Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 19 JUIN 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03423
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012036361
APPELANTE
SAS THERMODYN
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Représentée par Me Elisa WARBINGTON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
SA IF ASSURANCES FRANCE IARD
ayant son siège social en Suède
ayant son établissement en France [Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 428 661 227
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SA METSA BOARD OYJ, venant aux droits de la société M-REAL HOLDING France SAS
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 6]
[Adresse 7] / FINLANDE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372
Représentée par Me Laure CANAVAGGIO, avocat au barreau de PARIS, toque : P21
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société M-Real Alizay exploite une usine de pate à papier.
La société Thermodyn a notamment pour activité la fabrication de turbines.
En 2005, le rotor de l'une des turbines utilisées par la société M-Real Alizay a été endommagé et la société a fait appel à la société Thermodyn pour la fabrication et la fourniture d'un rotor neuf.
Le rotor neuf a été livré par la société Thermodyn en décembre 2006 et installé en décembre 2007.
En décembre 2008, un incident est survenu sur le rotor fourni par la société Thermodyn qui a été endommagé.
Par ordonnance du19 février 2009, sur demande de la société M-Real Alizay et de son assureur IF Assurances France IARD, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a ordonné une expertise confiée à M. [M] qui a déposé son rapport le 17 septembre 2010.
Par acte du 20 décembre 2010, la société M-Real Alizay et son assureur IF Assurances France IARD ont fait assigner la société Thermodyn.
* * *
Vu le jugement prononcé le 20 novembre2014 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- dit que les relations contractuelles entre les parties au titre de la commande du rotor litigieux constituent un contrat de vente régi par les conditions générales de vente de la société Thermodyn,
- dit que les désordres ont pour origine une anomalie de réalisation d'un tenon, constitutive d'un vice caché,
- condamné la société Thermodyn à payer à la société M. Real Holding France venant aux droits de la société M-Real Alizay la somme de 944 293 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- condamné la société Thermodyn à payer à la société M- Real Holding France la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire ,
Vu l'appel de la société Thermodyn le 13 février 2015,
Vu les conclusions de la société Thermodyn signifiées le 23 février 2017,
Vu les conclusions signifiées le 3 mars 2017 par la société Metsa Board Oyj (venant aux droits de la société M-Real Holding France) et par la société IF Assurances France IARD.
La société Thermodyn demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu l'extrait k-bis mentionnant la fusion-absorption de la société M- Real Holding France et de la société la société Metsa Board Oyj,
- confirmer le jugement du 20 novembre 2014 en ce qu'il a jugé que les conditions générales ES 104 F Revision 2 de Thermodyn régissaient les relations contractuelles entre les parties,
- infirmer le jugement du 20 novembre 2014 s'agissant de la qualification du contrat,
- juger que la convention intervenue entre la société Thermodyn et la société Metsa Board Oyj (anciennement M- Real Holding France) caractérise un contrat d'entreprise,
- constater que la convention à l'origine de l'intervention de la société Thermodyn comporte des clauses limitatives de garantie et de responsabilité applicables en l'espèce,
A titre principal :
- constater l'absence de manquement aux obligations contractuelles de Thermodyn,
- infirmer le jugement du 20 novembre 2014 s'agissant de l'origine du sinistre et l'existence alléguée d'un vice caché affectant le rotor litigieux,
- dire que l'action des sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD contre la société Thermodyn ne peut être fondée sur la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil,
- débouter les sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Thermodyn,
- ordonner aux sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD de rembourser la somme de 959 146,34 euros déjà versée par la société Thermodyn en exécution provisoire du jugement du 20 novembre 2014, assortie d'intérêts légaux courant jusqu'à la date du parfait paiement,
A titre subsidiaire :
- dire que l'action des sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD contre la société Thermodyn a trait à des faits postérieurs à l'expiration de la garantie contractuelle de la société Thermodyn,
- déclarer irrecevable l'action des sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD à son encontre,
- débouter les sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Thermodyn,
- constater en outre que les conditions générales de Thermodyn contiennent une clause exclusive de responsabilité des dommages immatériels et/ou indirects,
- dire que les sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD ne peuvent prétendre, sous quelque qualification ou quelque grief qui serait retenu, à l'indemnisation de préjudices immatériels éventuels,
- prévoir que dans tous les cas le préjudice éventuel total pouvant être indemnisé par Thermodyn ne peut excéder la limite de 264 889 Euros, correspondant au préjudice matériel corrigé par une décote de vétusté,
- ordonner aux sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances France IARD de rembourser la somme de 959 146,34 euros déjà versée par la société Thermodyn en exécution provisoire du jugement du 20 novembre 2014, assortie d'intérêts légaux courant jusqu'à la date du parfait paiement, ou alternativement cette somme sous réserve de compensation avec le préjudice auquel Thermodyn serait condamnée à payer.
A titre infiniment subsidiaire :
- constater enfin que la société la société Metsa Board Oyj (anciennement M- Real Holding France SAS) a déjà été indemnisée par la société IF Assurances France IARD à hauteur de 619 309 euros pour les préjudices allégués du fait du présent litige,
- dire que la société la société Metsa Board Oyj est irrecevable à réclamer l'indemnisation
de la somme de 619 309 euros versée par IF Assurances France IARD et ne saurait prétendre à recevoir qu'une somme maximale de 305 580 euros,
Et en toute hypothèse,
- condamner les sociétés la société Metsa Board Oyj et IF Assurances à verser à la société Thermodyn la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Metsa Board Oyj et IF Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
La société Metsa Board Oyj et la société IF Assurances France IARD demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a considéré que le contrat passé entre la société Thermodyn et la Société M- Real Holding France était régi par les conditions contractuelles générales de vente de la Société Thermodyn,
Et y ajoutant :
A titre principal :
- juger que les relations contractuelles entre les parties au titre de la commande du rotor litigieux constituent un contrat de vente régi par les conditions générales d'achat de la société M-Real,
- juger que les clauses limitatives de garantie et de responsabilité dont la société Thermodyn se prévaut sont sans effet,
- juger que le rotor livré par la société Thermodyn à la société M-Real était affecté d'un vice caché ;
- constater que la société M-Real a été indemnisée à hauteur de 619 369 euros par la société IF Assurances,
En conséquence :
- condamner la société Thermodyn à verser à société IF Assurances la somme de 619 309 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Thermodyn à verser à société Metsa Board Oyj venant aux droits de la Société M- Real Holding France la somme de 324 984 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Thermodyn à verser à la société Metsa Board Oyj venant aux droits de la Société M- Real Holding France et à la Société IF Assurances la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- condamner la société Thermodyn aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise et de référés dont distraction au profit de la SELARL Brigitte Beaumont conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC
A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour devrait considérer que le contrat passé serait un
contrat d'entreprise ou que la preuve d'un vice caché ne serait pas rapportée :
- constater que la société Thermodyn a engagé sa responsabilité contractuelle en raison du caractère défectueux du rotor qu'elle a livré à la société M-Real Alizay,
- juger que les clauses limitatives de garantie et de responsabilité dont la société Thermodyn se prévaut sont sans effet,
- constater que la Société M- Real Holding France a été indemnisée à hauteur de 619 309 euros par la société IF Assurances,
En conséquence:
- condamner la société Thermodyn à verser à Société IF Assurances la somme de 619 369 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Thermodyn à verser à société Metsa Board Oyj venant aux droits de la Société Holding France la somme de 324 984 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Thermodyn à verser à la société Metsa Board Oyj venant aux droits de la société M- Real Holding France et à la société IF Assurances la somme de 20 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- condamner la société Thermodyn aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise et de référés dont distraction au profit de la SELARL Brigitte Beaumont, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
SUR CE,
Considérant que la société Thermodyn demande à la cour de confirmer le jugement du 20 novembre 2014 en ce qu'il a jugé que les conditions générales ES 104 F Revision 2 de Thermodyn régissaient les relations contractuelles entre les parties mais de dire que la convention intervenue entre la société Thermodyn et la société Metsa Board Oyj (anciennement M- Real Holding France) caractérise un contrat d'entreprise ; que, selon les sociétés intimées, les relations contractuelles entre les parties au titre de la commande du rotor litigieux constituent un contrat de vente régi par les conditions générales d'achat de la Société M-Real ;
Considérant que la commande n° 60104835 conclue le 31 juillet 2006 entre la société M-Real et la société Thermodyn a porté sur un ensemble aérodynamique de technologie Thermodyn comprenant la fabrication d'un rotor neuf avec études, design aérodynamique et mécanique de la nouvelle veine vapeur, selon devis 346722 Rev. 2 ; que ce devis versé aux débats porte sur la fabrication d'un rotor neuf avec des bouts d'arbres conformes aux plans « notice », des aubages de technologie Thermodyn, un jeu de diaphragmes correspondants et un jeu de garnitures de bouts d'arbre et porte garnitures ; que le prix a été fixé à 630 500 euros ne comportant pas les travaux d'installation de la fourniture dans la machine ; que l'article 4 du devis auquel se reporte la commande a pour objet les conditions générales de vente et de location de produits et de services suivant formulaire ES-104-F ; que, par courrier recommandé du 4 août 2006 adressé à la société M-Real, la société Thermodyn se réfère à l'offre technique et commerciale n° 346722 Rev. 2 du 29 juin 2006 et confirme « que les conditions générales qui s'appliqueront à votre commande seront les ES104-F rev1 » ;
Considérant que, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont donné au contrat la qualification de vente et dit que le contrat se trouve régi par les conditions générales de vente correspondant au formulaire ES104-F (rév.2) ; qu'en effet si le rotor a été destiné à être intégré dans un ouvrage plus important, en l'espèce dans une turbine pré - existante, et si la fabrication du rotor a été effectuée au vu de plans et croquis fournis par la société M-real et a été précédée d'études destinées à définir les parties d'équipements à réaliser, les sociétés intimées sont bien fondées à soutenir que la complexité du produit commandé et les adaptations à réaliser ne sont pas exclusives de contrat de vente ; qu'en l'espèce les parties sont convenues d'un prix fixe avec référence aux conditions générales de vente et fabrication et montage dans les ateliers de la société Thermodyn ; que l'attestation du 10 février 2014 de M. [S], ingénieur et responsable du bureau d'études turbines à vapeur au sein de la société Thermodyn, confirme qu'il a été nécessaire de prendre en compte « des données liées au process et des impositions constructives dictées par la nécessité de s'inscrire dans un environnement existant et inchangé », le produit fini ne se trouvant pas sur catalogue ; que ces éléments d'individualisation ne suffisent à caractériser un contrat d'entreprise ;
Considérant que qu'il résulte de l'expertise judiciaire diligentée par M. [M] que les dégradations du rotor de la turbine ont pour origine la rupture d'un tenon de fixation d'un élément de ruban destiné à relier plusieurs ailettes entre elles, en raison d'une fissuration par fatigue ; que cette rupture de tenon a entraîné la perte de l'élément de ruban qu'il était chargé d'immobiliser avec trois autres tenons ; que les examens de laboratoire ont fait apparaître des hétérogénéités de formation de la tête de plusieurs tenons ; que la réalisation des têtes de tenon est à conduite manuelle sur une machine semi-automatique, sans possibilité de contrôle de la qualité du plaquage du ruban sur les têtes d'ailettes ; que, selon l'expert, l'origine la plus probable des dégradations se situe dans les irrégularités de réalisation des tenons par la société Thermodyn ; que l'anomalie d'utilisation de la turbine par introduction d'eau n'est pas retenue en raison de l'absence de dégradations qui auraient du accompagner la fissuration en cas par effet de l'eau sur les ailettes ;
Considérant que les intimées sont ainsi fondées à solliciter la nullité de la vente pour vice caché sur le fondement de l'article 1641 du code civil ; que sur ce fondement, la société Thermodyn n'est pas fondée à réclamer l'application des clause limitatives de garantie prévues aux articles 7 et 8 des conditions générales de vente et de location de produits et de services ;
Considérant, concernant le préjudice, que M. [M] mentionne que 'les experts des parties ont remis à l'expert un protocole d'accord validant leur nature et leur montant : 924 889 euros', l'expert mentionnant avoir pu vérifier que 'la nature des préjudices est bien en relation avec l'incident survenu au rotor de la turbine' ; que l'annexe 18 du rapport d'expertise dénommé 'Procès verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages' correspond à ce montant qui intègre une décote de vétusté de 10 % ; que le jugement déféré doit uniquement être infirmé en ce qu'il a retenu la somme de 944 293 euros au lieu de 924 889 euros ; que la société Thermodyn devra verser à la société IF Assurances la somme de 619 369 euros que cette dernière a versée à son assuré M -Real selon quittance versée aux débats ; que la société Thermodyn devra verser le surplus à la société Metsa Board Oyj soit la somme de 305 520 euros (924 889 - 619 369) ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf concernant le montant de la condamnation principale mise à la charge de la société Thermodyn ;
Statuant de nouveau de ce chef :
CONDAMNE la Société Thermodyn à verser à Société IF Assurances la
somme de 619 369 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
CONDAMNE la Société Thermodyn à verser à Société Metsa Board Oyj venant aux droits de la Société Holding France la somme de 305 520 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010 lesquels intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
CONDAMNE la société Thermodyn à verser à la Société Metsa Board Oyj venant aux droits de la Société M- Real Holding France et à la Société IF Assurances une somme complémentaire de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
CONDAMNE la société Thermodyn aux dépens et accorde à la Selarl Brigitte Beaumont, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS