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12/06/2017 | FRANCE | N°16/16049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 12 juin 2017, 16/16049


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 JUIN 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/16049



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 16/01048



APPELANTE



M. LE MINISTRE DES FINANCES DES COMPTES PUBLICS au nom de :

. Monsieur le Contrôleur Principal des Douanes,



. Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED)

agissant par le Chef de l'Agence de Poursuites de la Direction Nationale du Renseignement et des...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 JUIN 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/16049

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 16/01048

APPELANTE

M. LE MINISTRE DES FINANCES DES COMPTES PUBLICS au nom de :

. Monsieur le Contrôleur Principal des Douanes,

. Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED)

agissant par le Chef de l'Agence de Poursuites de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED)

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Mme [Q] [P], Inspectrice, munie d'un pouvoir spécial

INTIMEE

SA INNELEC MULTIMEDIA

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 327 948 626

prise en la personne de son représentants légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, Avocat au barreau de PARIS, toque : P111

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Innelec Multimedia (ci-après dénommée Innelec) est spécialisée dans le commerce inte-rentreprises d'ordinateurs, d'équipements informatiques, de périphériques et de logiciels.

Le 24 mai 2016, l'administration des douanes a effectué un contrôle au siège de la société Innelec portant sur des manettes pour jeux vidéo de la marque Konix du type « manettes Wii motion + » et « pack duo ». Elle a émis le même jour un procès-verbal de mise en retenue de ces marchandises présumées contrefaisantes de la marque Nitendo Co Ltd sur le fondement de l'article 1716-8 du code de la propriété intellectuelle.

La société Nitendo a confirmé le caractère contrefaisant des marchandises litigieuses le 6 juin 2016.

Le 7 juin 2016, l'administration des douanes a procédé à la saisie des 14 205 articles contrôlés et notifié à la société Innelec une infraction de détention irrégulière de marchandises soumises à justificatif communautaire, marchandises réputées avoir été importée en contrebande , prévue par les articles 21Q5 et et 419 du code des douanes et réprimée par l'article 414 du même code.

Autorisée par ordonnance du 10 juin 2016, la société Innelec a assigné le 13 juin 2013 l'administration des douanes en référé d'heure devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile et L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, de :

voir constater que la douane aurait dû ordonner la mainlevée de la retenue dounaière dès le 8 juin 2016 faute pour la société Nitendo d'avoir saisi la justice dans les 10 jours qui lui étaient impartis,

en conséquence, de juger que la saisie douanière doit être annulée et d'ordonner la mainlevée de la saisie douanière des marchandises illégalement saisies, sous astreinte de 500 euros à compter du 8 juin 2016 jusqu'à ce que la douane annule effectivement la saisie,

condamner l'administration des douanes à lui payer une somme provisionnelle de 50 000 euros ainsi que celle de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

La société Innelec a soutenu que la procédure prévue par l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle n'avait pas été respectée ; que la société Nitendo n'ayant pas agi en justice, la retenue douanière devait être levée de plein droit et que le douane qui n' a pas libéré les marchandises mais les a saisies, a agi illégalement ce qui causait un trouble manifestement illicite ; que la douane n'avait pas un pouvoir autonome en matière de contrefaçon.

La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a sollicité le rejet des demandes de la requérante et sollicité une indemnité de procédure de 10 000 euros. Elle a soutenu que la société Nitendo avait, dans le délai de 10 jours, confirmé le caractère contrefait des marchandises ; qu'elle dispose d'un pouvoir de saisie qui lui est propre et qui n'est pas subordonné à une éventuelle action du titulaire lésé ; que pour asseoir la saisie douanière, l'existence d'une plainte n'est pas indispensable ; qu'elle a strictement respecté la législation en matière de retenue douanière et qu'il n'y a aucune violation d'une règle de droit ni aucun trouble manifestement illicite;

Par ordonnance du 8 juillet 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, a :

donné acte à l'administration des douanes du désistement des exceptions de nullité d'assignation et d'incompétence ;

ordonné la mainlevée de la saisie douanière des marchandises pratiquée le 7 juin 2016 par l'administration des douanes à l'encontre de la société Innelec Multimedia ;

rejeté la demande de provision ;

condamné l'administration des douanes à régler à la société Innelec Multimedia la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toute autre demande ;

condamné l'administration des douanes aux dépens.

Le premier juge a estimé que la mise en retenue des marchandises litigieuses avait eu lieu le 24 mai 2016 ; que la société Nitendo avait reconnu, le 6 juin 2016, le caractère contrefaisant des marchandises litigieuses mais n'avait pas initié de procédure civile ou pénale dans les délais légalement impartis de sorte l'administration des douanes aurait dû ordonné la mainlevée de la mesure de retenue 10 jours après que la société Nitendo en ait été informée ; qu'elle ne pouvait pas maintenir la retenue en invoquant une infraction douanière alors même qu'il appartient aux seules juridictions de se prononcer sur le caractère contrefait ou non d'une marchandise ; que le maintien des retenues, alors que les conditions de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle n'étaient pas réunies constitue un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

L'administration des douanes a relevé appel de cette ordonnance.

Par conclusions déposées le 19 avril 2017 et soutenues à l'audience du 20 avril 2017, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formulé par la société Innelec Multimedia et de rejeter l'ensemble des demandes de l'intimée.

Elle sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 euros et de dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 20 avril 2017, la société Innelec Multimedia demande à la cour, au visa des articles articles 564, 808 et 809 du code de procédure civile, 357 et 357 bis du code des douanes, L 716-8 du code de la propriété intellectuelle et 60 et suivants et 156 du code de procédure pénale et du principe général du droit de l'estoppel, de :

- in limine litis, de juger que la remise en cause de la compétence est une demande nouvelle, irrecevable et de juger que le tribunal de grande instance et la cour d'appel en matière civile sont compétents pour ces questions douanières ;

- au fond, de :

juger recevable en ses conclusions et de confirmer l'ordonnance entreprise,

juger que la douane en pouvait pas faire obstacle par quelque moyen que ce soit à la levée de plein droit de la retenue douanière des marchandises qui devaient impérativement être libérées dès le 8 juin 2016 faute pour la société Nitendo d'avoir saisi la justice dans les dix jours impartis ;

constater que la saisie douanière contrevient à la levée de plein droit de la retenue des marchandises qui imposait et cause à la société Innelec Multimedia,

en conséquence, juger que la saisie douanière doit être annulée et d'ordonner la mainlevée des marchandises illégalement saisies, sous astreinte de 500 euros à compter du 8 juin 2016 jusqu'à ce que la douane annule effectivement sa saisie illégale.

Elle sollicite la condamnation de l'administration des douanes à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 euros.

SUR CE,

Sur l'exception d'incompétence

La société InnelecMultimedia soutient que l'exception d'incompétence soulevée par l'appelante est irrecevable car elle constitue une demande nouvelle car abandonnée par cette dernière en première instance. .

Or, il convient de constater qu'il ne résulte ni des conclusions de l'appelante ni des débats d'audience que celle-ci ait formé une telle demande.

Sur le trouble manifestement illicite

La société Innelec Multimedia conteste la validité de la saisie effectuée des marchandises litigieuses pour lesquelles elle soutient que la retenue douanière aurait dû être levée de plein droit faute pour la société Nitendo d'avoir exercer une action civile ou pénale. Elle ajoute que la saisie est illégale et constitue un trouble manifestement illicite ; qu'elle a été pratiquée sur le fondement de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle ; que l'administration des douanes n'a pas personnellement constaté le caractère contrefaisant des marchandises.

Elle expose que la prétendue expertise des marchandises placées sous retenue réalité émanant d'un stagiaire de la société Contratak n'a pas de force probante et méconnait le principe de loyauté dans la recherche des preuves ainsi que le principe d'impartialité des expertises et constitue une violation du droit à un procès équitable.

Elle ajoute que l'administration des douanes a notifié le procès-verbal de saisie à son représentant qui était absent au moment de la rédaction de l'acte.

L'administration des douanes soutient qu'elle a régulièrement procédé à la saisie de la marchandises mise en retenue sur le fondement de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle une fois le caractère contrefaisant dûment établi par le titulaire de droit dans le délai des 10 jours fixés par cet article, sur le fondement de l'article 323-2 du code des douanes. Elle indique que cette saisie s'est substituée à la retenue de marchandises et rappelle qu'elle dispose d'un pouvoir de saisie autonome qui n'est pas subordonné à une éventuelle action du titulaire du droit lésé dès lors que ses agents constatent une infraction douanière.

Elle précise que l'article L 716-8 précité n'exige pas l'intervention d'un expert mais du titulaire des droits pour déterminer le caractère contrefaisant ou non des marchandises saisies et que le fait que le courrier transmettant l'expertise technique ait été adressée par un stagiaire est sans importance dans la mesure où il s'agit d'un envoi officiel de la part de la société Contratak portant bien le pavé de signature de cette société.

Elle soutient que l'article 369 alinéa 3 du code des douanes fait interdiction aux tribunaux de prononcer la mainlevée des marchandises saisies lorsque ces dernières dont explicitement prohibées ce qui est le cas en l'espèce.

Elle indique que le représentant de la société Innelec ayant été dûment convoqué par le service mais ne pouvant pas être présent, elle a rédigé le procès-verbal en l'absence de ce dernier qu'elle a notifié le 8 juin 2016.

En application de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, l'administration des douanes peut retenir une marchandise susceptible de porter atteinte à une marque enregistrée ou à un droit exclusif d'exploitation. Sous réserve des procédures prévues aux articles L 716-8-4 et 716-8-5 du même code, la mesure est levée de plein droit à défaut, pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables ou de trois jours ouvrables s'il s'agit de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès des services douaniers soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d'avoir constitué des garanties destinées à l'indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d'avoir déposé plainte auprès du procureur de la République. L'administration des douanes peut proroger le délai de dix jours, prévu au présent alinéa, de dix jours ouvrables maximum sur requête dument motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.

En application de l'article 323 du code des douanes, les agents des douanes qui constatent une infraction douanière aux lois et règlements douaniers ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation.

En l'espèce, l'administration des douanes a effectué le 24 mai 2016 un contrôle au siège de la société Innelec portant sur des manettes pour jeux vidéo et émis un procès-verbal de mise en retenue de ces marchandises présumées contrefaisantes de la marque Nitendo Co Ltd, à compter du 25 mai 2016, sur le fondement de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle.

Il résulte du mail en date du 3 juin 2116 adressé par la société Contratak représentant la société Nitendo annexé au procès-verbal de constat de l'administration des douanes du 6 juin 2016 que la société Contratak a été informée de la retenue des marchandises litigieuses le 24 mai 2016 et confirme le caractère contrefaisant des marchandises retenues en en sollicitant la destruction. Aux termes de ce procès-verbal, l'administration indique que le titulaire des droits ne souhaite pas agir en justice.

Ainsi, en application de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, la société Nitendo disposait d'un délai de 10 jours à compter du 24 mai 2016 pour exercer une éventuelle action civile ou pénale, soit jusqu'au 3 juin 2016 ce qu'elle n'a pas fait. A défaut pour cette dernière d'avoir agi dans le délai de 10 jours ouvrables, la mesure de retenue était levée de plein droit et l'administration des douanes ne pouvait pas maintenir cette retenue et procéder à la saisie de ces mêmes marchandises le 7 juin 2016, soit trois jours après l'expiration du délai de 10 jours.

Le maintien de la retenue des marchandises et leur saisie qui trouvait son support dans la retenue pratiquée et alors que la mainlevée de la retenue était de droit, constituent un trouble manifestement illicite qui justifie la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie douanière des marchandises pratiquée le 7 juin 2016 par l'administration des douanes à l'encontre de la société Innelec Multimedia.

La société Innelec Multimédia qui sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise ne critique pas la disposition qui l'a débouté de sa demande d'indemnité provisionnelle.

L'ordonnance déférée sera également confirmé en ses autres dispositions à l'exception des dépens, étant rappelé qu'en application de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.

L'administration des douanes sera condamnée à payer à la société Innelec une indemnité de procédure complémentaire de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny le 8 juillet 2016 en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative aux dépens ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Vu l'article 367 du code des douanes,

DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières à payer à la société Innelec Multimedia la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/16049
Date de la décision : 12/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/16049 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-12;16.16049 ?
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