RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 13 Juin 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/12194
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/03836
APPELANTE
Madame [X] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2]
représentée par Me Laurence SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0585
INTIMEE
RATP REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [X] [H], engagée par la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (ci-après désignée la RATP), à compter de juillet 2001, en qualité d' Agent animateur mobile, a bénéficié des dispositions d'un Protocole d'accord, appelé AMO-CSA, visant à l'amélioration de la mobilité des opérateurs dans la fonction CSA (Contrôle, Sécurité, Assistance).
A compter du 30 avril 2007, elle a été intégrée dans l'équipe CSA de la ligne 3/3bis, en qualité d' Agent de contrôle Sécurité, au salaire mensuel brut de 2181,18 euros.
Le terme de l'application du Protocole d'une durée de 5 ans était prévue pour le 30 avril 2012. Suite à un courrier du 26 juin 2012, Madame [H] a du réintégrer son poste d'origine.
Contestant cette décision et estimant avoir été victime d'agissements de harcèlement moral, Madame [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Par jugement du 13 juin 2014, le conseil de prud'hommes a débouté Madame [H] de l'ensemble de ses demandes et la RATP de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [H] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions visées au greffe le 24 avril 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [H] demande à la Cour l'infirmation du jugement et la constatation des faits de harcèlement moral à son encontre. Elle réclame la somme de 21'816 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du harcèlement moral et 7200 euros à titre de rappel de la soulte prévue au protocole AMO-CSA. Elle demande en outre, l'annulation de la mesure de rétrogradation et la condamnation de la RATP à la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 24 avril 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la RATP sollicite la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [H] et sa condamnation à la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
Madame [H] soutient avoir fait l'objet d'une situation de harcèlement moral au terme de son changement de fonction dans le cadre du protocole AMO-CSA. Elle considère que les circonstances dans lesquelles l'employeur a mis fin à ses fonctions ont été particulièrement violentes, qu'elle a été soumise à des pressions et que ces faits ont eu des répercutions sur son état de santé.
Elle transmet plusieurs attestations de collègues salariés faisant état d'un incident violent intervenu, le 25 juin 2012, avec Madame [I], sa supérieure hiérarchique et à la suite duquel elle a été victime d'un malaise.
Elle communique également le Protocole d'accord, ses entretiens d'évaluation de 2008 à 2011 comportant des appréciations satisfaisantes sur l'exercice de ses fonctions comme Agent de contrôle Sécurité et le courrier du 26 juin 2012 la réintégrant néanmoins dans son poste d'origine. Ces éléments peuvent permettre de déduire que la salariée a fait l'objet d'une rétrogradation disciplinaire injustifiée.
Elle communique enfin, un échange de courriers avec la Caisse de Coordination des Assurances Sociales de la RATP, attestant des difficultés dans sa prise en charge en arrêt de travail à compter du 18 avril 2013.
L'ensemble de ces éléments laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral et il appartient dès lors à l'employeur de démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
La RATP justifie qu'en vertu de l'application du protocole AMO-CSA, le retour de Madame [H] à son poste d'origine en juillet 2012 ne constitue pas une rétrogradation mais une disposition prévue à l'article 2.2.1concernant la sortie du protocole. L'article précité prévoit :
« Au terme de la durée d'exercice dans la fonction CSA, l'agent retourne dans son secteur d'origine. Dans ce cas, il revient hors cadre dans son service et son repos d'origine avec priorité et obligation de se résorber sur le premier poste libéré de même catégorie de services et de repos dans cette entité.
Si un agent souhaite une autre affectation, il en fait la demande selon le régime existant des mutations. »
Au titre de l'accompagnement de cette mobilité, il est prévu, à l'article 2.2.2.1, une information faite par le manager sur les activités et les métiers accessibles au cours des EAP à partir de la deuxième année d'exercice de la fonction CSA.
En l'espèce, le terme de l'expérience était le 30 avril 2012 et l'employeur justifie avoir transmis à la suite d'un entretien avec la salariée du 29 mai 2012, un document au sein duquel lui sont rappelés les dispositions précitées.
Madame [I], dans son attestation indique :
« Madame [H] a été reçue le 29 mai 2012 par moi-même et un manager de ligne, Monsieur [O] [A], dans le cadre de l'application du Protocole AMO-CSA. Nous l'avons informée que la ligne 3-3 bis envisageait de la faire retourner sur sa fonction d'origine, c'est-à-dire agent de station -service nuit à [Localité 4] car cela faisait plus de cinq ans qu'elle était détachée. En effet, elle intégra le CSA le 30 avril 2007.
Dans le cadre de cet entretien, je l'ai informée que je ne lui donnais pas de date de détachement immédiatement pour qu'elle puisse se retourner et envisager une mobilité hors ligne, si elle le désirait.
Je lui ai précisé que je la recevrai prochainement pour qu'elle me dise ce qu'elle envisageait et l'informait sur une date effective de retour sur sa fonction d'origine ».
Dans la mesure où la salariée n'a formulé aucune demande de mobilité, la décision de l'employeur de la réaffecter sur ses fonctions d'origine ne constitue ni une sanction disciplinaire, ni rétrogradation injustifiée mais seulement l'application des dispositions du Protocole.
Sur les événements intervenus le 25 juin 2012, les parties transmettent de part et d'autre des attestations contradictoires sur les circonstances dans lesquelles Madame [I] a sollicité de pouvoir s'entretenir avec la salariée au sujet de la sortie du Protocole.
Les attestations versées aux débats par la salariée (dans lesquelles il est soutenu que Madame [I] a eu une attitude agressive à l'égard de Madame [H]) laissent planer un doute sur l'exactitude de la situation décrite par ces témoins et plus généralement sur la validité de leur témoignage.
En effet, l'employeur communique les déclarations faites par Monsieur [X] selon lesquelles : « Je déclare avoir fait une déclaration sous la pression de Monsieur [J] concernant l'etat de Madame [H]. Cette déclaration m'a été imposée en me posant un CERFA sur la table devant moi. On m'a demandé de recopier les exemplaires de déclaration de mes collègues présents ce soir-là, en modifiant les phrases mais en conservant le sens pour faire condamner [I] ».
Elles sont confirmées par Madame [L] qui atteste : « Le lendemain, Monsieur [J] très énervé nous a distribué des rapports nous dictant ce qu'il fallait écrire et nous a demandé la photocopie d'une pièce d'identité. J'ai mis plusieurs jours à lui remettre la photocopie de ma pièce en sachant que je n'avais rien entendu. Avec insistance, celui-ci me l'a réclamée en me disant 'ne t'inquiète pas, on va la faire tomber, c'est une incapable qui a été virée d'Air France etc.' ».
L'employeur produit l'attestation de Madame [I], corroborée par celle de Monsieur [O]. Elles démontrent que ce jour là, l'attitude de la supérieure hiérarchique n'a pas été à l'origine des difficultés relatives à la demande d'entretien et révèlent que le comportement excessivement méfiant de la salariée et l'intervention d'un collègue ont contribué à envenimer le débat.
L'employeur établit ainsi que cet incident est étranger à tout agissement de harcèlement moral.
S'agissant enfin des accusations portées à l'encontre de la Caisse de Coordination des Assurances Sociales de la RATP, l'employeur justifie que ces faits sont étrangers à toute situation de harcèlement moral. En effet, à la lecture des six courriers transmis par la salariée dans lesquels la caisse fait application des dispositions relatives aux restrictions d'horaires de sortie, à son droit de recours ou qui conclut à un accident professionnel, il n'apparaît aucun acte répété qui a eu pour objet ou pour effet, une dégradation des conditions de travail de la salariée.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, il convient de considérer que la situation de harcèlement moral invoquée par Madame [H] n'est pas établie. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'ensemble des demandes de la salariée et de confirmer la décision des premiers juges.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [H] à payer à la RATP en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [H] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT