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19/06/2017 | FRANCE | N°15/04314

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 19 juin 2017, 15/04314


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 JUIN 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04314



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/13307



APPELANT



MONSIEUR LE DIRECTEUR DE LA DIRECTION DES RÉSIDENTS A L'ETRANGER ET DES SERVICES GÉNÉRAUX 'D.R.E.S.G.'


ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]



Représentée par Maître ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 JUIN 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04314

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/13307

APPELANT

MONSIEUR LE DIRECTEUR DE LA DIRECTION DES RÉSIDENTS A L'ETRANGER ET DES SERVICES GÉNÉRAUX 'D.R.E.S.G.'

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]

Représentée par Maître Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocate au barreau de PARIS, toque : L0046

INTIMES

Monsieur [N] [C]

demeurant, [Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 2]

Madame [K], [P] [R] épouse [C]

demeurant, [Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 3] (IRAN)

Représentée par Maître Geneviève SARBIB, avocate au barreau de PARIS, toque : D0818

Ayant pour avocat plaidant Maître Pierre-Jean CIAUDO, avocat au barreau de Nice (06)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Avril 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M et Mme [C], ayant leur résidence fiscale à [Localité 4], ont fait l'objet d'une proposition de rectification en date du 23 août 2010, concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (isf) dû en France pour les années 2004 à 2010, au titre des parts détenues dans la sarl Agora cinémas, à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur cette société.

Les rappels d'isf ont été mis en recouvrement le 18 mai 2011, pour un montant total de 1 123 774 euros. La réclamation des époux [C] du 24 juin 2011 a fait l'objet d'une décision de rejet de l'administration fiscale en date du 21 juin 2012.

Par assignation devant le tribunal de grande instance de Bobigny en date du 13 août 2012, les époux [C] ont contesté les rappels d'impôt de solidarité sur la fortune et sollicité leur décharge, au motif que les titres de la sarl Agora cinémas constituent des placements financiers exonérés au sens de l'article 885 L du code général des impôts.

Dans son jugement du 22 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny a infirmé la décision de rejet du 21 juin 2012, prononcé le dégrèvement de la totalité des impositions afférentes, rejeté toutes les autres demandes et condamné l'administration fiscale aux dépens.

Cette dernière a relevé appel de la décision par déclaration du 24 février 2015.

Par conclusions signifiées le 16 juin 2015, l'administration fiscale demande à la cour de :

dire et juger recevable et bien fondé son appel du jugement rendu le 22 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Bobigny

y faisant droit, infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise

statuant à nouveau, rétablir les impositions supplémentaires d'isf au titre des années 2004 à 2010 de M et Mme [C] dont le dégrèvement a été indûment prononcé

débouter M et Mme [C] de toutes leurs demandes,

les condamner à verser à l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs conclusions en date du 30 juin 2015, les époux [C] demandent à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 22 janvier 2015,

Dire et juger :

À titre principal, que les valeurs mobilières détenues par les époux [C] constituent des placements financiers exonérés d'isf au sens de l'article 885 L du code général des impôts

À titre subsidiaire, que la valeur vénale desdits placements n'est pas celle qui a été fixée par le service, mais celle qui résulte de l'estimation des époux [C]

À titre encore plus subsidiaire que l'imposition qui en découle doit être plafonnée conformément aux dispositions de l'article 885 v bis du code général des impôts

Ce faisant, accorder aux intimés la décharge de l'imposition mise en recouvrement pour un montant de 1 123 774 euros ;

condamner l'appelante au paiement de la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Laisser l'intégralité des dépens à la charge de l'appelante.

SUR CE,

Sur le champ d'application de l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune prévue à l'article 885 L du code général des impôts

L'administration fiscale soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en étendant le sens de l'exonération prévue à l'article 885 L du code général des impôts aux parts de la sarl Agora cinémas, alors que ces dispositions ne visent selon elle que les placements financiers donnant lieu à la perception de revenus de capitaux mobiliers de manière passive et non les titres de participation par lesquels M. [C] exerce un pouvoir de décision dans la gestion de la société.

Selon les intimés, les valeurs mobilières détenues par les époux [C] constituent des placements financiers exonérés d'ISF au sens de l'article 885 L du code général des impôts ; le texte de l'article précité ne prévoit pas expressément l'exclusion des titres de participation ; cette exclusion est une construction de la doctrine administrative qui rajoute à la loi et ne saurait donc fonder une imposition supplémentaire en raison du principe fondamental d'interprétation stricte de la loi fiscale et du principe de la hiérarchie des normes de droit.

A titre subsidiaire, ils indiquent que les titres de la société Agora cinémas peuvent bénéficier de l'exonération prévue à l'alinéa 2 de l'article 885 L du code général des impôts, en ce que les biens immobiliers possédés par la société représentent moins de 50 % de son actif et sont affectés en totalité à sa propre exploitation commerciale (salles de cinéma à Bordeaux). Les intimés indiquent notamment que l'activité accessoire de location des superficies occupées par les restaurants ne saurait permettre à l'administration fiscale de décompter ces superficies comme non affectées à l'exploitation, car elles sont un complément indissociable de l'objet social.

Ceci exposé,

Aux termes de l'article 855 A 2° du code général des impôts, sont soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.

L'article 885 L du même code, prévoit que les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers.

Ne sont pas considérés comme des placements financiers, les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce, à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société. Il en est de même pour les actions, parts détenues par ces personnes morales ou organismes dans les personnes morales mentionnées au deuxième anlinéa de l'article 750 ter.

Il ressort de la lecture de cet article, que seuls les placements financiers, qui engendrent la simple perception de revenus de capitaux mobiliers, peuvent bénéficier de l'exonération à l'exclusion des titres ou actions détenus par des personnes impliquées dans la gestion d'une société dont l'actif est constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France.

Le législateur a posé le principe de l'exonération des placements financiers pour les non résidents et a exclu du bénéfice de cette exonération les actions et parts détenues dans les sociétés à prépondérance immobilière.

Le critère de distinction étant que le placement financier, qui relève de la catégorie des revenus de capitaux mobilers, est purement passif, alors que les titres de participation se définissent par une détention de titres impliquant une participation exercée par le non résident.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que M. [C], co-fondateur du groupe UGC, est propriétaire exploitant de nombreuses salles de cinémas multiplexes, que depuis 1983, il détient en propre 80,8 % du capital de la sarl Agora cinémas avec pour associés ses trois filles . A Bordeaux, il a acquis un ensemble immobilier, 'Mégarama' comprenant une ancienne gare et y a implanté 18 salles de cinémas, 3 restaurants et des parkings. Depuis février 2010, il a repris la gérance de droit de la société. L'actionnariat revêt donc un caractère familial.

M. [C] est également administrateur du GIE GCCL, au sein duquel il assure des prestations administratives et de conseils à ses membres et en particulier à la sarl Agora cinémas.

L'ensemble de ces éléments suffit à établir l'importance et la durée de la détention de titres de participation Agora cinémas par de M. [C], ainsi que son pouvoir de décision dans la société.

Les parts de la sarl Agora cinémas, détenues par M. [C], ne peuvent, dans ces conditions, être analysées comme étant de simple placements financiers. Le jugement sera réformé sur ce point .

M. [C] soutient à titre subsidiaire, que les actions de la société la société Agora cinémas respectent les conditions posées par l'article 750 ter, prévues à l'alinéa 2 de l'article 885 L lui permettant de pouvoir bénéficier de l'exonération, en ce que la valeur des biens immobiliers représente moins de 50 % de l'actif social.

Le bénéfice des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 885 L n'est possible que si les parts détenues sont de simples placements financiers, or il résulte des développements précédents que les dispositions de l'article 885 L ne sont pas applicables pour les titres Agora cinémas, qui constituent des titres de participations.

Sur la valorisation des titres de la société agora cinémas

L'administration fiscale indique avoir calculé la valeur de la société en combinant la méthode patrimoniale ou valeur mathématique (capitaux propres et plus-values latentes), et la valeur de productivité (capitalisation du résultat net), en procédant notamment à une estimation de la valeur du fonds de commerce en fonction du chiffre d'affaires ttc et de l'ensemble immobilier selon la méthode de capitalisation des loyers à proportion des superficies données en location, l'évaluation par comparaison directe étant difficile au regard de la situation de l'immeuble (ancienne gare).

Les intimés contestent les valeurs retenues par l'administration fiscale sur la valeur du fonds de commerce et sur la valeur des parts de société, en soutenant qu'elles sont irréalistes au regard des pratiques commerciales du secteur cinématographique, une entreprise de cinéma pouvant se vendre, avec le fonds de commerce et les murs, sur la base de 100 fois la recette guichet hebdomadaire hors taxe, ce qui aboutit, selon leur calcul, à une valeur moindre que celle retenue par l'administration fiscale.

Ceci exposé, l'administration fiscale a eu recours pour le calcul de la valeur de la société à la combinaison de deux méthodes, la méthode patrimoniale ou valeur mathématique : capitaux propres augmentée de la plus-values latente, et la valeur de productivité obtenue par le rapport résultat net /taux de capitalisation entre 2003 et 2009.

Concernant l'évaluation des fonds de commerce et de l'immeuble :

La valeur vénale du fonds de commerce a été calculée, faute d'élément de comparaison, en tenant compte de sa situation, une ancienne gare, réhabilitée en multiplexe, située dans un quartier de Bordeaux en plein essor.

Les éléments incorporels ont été valorisés selon l'usage professionnel, qui consiste à appliquer un pourcentage à la moyenne des chiffres d'affaire sur trois exercices précédent le fait générateur. Les chiffres se composent des recettes de confiserie, des films 'guichet' de publicité et de jeux.

Les calculs de l'administration fiscale reposent sur des valeurs comptables objectives alors que les contestations de M. [C] s'appuient sur une analyse incomplète, puisqu' il omet les bénéfices et réserves dans l'actif net ; l'activité de confiserie n'est pas évaluée, enfin il ne tient pas compte de la valorisation du fonds. Par ailleurs, il ne produit aucun document probant de nature à permettre de vérifier ses propres calculs.

Il s'ensuit que les impositions supplémentaires d'isf de M et Mme [C], au titre des années 2004 à 2010, seront rétablies.

Sur le bouclier fiscal

Enfin, les époux [C] prétendent pouvoir bénéficier du mécanisme du bouclier fiscal et du plafonnement de l'isf prévu à l'article 885 v bis du cgi, ce qui entraînerait un dégrèvement en droits de 408 931 euros au titre des années 2004 à 2010.

M et Mme [C] ne justifiant pas de leur calcul pour bénéficier du mécanisme du bouclier fiscal et du plafonnement de l'ISF prévu à l'article 885 v bis du code général des impôts, seront déboutés de cette demande.

Il paraît équitable d'allouer à l'administration fiscale une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

M et.Mme [C], parties perdantes, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus de supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal de grande instance de Bobigny le 22 janvier 2015.

Statuant à nouveau,

RÉTABLIT les impositions supplémentaires d'isf au titre des années 2004 à 2010 de M et Mme [C].

CONDAMNE M et Mme [C] à verser à M le directeur de la direction des résidents à l'étranger service 'DRESG' la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M et Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/04314
Date de la décision : 19/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°15/04314 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-19;15.04314 ?
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