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08/06/2017 | FRANCE | N°14/03790

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 08 juin 2017, 14/03790


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 08 Juin 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03790

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/11244





APPELANTE

Madame [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1960 en FINLANDE

comparante en personne, assistée de

Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/055688 du 23/12/2014 accordée par le bureau d'a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 08 Juin 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03790

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/11244

APPELANTE

Madame [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1960 en FINLANDE

comparante en personne, assistée de Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/055688 du 23/12/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

Me [I] [B] (SELAFA MJA) - Mandataire judiciaire de SA SCANDINAVIAN INCOMING FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

ni comparant, ni représenté

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [L] a été engagée par la société Scandinavian Incoming France à compter du 20 janvier 1999 en qualité d'assistante à temps complet. Son temps de travail a été réduit à 24 heures par semaine suivant un avenant du 3 juillet 2000.

La société exerçait une activité d'organisation de voyages et de visites touristiques à destination d'une clientèle scandinave. Elle employait plus de onze salariés au sein de son siège social à Paris et d'un établissement à Nice, et faisait application de la convention collective des agences de voyages et de tourisme.

Mme [L] était notamment chargée de l'accueil des groupes de touristes à leur arrivée à l'aéroport et de la préparation de leurs séjours.

Le 14 mars 2012, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable, tenu le 27 mars 2012, et licenciée pour motif économique le 11 avril 2012.

Le 27 juin 2013, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Scandinavian Incoming France et désigné Maître [I] en qualité de mandataire liquidateur.

La procédure collective ayant été clôturée le 10 juin 2014, Mme [L] a obtenu la désignation de Maître [I] en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du 22 octobre 2015.

Le 12 octobre 2012, Mme [L] avait saisi le conseil des prud'hommes de Paris aux fins de contester la rupture de son contrat.

Par jugement rendu le 12 décembre 2013, le conseil a :

- fixé la créance de Mme [L] au passif de la SA Scandinavian Incoming France à :

* 5.670 euros à titre de prime de langue

* 3.840 euros à titre de prime d'ancienneté

* 384 euros au titre des congés payés afférents

* 1.703 euros à titre de rappel de salaire

* 170 euros au titre des congés payés afférents

- rejeté ses autres demandes,

- déclaré le jugement opposable au CGEA-AGS IDF Ouest.

Mme [L] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour de :

- fixer au passif de la société Scandinavian Incoming France les sommes suivantes :

* 5.670 euros à titre de prime de langue

* 567 euros au titre des congés payés afférents

* 3.840 euros à titre de prime d'ancienneté

* 384 euros au titre des congés payés afférents

* 1.703 euros au titre du minimum conventionnel pour la classification B d'octobre 2007 à mars 2012

* 170 euros au titre des congés payés afférents

* à titre subsidiaire, 610 euros au titre du minimum conventionnel pour la classification A d'octobre 2007 à mars 2012

* 61 euros au titre des congés payés afférents

* 30.176 euros au titre de la requalification du travail à temps complet pour la classification B d'octobre 2007 à mars 2012

* 3.176 euros au titre des congés payés afférents

* 3.180 euros au titre de la prime de d'ancienneté afférente

* à titre subsidiaire, 29.349 euros au titre de la requalification du travail à temps complet pour la classification A d'octobre 2007 à mars 2012

* 2.934 euros au titre des congés payés afférents

* 3.091 euros au titre de la prime de d'ancienneté afférente

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral

* 2.136,82 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre subsidiaire 1.620,82 euros pour la classification A

* 63.252 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire 57.384 euros

- ordonner la remise de documents rectifiés sous astreinte.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, le CGEA-AGS IDF Ouest conclut à titre principal au rejet de l'ensemble des demandes de Mme [L] et à titre subsidiaire à la limitation de l'indemnité pour licenciement abusif.

Maître [I] mandataire ad hoc, régulièrement convoquée, n'a pas comparu.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la prime de langue

Mme [L] sollicite le paiement de la prime de langue prévue par l'article 33 de la convention collective des agences de voyages, contestée par les AGS au motif que l'usage d'une langue étrangère inhérent aux fonctions exercées, n'était pas la condition de son embauche.

Mme [L] produit une lettre de recommandation établie par le directeur administratif au moment de son licenciement, en date du 15 mai 2012, dont il ressort qu'elle utilisait pour l'exercice habituel de ses fonction (accueil et visites des clients scandinaves, traduction des documents pour les réservations, contacts téléphoniques) plusieurs langues étrangères (anglais, finnois, suédois).

Les conditions d'application de l'article 33 de la convention collective se trouvent réunies puisqu'il apparaît que Mme [L] occupait un emploi nécessitant d'une manière permanente l'usage de plusieurs langues étrangères.

Les bulletins de paie ne font ressortir le paiement d'aucune prime de langue, de sorte que la demande est fondée.

Le jugement mérite la confirmation à ce titre sauf à ajouter la fixation d'une indemnité de congés payés afférents.

Sur la classification et le respect du salaire minimum conventionnel

Mme [L] fait valoir que les tâches qui lui étaient confiées relèvent de la classification B des employés des agences de voyages, les AGS considérant qu'aucune preuve n'est produite au soutien cette prétention de Mme [L] qui n'a jamais contesté sa classification au niveau A.

Si le contrat de travail ne fait aucune référence sur le niveau de l'emploi occupé, les bulletins de paie fixe le salaire au regard d'une classification dans le groupe A.

La grille de classification de la convention collective, différencie les deux groupes en fonction de l'autonomie plus ou moins reconnue au salarié, qui dispose d'une bonne maîtrise du poste dans la catégorie B.

Mme [L] avait été engagée depuis janvier 1999 et la lettre de recommandation du 15 mai 2012 ne fait aucun doute sur l'autonomie acquise par celle-ci puisqu'elle traitait les courriels de la direction en son absence, et qu'il est fait état d'une solide connaissance de l'offre touristique en France.

La reconnaissance de la classification B avec des rappels de salaires calculés sur la base du minimum conventionnel, dans les limites de la prescription de cinq ans, apparaît donc justifiée, comme l'a jugé le conseil des prud'hommes de Paris.

Le jugement sera également confirmé à ce titre.

Sur la prime d'ancienneté

Les AGS s'en rapportent sur cette demande.

Il n'est pas contestable, au vu des bulletins de paie que la prime d'ancienneté n'était pas versée avant septembre 2011.

Le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet

Mme [L] fait valoir que l'avenant du 3 juillet 2000 a réduit la durée du travail à 24 heures par semaine sur quatre jours, sans préciser la répartition de ces jours sur la semaine, les AGS considérant qu'aucune preuve n'est rapportée sur la durée du travail effective, ajoutant que n'étant pas employeur, il lui est impossible de produire des éléments de preuve sur la relation de travail.

Il n'est pas contestable que l'avenant du 3 juillet 2000 qui indique "environ 24 heures par semaine quatre jours par semaine" n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.3123-14 du code du travail qui exige la mention de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine en cas de travail à temps partiel.

Néanmoins, Mme [L] ne produit absolument aucune pièce concernant l'accomplissement effectif de son contrat, sur ses heures de travail, en particulier aucune lettre invoquant auprès de son employeur l'exécution d'un travail à temps complet alors qu'elle a travaillé sur la base de cet avenant pendant plus de douze ans.

Il n'est pas produit de documents de travail, plannings ou mails, et ses prétentions, écrites et orales, ne formulent aucune indication sur une durée de travail supérieure à celle mentionnée dans l'avenant, se limitant à soulever une irrégularité de pure forme.

Mme [L] verse aux débats deux attestations de collègues qui font état d'horaires de travail irréguliers, mais sans que cela n'entraîne un dépassement de la durée contractuelle du travail.

Au vu de ces éléments, la cour considère que la demande n'est pas suffisemment étayée et doit être rejetée.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Toute rupture du contrat de travail qui résulterait de tels agissements est nulle de plein droit.

En l'espèce, Mme [L] fait valoir qu'elle était victime du harcèlement de son supérieur, M. [P], qui tenait à son encontre des propos humiliants et dévalorisants, les AGS considérant que les attestations qu'elle comunique sont insuffisantes pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, ajoutant également que n'étant pas employeur, il lui était difficile de produire des éléments de preuve sur la relation de travail.

Il sera relevé en effet que les trois attestations produites par Mme [L] ne sont pas suffisantes à faire présumer l'existence d'un harcèlement puisque pour une des collègues, il est évoqué des réprimandes injustifiées, sans plus de précision sur des faits ni datés ni circonstanciés, et que pour les deux autres attestations, rédigées par une collègue et une voisine, les personnes font part de propos qui leur ont été rapportés par Mme [L], non précisés, et qu'elles n'ont pas personnellement entendus.

S'agissant des mentions figurant sur l'avis du 7 mars 2012 du médecin du travail lors d'une visite périodique, celui-ci relève uniquement l'existence d'une mauvaise ambiance, dans un contexte de "menace de vente de l'entreprise", ce qui fait plutôt référence aux difficultés économiques de la société.

Ces éléments n'étant pas suffisemment précis, le conseil a considéré à juste titre qu'il ne pouvait être fait droit à la demande.

Sur la rupture du contrat et le non-respect de l'obligation de reclassement

A l'appui de son appel, Mme [L] fait valoir que les difficultés économiques de la société Scandinavian Incoming France ne sont pas établies, ni la suppression de son poste, ni les recherches préalables de reclassement, ni le respect des critères d'ordre, les AGS se déclarant dans l'impossibilité de produire des des éléments de preuve sur ces questions mais considérant qu'il n'est pas établi que la société française puisse être considérée comme étant intégrée au groupe Scandinavian faute d'implication de la société mère dans la gestion de la filiale.

La lettre de licenciement du 11 avril 2002 qui fixe les limites du litige, vise la baisse du chiffre d'affaires depuis 2011, la suppression du poste d'assistante occupé par Mme [L] et l'impossibilité de la reclasser.

Mme [L] produit un extrait du site internet du groupe Scancoming, dont il ressort que la société mère située à Helsinki développe ses activités en matière d'organisation de voyages et d'activités touristiques, et dispose de filiales dans plusieurs pays européens.

Les AGS ne contestent pas que la société Scandinavian Incoming France dépendait de ce groupe et elles ne communiquent aucun élément destiné à démontrer son autonomie de gestion à l'égard de la société mère, ni aucun argument qui ferait obstacle au reclassement dans l'une des sociétés du groupe qui exercent dans le même domaine d'activité.

Au surplus, il n'a pas été recherché de reclassement au sein de l'établissement situé à Nice.

Le licenciement est sans conteste dépourvu de cause faute de recherche effective d'une solution de reclassement

Au vu des éléments de la cause, Mme [L] qui avait une ancienneté de 13 ans et a retrouvé un emploi en mars 2016, est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité que la cour évalue, sur la base du salaire minimum conventionnel pour 24 heures hebdomadaires de travail, augmenté des primes, à la somme de 12.000 euros.

En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, fondée exclusivement sur la durée du travail à temps complet, laquelle n'a pas été reconnue.

Sur la garantie de l'AGS-CGEA IDF Ouest

La garantie de l'AGS s'applique dans les conditions prévues par l'article L. 3258-8 du code du travail, avec cette précision que le plafond 6 est applicable.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 12 décembre 2013 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [L] au titre de la rupture du contrat et des congés payés afférents à la prime de langue,

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau,

Fixe au passif de la société Scandinavian Incoming France et au bénéfice de Mme [L] la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 567 euros au titre des congés payés afférents à la prime de langue(en plus des sommes fixées en première instance),

Dit le jugement opposable au CGEA-AGS IDF Ouest dans les limites de la garantie légale et du plafond 6 applicable,

Rejette les autres demandes des parties,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective concernant la société Scandinavian Incoming France.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/03790
Date de la décision : 08/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/03790 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-08;14.03790 ?
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