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13/06/2017 | FRANCE | N°17/00720

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 13 juin 2017, 17/00720


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 Juin 2017



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/00720



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/02423





APPELANT

Monsieur [O] [F] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2]

comp

arant en personne,

assisté de Me Isabelle QUENET CHABRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0149





INTIMEE

SAS SAFRAN AIRCRAFT ENGINES anciennement SNECMA SA

[Adresse 2]

[Localité 3]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 Juin 2017

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/00720

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/02423

APPELANT

Monsieur [O] [F] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Isabelle QUENET CHABRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0149

INTIMEE

SAS SAFRAN AIRCRAFT ENGINES anciennement SNECMA SA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence MERCADE CHOQUET, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 220

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur [O] [F] [C] a été engagé à compter du 25 avril 1984 par la société SNECMA, devenue la société SAFRAN AIRCRAFT ENGINES, en qualité de responsable Unité Documentation Technique, qualification cadre, position II.

L'intéressé a demandé une mutation sur le centre de [Localité 4] suite à des problèmes de santé et a été affecté dans ce centre à compter du 1er mars 1989, puis à compter du 1er novembre 1992, à l'établissement de [Localité 5]. Du fait de l'aggravation des ses problèmes de santé, Monsieur [C] a été arrêté en maladie en 1989 pendant près de 3 mois, puis de façon continue de mars 1990 à octobre 1992. Le 9 décembre 1991, le médecin du travail a déclaré qu'il était inapte à son poste « compte tenu des déplacements qu'impose impérativement ce poste ». La Médecine du travail, après l'avoir déclaré inapte à son poste le 7 octobre 1992, l'a examiné de nouveau le 29 octobre 1992 et, bien qu'ayant constaté que son état de santé demeurait inchangé, l'a autorisé à reprendre son poste compte tenu des aménagements proposés par l'employeur permettant d'éviter une position debout prolongée et de supprimer les déplacements tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement. Le médecin indiquait toutefois que la question des trajets domicile/lieu de travail n'était pas résolue et qu'en l'état, l'intéressé ne pouvait se rendre sur son lieu de travail, ce qui compromettait la reprise de son poste. L'employeur proposait alors à l'intéressé un poste de Coordination de la Documentation au sein de la Direction de l'Après-Vente Civile pour tenir compte des préconisations de la médecine du travail avec une rémunération et un positionnement inchangés et, suivant un avenant de mutation en date du 4 novembre 1992, Monsieur [C] était muté avec effet au 1er novembre 1992 au nouveau centre de la Direction de l'Après-Vente Civile sur le site de [Localité 5] (77).

Monsieur [C] a ensuite accepté un poste à mi-temps à domicile de mai 1993 à juin 1994, puis a de nouveau été employé à temps plein. Il s'est vu reconnaître le 14 juin 1994 le statut de travailleur handicapé parl a COTOREP pour une durée de 5 ans qui a été reconduit tous les cinq ans jusqu'à sa mise à la retraite.

A compter du 1er juillet 1994, le salarié a repris un poste de télétravail à plein temps à son domicile.

Le 1er avril 1999, l'établissement SNECMA de [Localité 5] est devenu un établissement de la société SNECMA SERVICES, filiale à 100% de la société SNECMA et le contrat de travail de Monsieur [C] a été transféré à cette même date à la société SNECMA SERVICES.

L'intéressé, qui est né le [Date naissance 1] 1947, a été mis à la retraite à l'âge de 62 ans par lettre du 30 avril 2008 libellée de la manière suivante :

"A la date du 1er janvier 2009 vous remplirez les conditions posées par l'article L 1237-5 du code du travail et la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie.

Aussi, en application de l'article 36 de la convention d'entreprise Snecma Services, nous vous informons de notre décision de vous mettre à la retraite le 30 avril 2009 et l'issue de votre préavis qui débutera le 1er novembre 2008.

A cette date, vous ne ferez plus partie de nos effectifs et nous vous ferons parvenir votre certificat de travail, votre solde de tout compte, ainsi que toutes autres sommes vous restant dues."

La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la Métallurgie.

Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 18 février 2010 de diverses demandes liées à la relation de travail et à sa mise à la retraite. Les premiers juges dénombraient en dernier lieu soixante chefs de demande.

Par jugement du 15 janvier 2013, le Conseil de prud'hommes de PARIS a débouté Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, lui a ordonné de remettre à la SNECMA le matériel informatique en sa possession et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [C] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 20 mars 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [C] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société SAFRAN AIRCRAFT ENGINES au paiement de :

- 6936,43 euros à titre de rappel de salaire ainsi que 693,64 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,

- En raison d'une discrimination : 785.883 euros au titre des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice financier, 800.000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de carrière, et 160.661 euros au titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral.

- En raison d'un harcèlement moral, 299.317 euros en réparation de préjudices résultant de l'atteinte à la dignité, de l'altération de l'état de santé et de l'atteinte à à l'avenir professionnel et 299317 euros à titre subsidiaire,

- En raison de la mise à la retraite d'office emportant requalification en licenciement nul :

A titre principal sur la base d'un salaire mensuel moyen de 6451,85 euros :

- 70841,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 38711,10 euros d'indemnité de préavis,

- 3871,11 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 428.478 euros au titre des dommage et intérêts pour nullité du licenciement.

- 421.057 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la nullité du licenciement.

A titre subsidiaire sur la base d'un salaire mensuel moyen de 3670,69 euros :

- 40304,18 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22024,14 euros d'indemnité de préavis,

- 2202,41 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 169166 euros au titre des dommages6intérêts pour nullité du licenciement

- 421.057 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la nullité du licenciement.

A titre infiniment subsidiaire, Monsieur [C] demande la désignation d'un expert pour chiffrer les préjudices aux frais avancés par la société.

L'intéressé demande également de condamner la société au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 20 mars 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société SAFRAN AIRCRAFT ENGINES demande de confirmer le jugement et de condamner Monsieur [C] au paiement de 15000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur l'existence d'une discrimination

Monsieur [C] soutient qu'il a été victime d'une discrimination en raison de l'état de santé du salarié et de son handicap. Il fait valoir que, suite à ses problèmes de santé, sa carrière et son salaire vont cesser d'évoluer. Il expose que son coefficient n'a plus évolué à compter de 2002 et qu'il a été mis à l'écart à son retour d'arrêt maladie en septembre 1992.

S'agissant du positionnement de l'intéressé, il résulte de l''article 22 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 précise que la situation relative des différentes positions, compte tenu éventuellement pour certaines d'entre elles de l'âge ou de l'ancienneté, est déterminée comme suit :

Position II : 100.

Après 3 ans en position II dans l'entreprise : 108.

Après une nouvelle période de 3 ans : 114.

Après une nouvelle période de 3 ans : 120.

Après une nouvelle période de 3 ans : 125.

Après une nouvelle période de 3 ans : 130.

Après une nouvelle période de 3 ans : 135.

Ainsi, au vu des éléments versés au débat, il y a lieu de relever que la durée théorique de progression des indices hiérarchiques tels que décrits à l'article susvisée de la Convention collective applicable, pour la position II, de l'indice 100 à 135 est de 18 ans. Or, la progression de carrière a bien été de 18 ans pour l'intéressé, ce qui en l'espèce n'induit aucun retard de carrière.

Le salarié conteste par ailleurs l'absence de passage à la position III, Monsieur [C] ayant été embauché en position II.

A cet égard, l'article 21 de la convention collective applicable précise que les ingénieurs et cadres confirmés, soit par leur période probatoire en position I, soit par promotion pour les non diplômés, sont classés dans la position II et la position III. Toutefois, considérant que l'article 21 de la convention collective décrit la position repère III A comme : « Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles est mise en 'uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.

Ses activités sont généralement définies par un chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d'entreprise lui-même.

Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses attributions ». Il en ressort, au vu des éléments versés au débat, que ni les fonctions, ni les activités, ni la place dans la hiérarchie de Monsieur [C] ne justifiaient l'accès à la position III qui n'est pas automatique.

Par ailleurs, l'article 13 b) de l'accord collectif d'entreprise du 30 mai 1997 dispose que : " Tout salarié de l'entreprise a droit à un déroulement de carrière correspondant à ses qualités personnelles et à ses compétences professionnelles mises en oeuvre ; celles-ci constituent les critères principaux déterminants les décisions d'augmentations individuelles ou de promotion.

Une promotion à une classification supérieure doit correspondre :

- soit à une affectation concluante sur un emploi disponible plus qualifié,

- soit à une évolution notable du niveau de qualification exigé et mis en 'uvre dans l'emploi exercé ".

Contrairement à ce qu'allègue le salarié, aucune promotion à une classification supérieure n'était automatique dans l'entreprise. Ainsi, l'absence de passage au repère III ne fait pas présumer l'existence d'une discrimination.

Par ailleurs, afin de démontrer une discrimination, l'intéressé fait valoir que les augmentations de ses appointements sont inférieures aux augmentations du minimum conventionnel dans l'entreprise.

Monsieur [C] expose ses demandes sur la base de l'article 23 de la convention collective applicable qui fixe les appointements minima garantis correspondant à un horaire de travail hebdomadaire de 39 heures. Cependant, l'intéressé était rémunéré sur la base de 38 heures par semaine et l'intéressé n'a pas été lésé à cet égard compte tenu de son horaire.

S'agissant de la période postérieure à l'année 2000 marquant l'apparition des systèmes de forfait en heures sur l'année, Monsieur [C] se réfère au barême pour un forfait en heures sur l'année de plus de 1760 heures et de 1920 heures au plus, alors qu'il était soumis à un forfait allant de 1600 heures à 1760 heures au plus, travaillant 38 heures par semaine, correspondant à une durée du travail annuelle de 1710 heures, soit 45 semaines travaillées. A cet égard, l'indication différente mentionnée par erreur dans l'attestation employeur destinée à pôle emploi ne remet pas en cause la durée de travail à laquelle était soumise l'intéressé.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le salarié, les passages de l'intéressé au coefficient supérieur se sont toujours accompagnés d'une augmentation des appointements et c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que sur la période travaillée, le salaire mensuel perçu par l'intéressé était d'un montant supérieur aux appointements minima conventionnels.

Par ailleurs, les augmentations des minima conventionnels par avenant à la convention collective ou par accord collectif ne s'appliquent pas au salarié dont la rémunération réelle est déjà supérieure à ces minima. Dès lors, ce dernier n'a pas de droit acquis au maintien de la proportion existant en sa faveur entre le salaire minimum conventionnel et celui qui lui est contractuellement dû.

L'augmentation des salaires prévue par la convention collective s'applique aux salaires dont le montant est supérieur aux minima conventionnels si la convention prévoit que l'augmentation concerne les salaires réels et les augmentations individuelles n'ont pas de caractère automatique et sont décidées en fonction des qualités et du comportement professionnel des salariés.

En l'espèce, les pièces du dossier établissent que Monsieur [C] a bénéficié pour la plupart des années d'exercice, d'un niveau de rémunération élevé par rapport à son coefficient personnel. Son salaire mensuel a progressé de 16 % entre 1984 à 1994, passant de 13195 Fr. à 15302 Fr., de 10 % entre 1994 et 2004 passant de 15 302 Fr. à 2503,98 euros (soit 16 418 Fr), de 20 % entre 2004 et 2009 passant de 2503,98 euros à 3165,62 euros (20 761 Fr).

Il ressort de ces éléments que la rémunération de l'intéressé n'a pas connu de stagnation révélant une discrimination.

Enfin, l'intéressé n'ayant aucun droit contractuel ou conventionnel à passer dans une position supérieure, l'absence de passage à la position III ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail. Le comportement de l'employeur envers monsieur [C] n'a pas privé ce dernier de la possibilité de voir évoluer sa carrière conformément aux dispositions en vigueur dans l'entreprise.

S'agissant de la situation de l'intéressé par rapport aux rémunérations internes comparables au sein de l'entreprise et à la rémunération d'autres salariés de la société, le principe d'égalité de rémunération s'applique dans la mesure où les salariés sont placés dans une situation identique.

En l'espèce, Monsieur [C] compare l'évolution de sa rémunération avec celle d'autres cadres ayant la même position au même âge que lui. Il verse à cet effet des tableaux de courbes de rémunérations des cadres de la société SNECMA en fonction de l'âge pour chaque niveau de poste.

Pour autant, ces documents ne démontrent pas une inégalité de traitement dont l'intéressé aurait été victime. En effet, les courbes au support de la comparaison ne concernent que quatre années sur vingt-quatre années d'exercice et il n'est pas justifié de la similarité des conditions tenant aux diplômes et celles des qualifications des salariés objet de sa comparaison.

Monsieur [C] indique aussi qu'il n'a suivi aucune formation professionnelle à compter de son retour de maladie en septembre 1992 mais, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'intéressé ne démontre ni une demande de formation de sa part, ni un refus de l'employeur, ni l'existence d'un préjudice. De plus, en l'espèce l'absence de formation ne saurait constituer l'indice d'une discrimination.

S'agissant de la discrimination invoquée qui aurait eu lieu au retour du congé maladie, force est de constater que l'employeur a toujours veillé à proposer au salarié un poste compatible avec les préconisations de la médecine du travail et correspondant du mieux possible aux capacités et aux souhaits de l'intéressé. A cet égard, à partir du 1er janvier 1999, Monsieur [C] est devenu télé-travailleur à temps plein. A ce titre, l'intéressé soutient que le télétravail lui aurait été en réalité imposé alors qu'il ressort d'une lettre du 20 octobre 1992 écrite par le président de l'association DEDALE à la société, que Monsieur [C] souhaitait qu'une organisation d'un travail à domicile soit mise place permettant ainsi une solution efficace aux difficultés de réinsertion et ce afin d'éviter une dégradation de son état de santé. C'est ainsi que Monsieur [C] a bénéficié de cette mesure exceptionnelle et a pu ainsi conserver son emploi au sein de la société tout en percevant sa rémunération jusqu'à sa mise à la retraite.

Il est par ailleurs observé que l'avis médical établi avec des réserves tenant à l'impossibilité de se tenir debout ou de se déplacer dans l'établissement, modifiait nécessairement l'essence même du poste précédemment occupé par Monsieur [C], le rendant de fait indisponible, de sorte que la société n'avait d'autres choix que de proposer au salarié un poste différent du précédent, correspondant aux restrictions signifiées par le médecin du travail et compatibles avec un travail à domicile. Il apparaît aussi que l'employeur a mis en oeuvre les préconisations du médecin du travail en veillant à assurer l'effectivité de son obligation de sécurité. Il sera ajouté que ni la position, ni la rémunération de Monsieur [C] n'ont été modifiées et, lors des déplacements rendus nécessaires pour son nouveau poste, un taxi dont les frais étaient avancés par la société était mis à la disposition l'intéressé, ainsi que le prévoient les termes du courrier de la société daté du 11 juillet 1994.

Enfin, il apparaît que monsieur [C] a systématiquement été déclaré apte à son poste de travail lorsqu'il était télé-travailleur. Le dernier avis d'aptitude est daté du 28 mai 2008.

Comme le soutient le salarié, il est effectivement établi que la société a mené une enquête interne afin d'évaluer le coût et la faisabilité de la mise en oeuvre d'un véhicule à conduite manuelle adapté aux problèmes de santé de Monsieur [C] à date du 30 octobre 1992, toutefois rien n'obligeait la société à mettre en oeuvre de tels dispositifs engendrant des charges disproportionnées si une solution alternative était envisageable. Il s'avère que la mise en place d'une proposition de télétravail, telle que souhaitée par le salarié, répondait à ces considérations d'adaptation du poste de travail.

Ainsi, au vu de l'ensemble des éléments versés au débat, l'intéressé ne présente pas d'indices sérieux laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte de quelque nature que ce soit. De plus, l'employeur démontre qu'il a au contraire largement pris en compte l'état de santé et la situation de handicap de l'intéressé en prenant des mesures adaptées pour lui permettre de rester au service de la société en conformité avec les préconisations de la médecine du travail et conformément aux voeux de l'intéressé. A cet égard, il est observé qu'aujourd'hui, Monsieur [C] s'estime 'discriminé' sur une très longue période, à tout le moins depuis 1986, soit pendant plus de vingt années. Or, les pièces versées au débat montrent qu'il n'a jamais invoqué une quelconque discrimination dont il aurait été victime de la part de son employeur et aucun élément ne permet d'établir qu'il a ressenti une telle discrimination pendant la relation de travail.

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de l'ensemble des demandes formulées sur le fondement de l'existence d'une discrimination.

Sur l'existence d'un harcèlement moral

A cet égard, au vu de l'ensemble des éléments versés au débat, le seul manquement sérieux qui apparaît établi consiste dans le défaut de paiement de l'indemnité de télé-travail qui était due au salarié. Il ressort effectivement de l'avenant de télé-travail produit au débat que le versement mensuel d'une indemnité forfaitaire était prévu comme suit : « Une indemnité forfaitaire, non imposable, de 500 Francs, vous sera attribuée mensuellement afin de prendre en compte les frais supplémentaire entraînés par votre activité professionnelle à domicile (électricité, eau, chauffage/climatisation, ménage). Cette indemnité sera révisée chaque année en fonction de l'évolution de l'indice INSEE ».

Or, à la lecture des bulletins de paie de 1999 à 2009 versés aux débats, cette indemnité de télétravail n'apparaît pas comme ayant été versée, contrairement à ce qui était contractuellement prévu entre les parties.

Conformément aux dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail qui précisent que les créances salariales se prescrivent par 5 ans, il résulte du calcul proposé par le salarié que la société, qui reconnaît son manquement, est débitrice d'une somme de 6.936,43 euros pour un rappel de salaire au titre de l'indemnité de télétravail non versée du 18 février 2005 au 30 avril 2009, s'agissant de la période non prescrite. En conséquence, la société sera condamnée au paiement de cette somme. Cependant, ce manquement apparaît cependant comme une simple omission ne caractérise pas en l'espèce un comportement harcelant de la part de l'employeur.

S'agissant de frais qui auraient été déboursés pour l'exécution de sa prestation de travail et n'auraient pas été remboursés dans la période de 1993 à 1998 ou de problèmes dans la prise de congés payés, l'intéressé ne produit aucun élément sérieux de nature à supposer l'existence d'un comportement harcelant de la part de l'employeur.

Par ailleurs, aucun élément ne permet d'établir que le transfert du contrat de travail s'est accompagné d'une suppression du travail et d'une mise à l'écart à compter du 1er avril 1999. Il est observé à cet égard qu'au vu des éléments versés au débat, aucune contestation concernant une prétendue absence de fourniture de travail n'a été portée auprès de l'employeur ou d'institutions telles que la médecine du travail, les organisations syndicales, les délégués du personnel, le CHSCT ou encore l'inspection du travail.

Enfin, le certificat médical du 22 mars 2016 que le salarié verse aux débats indiquant qu'en 2001, Monsieur [C] aurait eu une menace d'occlusion intestinale et qu'en 2003 il aurait eu un état de stress et de fatigue nerveuse, ne démontre pas que cette situation aurait eu pour origine des agissements constitutifs de harcèlement moral de l'employeur.

Ainsi, Monsieur [C] ne présente pas des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement de la part de l'employeur. Il est au contraire établi par les éléments versés par les parties que l'employeur a pris en compte l'état de santé et la situation de handicap pour prendre des mesures aussi adaptées que possible pour permettre à l'intéressé de rester au service de la société. Il est aussi observé que si, aujourd'hui, Monsieur [C] invoque une situation de harcèlement, les pièces versées au débat montrent qu'il n'a jamais invoqué un comportement de harcèlement dont il aurait été victime de la part de son employeur pendant l'exécution du contrat de travail et aucun élément ne permet d'établir qu'il a pu se sentir 'harcelé' pendant la relation de travail.

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de l'ensemble des demandes formulées sur le fondement de l'existence d'un harcèlement.

Sur la mise à la retraite

Monsieur [C] a été mis à la retraite à l'âge de 62 ans. Il indique qu'il aurait pu travailler jusqu'à 70 ans et que la société SNECMA Services l'a privé de 8 années d'exercice professionnel complémentaire. Selon lui, sa mise à la retraite s'apparente à un licenciement discriminatoire fondé sur son âge et doit être requalifée en licenciement nul.

A l'époque des faits, la loi du 21 août 2003, qui a fixé comme principe que la mise à la retraite d'office du salarié ne peut intervenir avant qu'il ait atteint l'âge d'obtention automatique d'une pension à taux plein, avait prévu une dérogation pouvant être mise en oeuvre par les partenaires sociaux. La mise à la retraite pouvait intervenir à partir de l'âge de 60 ans, dès lors qu'une convention ou un accord collectif conclu à cet effet, et étendu avant le 1er janvier 2008, prévoyait des contreparties en termes d'emploi et de formation professionnelle. La loi du 21 décembre 2006 a supprimé la possibilité de conclure de tels accords, et donc de déroger au principe de la mise à la retraite à partir de l'âge visé. Les accords conclus et étendus avant le 22 décembre 2006, prévoyant la possibilité d'une mise à la retraite d'office d'un salarié à un âge inférieur à celui fixé au 1° de l'article L 351-8 du CSS et déterminant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle, cessaient de produire leurs effets au 31 décembre 2009.

Le départ et la mise à la retraite du salarié sont régis par la convention collective applicable au moment du départ du salarié, qui s'entend de la notification de la rupture du contrat de travail.

Il ressort de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable dans sa version en vigueur du 3 mars 2006 au 21 juin 2010, en son article 31.2, modifié par avenant du 3 mars 2006 et étendu par arrêté du 6 juin 2006, que la mise à la retraite d'un salarié entre 60 et 65 ans ne constitue pas un licenciement lorsque cette mise à la retraite s'accompagne d'une des dispositions en faveur de l'emploi, notamment la conclusion par l'employeur d'un contrat d'apprentissage.

Par ailleurs, l'article 36 de la convention d'entreprise du 2 février 2000 versée au dossier et portant sur l'âge de la retraite, précise que "Si Snecma Services met fin au contrat d'un salarié à un âge compris entre 60 et 65 ans, la rupture du contrat de travail sera considérée comme un licenciement".

La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoyant la mise à la retraite avant 65 ans a fait l'objet d'une extension au mois de juin 2006, antérieure à la date limite du 22 décembre 2006, de sorte que cet accord continuait de produire ses effets jusqu'au 31 décembre 2009, la mise à la retraite du salarié avant 65 ans intervenue au 30 avril 2009 étant valable. Il ressort également des éléments du dossier et en particulier du livre d'entrée et de sortie du personnel que Monsieur [H] a été embauché en qualité d'apprenti du 2 septembre 2009 au 17 septembre 2010 en remplacement de Monsieur [C], mis à la retraite.

La société soutient par ailleurs qu'elle avait connaissance du fait que Monsieur [C] remplirait les conditions posées par l'article L 1237-5 du code du travail au 1er janvier 2009, ce qui était le cas en l'espèce.

Par courrier du 31 octobre 2008, le salarié a été informé de la décision de la société de procéder à sa mise à la retraite au 30 avril 2009, date de la rupture effective du contrat. Il en résulte que les conditions procédurales conventionnelles ont été respectées et qu'aucune fraude n'est établie.

En l'espèce, Monsieur [C] a perçu une indemnité correspondant à son indemnité de licenciement et non au montant de l'indemnité de retraite qui, au vu des dispositions conventionnelles correspondait à une indemnité de 4 mois de salaire.

Ainsi, au vu de l'ensemble des éléments versés au débat, l'employeur a bien respecté les exigences légales et conventionnelles alors applicables à la mise à retraite de l'intéressé et aucun manquement de l'employeur n'est établi à cet égard, ce qui conduit à débouter l'intéressé de sa demande tendant à faire produire à sa mise à la retraite les effets d'un licenciement nul et à rejeter ses demandes indemnitaires liées à la rupture de la relation de travail.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société SNECMA venant aux droits de la société SNECMA SERVICES, nouvellement nommée Safran Aircraft Engines à payer à Monsieur [C] la somme de 6.936,43 euros à titre de rappel de salaire correspondant à l'indemnité de télétravail non versée pour la période du 18 février 2005 au 30 avril 2009 ainsi que la somme de 693, 64 euros au titre des congés payés y afférant,

DIT que cette condamnations au paiement d'une créance de nature salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la société SNECMA devenue la société SAFRAN AIRCRAFT ENGINES qui succombe partiellement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/00720
Date de la décision : 13/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°17/00720 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-13;17.00720 ?
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