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14/06/2017 | FRANCE | N°14/09778

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 14 juin 2017, 14/09778


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 14 Juin 2017



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09778



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/04450





APPELANT

Monsieur [J] [H]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (75)

[Adresse 1]

[Localité 2]

reprÃ

©senté par Me Francis MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0466





INTIMEE

Société OGF

N° SIREN : 542 076 799

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 Juin 2017

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09778

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/04450

APPELANT

Monsieur [J] [H]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (75)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Francis MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0466

INTIMEE

Société OGF

N° SIREN : 542 076 799

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619 substitué par Me Sylvain LEGRAND, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Président de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2017

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [J] [H], né en 1955, a été engagé selon un contrat de travail à durée indéterminée le 1er avril 1980 en qualité d'assistant funéraire stagiaire par la société PFG. Titularisé dans son poste le 1er juillet 1981, il a été promu conseiller funéraire par avenant du 6 novembre 1996.

En dernier lieu, Monsieur [H] occupait les fonctions de conseiller funéraire échelon III dans une agence de Genevilliers, suite à la reprise de son contrat de travail par la société OGF qui emploie plus de 5.000 salariés et applique la convention collective des pompes funèbres.

La rémunération de Monsieur [H], telle que résultant de l'avenant de 1996, était composée d'un salaire fixe mensuel versé sur 13 mois de 11.161,54 Francs en 1996 et de 2.157,70 € en dernier lieu, de diverses indemnités, d' une prime mensuelle temporaire de qualification ainsi que d'une part variable définie en fonction de la vente des articles funéraires et des contrats obsèques souscrits outre un intéressement aux résultats annuels de l'agence.

En 2001, un accord collectif relatif à la rémunération variable des commerciaux et de l'encadrement opérationnel a été conclu au sein du groupe et a été appliqué aux salariés embauchés postérieurement à la signature de l'accord.

Un premier avenant, visant à modifier les modalités de sa rémunération variable, a été proposé en septembre 2007 à Monsieur [H] qui l'a refusé.

En 2009, un nouvel accord d'unification sur la rémunération des cadres et ETAM commerciaux, modifié par avenant du 24 mars 2011, a été conclu au sein du groupe.

Un nouvel avenant, destiné à soumettre la rémunération variable de Monsieur [H] à cet accord, lui a été proposé le 18 juillet 2011, avenant également refusé par lui.

Au début de l'année 2012, la société a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi au motif d'une réorganisation du groupe dans le but de sauvegarder sa compétitivité, comportant 3 axes : 

- des suppressions de postes de collaborateurs de la force de vente Prévoyance Funéraire,

- des suppressions de postes de directeur opérationnel,

- un projet d'harmonisation des rémunérations variables des collaborateurs entrant dans le champ d'application de l'accord mais disposant d'une rémunération variable contractuellement définie, impliquant une modification pour motif économique du contrat de travail.

Par lettre du 7 mars 2012, la société OGF a proposé à Monsieur [H] la modification de son contrat de travail pour motif économique, entraînant notamment la soumission de sa rémunération aux conditions suivantes :

- salaire fixe de 2.188,66 €, avec intégration de la prime temporaire de qualification à son salaire

- rémunération variable de 0 à 30% de la rémunération annuelle fixe en fonction de l'atteinte d'objectifs annuels selon les modalités définies par les accords d'entreprise.

Après avoir demandé des précisions par lettre du 20 mars 2012, Monsieur [H] a refusé le 7 avril 2012 la modification de son contrat qui entraînait selon lui une baisse de sa rémunération de l'ordre de 300 à 500 € par mois.

Monsieur [H] a été convoqué le 17 avril 2012 à un entretien fixé au 14 mai suivant au cours duquel il a refusé oralement cette modification.

La société OGF par lettre du 21 mai 2012 lui a adressé plusieurs postes de reclassement sur des emplois identiques au sien mais dont les variables de rémunération étaient fixées par les nouveaux accords du groupe.

Monsieur [H] a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2012 le dispensant de l'exécution de son préavis de 4 mois et lui offrant la possibilité de bénéficier du congé de reclassement prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi.

Il a fait valoir son droit au congé de reclassement par courrier du 14 juin 2012.

Monsieur [H] a saisi le conseil des prud'hommes de [H] le 11 avril 2013 principalement d'une contestation de son licenciement pour motif économique, des indemnités afférentes et d'une demande de rappels de primes d'intéressement non versées sur préavis.

Par jugement du 21 mars 2014, le conseil des prud'hommes de [H] a débouté Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes, a débouté la société OGF de sa demande reconventionnelle et a condamné Monsieur [H] aux dépens.

Par lettre recommandée adressée le 8 septembre 2014, Monsieur [H] a relevé appel de la décision qui lui avait été notifiée le 3 septembre.

Il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de ses demandes, de l'infirmer pour le surplus, de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause économique et est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société OGF à lui payer les sommes suivantes :

- 144.045 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.594,79 € à titre de rappel de primes d'intéressement non versées sur la période de préavis,

- 359,47 € à titre de congés payés afférents au rappel de prime sur la période de préavis,

- 37.032,29 € au titre de la renonciation unilatérale illégale à la clause de non concurrence,

- 3.703,29 € au titre des congés payés afférents à la renonciation unilatérale illégale à la clause de non concurrence,

- 4.001,25 € à titre de rappel d'un mois d'indemnité de préavis sur le fondement de l'article 222-10 de la convention collective applicable,

- 400,12 € au titre des congés payés afférents au rappel d'indemnité de préavis,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société OGF demande à la cour de :

* dire que les motifs économiques de licenciement figurant dans la lettre de licenciement adressée à Monsieur [H] sont parfaitement établis et sont réels et sérieux, que Monsieur [H] ne pouvait prétendre au versement de la prime d'intéressement individuel pour les mois d'août et de septembre 2012, ayant déjà perçu cette prime pour les mois de juin et juillet 2012 et, à titre infiniment subsidiaire, qu'il ne saurait prétendre à une somme supérieure à 500 € à ce titre,

* relever que la faculté de lever la clause de non-concurrence est expressément prévue par la convention collective et que la clause de non-concurrence de Monsieur [H] a été levée par la société OGF dans la lettre de licenciement et dire que dans ces conditions, Monsieur [H] n'est pas en droit de réclamer le versement de la contrepartie pécuniaire,

* en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes et y ajoutant, condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

***

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée à Monsieur [H] le 8 juin 2012 est rédigée en ces termes :

« Nous faisons suite, par la présente, à nos précédents courriers s'inscrivant dans le cadre de la procédure de reclassement engagée à votre égard.

En effet, les 23 février et 1er mars 2012, le Comité d'Entreprise OGFSA était informé et consulté sur le projet de réorganisation du groupe, impliquant notamment une harmonisation des modes de rémunération des variables des commerciaux et de l'encadrement opérationnel entrant dans le périmètre de l'accord sur les rémunérations variables mais disposant de modalités de calcul de variable spécifiques.

Cette réorganisation résulte du fait que le Groupe OGF, qui intervient dans un secteur d'activité très concurrentiel, est actuellement confronté aux problématiques suivantes : la position du groupe OGF est aujourd'hui fragile sur le marché des services funéraires, sa part de marché dans les services funéraires continuant de reculer sur son périmètre historique, hors acquisitions, passant de 27,11 % en 2000 à 21,83% au 31 décembre 2011.

Dans ce contexte difficile en termes d'activités, le groupe OGF doit continuer à investir de manière importante afin de conserver ses positions sur son marché et ainsi pérenniser son activité et les emplois qui en découlent. Ainsi, afin de maintenir sa couverture nationale, le Groupe OGF poursuit d'une part une politique d'investissements internes importante consistant à investir dans ses usines de fabrication de cercueils, que le Groupe OGF a choisi de maintenir en France, dans la rénovation de ses agences, maisons funéraires et corbillards, dans la mise en place de nouveaux outils informatiques, de campagnes publicitaires.... Et d'autre part, des opérations de croissance externe au moyen d'acquisition de sociétés concurrentes, ces différentes actions nécessitant des investissements importants.

Néanmoins, la capacité d'investissements du groupe OGF est menacée par une croissance élevée des charges due à l'augmentation de coûts internes et aux évolutions structurelles du marché des services funéraires.

En effet, l'évolution des prix de vente du Groupe OGF n'est pas suffisante pour contenir l'augmentation des charges d'exploitation (charges immobilières, coûts informatiques, coûts marketing; coûts carburant et entretien de véhicules) en raison d'éléments structurels à savoir notamment le développement de la crémation et son impact négatif sur le prix de vente moyen, des nouvelles attitudes des consommateurs qui utilisent de nouveaux canaux de distribution (internet...) et de la structuration de la concurrence.

Par conséquent, le Groupe OGF doit préserver sa capacité d'investissement afin de maintenir sa position au sein des services funéraires et donc maintenir les emplois, ce qui nécessite que le groupe doive se réorganiser afin de sauvegarder sa compétitivité.

La direction a ainsi décidé d'initier un projet emportant une réorganisation de l'activité de vente de contrats de prévoyance funéraire; une harmonisation des modalités de rémunération variable des commerciaux et de l'encadrement opérationnel entrant dans le champ d'application de l'accord sur les rémunérations variables ainsi qu'une fusion des secteurs opérationnels de [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 6].

Il a ainsi été décidé d'harmoniser les rémunérations variables des commerciaux Pompes funèbres et de l'encadrement opérationnel.

En effet, suite à la fusion des sociétés régionales, les modalités de calcul de la rémunération variable des collaborateurs des commerciaux et de l'encadrement opérationnel de la Société OGF étaient régies par les dispositions des contrats de travail des collaborateurs concernés.

Ces modalités de calcul étaient disparates.

Une démarche d'homogénéisation des règles de calcul de la rémunération variable pour les commerciaux et l'encadrement opérationnel de la Société OGF avait donc été mise en place, la conclusion d'un accord à durée indéterminée le 21 juin 2001 définissant des règles communes de la rémunération variable pour les commerciaux et l'encadrement opérationnel de la Société OGF étant la première étape.

Certains collaborateurs ont néanmoins fait le choix individuel de refuser cette harmonisation et ont alors préféré conserver leur mode de rémunération variable contractuellement défini.

Deux catégories de collaborateurs ont depuis coexisté :

- Les collaborateurs dont la rémunération variable est régie parles dispositions de l'accord du 21 juin 2001 et ses avenants ultérieurs;

- Les collaborateurs entrant dans le champ d'application de l'accord du 21 juin 2001 et de ses avenants ultérieurs mais dont la rémunération variable demeure régie par des dispositions contractuelles spécifiques.

Or, ces modalités différentes de calcul de la rémunération variable posent de nombreuses difficultés.

Tout d'abord sur plan pratique, alors que le calcul de la rémunération variable des salariés régis par l'accord collectif est réalisé automatiquement par le biais d'un logiciel développé spécifiquement à cet effet (dénommé LOGIC, Logiciel de gestion de l'intéressement des commerciaux), le calcul de la rémunération variable des commerciaux dont la rémunération n'est pas régie par l'accord est effectué manuellement, au cas par cas, en fonction des dispositions contractuelles individuelles.

Ces opérations de calcul sont à la fois source d'insécurité juridique et de difficultés pratiques.

En outre, la principale difficulté réside dans la fixation d'objectifs différents entre les commerciaux dont la rémunération variable est définie contractuellement et les commerciaux dont les objectifs sont définis dans l'accord sur la rémunération variable des commerciaux et de l'encadrement opérationnel dans la mesure où ces derniers correspondent aux objectifs que se fixe l'entreprise pour assurer son développement et sa pérennité.

En effet, la politique d'animation commerciale des commerciaux de l'entreprise ainsi que les actions de formation mises en place par l'entreprise afin de permettre aux collaborateurs de développer leurs compétences et expertises commerciales ont pour finalité l'atteinte des objectifs de l'entreprise, déclinés au sein de l'accord d'entreprise.

Or, les collaborateurs commerciaux dont la rémunération variable est définie contractuellement étant intéressés sur des critères différents, ou sur les mêmes critères mais dans des conditions différentes, ne s'inscrivent pas nécessairement dans la même dynamique commerciale que celle de l'entreprise.

Compte tenu du contexte économique global auquel l'entreprise doit faire face, l'entreprise doit nécessairement harmoniser les modalités de calcul de la rémunération variable des commerciaux et de l'encadrement opérationnel afin que les objectifs de l'entreprise soient partagés par tous dans une dynamique de sauvegarde de sa compétitivité.

Aussi dans un premier temps une proposition de modification de votre contrat de travail pour motif économique, au sens de l'article L. 1222-6 du Code du travail vous a été adressée par courriel du 7 mars 2012.

Cette proposition de modification de votre contrat de travail emportait renonciation de votre part au calcul contractuel de votre rémunération variable et application des dispositions de l'accord sur les rémunérations variables afin de mettre votre contrat de travail en conformité et de l'harmoniser avec le modèle correspondant à votre catégorie.

Vous avez expressément refusé par courrier du 7 avril 2012 cette proposition de modification de votre contrat de travail pour motif économique durant le délai de réflexion d'un mois.

Compte tenu de ce refus, nous vous avons informé par courrier du 17 avril 2012 que nous nous engagions immédiatement dans une procédure de reclassement à votre égard en interne au sein du groupe OGF.

(...)

En l'absence de réponse de votre part à l'issue du délai de réflexion, nous avons pris note de votre refus des propositions de reclassement.

Dans la mesure où cette réorganisation a été mise en 'uvre pour sauvegarder la compétitivité de la Société OGF SA et du groupe OGF. en l'absence d'autres possibilités de reclassement au sein du groupe OGF, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour motif économique.

Vous cesserez de faire partie du personnel de l'entreprise à l'expiration d'un délai de préavis de 4 mois qui débutera à la date de première présentation de cette lettre, que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera rémunéré.

En outre, nous vous informons que nous avons décidé de lever l'interdiction de non concurrence qui était prévue dans votre contrat de travail. Par conséquent, la Société OGF est également libérée de son obligation de versement de l'indemnité de non concurrence ».

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement. Si le juge prud'homal ne peut arbitrer entre les différentes possibilités de réorganisation d'une entreprise, il doit vérifier le caractère réel et sérieux du motif invoqué et s'assurer que les mesures de réorganisation invoquées ont été décidées dans un but exclusif d'assurer la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité.

En l'espèce, la lecture de la lettre de rupture démontre que le licenciement de Monsieur [H] est fondé à la fois sur des difficultés économiques et sur une sauvegarde de la compétitivité du groupe.

Tant dans ses observations à l'audience que dans ses écritures auxquelles elle s'est référée oralement, la société OGF invoque seulement la nécessaire sauvegarde de sa compétitivité, étant relevé en outre que la réalité de l'existence de difficultés économiques n'est pas démontrée par les pièces produites : aucun bilan de la société ou du groupe dûment certifié pour les exercices concomitants au licenciement (2011 ou 2012) n'est versé aux débats ; la note économique présentée au comité d'entreprise du 1er mars 2012 révèle seulement une baisse des parts de marché de l'ordre de moins de 6% en 10 années et une politique d'investissements internes importante menée depuis trois années dans le contexte d'une concurrence accrue, sans que ne soient évoquées des difficultés économiques au sens du texte susvisé.

S'agissant de la sauvegarde de la compétitivité, si la société OGF invoque la nécessité de préserver sa capacité d'investissements face à un marché hautement concurrentiel, force est de constater qu'elle ne démontre pas en quoi l'harmonisation des modalités de rémunération constituait une réorganisation impérative à la préservation de sa compétitivité.

Il ressort en effet à la fois de ses propres écritures et des pièces produites que seuls 48 salariés sur près de 5.700 employés de la société étaient concernés pour avoir été embauchés avant le premier accord uniformisant les salaires de 2001et qu'en définitive, à l'issue des propositions de modification des contrats, seule subsistait la situation de 8 salariés dont celle de Monsieur [H].

Or, d'une part, outre que la société procède par voie d'affirmation en indiquant que la mise en place d'un logiciel de gestion de l'intéressement des commerciaux imposait un calcul manuel de la rémunération variable des salariés n'entrant pas dans le champ d'application des accords collectifs, il ne saurait être retenu que les difficultés pratiques en résultant (calcul manuel pour huit salariés sur plus de 5.600) constituaient une menace pour la sauvegarde de la compétitivité d'un groupe qui, au 31 mars 2012, avait un résultat net de 38.480.600 € en progression de 6,89% au regard de celui enregistré au 31 mars 2011, au vu d'un extrait internet produit par Monsieur [H].

D'autre part, s'il est soutenu que les objectifs fixés ne s'inscrivaient pas dans la même dynamique que pour les autres commerciaux, aucune des pièces produites ne permet à la cour de retenir que cette difficulté était réelle : ni les objectifs de Monsieur [H] ou de ses huit collègues, ni ceux des autres commerciaux ne sont justifiés ni même précisés.

Par ailleurs, Madame [E], responsable des ressources humaines, atteste que la société était soucieuse de conserver Monsieur [H] dans ses effectifs car il 'maîtrisait parfaitement son activité sur la zone de Genevilliers', cette appréciation tendant à démonter l'adéquation des objectifs qui lui étaient fixés avec la politique commerciale de son employeur.

Par ailleurs, l'insécurité juridique alléguée, au regard d'un éventuel contentieux de masse reposant sur une hypothétique inégalité de traitement pouvant être invoquée par les autres salariés ne peut pas plus être retenue comme caractérisant une menace pour la compétitivité de l'entreprise : la cour observe en effet que la situation invoquée existait depuis plus de 10 ans (date du premier accord sur l'harmonisation des salaires) et qu'il n'est justifié d'aucune procédure judiciaire engagée ni même de discussion ou difficulté évoquées à ce sujet au sein des institutions représentatives du personnel.

Enfin, il sera ajouté que l'employeur avait déjà à plusieurs reprises souhaité harmoniser la rémunération de Monsieur [H] sur celles des autres commerciaux, notamment en 2007 puis en 2011, sans qu'à l'occasion des propositions d'avenant modificatif, aucun motif économique n'ait alors sous-tendu ces offres.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera considéré que l'existence d'un motif économique n'est pas démontrée, le licenciement de Monsieur [H] étant dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Monsieur [H], né en 1955, bénéficiait à la date de la rupture d'une ancienneté de 32 ans et deux mois et percevait une rémunération brute mensuelle de 4.001,25 €.

A la suite de son licenciement, Monsieur [H] a bénéficié de 4 mois de préavis, outre de l'indemnité de licenciement de 42.520 € puis d'un congé de reclassement durant 6 mois (percevant, au vu des mesures prévues par le plan de sauvegarde versé aux débats, 70% de sa rémunération durant les deux premiers mois puis 65% de celle-ci).

A l'issue, il a été pris en charge par Pôle Emploi percevant l'allocation de retour à l'emploi d'un montant de 2.033 €.

Il a retrouvé un emploi similaire le 15 juin 2015, moyennant un salaire brut de 2.700 € par mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [H], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 48.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Monsieur [H] sollicite le paiement de la somme de 3.594,79 € correspondant aux primes d'intéressement non perçues durant la période de préavis, précisant que les sommes réglées à ce titre en juin et juillet 2012 correspondaient aux droits acquis pour la période antérieure.

S'agissant de sommes calculées en fonction des résultats collectifs et individuels, dont le montant doit être inclus dans l'indemnité compensatrice de préavis, même si le salarié est dispensé de son exécution, leur paiement est, comme le soutient le salarié, nécessairement différé. Faute pour la société OGF de justifier que les sommes versées en mai et juin ne correspondaient pas à la période antérieure et de produire des éléments de nature à démontrer le caractère erroné des modalités de calcul exposées par le salarié au soutien de sa demande, fondée sur la moyenne des sommes perçues à ce titre entre juin 2011 et mai 2012, la société OGF sera condamnée à payer à Monsieur [H] la somme de 3.594,79 € bruts à ce titre outre celle de 359,47 € bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes au titre de la clause de non-concurrence

Aux termes de l'avenant établi le 6 novembre 1996, il était stipulé qu'en cas de rupture du contrat, il était interdit au salarié d'exercer toutes opérations de pompes funèbres, transports funéraires, marbrerie, vente des articles funéraires, vente de cercueils, services thanatologiques, prévoyance funéraire, pour son compte personnel ou pour le compte de tiers, pendant une durée de deux ans, sur les départements de Paris, Hauts-de Seine, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Val d'Oise, Yvelines, Essonne et Seine-et-Marne ainsi que sur les départements limitrophes.

L'avenant ne prévoyait pas de possibilité de mainlevée de cette obligation.

La faculté de renonciation unilatérale de l'employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence ne résultant ni des dispositions contractuelles, ni de la convention collective, y compris dans sa version issue de l'avenant du 23 juin 2004, c'est à bon droit que Monsieur [H], qui n'a pas donné son accord à la mainlevée de la clause qu'il a respectée puisqu'il est resté sans emploi jusqu'en juin 2015, sollicite le paiement de la contrepartie financière d'un montant minimal égal à celui prévu par la convention collective, selon les termes de l'avenant, soit aux termes des dispositions combinées des articles 223-3 et 223-2 de la convention collective, le montant de l'indemnité de licenciement pour un agent de même catégorie ayant 20 ans d'ancienneté, montant plafonné à 9 mois de salaire, soit la somme de 36.011,25 € bruts outre celle de 3.601,12 € bruts au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, aux termes de l'article 222-10 de la convention collective, le personnel astreint à respecter une clause de non-concurrence bénéficie d'un mois supplémentaire de préavis.

La société OGF sera en conséquence condamnée à payer à Monsieur [H] la somme de 4.001,25 € bruts à ce titre outre celle de 400,12 € bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les autres demandes

La société OGF, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [H] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société OGF à payer à Monsieur [H] les sommes suivantes :

- 48.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.594,79 € bruts à titre de rappel de primes d'intéressement dues pendant le préavis outre 359,47 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 36.011,25 € bruts au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence outre 3.601,12 € au titre des congés payés afférents,

- 4.001,25 € bruts au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis outre 400,12 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société OGF aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/09778
Date de la décision : 14/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/09778 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-14;14.09778 ?
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