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15/06/2017 | FRANCE | N°16/10653

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 15 juin 2017, 16/10653


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 JUIN 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/10653



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2016 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 15/00052





APPELANTE



SCI LA MORNIERE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Axelle VIANNAY de l'AARPI COR

TEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1939







INTIMÉES



VILLE DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau d...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 15 JUIN 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/10653

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2016 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 15/00052

APPELANTE

SCI LA MORNIERE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Axelle VIANNAY de l'AARPI CORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1939

INTIMÉES

VILLE DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par M. [Y] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Mai 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Christian HOURS, conformément aux articles 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christian HOURS, président

Mme Anne du BESSET, conseillère

Mme Laure COMTE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

La parcelle [Cadastre 1] sur laquelle est édifié l'immeuble du [Adresse 4], est grevée d'une servitude d'emplacement sportif ou scolaire au règlement d'urbanisme de la Ville. Cette inscription en réserve de la parcelle [Cadastre 1] et de la parcelle attenante [Cadastre 2], a été approuvée par délibération du conseil municipal [Localité 1] des 12 et 13 juin 2006.

Par courrier du 5 juin 2013, la SCI La Mornière a mis en demeure la Ville de Paris d'acquérir les lots 132 à 141, représentant 716/10 000° de quote-part de copropriété, dont elle est propriétaire, en application de l'article L.230-3 du code de l'urbanisme. Les parties se sont rapidement mises d'accord sur la valeur vénale des emplacements de parking, numérotés de 132 à 140, mais une discussion subsiste sur la valeur vénale du lot atypique numéroté 141 qui est constitué par le toit du bâtiment à usage de parking.

La SCI La Mornière a saisi le juge de l'expropriation de Paris par mémoire reçu au greffe le 19 juin 2015.

Par jugement du 10 mars 2016, le juge de l'expropriation de Paris a :

- prononcé le transfert de propriété des lots 132 à 141 au profit de la Ville de Paris ;

- fixé le prix d'acquisition du bien appartenant à la SCI La Mornière, en valeur libre, à la somme de 56 000 euros se décomposant comme suit :

- 50 000 euros au titre de l'indemnité principale ;

- 6 000 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- condamné la Ville de Paris à payer à la SCI la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la Ville de Paris aux dépens.

La SCI La Mornière a interjeté appel de cette décision le 11 mai 2016.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures qui ont été :

- déposées au greffe, le 22 juillet 2016, par la SCI La Mornière, aux termes desquelles elle demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il fixe le prix de cession des lots 132 à 141 à la somme de 56 000 euros et statuant à nouveau, de :

- à titre principal, fixer à 1 047 737 euros le montant de l'indemnité par application de la méthode par comparaison, et se décomposant comme suit :

- 956 125 euros au titre de l'indemnité principale se décomposant comme suit :

- 50 000 euros pour les emplacements de parking (non-contesté) ;

- 906 125 euros pour le toit-terrasse ;

[(1647,5 euros/m² x 1 100 m²) x 50%]

- 91 612 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- à titre subsidiaire, fixer à 253 994 euros le montant de l'indemnité, par application de la méthode par capitalisation, et se décomposant comme suit :

- 213 631 euros au titre de l'indemnité principale, se décomposant comme suit :

- 50 000 euros pour les emplacements de parking (non-contesté);

- 163 631 euros pour le toit-terrasse :

[5 123 076 euros (valeur vénale après travaux) - 166 500 euros (perte de revenus locatif) - 4 785 000 euros (travaux et coût de l'opération) - 5000 euros (modification du règlement de copropriété)]

- 22 363 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- condamner la Ville de Paris à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- adressées au greffe, le 6 septembre 2016, par la Ville de Paris, aux termes desquelles elle demande, à la cour de :

- dire et juger la SCI La Mornière mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement dont appel ;

- condamner la SCI aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- adressées au greffe, le 18 octobre 2016, par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement de première instance.

Motifs de l'arrêt :

Considérant que la SCI soutient que :

- pour dénier toute valeur au lot 141, le juge de l'expropriation a jugé que la propriété des droits à construire appartient à l'ensemble des copropriétaires et non au seul propriétaire du lot alors même que la SCI, depuis 40 ans, paye sur ce lot la taxe foncière, 5% des charges de la totalité de l'immeuble (environ 4 000 euros/an) et une police d'assurance, la construction et l'exploitation du toit-terrasse, identifié comme lot privatif, est partie intégrante de la destination de l'immeuble depuis l'origine selon le règlement de copropriété; à la date de référence (le 16 mai 2016), la loi ALUR était en vigueur, tout comme la suppression des coefficients d'occupation des sols (COS) et donc les droits de construire ne sont plus un droit accessoire aux parties communes et peuvent être utilisés sans autorisation de la copropriété qui garde néanmoins un pouvoir décisionnel sur un projet de construction ; si la construction était conditionnée à l'achat préalable de droits à construire, cela ne signifie pas pour autant que sa valeur est nulle ;

- pour la valorisation du lot privatif comme terrasse d'agrément, il convient d'appliquer la méthode par comparaison, avec un abattement de 50% afin de prendre en compte les aménagements à entreprendre ;

- pour la valorisation du lot privatif comme surface à construire, à défaut de termes de comparaison en raison du caractère atypique du bien, la méthode par capitalisation est applicable ;

Considérant que la Ville de Paris réplique que la demande de la SCI est fondée sur une expertise amiable non-contradictoire qui évalue le lot de copropriété correspondant au toit-terrasse par capitalisation du revenu locatif qui pourrait être tiré d'un exhaussement de l'immeuble alors que, selon le juge de première instance, il ne s'agit que d'une éventualité et le toit non-aménagé, 'dont le caractère, de fait, de partie commune à usage de couverture du bâtiment, a été constaté lors du transport...' et le droit à construire attaché à la parcelle [Cadastre 1] appartient à la copropriété et ne peut être attribué à un lot particulier ;

Considérant que le commissaire du gouvernement observe que l'absence de valeur du lot 141 est à confirmer en raison du doute quant au caractère certain du dommage subi par la SCI notamment parce que la propriété des droits à construire appartient à l'ensemble des copropriétaires et non au seul propriétaire du lot ;

Considérant que la SCI La Mornière a fait application des dispositions de l'article L11-7 du code de l'expropriation, devenu L 241-1, et mis en demeure la commune de Paris de procéder à l'acquisition des biens lui appartenant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 11-7, alinéas 2 et 3, devenu L 241-2, à défaut d'accord amiable, le juge prononce le transfert de propriété et fixe le prix du terrain comme en matière d'expropriation ;

Considérant que l'article 13-13, devenu L321-1, du code de l'expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;

Considérant que la date de référence se situe au 16 mai 2014, le bien devant être indemnisé à la date du jugement du 10 mars 2016 ;

Considérant que les parties se sont accordées sur le montant de 56 000 euros pour l'indemnisation des lots appartenant à l'appelante, à l'exception du lot 141 qui correspond à l'espace toit-terrasse ;

Considérant qu'un tel espace à [Localité 1], constitutif d'une partie privative aux termes de l'article 8 du règlement de copropriété, laquelle a toujours donné lieu au paiement d'une taxe foncière, apparaît être susceptible de valorisation, même si l'appelante n'apporte pas la preuve de projets qu'elle aurait envisagés entre la construction de l'immeuble au début des années 1970 et l'inscription de la parcelle en réserve en juin 2006 par la ville de Paris, laquelle a ensuite entraîné le refus de tout permis de construire ;

Considérant en effet d'une part que pour l'évaluation d'un bien faisant l'objet d'une réserve, il doit être fait abstraction de l'existence de cette réserve, en vertu de l'article L 230-3 du code de l'urbanisme ;

Considérant d'autre part que le droit de surélever le bâtiment n'est, aux termes de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, présumé être un droit accessoire aux parties communes que dans le silence ou la contradiction des titres ;

Considérant en l'espèce que le règlement de copropriété a clairement qualifié le toit en cause comme un lot privatif, précisant même qu'il pourra être équipé d'installations sportives ; qu'en vertu de la théorie de l'accessoire, le droit de construire y afférent, qui trouve à s'appliquer à la suite de la suppression du coefficient d'occupation des sols par la loi ALUR, doit être considéré lui aussi comme un droit privatif, quand bien-même il sera toujours nécessaire à l'appelante d'obtenir l'approbation de la copropriété pour la réalisation de travaux qui entraînerait une modification de l'immeuble ;

Considérant que le bien devant être considéré selon ses caractéristiques au jour du jugement, il convient de rejeter la méthode par capitalisation pour apprécier la valeur du lot 141, retenue par l'expert amiable de l'appelante, en ce qu'elle repose sur des éléments hypothétiques, notamment des travaux très importants et un taux de capitalisation ;

Considérant dès lors qu'il convient de retenir la méthode par comparaison, tout en tenant compte du caractère atypique du bien ;

Considérant que doivent être pris comme éléments de comparaison les deux termes de comparaison versés par l'appelante, sauf à leur appliquer les abattements justifiés par les différences qu'ils présentent avec le bien en cause ;

Considérant que les deux termes de comparaison cités par l'appelante présentent des superficies largement inférieures au lot 141, de sorte que leur prix au m² s'en trouve majoré par rapport à celui de la surface en cause, beaucoup plus grande ; qu'ils se situent [Localité 2] et [Localité 3], soit dans des quartiers de [Localité 1] plus prisés que celui dans lequel se situe le bien à évaluer, entre [Localité 4] et [Localité 5], dans une zone proche du périphérique ; qu'il doit être également tenu compte de l'absence d'accès au toit-terrasse, de son médiocre état d'entretien, ainsi que de son absence d'aménagement ; que l'ensemble de ces éléments justifie qu'un abattement global de 85 % soit pratiqué sur la valeur moyenne du m² résultant de ces références de terrasses ;

Considérant que le prix du lot 141, hors indemnité de remploi, s'établit par conséquent à:

[1 818 euros + 1 477 euros]/2 x 0,15 x 1 100 m² = 271 837,50 euros ;

Considérant qu'il s'ensuit que le prix d'acquisition, hors indemnité de remploi, des lots 132 à 141 s'établit à la somme de :

50 000 euros (valeur des lots hors lot 141) + 271 837,50 euros (lot 141) = 321 837,50 euros;

Considérant que l'indemnité de remploi de cette somme est par conséquent de :

- 5 000 euros x 20 % = 1 000 euros ;

- 10 000 euros x 15 % = 1 500 euros ;

- 10 % du surplus de 321 837,50 par rapport à 15 000 euros, soit :

306 837,50 euros, x 10 % = 30 683,75 euros, d'où au total la somme de 33 183,75 euros ;

Considérant en définitive que le prix d'acquisition des lots 132 à 141 doit être fixé à la somme de : 321 837,50 + 33 183,75 euros = 355 021,25 euros arrondis à 355 021 euros ;

Considérant en définitive que le jugement entrepris doit être confirmé sauf sur le montant du prix;

Considérant que la Ville de Paris doit être condamnée à payer la somme de 3 000 euros à la SCI La Mornière pour compenser les frais irrépétibles que cette dernière a exposés en cause d'appel ;

Considérant que la Ville de Paris doit être condamnée à supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

- confirme le jugement du 10 mars 2016 du juge de l'expropriation de Paris sauf sur le montant du prix d'acquisition des lots 132 à 141 de l'immeuble en cause ;

- statuant à nouveau, fixe ce prix à la somme de 355 021 euros ;

- y ajoutant :

- condamne la Ville de Paris à payer la somme de 3 000 euros à la SCI La Mornière pour compenser les frais irrépétibles que cette dernière a exposés en cause d'appel;

- condamne la Ville de Paris à supporter les dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/10653
Date de la décision : 15/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°16/10653 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-15;16.10653 ?
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