prononcé de la nullité de la stipulation d'intérêts sur le fondement de l'article 1907 du code civil doit être déclarée irrecevable.

Sur la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts

En vertu de l'article L 312-33 ancien code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts est soumise à la prescription, successivement décennale puis quinquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008, prévue à l'article L110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, le point de départ du délai courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur relative au TEG.

C'est à juste titre que le tribunal, statuant d'abord sur la prescription de l'action en nullité puis reprenant ses observations relativement à l'action en déchéance, a relevé que les omissions du coût de l'assurance obligatoire et des frais de garantie résultent de la simple lecture de l'offre puisque ces charges y sont expressément, d'une part, portées à 'zéro' ou 'néant' et, d'autre part, indiquée dans leur seule teneur sans évaluation chiffrée.

En conséquence, les époux [A] étaient en mesure, dès l'examen de l'offre, de connaître ces vices l'affectant et sont désormais irrecevables à les invoquer pour n'avoir agi que par l'assignation du 22 juillet 2014, postérieure de plus de 10 ans à l'acceptation de l'offre du 1er avril 2013, en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 qui prévoient, en son article 26-II, que le délai d'expiration de la prescription ne peut excéder soit les 5 ans à compter du 19 juin 2008, date de son entrée en vigueur, soit les 10 ans à compter de l'acceptation de l'offre.

En revanche, les erreurs alléguées du taux de période, du défaut d'équivalence entre les sommes prêtées et les versements dus par les emprunteurs et de l'application erronée des calculs par référence à l'année dite lombarde de 360 jours ne pouvaient être connues des emprunteurs, compte tenu de leur absence de compétence particulière et de ce que l'indication dans l'offre de la seule périodicité 'mensuelle', sans autre précision, ne pouvait être tiré de la seule lecture de cette dernière non plus que du courrier de la Société Générale du 25 avril 2003 relatif au décaissement de la somme de 770,71 euros à la date du 7 mai suivant compte tenu du déblocage des sommes convenues.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en déchéance ainsi fondée doit donc être rejetée.

Sur le fond

Sur l'utilisation prétendue de l'année lombarde pour le calcul des intérêts

Les emprunteurs font valoir qu'il résulte du courrier de la Société Générale du 25 avril 2003 que le paiement des intérêts intercalaires pendant la période de préfinancement de 13 jours courant du 25 avril au 8 mai 2003 à hauteur de 770,71 euros montrerait que les intérêts ont été irrégulièrement calculés sur une année de 360 jours en expliquant que :

- sur la base du taux d'intérêts conventionnel de 4 % sur le capital de 533 571 euros, les intérêts annuels sont de 21 342,84 euros, ce qui donne un coût journalier de :

- 58,4735342 euros si l'on divise par 365 jours, soit 760,155945 euros pour 13 jours,

- 59,2856667 euros si l'on divise par 360 jours, soit 770,713667 euros pour 13 jours, soit la somme effectivement payée.

Or, il résulte de l'article R313-1 du code de la consommation que c'est le rapport entre l'année et la périodicité de 365 jours annuels pour un mois normalisé de 30,4166667 qui doit être fixe, soit 12, lequel est équivalent à celui d'une année de 360 jours pour un mois fixé à 30 jours.

En conséquence si l'on calcule par référence à l'année civile de 365 jours, le mois normalisé est de 30,416666 jours, si bien que les 13 jours d'intérêts intercalaires correspondent, pour les besoins du calcul des sommes dues à 4 % l'an sur 365 jours avec mois normalisé, à ((30,41666 x 13) / 30)= 13,18055 jours et si on les multiplie par le coût journalier relevé par les emprunteurs sur 365 jours, on obtient également la somme de (13,18055 x 58,4735342)= 770,71 euros qui leur a été effectivement réclamée, étant observé que le mois d'avril compte 30 jours et le mois de mai 31.

Il ne peut donc en être tiré comme conséquence que les intérêts ont été globalement réclamés en calculant par référence à l'année lombarde prohibée non plus que les sommes réclamées correspondraient à un intérêt conventionnel de 4,06 % et non de 4 %, étant observé que les époux [A] ne tirent pas de conséquence de la perception elle-même des intérêts intercalaires qui n'avaient pas à être intégrés au TEG puisque l'offre réputait la somme prêtée débloquée en une seule fois, sans période de différé d'amortissement aucune, de sorte que leur coût n'était pas prévisible.

Les époux [A], sur lesquels repose la charge de la preuve des erreurs alléguées, ne démontrent pas non plus que le taux de période de 0,3343 % ou le TEG de 4,00113 % indiqué seraient erronés dès lors que, contrairement à ce qu'ils affirment, l'annexe d) à l'article R313-1 ancien du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable permettait à la banque d'exprimer les taux avec un arrondi à une décimale particulière, qu'ainsi le taux proportionnel indiqué de 0,3343 %, qui était de 0,33428 % avant arrondi, est bien proportionnel au TEG de 4,00113 % qui n'avait pas à être indiqué à 4,00116 %, ce qui n'aurait été que la multiplication inexacte d'un arrondi.

Enfin, la première étude de la société Humania Consultant du 25 mars 2015 échoue à convaincre de l'inégalité entre les sommes prêtées et les versements dus par l'emprunteur puisqu'il a été tenu compte d'un taux de période arrondi de 0,3343 % et non du taux non arrondi.

En tout état de cause, il ne peut qu'être observé que les époux [A], au-delà du défaut de preuve que le taux d'intérêts - conventionnel et non effectif global- appliqué aurait été, selon eux mais au terme d'une démonstration contredite utilement par la Société Générale, de 4,06% au lieu de 4%, ne démontrent pas qu'une erreur dans la mention du TEG indiqué dans l'offre aurait correspondu à un écart supérieur ou égal à une décimale avec le TEG réel -qu'ils ne calculent pas- puisque le calcul de la société Humania Consultant n'aboutit qu'à constater que 'pour que l'égalité soit vérifiée au Teg indiqué et pour le TA fourni, le montant des charges doit être de 419,12 euros alors que celui annoncé au client est de 409 euros', ce qui ne peut traduire qu'un différentiel considérablement moindre que la décimale.

A défaut que soit démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui qui résulterait soit d'une action prescrite soit de la reconnaissance, non consacrée par le présent arrêt, de manquements de la banque, la demande de ce chef doit également être rejetée.

En conséquence, il y a lieu, statuant à nouveau sur ces points, de débouter les époux [A] de toutes leurs prétentions, de les condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la Société Générale la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts à raison de l'omission dans le calcul du TEG du coût de l'assurance et des frais de garantie ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables l'action en nullité de la stipulation d'intérêts de M. [H] [A] et de Mme [P] [O] épouse [A] ;

Rejette la fin de non recevoir soulevée par la Société Générale tirée de la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur le défaut de proportionnalité du taux de période, le calcul erroné du TEG par référence à une année de 360 jours et le défaut d'égalité entre les sommes prêtées et les versements dus ;

Déboute M. [H] [A] et de Mme [P] [O] épouse [A] de toutes leurs demandes ;

Condamne M. [H] [A] et de Mme [P] [O] épouse [A] à payer à la Société Générale la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [A] et de Mme [P] [O] épouse [A] aux dépens d'appel recouvrés par la SCP Lussan comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/00903
Date de la décision : 23/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°16/00903 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-23;16.00903 ?
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