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16/06/2017 | FRANCE | N°13/18908

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 16 juin 2017, 13/18908


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 16 JUIN 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18908 (absorbant le RG 13/19281)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° j2013000509





APPELANTES



SA ICADE anciennement dénommée ICADE EMGP, prise en la personne de ses représentan

ts légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 582 074 944 (Paris)



Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 16 JUIN 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18908 (absorbant le RG 13/19281)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° j2013000509

APPELANTES

SA ICADE anciennement dénommée ICADE EMGP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 582 074 944 (Paris)

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Représentée par Me Daniel FAUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1798

SARL IPLUS CONCEPT agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 421 517 798 (Evry)

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Alexandre MALAN de l'AARPI BELOT MALAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0574

INTIMEES

SA COMPAGNIE GÉNÉRALE D'AFFACTURAGE, agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 3]

N° SIRET : 702 016 312 (Bobigny)

Représentée par Me Belaid MAZNI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1654

SA ICADE anciennement dénommée ICADE EMGP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 582 074 944 (Paris)

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Représentée par Me Daniel FAUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1798

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre

M. François THOMAS, Conseiller, désigné par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Créée en 1999, la SARL GUIFT CONCEPT (devenue, en 2008, la SARL IPLUS CONCEPT par simple modification de dénomination sociale à l'occasion du changement d'associés majoritaires) (IPLUS) a développé un logiciel, dénommé 'WORKSITE MANAGEMENT', permettant la gestion des documents afférents à un projet immobilier (construction ou rénovation). Elle était depuis 2003, en relation d'affaires avec la SA ICADE EMGP, ultérieurement devenue la SA ICADE ( ICADE) qui constituait son principal client.

La société ICADE a accepté la proposition commerciale du 26 avril 2007 de la société IPLUS de « proposition de fournitures de logiciels et de services, pour [' l'assistance] dans le cadre des projets de construction ». Ce document, que les parties dénomment désormais « commande ouverte », sur les engagements duquel (contraignants ou pas) elles divergent aujourd'hui, vise des prestations de fourniture de logiciels applicatifs d'aide aux projets, d'hébergement et de gestion du patrimoine et est valorisé à hauteur de la somme de 687.696 euros HT (822.484,42 euros TTC). Cette « commande ouverte », qui avait fait l'objet du versement d'un acompte d'un montant de 83.444,44 euros TTC, devaient ensuite faire l'objet de commandes particulières passées en application.

Le 5 mai 2010, prétendant qu'à partir de 2009, la société ICADE ne passait plus de commande d'application en ne lui communiquant plus les références techniques sur chaque chantier, ni les bénéficiaires des codes d'accès aux logiciels lui permettant de réaliser les travaux commandés dans le cadre de la « commande ouverte », la société IPLUS a attrait la société ICADE et certaines de ses SCI filiales devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant différents règlements tant de factures arriérées que d'indemnités en réparation des préjudices allégués, outre la résiliation des commandes non exécutées et le paiement de dommages et intérêts correspondants . En cours d'instance, prétendant avoir découvert que la société ICADE « utilisait les logiciels d'architecture » qui lui avait été antérieurement livrés dans le cadre des commandes ci-dessus visées, la société IPLUS a émis quatre factures les 17 septembre, 18 octobre, 9 novembre et 6 décembre 2010, qu'elle a « affacturées » auprès de la S.A COMPAGNIE GÉNÉRALE D'AFFACTURAGE - CGA. Sur déclinatoire de compétence élevé par les SCI, le tribunal de commerce, par jugement du 14 février 2011, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour les demandes dirigées à leur encontre, mais s'est déclaré matériellement compétent pour celles dirigées à l'encontre de la société ICADE.

Dans le dernier état des prétentions formulées à l'audience du tribunal de commerce du 24 juin 2013, la société IPLUS s'est désistée de certaines demandes antérieures de dommages et intérêts faisant double emploi avec trois des quatre factures ultérieurement émises et cédées au factor (la quatrième concernant une SCI filiale dont le contentieux a été transféré au tribunal de grande instance de Paris) et a sollicité :

- la résiliation de la commande du 22 novembre 2007 (n° E262P-C006) concernant le bâtiment « 262 » partiellement réalisée à hauteur de 2.040 euros HT, sur un montant initialement prévu de 39.060 euros HT, soit un défaut de réalisation d'un montant de 37.020 euros HT, et le paiement d'une indemnité d'un montant de 35.909,40 euros HT (soit 37.020 x 97 %), majoré des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2009, correspondant au manque à gagner sur la base d'une marge de 97 % ;

- la résiliation de la « commande ouverte » du 26 avril 2007 et le paiement d'une indemnité d'un montant de 102.960,92 euros, majoré des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2009, correspondant à la marge perdue ;

- la condamnation de la société ICADE à payer, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, les sommes de :

180.042,67 euros, en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive et brutale d'une relation commerciale établie et correspondant à la marge perdue qui aurait dû être réalisée pendant la durée du préavis ;

6.000 euros (« à parfaire »), en réparation « des coûts liés au licenciement économique d'un salarié » ;

28.800 euros, en réparation du préjudice « lié à l'atteinte à sa trésorerie » consécutif à « l'abus durant la relation commerciale lié aux délais de paiement dérogatoires aux plafonds légaux impératifs »,

outre l'indemnisation des frais irrépétibles à hauteur de la somme de 15.000 euros ;

S'y opposant, la société ICADE a, reconventionnellement, sollicité la résiliation « de toute relation contractuelle » avec la société IPLUS aux torts de cette dernière et sa condamnation à payer les sommes de :

- 83.444,44 euros TTC correspondant « à l'avance reçue et jamais déduite des factures ultérieures »,

- 75.000 euros à titre de dommages et intérêts « pour détournement de l'acompte versé, abus de procédure, tentative de fraude au jugement, émission de fausses factures et utilisation de fausses preuves »,

outre la somme de 50.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Entre temps, le 17 janvier 2012, la société CGA (factor) a attrait la société ICADE devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la condamner à lui payer la somme globale de 135.673,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 3 août 2011 et anatocisme, outre la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, tout en demandant au tribunal de « donner acte à la société IPLUS de son désistement d'instance au titre des trois commandes ayant donné lieu aux factures » dont le factor « réclame désormais le règlement » pour avoir acquis les créances correspondantes dans le cadre du contrat d'affacturage du 31 janvier 2005.

Après avoir joint les deux instances, le tribunal de commerce de Paris, par jugement contradictoire du 10 septembre 2013 assorti de l'exécution provisoire, a :

- condamné la société ICADE à payer :

à la société IPLUS, le montant de 37.020 euros HT, majoré des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2009, correspondant à « la facture à établir » par cette dernière « pour le montant qui n'a pas encore été facturé au titre de la commande n° E262P-C006 » ;

à la société CGA, le montant des trois factures émises par la société IPLUS les 17 septembre 2010 pour 78.987,43 euros TTC, 18 octobre 2010 pour 45.851,65 euros TTC et du 6 décembre 2010 pour 10.437,49 euros TTC ;

- a condamné la société IPLUS à rembourser à la société ICADE l'acompte d'un montant de 83.444,44 euros TTC ;

- a déboutée la société IPLUS de ses demandes d'indemnisation au titre de la marge brute alléguée sur la commande ouverte du 26 avril 2007, de la rupture abusive et brutale alléguée de la relation commerciale établie et du préjudice lié à l'atteinte alléguée à sa trésorerie ;

- a débouté la société ICADE de ses demandes de résiliation de toute relation contractuelle et d'indemnisation du préjudice allégué au titre de la tentative de fraude au jugement ;

- a solidairement condamné les sociétés IPLUS et ICADE aux dépens et à verser à la société CGA la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La société IPLUS a interjeté appel le 1er octobre 2013, en intimant les sociétés ICADE et CGA. La société ICADE a interjeté appel le 8 octobre 2013 en intimant la seule société CGA. Les deux instances d'appel (13-18908 et 13-19281) ont été jointes par ordonnance du 13 mai 2014 du magistrat de la mise en état, la procédure se poursuivant sous le numéro 13-18908. Cependant, antérieurement le 28 février 2014, la société CGA a transmis des écritures par le RPVA dans le dossier 13-18908 à 11H22 (conclusions dites « article 909 du CPC ») et dans le dossier 13-19281 à 14H37. Les deux instances étant désormais jointes, seules les dernières écritures (dites « d'intimée et d'appel incident » transmises le 28 février 2014 (14H37) saisissent la cour.

Vu les dernières conclusions transmises par le RPVA le 21 novembre 2016 par la société IPLUS, appelante principale, réclamant la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la réformation du jugement du chef de la demande d'indemnisation de la rupture de la relation commerciale établie en demandant la condamnation de la société ICADE à payer, avec les intérêts au taux légal à compter de la décision, les sommes de :

- 240.057 euros, en réparation « de la marge perdue pendant la période du préavis non respecté correspondant à 12 mois »,

- 6.000 euros (« à parfaire »), en réparation « des coûts liés au licenciement économique d'un salarié »,

tout en sollicitant aussi (dans le même dispositif), que lesdites sommes « portent intérêts à compter de l'assignation », et, nonobstant la limitation de son recours stipulée en début de ses écritures, demandant aussi que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné la société ICADE à payer, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, les sommes de :

37.020 euros HT à la société IPLUS, sauf, subsidiairement, à la cour d'opérer une substitution de motifs et d'ordonner la résiliation de la commande n° E262P-C006 en condamnant la société ICADE à payer la somme de 35.909,40 euros à titre de dommages et intérêts,

78.987,43 euros TTC, 45.851,65 euros TTC et 10.437,49 euros TTC à la société CGA ;

Vu les dernières conclusions transmises par le RPVA le 13 novembre 2015 par la société ICADE (intimée principale et appelante incidente sur le recours de la société IPLUS et appelante à l'encontre de la société CGA) réclamant la somme de 10.000 euros à l'encontre de chacune des sociétés CGA et IPLUS en indemnisation de ses frais irrépétibles :

- soulevant l'irrecevabilité de « l'appel de la société IPLUS au titre de l'appel incident de la société ICADE »,

- poursuivant la confirmation du jugement sauf, en ayant fait appel incident à l'encontre de la société IPLUS et appel principal à l'encontre de la société CGA, à le réformer en ce qu'il l'a :

condamnée à payer à la société IPLUS le montant de 37.020 euros HT en principal en règlement de la facture à établir par cette dernière au titre de la commande n° E262P-C006,

condamnée à payer à la société CGA les sommes d'un montant de 66.043 euros HT (soit 78.987,28 euros TTC) au titre de la facture du 17 septembre 2010, de 38.337,50 euros HT (soit 45.851,65 euros TTC) au titre de la facture du 18 octobre 2010 et de 8.727 euros HT (soit 10.437,49 euros TTC) au titre de la facture du 6 décembre 2010, en priant la cour « d'ordonner la restitution des sommes versées à la société CGA en exécution provisoire du jugement, majorées des intérêts au taux légal à compter du paiement effectué »,

déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 10.000 euros à l'encontre de la société CGA en réparation du préjudice résultant de « la faute d'avoir poursuivi le paiement de factures dont elle ne peut légitimement ignorer qu'elles ne sont pas dues par ICADE », en renouvelant ladite demande devant la cour,

déboutée de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société IPLUS en sollicitant à nouveau une indemnité d'un montant de 50.000 euros en réparation des dommages résultant des fautes, de la tentative de fraude au jugement et d'abus de procédure ;

Vu les dernières conclusions (intitulées « d'intimée et appel incident») transmises le 28 février 2014 par le RPVA par la société CGA, réclamant la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, demandant la jonction des deux appels et tendant à la confirmation du jugement du chef de la condamnation de la société ICADE à lui payer le montant des trois factures sus-visées ;

SUR CE

Sur l'appel de la société IPLUS à l'encontre de la société ICADE

Considérant qu'il résulte des dernières conclusions de la société IPLUS qu'elle a fait expressément appel de la décision déférée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande d'indemnisation de la rupture abusive et brutale d'une relation commerciale établie et que, se fondant sur les dispositions de l'article L.442-6,I,5° du code de commerce, elle prétend que la société ICADE a « subitement, sans préavis ni explication, diminué considérablement le volume de commandes passées auprès d'elle », en estimant qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de douze mois et en précisant qu'elle ne pouvait pas elle-même anticiper la chute d'activités en raison de la crise immobilière de 2008, dès lors que la société ICADE ne l'a pas informée de la baisse d'activités la concernant ;

Considérant que la société ICADE estime que :

- la « commande ouverte » ne créée aucune obligation de volume de commande, étant une simple « proposition commerciale contenant une offre tarifaire calculée en fonction des prestations qui pourraient être demandées lors de la réalisation éventuelle de plusieurs projets de construction ou de rénovation d'immeubles, basée sur une liste de projets évoqués pour un budget approximatif ['] aucun délai n'étant stipulé », la liste de projets ne produisant aucun effet et étant présentée à titre indicatif ;

- la baisse de ses commandes auprès de la société IPLUS est liée à l'effondrement du marché résultant de la crise immobilière ayant sévi à partir du troisième trimestre de 2008 en ayant provoqué une baisse significative de ses activités de promotion immobilière, pour en déduire qu'elle ne constitue dès lors pas une rupture même partielle de la relation commerciale, aucun autre prestataire n'ayant travaillé avec la société ICADE à la place de la société IPLUS pour l'activité de promotion immobilière,

et fait en outre valoir qu'en absence des comptes de la société IPLUS, qui ne les publie pas annuellement au Registre du commerce, le préjudice allégué n'est pas prouvé dès lors qu'on ignore si elle a développé son chiffre d'affaires avec ses autres clients ;

Que la société ICADE conteste aussi l'analyse de son chiffre d'affaires par la société IPLUS en indiquant qu'un certain nombre de projets énumérés dans la « commande ouverte » ont été abandonnés en raison de la crise, de sorte que son chiffre d'affaires de promotion immobilière (à l'origine des prestations commandées à la société IPLUS) a baissé même si son chiffre d'affaires global toutes activités confondues stagne en raison des cessions d'actifs qui ont été précisément réalisées pour compenser les baisses d'activité, ces ventes ne générant pas de prestations pour la société IPLUS ;

Considérant, ceci ayant été rappelé, qu'il n'est pas contesté que les parties étaient en relation d'affaires depuis 2003, ni que celle-ci était suivie, stable et habituelle et qu'en faisant état de la baisse de plus de 50 % du chiffre d'affaires au 30 juin 2009 réalisé avec la société ICADE par rapport à celui réalisé au 30 juin 2008, la société IPLUS vise, une rupture qui serait intervenue durant la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, la société ICADE faisant valoir que cette période correspond aux effets de la crise dite financière de 2008, qui a commencé à se faire sentir à partir du 3ème trimestre 2008 ;

Qu'en affirmant ne pas avoir été informée par la société ICADE de la crise de 2008 affectant son activité de promotion immobilière durant cette période, la société IPLUS n'en conteste pas pour autant la réalité, ni la baisse significative ayant affecté l'activité immobilière de la société ICADE ;

Qu'il s'en déduit que la rupture de relation commerciale dont se plaint la société IPLUS n'est pas imputable à la société ICADE, qui justifie d'une diminution significative de son activité de promotion immobilière durant ladite période, consécutive à la crise économique et financière de 2008, de sorte que la société IPLUS succombe dans la démonstration, qui lui incombe, de l'existence d'une rupture de la relation commerciale antérieurement établie imputable à la société ICADE et que le rejet de sa demande correspondante par les premiers juges doit être confirmé ;

Sur l'appel incident de la société ICADE à l'encontre de la société IPLUS

Sur la commande n° E262P-C006

Considérant, à titre liminaire, que la société ICADE faisant valoir :

- d'une part, que la société IPLUS ayant, par ses écritures du 31 décembre 2013, limité son recours à un seul chef du jugement, y a acquiescé pour le surplus, dont la condamnation de la société ICADE à « lui payer une facture à émettre par elle [la société IPLUS] d'un montant HT de 37.020 euros alors qu'elle n'a pu ignorer que cette condamnation était supérieure à sa demande et reposait sur un autre fondement que sa demande »,

- d'autre part, que sur cette condamnation, la cour « n'est valablement saisie [selon l'intimée appelante incidente] que de l'appel incident de la société ICADE et ne peut que confirmer ou infirmer »,

soulève dès lors l'irrecevabilité de « l'appel de la société IPLUS au titre de l'appel incident de la société ICADE » en précisant que, selon elle, « toute demande visant à demander à la cour de statuer à nouveau, fut-ce par substitution de motifs dans l'hypothèse où elle infirmerait cette condamnation, serait constitutive d'un appel en ce qu'elle conduirait à inviter la cour à infirmer le jugement rendu sur ce point dans son fondement et son montant afin de statuer à nouveau », tout en demandant, corrélativement, de déclarer irrecevable « la demande de la société IPLUS invitant la cour à statuer à nouveau en cas d'infirmation du jugement au titre de l'appel incident formé par la société ICADE sur la condamnation prononcée à son encontre à payer la facture à émettre par la société IPLUS d'un montant HT de 31.020 euros [en réalité 37.020] » ;

Mais considérant que la déclaration d'appel du 1er octobre 2013 de la société IPLUS ne contient aucune restriction, celle-ci étant, dès lors, appelante principale mais non appelante incidente sur le propre appel incident de la société ICADE comme le prétend cette dernière et que, même si l'appel principal de la société IPLUS a ultérieurement été limité par des écritures, cette dernière peut valablement opposer des moyens de défense sur le recours incident formé par la société ICADE ;

Que dans ses dernières écritures signifiées devant la cour, tout en admettant que « le tribunal a statué ultra petita en ordonnant l'émission d'une facture plutôt qu'en prononçant une condamnation en dommages et intérêts comme elle le demandait en première instance », la société IPLUS se borne à s'opposer au recours incident formé par la société ICADE en ce qui concerne la condamnation à lui payer le montant de la commande n° E262P-C006, en faisant simplement valoir que, selon elle, « dès lors que le jugement a retenu que la commande était ferme et définitive » il a justifié la décision critiquée dont il faudrait seulement, subsidiairement, ramener le montant de la condamnation au montant (inférieur), soit la somme de 35.909,40 euros HT, qu'elle avait sollicitée en première instance et d' opérer une substitution de motifs ;

Qu'en conséquence, l'irrecevabilité soulevée par la société ICADE de « l'appel de la société IPLUS au titre de l'appel incident de la société ICADE » n'est pas fondée, la cour devant examiner l'appel incident de la société ICADE concernant la commande n° E262P-C006 et les moyens de défense opposés par la société IPLUS de ce chef ;

Considérant que la société ICADE poursuit la réformation de la décision de première instance l'ayant condamnée à payer à la société IPLUS la somme de 37.020 euros HT en principal en règlement de la facture à établir par cette dernière au titre de la commande n° E262P-C006, et qu'il résulte de l'exposé du tribunal, sur les demandes formulées en première instance, que la société IPLUS sollicitait la résiliation de la commande n° E262P-C006 et l'allocation d'une indemnité d'un montant de 35.909,40 euros HT en principal en réparation du préjudice subi du fait du non respect de la commande passée ;

Qu'il apparaît dès lors que c'est à juste titre que la société ICADE fait valoir que les premiers juges ont statué « ultra petita » tant sur le montant (en condamnant au paiement de la somme de 37.020 euros HT, alors que la société IPLUS réclamait seulement une somme de 35.909,40 euros HT en principal), que sur le fondement (en condamnant à payer une facture à établir, alors que la société IPLUS sollicitait le paiement de dommages et intérêts) ;

Qu'en revanche, il résulte de l'acquiescement implicite de la société IPLUS à ce chef de la décision des premiers juges, que désormais la société IPLUS s'estime, à titre principal, créancière de la somme de 37.020 euros HT en principal et que la société ICADE ayant fait appel incident de ce chef de décision, il appartient à la cour de ré-examiner la demande initiale formulée en première instance ;

Considérant qu'il résulte de la pièce n° 28 produite par la société IPLUS, que le 22 novembre 2007, la société ICADE a passé commande « pour l'assistance et fourniture d'outils d'hébergement et de normalisation sur la construction du bâtiment 262 » suivant la proposition commerciale faite le 29 octobre précédent par la société IPLUS, au prix de 39.060 euros HT ;

Que, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, cette commande n'est pas assortie de conditions ou de réserves, de sorte qu'elle est ferme et définitive ;

Qu'il n'est pas non plus contesté que, du fait de la société ICADE, elle n'a été que partiellement exécutée à hauteur de la somme de 2.040 euros HT, privant la société IPLUS d'une recette d'un montant de 37.020 euros HT (39.060 - 2.040) ;

Que c'est dès lors à juste raison que la société IPLUS demande la résiliation de la commande aux torts exclusifs de la société ICADE et sollicite la réparation du préjudice en résultant ;

Que la société ICADE n'a pas utilement contesté la marge bénéficiaire déclarée par la société IIPLUS à hauteur de 97 %, suivant le calcul attesté par l'expert comptable de l'entreprise le 15 avril 2010 et les soldes intermédiaires de gestion annexés à l'attestation [pièce IPLUS n° 34], de sorte qu'il sera fait droit à sa demande d'indemnité, mais à hauteur d'un montant de 35.909,40 euros, le jugement devant en conséquence être réformé du chef du montant alloué ;

Sur les demandes de dommages et intérêts de la société ICADE en réparation de divers préjudices allégués

Considérant que la société ICADE renouvelle devant la cour, ses demandes d'indemnisation aux titres des préjudices résultant de « la faute d'avoir poursuivi le paiement de factures dont elle [la société IPLUS] ne peut légitimement ignorer qu'elles ne sont pas dues par ICADE » et de la tentative de fraude au jugement et d'abus de procédure ;

Mais considérant que la cour, saisie de demandes civiles, n'a pas le pouvoir juridictionnel d'apprécier les fautes pénales alléguées et que si la société qui se prétend victime d'infractions pénales peut toujours en demander réparation au juge civil, il convient de relever qu'en se bornant à solliciter réparation, la société ICADE n'en démontre pas pour autant la réalité de l'existence des dommages qu'elle allègue et que les rejets correspondants par le tribunal doivent aussi être confirmés ;

Sur l'appel de la société ICADE à l'encontre de la société CGA

Considérant que la société CGA , faisant état du contrat d'affacturage du 31 janvier 2005, par lequel la société GUIFT CONCEPT (devenue IPLUS CONCEPT) s'est engagée à lui remettre l'ensemble des factures émises à l'encontre de ses débiteurs en lui transférant la propriété des créances correspondantes, indique que les trois factures litigieuses, totalisant la somme de 135.276,57 euros TTC lui ont été transférées par son adhérente et affirme qu'elles correspondent à des « commandes fermes passées par ICADE à IPLUS » ;

Que la société IPLUS expose, quant à elle, que les trois factures litigieuses correspondent finalement à des fournitures livrées et à des prestations exécutées, même si, initialement, la société IPLUS, dans l'ignorance de l'usage par la société ICADE des logiciels antérieurement livrés, avait opté pour une demande de dommages et intérêts qu'elle a ensuite abandonnée en s'étant aperçue que la société ICADE « utilisait les logiciels d'architecture [' et que] les logiciels livrés par IPLUS à ICADE étaient encore accessibles et utilisables sur les différents chantiers » ;

Sur la recevabilité de la demande de paiement des factures litigieuses

Considérant que la société ICADE fait essentiellement valoir qu'en ayant initialement demandé des dommages et intérêts pour inexécution des commandes correspondantes, la société IPLUS aurait judiciairement reconnu qu'il n'y avait pas eu de prestations, en observant qu'en application de l'article 1356 du code civil, l'aveu judiciaire ne peut pas être rétracté et qu'en conséquence la demande de paiement de factures aux lieu et place des dommages et intérêts initialement sollicités est irrecevable en application du principe de l'estopel ;

Mais considérant que, si en application de l'obligation de bonne foi, il est admis qu'en procédure civile le principe de l'estopel est une fin de non-recevoir interdisant à une partie de se contredire au détriment d'autrui, ce principe n'empêche pas de soulever des moyens nouveaux et n'a pas lieu de s'appliquer, comme le demande la société ICADE, en matière d'exécution d'une obligation contractuelle dont la sanction se trouve dans l'examen du fond de la demande et non dans l'irrecevabilité de ladite demande ;

Qu'en l'espèce, après avoir renoncé à une demande initiale de dommages et intérêts en réparation d'un dommage allégué résultant du défaut d'exécution d'une obligation initialement reproché à la société ICADE, il était loisible à la société IPLUS de changer le fondement de sa demande en soutenant que finalement il s'avérait que la société IPLUS avait exécuté les prestations et livré les fournitures objet de la commande de la société ICADE, en s'étant postérieurement aperçue que « les logiciels livrés par IPLUS à ICADE étaient encore accessibles et utilisables sur les différents chantiers » les prestations étant dès lors dues selon les conditions et la tarification prévues dans la « commande ouverte » du 26 avril 2007 ;

Que bénéficiant, par ailleurs, d'un encours d'affacturage avec la société CGA, la société IPLUS pouvait transmettre au factor les créances venant au soutien desdites factures et qu'en conséquence la demande de paiement des factures litigieuses est recevable ;

Sur le fond de la demande de paiement des factures litigieuses

Considérant que pour prétendre que les prestations n'ont pas eu lieu et ainsi résister au paiement des factures, la société ICADE soutient aussi tout à la fois que les prestations facturées ne sont pas précisées et qu'elles ont déjà été antérieurement réalisées et payées dans le cadre de chantiers antérieurs mis en 'uvre dès la période suivant la « commande ouverte » [conclusions page 32] ;

Mais considérant qu'il convient d'en déduire que la société ICADE ne conteste pas véritablement que les prestations et fournitures objet desdites factures ont été fournies et livrées ;

Que le libellé des trois factures litigieuses « Hébergement et assistance » ou « mise à disposition des outils d'hébergement et d'assistance » correspondent aux usages ayant court entre les parties, puisque sur les bons de commandes émis par la société ICADE au titre des factures contestées [pièces n° 26, 27 et 30 de la société IPLUS], la société ICADE utilise les mêmes mentions ;

Qu'il résulte des pièces produites par la société IPLUS (n° 26 et 26-1, 27 et 27-1, 30 et 30-1) que la société ICADE a commandé les prestations et logiciels objet de la facturation litigieuse et que les sommes facturées par la société IPLUS correspondent aux soldes du montant desdites commandes déduction faites des montants partiels antérieurement facturés ;

Que le solde restant dû au titre des prestations et fournitures ci-dessus est de 135.276,57 euros TTC, correspondant au total des trois factures cédées au factor ;

Considérant aussi qu'en soutenant que lesdites factures se sont trouvées immédiatement payées par compensation avec la créance dont la société ICADE était titulaire à l'encontre de la société IPLUS au titre de l'acompte initialement versé lors de la souscription de la « commande ouverte » du 26 avril 2007, la société ICADE admet, implicitement mais nécessairement, que les prestations ont été fournies ;

Que, par ailleurs, en indiquant ne pas avoir fait appel de la condamnation du tribunal au remboursement de l'acompte d'un montant de 83.444,44 euros TTC [conclusions page 24], la société IPLUS a admis implicitement qu'elle était débitrice de ladite somme et qu'il convient de relever que cette somme étant exigible depuis le 26 avril 2007, elle est venue se compenser à due concurrence lors de l'émission des factures litigieuses les 17 septembre, 18 octobre et 6 décembre 2010, laissant un solde d'un montant de 51.832,13 euros TTC (135.276,57 - 83.444,44) ;

Que le paiement par compensation étant intervenue au moment même de l'émission de chaque facture, retirant tout effet (à due concurrence) à la mention y apposée « pour être libératoire, paiement à adresser à Compagnie Générale d'Affacturage » et avant tant la sommation de payer, que la sommation interpellative, délivrées le 3 août 2011 par la société CGA à la société ICADE, cette dernière (débitrice cédée) peut valablement opposer au cessionnaire de la créance, le paiement partiel ainsi antérieurement réalisé entre les mains du cédant de ladite créance ;

Qu'en conséquence, le jugement doit être réformé du montant de la condamnation prononcée en faveur de la société CGA ;

Que le présent arrêt se substituant de plein droit à la partie réformée du dispositif du jugement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société ICADE « d'ordonner la restitution des sommes versées à la société CGA en exécution provisoire du jugement » et que les sommes qu'elle a versées en exécution provisoire du jugement, résultant d'une décision qui était exécutoire, ne produiront intérêts de plein droit (au taux légal) qu'à compter du prononcé du présent arrêt, pour la partie qu'il réforme, de sorte qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit la demande d'octroi des intérêts à compter du jour où est intervenu le paiement en l'exécution provisoire du jugement ;

Considérant, par ailleurs, qu'en raison de la solution à intervenir, dans laquelle chaque partie trouve en partie satisfaction, l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes d'indemnisation des frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

RÉFORME le jugement des chefs de condamnation concernant la commande n° E262P-C006 et le paiement des trois factures transmises au factor,

STATUANT À NOUVEAU de ces seuls chefs,

PRONONCE la résiliation de la commande n° E262P-C006,

CONDAMNE la SA ICADE à payer à la SARL IPLUS CONCEPT la somme de 35.909,40 euros de dommages et intérêts,

CONDAMNE la SA ICADE à payer à la S.A COMPAGNIE GÉNÉRALE D'AFFACTURAGE -CGA- la somme de 51.832,13 euros TTC au titre du solde restant dû sur les trois factures,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel,

FAIT MASSE des dépens d'appel et les met à la charge des parties, chacune pour un tiers,

ADMET les avocats postulants de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/18908
Date de la décision : 16/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°13/18908 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-16;13.18908 ?
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