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08/06/2017 | FRANCE | N°15/12970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 08 juin 2017, 15/12970


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 08 JUIN 2017

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12970



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/03789



APPELANTE

Madame [O] [Z] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Sophie DOUCHEVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0747



INTIMEES

SA KORIAN venant aux droits de la Société KORIAN MEDICA

[Adresse 2]

[Localité 3]

N°...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 08 JUIN 2017

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12970

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/03789

APPELANTE

Madame [O] [Z] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Sophie DOUCHEVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0747

INTIMEES

SA KORIAN venant aux droits de la Société KORIAN MEDICA

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 447 800 475 00124

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Virginie SAUVAT-BOURLAND, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS MEDOTELS

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 421 216 276 00285

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Virginie SAUVAT-BOURLAND, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrice LABEY, président de chambre

Philippe MICHEL, conseiller

Pascale WOIRHAYE, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Roseline DEVONIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

-- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président de Chambre et par Madame Emmanuelle MAMPOUYA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le

magistrat signataire.

Madame [O] [D] a été embauchée par le Groupe SUREN, suivant contrat écrit à durée indéterminée en date du 22 septembre 2006 à effet au 2 octobre 2006 aux fonctions de Training Directeur moyennant une rémunération annuelle brute de 42.000 € sur douze mois, étant précisé qu'à l'issue d'une période d'accompagnement par un autre directeur, Madame [O] [D] a accepté d'être transférée sur un établissement où elle prendrait les fonctions de Directrice d'établissement, bénéficiant, ainsi, du statut cadre.

La Convention collective applicable est celle du 18 avril 2002 spécifique aux maisons de retraite dite Convention Nationale de l'Hospitalisation Privée et son annexe du 10 décembre 2002.

Par contrat du 2 octobre 2006, le contrat de travail de Madame [D] a été repris par la société KORIAN contre une rémunération de 3.500 € bruts mensuels statut cadre coefficient 410 moyennant un forfait de 218 jours par an, étant précisé que lors de son transfert comme directrice d'établissement d'une unité KORIAN elle deviendrait salarié de cet établissement par avenant et soumise aux dispositions de rémunération et temps de travail de cet établissement.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2007, Madame [D] a été embauchée par l'Etablissement [Établissement 1] de [Localité 5] comme directrice des Etablissements [Établissement 1] de [Localité 5] et [Établissement 2] de [Localité 6] moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.750 € portée à 4.000 € à compter du 1er septembre 2007, statut cadre coefficient 455, outre une part variable sur objectifs dans la limite de 8.000 € bruts.

Le 1er décembre 2009, le contrat de travail de Madame [D] a été transféré à l'EURL MEDOTELS comme directeur d'établissement ([Établissement 3] à [Localité 7]) et sa rémunération a été portée à 4.225 € bruts mensuels pour un forfait annuel de 218 jours, en qualité de cadre autonome, outre la part variable pouvant aller jusqu'à 8.000 € bruts moyennant des objectifs quantitatifs définis au niveau du groupe KORIAN et des objectifs qualitatifs individuels. Par avenant en date du 1er novembre 2010 un bonus complémentaire lié à la spécificité de l'établissement a été ajouté à la rémunération variable pouvant aller jusqu'à 2.000 € bruts.

Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 février 2013, Madame [D] a été licenciée par notification du 13 février 2013 de la lettre en date du 9 février 2013 pour insuffisance professionnelle, qu'elle a contestée par courrier du 21 février 2013, sollicitant sa réintégration.

Elle a saisi le Conseil de prud'hommes de PARIS le 27 mars 2013 pour faire requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et faire annuler la convention de forfait en jours et obtenir avec exécution provisoire et intérêts au taux légal la condamnation de la Société KORIAN-MEDICA à titre principal et de la Société MEDOTELS à titre subsidiaire à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel d'heures supplémentaires majorées et le les congés payés afférents pour la période de 2008 à 2013, des dommages et intérêts pour non-respect des obligations de l'employeur au titre du droit à repos outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle a sollicité également la remise sous astreinte des documents de rupture rectifiés.

La SA KORIAN MEDICA et l'EURL MEDOTELS ont réclamé à titre reconventionnel une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 11 mai 2015, le Conseil de prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et il a condamné la SA KORIAN MEDICA à payer à Madame [O] [E] la somme de 27.000 € d'indemnité à ce titre d'indemnité avec intérêts de droit outre 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le surplus des demandes étant rejeté.

La Cour est saisie des appels régulièrement formés à l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 11 mai 2015 et notifié le 24 novembre 2015, en premier lieu par Madame [O] [E] le 16 décembre 2015 limités aux chefs dont elle a été déboutée (RG1512970) et en second lieu par la SA KORIAN venant aux droits de la SA KORIAN-MEDICA et par la société MEDOTELS le 23 décembre 2015 (RG 1513336). L'affaire a été plaidée contradictoirement à la première audience au fond du 6 janvier 2017.

Vu les conclusions n°2 responsives et récapitulatives de Madame [O] [E] régulièrement communiquées et développées oralement par son conseil au soutien de son appel par lesquelles elle demande à la Cour de :

I - Au titre du licenciement, de

A titre principal,

' - Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé par la SA KORIAN à l'encontre de Madame [D],

' le Reformer sur le quantum,

' Condamner la société KORIAN à lui payer la somme de 60.000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Ordonner la remise par la SA KORIAN des documents de fin de contrat conformes (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, reçu pour solde de tous comptes) sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document.

A titre subsidiaire, si la Cour estimait que MEDOTELS est l'employeur de Madame [D],

' - Constater la nullité du licenciement prononcé par la SA KORIAN à l'encontre de Madame [D] travaillant pour la SAS MEDOTELS,

' - En conséquence, condamner la société MEDOTELS à lui payer la somme de 60.000 € nets en raison de la nullité du licenciement et à tout le moins en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' - Ordonner la remise par la SAS MEDOTELS des documents de fin de contrat conformes (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document.

II - Au titre de la nullité du forfait jours, de

' Annuler la convention de forfait-Jours, et en conséquence,

' Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

A titre principal,

' Condamner la société KORIAN à lui payer les sommes de :

- 130.829,66 €à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires majorées effectuées entre 2008 et 2013 et celle de 13.082,97 € au titre des congés payés y afférents.

- 61.359,95 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations d'information de l'employeur au titre du droit à repos du salarié,

- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, en application des dispositions de l'article L.8221-3 du code du travail.

- 25.000 € à titre d'indemnité pour exécution déloyale du forfait jours.

A titre subsidiaire,

' Condamner la société MEDOTELS à lui payer les mêmes sommes des mêmes chefs.

Plus subsidiairement, sur les rappels de salaires au titre de l'astreinte

' Condamner la société KORIAN à lui payer au titre des astreintes effectuées sur la période allant de février 2008 à février 2013, la somme de 80.118,55 € bruts en application de l'article 3 de l'accord du 22 avril 2005, outre la somme de 8.011, 85 € bruts au titre des congés payés y afférents.

' Condamner la société KORIAN à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions applicables au repos compensateur.

Plus subsidiairement encore,

' Condamner la société MEDOTELS à lui payer les mêmes sommes des mêmes chefs.

' Condamner toute partie succombante, KORIAN ou MEDOTELS, à lui payer la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des sommes allouées à ce titre en première instance, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, qui comprendront le coût du timbre fiscal de 35 € obligatoire lors de la saisine.

Vu les conclusions communes de la SAS MEDOTELS et de la SA KORIAN, venant aux droits de la SA KORIAN-MEDICA, régulièrement communiquées et développées oralement par leur conseil au soutien de leur appel incident par lesquelles elles demandent à la Cour de :

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [D]

En conséquence,

' Dire et juger fondée la mesure de licenciement,

En conséquence,

' Débouter Madame [D] de ses demandes à ce titre

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valide la convention annuelle de forfait-jour à laquelle était assujettie la demanderesse,

En conséquence,

' Débouter Madame [D] de l'intégralité de ses prétentions de ce chef,

En tout état de cause,

' Condamner Madame [D] à verser à la société la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner Madame [D] aux entiers dépens de la procédure.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs écritures visées par le greffier le 6 janvier 2017, auxquelles leurs conseils respectifs se sont expressément référés.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'identité de l'employeur

Madame [D] a saisi le Conseil de prud'hommes de PARIS d'une action à l'encontre de la SA KORIAN-MEDICA seulement à l'origine et l'EURL MEDOTELS est intervenue volontairement à l'instance en défense aux cotés de cette dernière.

Les sociétés KORIAN et MEDOTELS plaident qu'elles sont des entités distinctes et que le dernier employeur de Madame [D] est la SAS MEDOTELS selon contrat de travail du 1er décembre 2009, mais la Cour observe qu'au dispositif de leurs conclusions la société sollicitant une indemnité au titre de ses frais irrépétibles n'est pas identifiée.

Madame [O] [D] a été embauchée par le Groupe SUREN, à compter du 2 octobre 2006, lequel est devenu le Groupe KORIAN constitué de plus d'une centaine d'établissements en France et qui emploie plus de 9000 salariés. C'est Monsieur [W], Directeur régional de la SA KORIAN qui lui a notifié son licenciement le 9 février 2013.

En dépit de la reprise de son contrat de travail par MEDOTELS le 1er décembre 2009, date à laquelle Madame [D] a pris la direction de l'établissement [Établissement 3] de [Localité 7], il apparaît aux pièces produites que tous les documents contractuels qui lui sont opposés ont été signés par le directeur de la SA KORIAN ou son directeur des ressources humaines, y compris la délégation de pouvoirs du 14 mars 2010 consentie par Madame [Y]. Si cette délégation fait mention d'un pouvoir de représentation des co-gérants de l'EURL MEDOTELS, ce dernier n'est pas produit aux débats et le transfert de cette salariée n'a pas été déclaré puisque Madame [D] n'apparaît pas au registre du personnel de la SAS MEDOTELS. Il ressort d'ailleurs des pièces que Madame [Y] a procédé aux entretiens d'évaluation professionnelle comme supérieur hiérarchique en janvier 2009 et jusqu'en janvier 2012, dernier en date, soit avant comme après le transfert apparent du contrat de travail. Il apparaît enfin que les bonus étaient octroyés chaque année par la SA KORIAN et que les bulletins de paye étaient établis sous le timbre de KORIAN.

Le pouvoir de direction et de sanction à l'égard de Madame [D] étant détenu par la SA KORIAN, celle-ci est le véritable employeur et le jugement qui l'a constaté sera confirmé.

Sur les motifs du licenciement et la demande d'indemnité au titre de ce licenciement

En application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée :

'Nous faisons référence à l'entretien que nous avons eu le 6 février 2013 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous conduisent à envisager votre licenciement. En l'absence d'explication de votre pari, nous n'avons pu modifier notre appréciation des faits, de sorte que nous nous voyons dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour motif réel et sérieux.

Vous exercez les fonctions de directrice de rétablissement « Korian les Sarments '', depuis le 1er décembre 2009. A ce titre, il vous incombait notamment de garantir le bon fonctionnement de l'établissement et de maintenir en permanence un niveau de qualité des prestations offertes aux résidents en assurant la coordination et l'organisation de votre établissement, dans le respect des réglementations en vigueur. Or, et alors même que vous disposiez de l'ensemble des moyens nécessaires au bon exercice de vos fonctions, nous avons été amenés à constater d'importantes lacunes dans la gestion de votre établissement que révèlent les points suivants :

De graves déficiences managériales

A cours du premier semestre 2012, des événements survenus dans votre établissement avaient mis en exergue une souffrance au travail et un épuisement moral de vos salariés ayant conduit certains d'entre eux a remettre en question l'organisation de rétablissement et la qualité de son management. Dans ce contexte de crise, les membres de l'équipe régionale, soucieux de vous apporter leur soutien, s'étaient fortement mobilisés pendant plusieurs mois pour vous aider à restaurer dialogue avec vos équipes et mettre en place une organisation du travail pérenne, permettant d'assurer une prise en charge satisfaisante de nos résidents.

Or nous sommes au regret de constater qu'après une courte amélioration, le climat de rétablissement que vous dirigez s'est considérablement dégradé depuis l'été dernier, faute d'un management efficace et constructif. Ainsi les difficultés de communication avec vos salariés, et notamment avec votre équipe d'encadrement, ont pris des proportions telles que nous avons été alertés entre décembre 2012 et février 2013 par plusieurs membres de votre encadrement nous faisant part d'un profond mal être, résultant d'un mode de management devenu véritablement insupportable. Au cours de cette période, nous avons été interpellés successivement par votre adjointe de direction, votre responsable hébergement, votre médecin coordonnateur, votre infirmier coordonnateur, votre psychologue, venus de leur propre chef et après de nombreuses hésitations, nous faire part au cours d'entretiens individuels, de la grande souffrance dans laquelle ils se trouvaient depuis plusieurs mois, voire plusieurs années pour certains d'entre eux. Le médecin du travail interpellé également par des membres du personnel, a cru devoir nous alerter à son tour. La réticence avec laquelle vos collaborateurs nous ont rapporté leur mal être est à la mesure de la pression qu'ils subissaient au quotidien de votre part. Tous ont évoqué un management autoritaire, des injonctions contradictoires, des propos désobligeants, parfois menaçants, des maladresses verbales, un défaut d'orientations claires et précises, une tendance à chercher systématiquement un bouc émissaire pour vous défausser de vos responsabilités.

Votre fonctionnement a par ailleurs conduit différents membres de vos équipes à quitter rétablissement par lassitude, découragement ou épuisement. Ainsi, depuis le mois d'août 2012, quatre assistants administratifs et quatre animateurs se sont succédé. Votre adjointe de direction, votre IDEC ont démissionné en décembre 2012 puis votre ergothérapeute en janvier 2013 pour des raisons directement liées à votre mode de management. Votre responsable hébergement ainsi que votre médecin coordonnateur nous ont également fait part de leur volonté de quitter rétablissement si rien ne changeait.

Un mode de délégation sans contrôle

Votre mode de délégation impératif et sans accompagnement ni contrôle a pour effet non seulement de mettre vos collaborateurs en difficulté dans la gestion de leurs missions, mais donne lieu à des dysfonctionnements majeurs.

Nous avons constaté à titre d'exemple ces derniers mois qu'en absence d'accompagnement des salariés qui se sont succédé sur le pôle administratif, les données comptables n'ont pu être régulièrement transmises dans des délais impartis, le fichier de caisse n'a pas été suivi, contraignant ainsi les services comptables à devoir se substituer à vous à de nombreuses reprises pour expliquer à vos équipes des process qu'il vous appartenait de leur communiquer.

Plus récemment nous déplorons l'échec de la mise en place d'un test de «rails lève-malade ' Alors que votre établissement avait été désigné comme pilote pour l'installation de ce dispositif et que vous en étiez parfaitement informée depuis le 20 décembre 2012, que des équipes du siège (Construction, Achats, Direction Opérationnel France, Ergonome) étaient fortement mobilisées pour vous accompagner, et que de nombreuses relances vous avaient été adressées entre le 8 et le 18 janvier 2013, vous avez été dans l'incapacité de faire aboutir ce projet. Lorsqu'il vous a été demandé à de bien vouloir justifier les raisons de cet immobilisme, vous vous êtes contentée d'en renvoyer la responsabilité sur votre gouvernante, argument irrecevable. Un autre exemple récent concerne la réfection de la salle du personnel qu'il vous avait été demandé de réaliser au cours de l'année 2012. En janvier 2013, nous avons constaté que rien n'avait été fait, et qu'elle se trouvait toujours dans un état de saleté et de vétusté absolument déplorable. Une fois encore, vous avez cru devoir rejeter la responsabilité de cette inertie sur votre responsable hébergement qui, selon vous, n'a pas réussi à persuader l'homme d'entretien de s'exécuter. Nous vous avons du vous rappeler qu'il vous appartenait d'obtenir de l'agent d'entretien qu'il exécute vos directives.

Votre réaction nous a d'autant plus surpris, que dans le même temps vous vous plaigniez de cet homme d'entretien que vous avez pourtant pris l'initiative de recruter seule et sans concertation avec le Responsable Maintenance et Sécurité régional, ainsi que le prévoient les consignes.

Une gestion économique déplorable .

Votre manque de rigueur caractérisée dans la gestion quotidienne de votre établissement a également pour conséquence de réduire à néant les possibilités d'investissements en 2013 pour votre structure. En effet, fin2012, le service du Contrôle de Gestion Investissement a rappelé à maintes reprises aux Directeurs d'établissement, la nécessité de lui transmettre avant le 21 décembre 2012, les factures correspondant aux dépenses réalisées sur 2012 et antérieurement. Il était précisé que les factures transmises au-delà de cette date viendraient directement impacter le budget investissement 2013, non seulement de l'établissement concerné, mais aussi le cas échéant, de l'enveloppe régionale d'investissement. Or nous avons constaté avec stupeur que le montant total des factures non transmises dans les délais précités s'élève à 39000 euros. Cette somme vient d'emblée ponctionner l'ensemble des capacités d'investissement de votre site pour l'année 2013 et par voie de conséquence l'enveloppe régionale, pénalisant ainsi éventuellement les autres établissements. Cette situation est d'autant plus regrettable que le service du contrôle de Gestion investissement a reçu en janvier 2013 des factures pour règlement datées du moi de mai 2012. Ainsi votre établissement, à lui seul, représente plus de 60% de l'arriéré régional et de l'impact 2013 sur les 19 établissements de la région. Il est à noter que même en janvier 2013, vous ne parveniez pas à régler ces arriérés puisque le 17 Janvier 2013, vos deux demandes de règlement ont été bloquées par le CGI pour défaut de procédure puisque vous vous êtes dispensée de demander la validation de votre HMS comme cela est exigé pour le règlement des travaux.

Votre manque de rigueur et d'anticipation concerne également une demande de versement de primes annuelles à des membres du personnel identifiées en 2012 comme référent au niveau des soins. Or, à notre surprise, ces primes annuelles pourtant décidées en 2012, n'ont pas été prévues au budget 2013 de rétablissement. Enfin, un autre incident illustre votre incapacité à communiquer avec votre adjointe sur des sujets extrêmement importants. En ce début d'année 2013, la Direction des Systèmes d'lnformation à pu constater que le HV téléphonique ayant pour objet de procéder à la réévaluation annuelle des tarifs concernant les résidents présents n'avait pas été honoré. Or la DSI avait insisté auprès des directeurs d'établissement sur la nécessité de se rendre disponible pour cette opération. Il a été constaté, par mail du 17 janvier que l'Adjointe de Direction n'était pas informée de ce rendez vous et du travail a effectuer. Or, il vous appartenait de communiquer en amont avec votre Adjointe, ce dont vous vous êtes dispensée. Vous avez cru devoir vous justifier de ce nouveau manquement en prétendant que le rendez-vous n'avait pas été pris par vous-même !...

Un taux d'occupation en baisse et une multiplication des plaintes

Parallèlement à ce désordre managérial et cette gestion approximative, nous constatons depuis plusieurs mois une baisse permanente du taux d'occupation de votre établissement, passé de 97.74 % en juillet 2012 à 87.97 % en janvier 2013. Il s'avère que contrairement à ce que vous prétendez pour justifier cette situation, plusieurs résidents ont quitté rétablissement par mécontentement et non pour des raisons d'ordre financier. Force est de constater que dans un contexte conjoncturel complexe par ailleurs, vous n'avez pas été en mesure de maintenir une qualité de prise en charge susceptible d'assurer un taux d'occupation à la hauteur de vos objectifs. Dans le même temps, nous déplorons un nombre de plaintes de résidents ou de familles de résidents particulièrement inquiétant. Au titre de l'année 2012, 13 plaintes ont fait l'objet de signalement au siège du groupe. Nous avons eu par ailleurs connaissance d'une plainte arrivée sur votre établissement en décembre 2012, dont vous n'avez pas jugé utile de nous faire part (cf famille [P].). Certaines d'entre elles vous mettent directement en cause (cf famille de La Mardière). De façon générale, des résidents de rétablissement ou leurs familles, ainsi que vos collaborateurs déplorent un manque de communication particulièrement regrettable. Il apparaît que non seulement vous n'allez jamais au devant des résidents, puisque vous avez l'habitude de rester dans votre bureau, mais que vous auriez tendance à les fuir. Vous ne pouvez envisager de recevoir une famille seule dans votre bureau; il vous faut systématiquement être accompagnée du médecin coordonnateur, de la psychologue ou d'un autre collaborateur. Il arrive même que vos collaborateurs doivent se substituer à vous et affronter les griefs des familles en les recevant à votre place. Enfin vos absences fréquentes et imprévues mettent vos collaborateurs en difficulté, notamment quand il s'agit de recevoir à votre place des rendez-vous que vous êtes alors dans l'incapacité d'honorer. Le 6 février dernier, alors qu'une formation au nouveau dispositif imposé par groupe Korian était prévue à cette date, la formatrice n'a pu assurer sa mission, faute d'interlocuteur puisqu'à 11 heures vous n'étiez toujours pas sur rétablissement et que l'adjointe de direction présente sur les lieux n'avait eu aucune information de votre part et que l'lDEC souffrant est arrivé tardivement.

Il résulte de tous ces dysfonctionnements que, compte tenu du caractère stratégique du poste qui vous a été confié, nous ne pouvons envisager de poursuivre notre collaboration. La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ du préavis de trois mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous dispensons d`effectuer votre préavis, qui vous sera néanmoins rémunéré...'

En substance la SA KORIAN reproche à Madame [D] une insuffisance professionnelle par des carences dans ses attributions d'encadrement, dans le domaine de la gestion économique de l'établissement et des relations avec les résidents ou leur famille.

En droit l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié qui perturbent la bonne marche de l'entreprise et qui permettent au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

- s'agissant de l'encadrement, l'employeur impute à Madame [D] le départ de 11 personnes de l'établissement à compter d'août 2012. Madame [D] qui conteste un mauvais management justifie que certains étaient en contrat à durée déterminée, que d'autres étaient en période d'essai. La Cour observe qu'en tout état de cause les mauvais renseignements donnés par certains, résultent de courriers ou d'entretiens individuels non identifiables, que la seule attestation versée par l'employeur, établie par le docteur [L] qui impute à Madame [D] d'avoir déclenché des conflits pendant trois ans, précise qu'il lui conserve son estime et s'il évoque des événements, des réunions, reste vague dans les dates et ne donne aucun nom de sorte qu'elle est dénuée de pertinence. Il ressort par ailleurs des entretiens d'évaluation de Madame [D] que la direction la soutenait 'dans son conflit avec son adjointe' et l'a accompagnée dans sa politique tendant à faire partir 'les agents nocifs'. Le grief n'est pas établi.

- s'agissant du mode de délégation sans contrôle : la Cour relève que les écritures d'argumentation de la SA KORIAN sont sans rapport avec les griefs mentionnés à la lettre de licenciement, auxquels Madame [D] répond de façon argumentée en mettant en avant que le service support comptable était destiné à former les nouveaux salariés administratifs et à l'alerter en cas de difficulté particulière tel le problème informatique en décembre 2012 ; elle justifie que le projet de rails lève-malade, budgété par l'ARS, a été initié à bonne date mais bloqué par le groupe le 29 novembre 2012 (P103) qui a changé de fournisseur et l'a finalement annulé ; elle souligne qu'elle a finalisé les travaux de réfection de la salle du personnel en janvier 2013 après les échanges de courriels avec le directeur régional ce qui a nécessité un nouveau recrutement de personnel. Aucun des exemples donnés à la lettre de licenciement n'établit donc une délégation de management sans contrôle.

- s'agissant de la gestion économique déplorable : il est fait grief à Madame [D] d'avoir transmis ses factures avec retard, engendrant un important arriéré et des courriels d'alerte de Madame [C] et de Monsieur [Q] sont produits. Madame [D] soutient n'être pas responsable du retard de factures adressées directement au siège et elle a répondu en son temps qu'elle avait donné des ordres de traitement au fil de l'eau pendant ses congés. Non seulement l'importance financière du retard n'est pas prouvée aux débats mais ce retard étant seulement apparu pendant les vacances d'été de l'intéressée il ne peut lui être imputé directement. Le grief touchant à la mauvaise gestion des primes n'est pas explicité aux écritures de l'employeur, ni étayé par preuve et en tout état de cause il est contesté. Ce troisième type de grief n'est pas établi.

- s'agissant de la chute du taux d'occupation de l'établissement et de la recrudescence des plaintes : comme l'a justement relevé le Conseil de prud'hommes, Madame [D] n'avait pas d'objectif commercial en terme de remplissage de l'établissement des Sarments. Ses évaluations professionnelles ciblent seulement un objectif commercial en terme d'image et qualité, élément que ne contredit pas la délégation de pouvoirs produite. Pour ce qui concerne les plaintes des familles, elles touchent à divers sujets, tiennent au manque d'effectif ou à son turn-over induit par la politique d'embauche du groupe et Madame [D] justifie parallèlement avoir été destinataire de nombreuses lettres de gratitude. Ce grief n'est pas établi.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement de Madame [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef.

En application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail, si le licenciement d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus, survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'ancienneté de Madame [D] et de l'absence de toute justification de sa situation de chômage postérieurement au licenciement, sur la base d'un salaire de référence fixé à 4.872 € bruts par mois, prime annuelle incluse, au vu de l'attestation ASSEDIC, l'indemnité réparant son préjudice sera fixée à 30.000 €, le jugement étant infirmé au quantum.

Sur la demande d'annulation du forfait jours

En application de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de l'article L. 3121-39 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17,

paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Madame [D] s'est vue assujettie à un forfait jour fixé à 218 jours «en application de l'accord portant réduction du temps de travail » dans son contrat de travail la nommant cadre en date du 6 octobre 2006.

Au contrat du 1er décembre 2009, en son article 4 relatif à la durée du travail il est fait mention que Madame [D] reconnaît que ses horaires de travail ne peuvent être prédéterminés du fait de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilité qui est le sien et du degré d'autonomie dont elle dispose dans son emploi du temps, 'par conséquent, il est expressément convenu que la rémunération versée à la salariée est forfaitaire et rémunère l'exercice de la mission qui lui est confié, indépendamment du nombre d'heures de travail effectif'. Ce forfait jours est repris à l'avenant contractuel du 1er novembre 2010.

Madame [D] n'était pas cadre dirigeante. L'article 7.3, concernant les cadres, prévu par l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail, lui-même attaché à la convention collective du 18 avril 2002 spécifique aux maisons de retraite, avec annexe du 10 décembre 2002, s'applique à Madame [D], comme d'ailleurs invoqué par l'employeur dans ses écritures de première instance.

Cet article dispose que 'les cadres non soumis à l'horaire collectif et n'ayant pas la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail bénéficient d'une réduction effective de leur temps de travail. Ils bénéficient des dispositions légales sur le repos quotidien et hebdomadaire. L'ampleur de cette réduction du temps de travail sera déterminée par accord d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut après concertation avec les cadres concernés. En tout état de cause, cette réduction devra aboutir à accorder au moins 15 jours ouvrés de repos pris dans les conditions des dispositions de l'article 4.3, chapitre II, du présent accord.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la conclusion de conventions de forfait annuelles en heures ou en journées par accord d'entreprise ou d'établissement. Indépendamment des dispositions résultant de l'application de l'article L. 212-15-3, l'accord d'entreprise ou d'établissement qui définira le forfait en heures ou en journées ne devra pas stipuler une durée annuelle supérieure à 1 700 heures, ou à 212 jours effectivement travaillés par an, sans que la durée hebdomadaire de présence n'excède 48 heures, dans cette hypothèse, ou à 205 jours effectivement travaillés par an.

L'accord d'entreprise mettant en 'uvre une convention de forfait en jours devra également préciser :

1° Les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos ;

2° Les conditions de contrôle de son application, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.

La rémunération afférente au forfait en heures annuelles devra, quant à elle, tenir compte des incidences des majorations légales pour heures supplémentaires.'

La SA KORIAN ne conteste pas qu'il n'existe pas d'accord d'entreprise ou d'établissement applicable précisant les garanties de contrôle de la charge de travail telles que requises par l'article 7.3 mais elle plaide qu'à défaut et aux termes mêmes de ce texte, ' la concertation avec les cadres concernés' suffisait ; elle rapporte qu'il existait une rubrique dans la grille d'entretien d'évaluation annuel de ce chef qui permettait le suivi de la charge de travail et que Madame [D] n'a jamais émis d'alerte ou de doléance à cet égard alors, ni même dans les rapports hebdomadaires de reporting, ce qui enlève tout fondement et toute pertinence à sa revendication.

Or, contrairement à l'interprétation qu'en donne l'employeur, la négociation avec les cadres concernés visée par ce texte doit être collective et doit encadrer le recours au forfait jours en prévoyant les modalités nécessaires à ce que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail dans le temps pour permettre d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. En l'espèce une simple rubrique dans l'entretien annuel et la signature par la salarié d'une délégation de pouvoirs la rendant responsable vis-à-vis d'elle-même du respect de la législation sur le temps de travail ne sauraient répondre aux conditions exigées par les textes européens.

La convention de forfait jours est donc nulle et comme telle inopposable à Madame [D], le jugement étant infirmé.

Sur la demande principale en paiement des heures supplémentaires

Selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %. Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%.

Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

Au soutien de son appel du jugement rejetant sa demande en paiement d'heures supplémentaires,

Madame [D] produit des tableaux annuels pour la période de février 2008 jusqu'en février 2013 (P35 à 40) établissant son temps de travail effectif par semaine et le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 et 50 %, déduction faite des congés et RTT, ainsi qu'un récapitulatif des rappels de salaire correspondant sur la base du taux horaire pratiqué alors. Ce qui représente 475 heures pour 2008 au taux horaire de 27,48 €, 551,75 heures pour 2009 au taux horaire de 27,89 €, 796,10 heures pour 2010 au taux horaire de 28,26 €, 710,55 € pour 2011 au taux horaire de 29,06 €, 719 heures pour 2012 au taux horaire de 29,19 €, soit un total de 130.829,66 € à titre de rappel de salaires et 13.082,97 € au titre des congés payés afférents.

La SA KORIAN ne conteste pas particulièrement ces tableaux qu'elle peut recouper avec les rapports d'activité hebdomadaires de la salariée et elle se borne à rappeler qu'eu égard à l'autonomie de Madame [D] et au fait qu'elle travaillait loin du siège elle ne pouvait être contrôlée dans ses horaires.

Elle sera donc condamnée au paiement sollicité.

Sur la demande d'indemnisation au titre du repos compensateur

Le salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l'indemnisation de préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

L'employeur ne faisant valoir aucun argument en défense de ce chef, il sera octroyé à Madame [D] sur la base du contingent d'heures supplémentaires dépassant le contingent annuel de 220 heures les sommes réclamées suivantes : 10.028,13 € pour 2008, 7.209,56 € pour 2009, 17.905,53 € pour 2010, 15.663,34 € pour 2011 et 10.553,39 € pour 2012, soit la somme globale de 61.359,95 €.

Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Comme le soutient Madame [D] le mécanisme de forfait jours mis en oeuvre par l'employeur, sans négociation ni accord d'entreprise préalable, démontre son intention de dissimuler le nombre d'heures de travail effectif. C'est une somme de 30.000 € qui lui sera allouée de ce chef.

Sur les autres demandes d'indemnisation

Madame [D] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice complémentaire qu'elle aurait subi du fait de l'application déloyale du forfait jours que les sommes précédentes n'auraient pas indemnisé. Sa demande de dommages et intérêts complémentaire sera rejetée.

Ses demandes de rappels de salaires ayant été satisfaites, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire de rappel de salaires et dommages et intérêts sur le fondement des astreintes.

Sur le surplus

Il convient de condamner la SA KORIAN à remettre à la salariée, dans les deux mois de la notification du présent arrêt, une attestation destinée au Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte dès à présent.

En application de l'article L 1235-4 du Code du travail dont les conditions sont réunies, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit. Ce remboursement sera ordonné.

Les sociétés KORIAN et MEDOTELS qui succombent en leur appel seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à Madame [D] la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elles seront déboutées de leur demandes sur ce dernier fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable les appels formés par Madame [O] [D] , la SA KORIAN-MEDICA et la SAS MEDOTELS.

CONFIRME le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 11 mai 2015 en ce qu'il a dit le licenciement notifié le 13 février 2013 sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA KORIAN-MEDICA à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'INFIRME sur le surplus et statuant de nouveau,

ANNULE la convention de forfait-jours contenue au contrat de travail,

CONDAMNE la SA KORIAN à payer à Madame [O] [D] les sommes suivantes :

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 130.829,66 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre 2008 et 2013,

- 13.082,97 euros au titre des congés payés y afférents,

- 61.359,95 euros à titre d'indemnisation du repos compensateur,

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

CONDAMNE la SA KORIAN à remettre à Madame [O] [D] dans les deux mois de la notification du présent arrêt, une attestation destinée au Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes à l'arrêt.

Y ajoutant,

ORDONNE à la SA KORIAN le remboursement à Pôle Emploi, des indemnités de chômage éventuellement versées à Madame [O] [D] à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

CONDAMNE la SA KORIAN et la SAS MEDOTELS à payer à Madame [O] [D] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum la SA KORIAN et la SAS MEDOTELS aux entiers dépens d'appel.

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E. MAMPOUYA P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/12970
Date de la décision : 08/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°15/12970 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-08;15.12970 ?
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