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22/06/2017 | FRANCE | N°15/09909

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 22 juin 2017, 15/09909


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 22 Juin 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09909



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/4189





APPELANTE

SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 053 833

représentée par Me Dav

id RAYMONDJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0948 substitué par Me Anne-eugénie FAURE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0883



INTIMEES

Madame [X] [A] épouse [Z]

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 22 Juin 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09909

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/4189

APPELANTE

SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 053 833

représentée par Me David RAYMONDJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0948 substitué par Me Anne-eugénie FAURE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0883

INTIMEES

Madame [X] [A] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Ramdane FERHANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 354

SARL LA BRENNE

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Françoise MATHIEU MAZIERES, avocat au barreau de PARIS,

toque : E1910

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 avril 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 1er juillet 2002, la société La Brenne qui a repris le marché de nettoyage sur lequel Mme [Z] travaillait en qualité d'agent de propreté, lui a consenti un contrat de travail à durée indéterminée avec une reprise d'ancienneté au 8 février 1994.

Mme [Z] a été arrêtée à la suite d'un accident du travail du 7 décembre 2010.

Le 1er mai 2012, le marché sur lequel Mme [Z] était affectée, a été repris par la société Guy Challancin.

Le 1er juin 2012, le médecin du travail a constaté à l'issue d'une visite de reprise, son inaptitude définitive à tout poste de travail dans l'entreprise.

Se trouvant privée de tout salaire, Mme [Z] a a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 4 décembre 2012 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat, dirigée contre les deux sociétés, réclamant en outre le paiement des indemnités de rupture.

Le salaire de référence, non contesté, s'élève à 1.436,31 euros bruts mensuels.

Mme [Z] travaillait sur les lignes D et R du RER exploitées par la SNCF. Il n'est pas contesté que la convention collective applicable est celle de la manutention ferroviaire.

Par jugement rendu le 30 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- mis hors de cause la société La Brenne,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Guy Challancin à la date du 3 juin 2015,

- condamné la société Guy Challancin à payer à

Mme [Z] les sommes suivantes :

* 12.460,05 euros à titre de rappel de salaires du 1er juin 2013 au 3 juin 2015

* 1.246 euros au titre des congés payés afférents

* 2.872 euros à titre d'indemnité spéciale de préavis

* 16.270 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

* 17.235,72 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- enjoint à la société Guy Challancin de lui remettre les documents sociaux conformes,

- débouté Mme [Z] de ses autres demandes,

- condamné la société Guy Challancin aux entiers dépens.

La cour a été saisie d'un appel formé par la société Guy Challancin contre cette décision.

Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la société Guy Challancin demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire en cas de reconnaissance de la qualité d'employeur à compter du 1er mai 2012,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations au titre de rappels de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre des indemnités spéciales de l'article L. 1226-14 du code du travail,

En tous cas,

- condamner la société La Brenne à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge.

Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la société La Brenne demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause.

Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, Mme [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur,

- l'infirmer pour le surplus,

- condamner solidairement les sociétés Guy Challancin et La Brenne au paiement des sommes suivantes :

* 34.464 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 20.945 euros à titre de rappel de salaires du 1er juin 2012 au 27 avril 2017

* 2.094 euros au titre des congés payés afférents

* 18.400,62 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

* 2.872 euros à titre d'indemnité de préavis

* 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le transfert du contrat de travail

A l'appui de son appel, la société Guy Challancin fait valoir que le contrat de travail de Mme [Z] ne lui a pas été transféré en raison de l'absence de la salariée sur le site depuis plus de six mois et son inaptitude au travail constatée par le médecin du travail, seuls les salariés aptes pouvant faire l'objet d'un transfert. Elle considère que la société La Brenne lui a volontairement dissimulé la situation de Mme [Z] dès lors qu'elle n'avait pas organisé de visite médicale depuis 2007.

La société La Brenne soutient qu'aucune obligation de présence n'est fixée par la convention collective de la manutention ferroviaire qui ne prévoit qu'une obligation d'affectation depuis six mois. Elle ajoute que la société Guy Challancin s'est comportée comme l'employeur de Mme [Z] en lui remettant des bulletins de salaire et en organisant la visite de reprise.

Mme [Z] estime que son contrat a bien été transféré à la société Guy Challancin.

Il résulte des dispositions des articles 15 ter et 15 quater de la convention collective de la manutention ferroviaire que les contrats de travail des salariés non cadres affectés sur un site qui fait l'objet d'un changement de titulaire de marché, sont repris par l'employeur entrant.

L'entreprise sortante doit communiquer à l'entreprise entrante une liste de documents, dont notamment la liste du personnel affecté sur le marché attribué, les six dernières fiches de paie de chaque salarié, la dernière fiche d'aptitude, et la copie des contrats de travail.

En l'espèce, la société La Brenne a transmis à la société Guy Challancin par lettre du 30 mars 2012 la liste des salariés affectés sur le marché des lignes D et R de la SNCF, qui a fait l'objet d'un changement de prestataire au 1er mai 2012.

Il ressort de l'examen de cette liste que le nom de Mme [Z] y figure bien.

Par lettre du 15 avril 2012 notifiée à la société La Brenne, la société Guy Challancin a refusé le transfert de Mme [Z] au motif qu'elle était absente depuis plus de six mois, refus confirmé le 7 juin 2012 au motif qu'aucune visite médicale n'avait été organisée depuis septembre 2007.

La société La Brenne a transmis à la société Guy Challancin, par lettre du 10 mai 2012, la copie de l'arrêt de travail concernant Mme [Z] au titre d'un accident du travail du 7 décembre 2010.

Mme [Z] produit la lettre du 25 mai 2012 de la société Guy Challancin qui a organisé son examen par le médecin du travail qui a rendu le 1er juin 2012 un avis d'inaptitude définitive à tout poste de travail dans l'entreprise.

La société Guy Challancin ne peut pas s'opposer au transfert du contrat de Mme [Z] dès lors que l'article 15 ter de la convention collective exige comme unique condition du transfert, l'affectation du salarié à l'activité concernée depuis au moins six mois, et non pas sa présence effective sur le site.

En outre, l'article 15 quater énonce que le statut collectif de l'entreprise entrante se substitue de plein droit à celui de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché. En cas de difficultés sur la transmission des documents par l'entreprise sortante, l'entreprise entrante dispose d'un recours contre elle mais le texte précise que l'absence de transmission des documents ne peut altérer le droit du salarié au bénéfice de la continuité de son contrat de travail.

Il s'ensuit que le transfert du contrat de travail de Mme [Z] s'est opéré le 1er mai 2012, de la société La Brenne vers la société Guy Challancin, qui ne pouvait pas s'y opposer, sauf à exercer un recours contre la société La Brenne dans des conditions qui ne peuvent pas porter préjudice aux droits de Mme [Z].

Le jugement mérite la confirmation en ce qu'il a considéré que la société Guy Challancin est devenu l'employeur de Mme [Z] au 1er mai 2012, sans qu'il ne soit justifié pour autant de mettre la société La Brenne hors de cause, des demandes étant dirigées à son encontre.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

En droit, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de 1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante.

En l'espèce, la société Guy Challancin a fait savoir à Mme [Z] par lettre du 25 juillet 2012 qu'elle ne reprenait pas son contrat, alors que celle-ci l'avait interrogée sur les solutions de reclassement et le paiement de son salaire.

Après avoir émis trois bulletins de paie de juillet à septembre 2012, elle a cessé de lui délivrer tout document de travail, lui demandant de s'adresser à la société La Brenne sur les suites de son contrat.

Il est indéniable qu'en refusant de faire application des dispositions conventionnelles concernant la reprise du contrat de travail de Mme [Z] qui était affectée sur le site, la contraigant à saisir le conseil des prud'hommes, la société Guy Challancin a gravement manqué à ses obligations contractuelles, et ce alors que le contrat de travail avait été transféré depuis le 1er mai 2012.

Le non-respect de ces obligations justifient la résiliation du contrat du travail aux torts de l'employeur à la date du jugement.

Le jugement mérite d'être réformé puisqu'il a considéré que la résiliation produisait ses effets à la date de l'audience de plaidoiries devant le bureau de jugement.

Sur les conséquences financières

Mme [Z] sollicite le paiement des salaires en application de l'article L.1226-11 du code du travail et des indemnités de rupture spécifiques prévues par l'article L. 1226-14 et suivants.

En application de l'article R.4624-31, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines, sauf à constater que le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le médecin du travail a procédé à une seule visite médicale, organisée dans le cadre du transfert du marché de la SNCF, ne relevant en aucun cas la situation de danger immédiat dans lequel se serait trouvée Mme [Z].

Il en résulte que le contrat de travail se trouvait toujours suspendu et l'avis du 1er juin 2012 n'a pas fait courir le délai d'un mois de l'article L.1226-11 du code du travail pour la recherche d'une solution de reclassement et la reprise du paiement des salaires.

Il s'ensuit que Mme [Z] ne peut pas obtenir le paiement des salaires à compter du 1er juillet 2012.

En revanche, Mme [Z] est en droit de prétendre au paiement des indemnités spécifiques prévues par la législation sur les accidents du travail dès lors que la rupture du contrat est intervenue au 30 septembre 2015 alors que la salariée se trouvait toujours en période de suspension de contrat.

En application de l'article L.1226-13, la rupture du contrat prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-9, est nulle.

En cas de de rupture du contrat de travail, la salariée a droit à une indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail, qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, ainsi que les indemnités spéciales prévues par l'article L.1226-14 du code du travail, concernant le préavis et l'indemnité de licenciement.

Compte tenu de son ancienneté de 21 ans, la cour évalue l'indemnité au titre de la rupture illicite du contrat à la somme de 25.000 euros, laquelle ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, Mme [Z] est en droit d'obtenir les indemnités spéciales de l'article L.1226-14 du code du travail, soit les sommes de 2.872 euros concernant le préavis et 17.810,36 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant des condamnations.

Sur le recours de la société Guy Challancin à l'encontre de la société La Brenne

Les dispositions de l'article 15 quater de la convention collective qui prévoient la possibilité pour l'entreprise entrante d'exercer un recours contre l'entreprise sortante, supposent que soit exercé un contrôle sur la réalité et l'étendue d'un manquement de l'entreprise sortante à ses obligations contractuelles.

Une telle appréciation échappe à la compétence de la juridiction prud'homale qui règle les litiges survenant entre salariés et employeurs.

Les demandes de garantie de la société Guy Challancin sont donc irrecevables.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient d'accorder à Mme [Z] une indemnité de 1.500 euros au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 30 septembre 2015 en ce qu'il a considéré que la société Guy Challancin est devenu l'employeur de Mme [Z] au 1er mai 2012,

Le confirme en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les autres chefs de demandes,

Dit que la résiliation du contrat produit ses effets à la date du jugement du 30 septembre 2015,

Dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Guy Challancin à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

* 25.000 euros au titre de l'indemnité de l'article L.1226-15 du code du travail

* 2.872 euros au titre de l'indemnité de préavis

* 17.810,36 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

Dit que ces sommes produisent des intérêts à compter du jugement du 30 septembre 2015,

Rejette les autres demandes de Mme [Z],

Ordonne la remise de documents de travail conformes à cet arrêt,

Constate l'incompétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la demande de la société Guy Challancin présentée à l'encontre de la société La Brenne,

Condamne la société Guy Challancin à payer à Mme [Z] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, qui s'ajoute à l'indemnité fixée en première instance, et aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/09909
Date de la décision : 22/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/09909 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-22;15.09909 ?
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