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02/06/2017 | FRANCE | N°14/02633

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 juin 2017, 14/02633


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 02 Juin 2017

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02633



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/11059





APPELANTE

SA MKG CONSULTING anciennement MKG HOSPITALITY

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Marie-mar

the JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0067





INTIME

Monsieur [O] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]



représenté par Me Thierry ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 02 Juin 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02633

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/11059

APPELANTE

SA MKG CONSULTING anciennement MKG HOSPITALITY

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Marie-marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0067

INTIME

Monsieur [O] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

représenté par Me Thierry SABLE, avocat au barreau d'ALENCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, président

Madame Valérie AMAND, conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Greffier : Mme Frantz RONOT, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Faits et procédure

Monsieur [O] [T] né le [Date naissance 1] 1985 a été engagé par la société MKG HOSPITALITY FRANCE à compter du 21 juin 2010 en qualité de chargé d'études, statut agent de maîtrise coefficient 250 de la convention collective nationale Syntec moyennant un salaire de base de 1 621,42 euros pour 35 heures par semaine, les heures supplémentaires travaillées à compter de la 36ème heure jusqu'à la 39ème étant rémunérées à 125%.

Le 31 mai 2011, Monsieur [O] [T] a adressé à la société MKG HOSPITALITY FRANCE un courrier aux termes duquel après avoir rappelé les deux entretiens des 27 et 31 mai 2011, indiquait notamment "....je ne souhaite pas quitter l'entreprise et refuse la rupture conventionnelle que vous tentez de m'imposer dans des conditions inacceptables ....Lors de notre entretien du 27 mai 2011, vous avez étayé votre proposition de rupture conventionnelle aux motifs de votre mécontentement quant à la qualité de mon travail, puis par un sentiment de mésentente entre mon chef de service, [M] [H] et moi-même et de l'inadéquation de mon profil avec l'emploi de chargé d'études. Je conteste la légitimité et réfute énergiquement l'ensemble de ces motifs.....j'espère que mon refus de conclure une rupture conventionnelle à vos conditions, n'aura aucune incidence sur nos relations contractuelles et que je ne ferai pas l'objet de discrimination, ni de vexation, ni de harcèlement moral, ni de brimade. Mes craintes étant fondées sur les dernières directives et les derniers discours de mon supérieur hiérarchique : d'une part au sortir de la réunion du 30 mai, celui-ci m'informait qu'à compter de ce jour je devais impérativement faire mon travail en 41H30 par semaine. Or comme le précise mon contrat de travail......il devrait m'être confié ......ces tâches n'étant pas exhaustives. Compte tenu des délais parfois très courts impartis pour certaines études, je n'aurai, de fait que difficilement le temps nécessaire pour rendre une étude complète et de qualité dans les délais imposés...

- d'autre part, ce jour, M. [M] [H] m'a convoqué et m'a tenu des propos inacceptables et humiliant concernant : mon attitude soit disant déplacée....des menaces qu'il a proféré à mon encontre quand à mon avenir professionnel et plus spécifiquement des propos déplacés et diffamatoires sur l'évaluation qu'il ferait de moi à un futur employeur....(sic)

Par lettre du 7 juin 2011, la société réfutait la version des faits du salarié en lui rappelant que la réunion du 27 mai 2011 en présence de Mme [L] et de M. [H] avait pour objet de faire le point notamment sur une étude confiée au salarié et sur la position à adopter à l'égard de la cliente qui ne souhaitait pas régler le solde de la prestation d'étude ; qu'à l'issue du rendez-vous l'employeur avait fait des observations sur le travail du salarié et sur les attentes de l'entreprise en relevant un retrait de ce dernier depuis mai 2011 et l'avait dès lors interrogé sur ses intentions et qu'en réponse, le salarié avait tenté de négocier son départ, et émis des désidérata auxquels l'employeur n'a pas donné suite. Le président de la société indiquait encore " le 31 mai 2011, vous avez rencontré votre responsable de service M. [M] [H] à votre demande pour lui faire part de votre intention de vouloir partir avec une indemnité équivalente à six mois de salaire. Celui-ci ayant refusé d'accéder à cette demande et vous expliquant que vous pouviez bien évidemment conserver votre poste, vous avez souhaité me rencontrer immédiatement pour négocier votre départ. En aucun cas, vous ne pouvez affirmer comme précisé dans votre courrier, de la surprise de cet entretien, car tout cela s'est fait à votre demande. En ma présence et celle de M. [X] (responsable RH), vous avez interpelé vindicativement votre responsable en lui expliquant " qu'il ne comprenait rien et qu'il racontait n'importe quoi". Après cela vous nous avez alors proposé successivement : un licenciement avec une indemnité de 6 mois, puis une rupture conventionnelle, puis un licenciement moyennant 3 mois de salaire et un mois de préavis non effectué. La politique de l'entreprise étnat de ne pas accéder à ce genre de propositions, nous avons alors décidé de mettre fin à l'entretien.

Sur votre courrier, il est écrit que les propos tenus envers votre responsable résultent " de la défense de vos droits avec respect. Il semble que votre attitude lors de cet entretien était assez loin de ce qui est expliqué dans votre courrier....

Les propos discriminants, diffamatoires à la limite du harcèlement employés dans votre courrier ne reflètent en aucun cas la réalité des discours que vous avez pu avoir avec M. [M] [H] ou moi-même. Nos propos se sont voulus ouverts et constructifs et nous sommes désolés de constater que vous n'avez retenu que les aspects négatifs. Nous exprimons même une déception quant à la situation à la vue des qualités professionnelles que vous présentez .....Enfin sachez que nous souhaitons toujours vous aider au mieux dans la réalisation de vos études..."

Le salarié était en arrêt de travail du 22 juin au 6 juillet 2011 pour "syndrome dépressif réactionnel, contexte de difficultés au travail" selon un médecin généraliste, arrêt prolongé jusqu'au 20 juillet 2011.

Par courrier du 8 juillet 2011, signé de M. [T] mais dont l'auteur fait l'objet d'une discussion entre les parties - le salarié indiquant qu'il en est l'auteur et la société MKG HOSPITALITY FRANCE indiquant que Me Thierry Sable avocat du salarié en est l'auteur et l'expéditeur - le président de la société MKG HOSPITALITY FRANCE se voyait notifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en ces termes : ".... vous avez remis en cause la poursuite de mon contrat de travail en me conseillant une rupture conventionnelle . J'ai refusé une telle rupture de mon contrat estimant n'avoir commis aucune faute. Postérieurement à ces deux entretiens, j'ai d'abord subi des pressions puis des menaces de la part de mon supérieur. Pourtant j'ai fait tout fait pour être efficace et pour satisfaire votre société. J'ai fait en sorte de toujours être attentif et rendre un travail de qualité. Les retours positifs de mes supérieurs me laissaient penser que je donnais totale satisfaction. Sans aucune explication, à compter du 27 mai 2010 (sic) on m'a fait comprendre que je n'avais plus d'avenir au sein de votre société et que si je voulais un avenir, il fallait que je parte et que j'accepte de signer une rupture conventionnelle. Je ne méritais pas un tel traitement. J'ai essayé de surmonter mais, après les propos de mon chef de service dans les jours qui suivirent les entretiens, je n'arrivais plus à dormir. J'étais véritablement en souffrance et j'ai dû consulter mon médecin traitant puis par la suite un psychologue. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous m'avez infligé un tel traitement alors que je me suis totalement investi dans mon travail. Mes souffrances sont bien réelles et il m'est impossible d'envisager de reprendre mon travail. Je prends donc acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts....".

Le 12 juillet 2011, l'avocat du salarié écrivait à la société en présentant les demandes du salarié.

Par courrier du 18 juillet 2011 la société accusait réception du courrier du 8 juillet 2011 et contestait sa responsabilité dans la prise d'acte du salarié.

Monsieur [O] [T] a saisi le 8 août 2011 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités de rupture outre un rappel d'heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 17 janvier 2014, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, a :

- dit que les courriers des 8 et 12 juillet 2011 de Monsieur [O] [T] constituent une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail imputable à la société MKG HOSPITALITY FRANCE

-dit que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

-condamné la société MKG HOSPITALITY FRANCE à payer à Monsieur [O] [T] les sommes suivantes :

10 821,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1 757,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

1 807,80 euros au titre des heures supplémentaires

180,78 euros au titre des congés payés afférents

-dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 11 août 2011 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile, sous réserve de l'exécution provisoire de plein droit en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail

-condamné la société MKG HOSPITALITY FRANCE à verser à Monsieur [O] [T] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-débouté les parties du surplus de leurs prétentions

-condamné la société MKG HOSPITALITY FRANCE aux entiers dépens.

La société MKG HOSPITALITY FRANCE a interjeté appel de ce jugement.

Fin 2015 la société MKG HOSPITALITY FRANCE a changé de dénomination et est devenue la société MKG CONSULTING.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions visées par le greffier, la société MKG CONSULTING demande à la cour de :

Débouter Monsieur [O] [T] de toutes ses fins et demandes

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré fondée la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à la société MKG CONSULTING

Infirmer le jugement en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société concluante au paiement des sommes suivantes : 10 821,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 757,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 807,80 euros au titre des heures supplémentaires, 180,78 euros au titre des congés payés afférents et 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les autres demandes qui avaient été formées par Monsieur [O] [T] devant le conseil de prud'hommes

Dire et juger que Monsieur [O] [T] n'établit pas de manquements graves de l'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture aux torts de celui-ci

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du 8 juillet 2011 constitue une démission

Sur les heures supplémentaires

Juger que la société MKG CONSULTING reconnaît devoir la somme de 426,17 euros que l'employeur offre de payer

Débouter Monsieur [O] [T] de toutes demandes excédant ce montant

Condamner Monsieur [O] [T] à rembourser la somme de 2 905,29 euros qui lui a été payée au titre de l'exécution provisoire

Le condamner au remboursement des charges salariales et patronales payées par la société MKG CONSULTING soit la somme de 2 533,82 euros

Le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier, Monsieur [O] [T] demande à la cour de :

- Déclarer la société MKG CONSULTING infondée ne son appel

-Débouter la société MKG CONSULTING de sa demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les courriers des 8 et 12 juillet 2011 de Monsieur [O] [T] constituent une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail imputable à la société MKG CONSULTING

-Dit que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

-Condamner la société MKG CONSULTING à payer à Monsieur [O] [T] un mois de salaire à titre de d'indemnité compensatrice de préavis, 5 mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des heures supplémentaires entre juillet 2010 et mai 2011, des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus, infirmer le jugement déféré

Statuant à nouveau

Déclarer Monsieur [O] [T] recevable et bien-fondé en son appel incident

Juger que le salaire mensuel de référence à prendre en considération est de 2 408,85 euros et à titre subsidiaire de 2 164,26 euros,

En conséquence, condamner la société MKG CONSULTING à lui verser :

A titre principal,

*2 408,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*12 044,25 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*14 453,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

*4 498,35 euros ( 2 457,53 euros +2 040,83 euros) au titre des heures supplémentaires et *449,83 euros au titre des congés payés afférents

A titre subsidiaire

*2 164,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*10 821,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*12 985,56 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

*1 807,80 euros au titre des heures supplémentaires et 180,78 euros au titre des congés payés afférents

condamner la société MKG CONSULTING à verser à Monsieur [O] [T] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel

Juger que conformément aux articles 1153-1 et 1154 du code civil, ces sommes produiront à compter du 11 août 2011 pour les créances salariales et à compter de l'arrêt à venir pour les autres sommes allouées ( sic)

Enjoindre à la société MKG CONSULTING de transmettre à Monsieur [O] [T] l'attestation destinée à Pôle Emploi, le solde de tout compte et un bulletin de salarie conformes au dispositif de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document

Condamner la société MKG HOSPITALITY FRANCE aux dépens de l'instance.

A l'audience des débats, les parties ont soutenu les écritures susvisées auxquelles elles ont renvoyé la cour qui s'y réfère pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur le rejet de la pièce n°8 du salarié

La société indique n'avoir reçu qu'un courrier (sa pièce 6) daté du 8 juillet 2011 signé par M. [T] et en tout point identique à celle produite par le salarié, sauf que l'entête est celle de son avocat Me Sable, avocat à Alençon et le lieu de rédaction : Alençon ; elle demande le rejet de la lettre dont le salarié se prévaut (sa pièce 8) à la date et au contenu identique, sauf qu'elle ne comporte pas l'entête de son avocat mais le nom et l'adresse du salarié et le lieu de rédaction : [Localité 2].

Force est de constater que les copies et les originaux peu lisibles des recommandés produits par chacune des parties ne permettent pas de savoir quelle lettre a été effectivement envoyée et reçue par la société ; en toute hypothèse, la société n'oppose aucun moyen juridique sur ce point et reconnait que le contrat de travail a pris fin du fait de la prise d'acte de la rupture le 8 juillet 2011 et discute essentiellement les fondements de cette prise d'acte ; elle écrivait d'ailleurs le 18 juillet 2011 à Monsieur [O] [T] en indiquant " nous accusons réception de votre courrier du 8 juillet 2011 pour lequel vous nous faites part de la rupture de votre contrat de travail aux torts de notre société" ;

Par suite, la demande de rejet de la pièce 8 du salarié est rejetée.

Sur les effets de la prise d'acte

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Sur l'absence de visite d'embauche

En l'espèce, il est avéré que l'employeur ne justifie pas avoir fait bénéficier le salarié intimé de la visite médicale d'embauche ; le manquement est avéré ; toutefois le salarié qui n'invoque pas même un préjudice ayant résulté de ce manquement qu'il n'a pas invoqué ni dans sa lettre de rupture ni dans celle de son avocat ne démontre pas que ce manquement aurait empêché la poursuite du contrat de travail alors qu'il n'a d'ailleurs jamais réclamé cette visite à son employeur au cours de son contrat ; contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, la cour considère que ce seul manquement n'était pas assez grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Sur les pressions et les méthodes de management

Le deuxième manquement allégué est relatif aux pressions qu'il aurait subies en ce que son employeur qui venait de remettre en cause la qualité de son travail après le refus d'une cliente de régler le solde de l'étude faite par le salarié aurait exigé de lui qu'il donne sa réponse dans la journée sur la proposition de rompre le contrat de travail ; le salarié ajoute qu'après avoir refusé sa demande en paiement de 6 mois de salaire au titre de la rupture conventionnelle, l'employeur qui ne voulait rien payer a mis en place un management avec alternance de menaces et de pressions pour le pousser à la démission, management qui l'a déstabilisé au point de conduire à un arrêt de travail de deux fois 15 jours ; il affirme l'existence d'un management redoutable et en voit la preuve dans l'important turn over, avec 135 embauches en CDI pour un effectif de 11 salariés au 16 janvier 2012 comme le montrerait le registre du personnel ; il se prévaut de son courrier du 31 mai et soutient que les pressions n'ont pas cessé après son courrier mais sont devenues une méthode de gestion constitutive d'un harcèlement moral ;

La cour observe qu'hormis son propre courrier en date du 31 mai et celui de son avocat le 12 juillet 2011 auxquels la société a pris soin de répondre en contestant la présentation des faits, le salarié se borne à produire deux attestations de personnes qui ne travaillent pas dans la société et qui se limitent à dire avoir reçu le 27 mai 2011 un appel de M. [T] paniqué, qui cherchait à joindre son père car il disait qu'il venait d'être convoqué pour un licenciement pour rupture conventionnelle dont il ne comprenait pas les motifs et qu'il devait donner sa réponse dans la journée ; ces témoignages indirects sont peu probants et ne suffisent pas à établir les pressions et management allégués, entre le 27 mai et la prise d'acte de la rupture ; Mme [L], responsable études et développement commercial dans la société, présente lors de l'entretien du 27 mai 2011, atteste au contraire que le salarié invité à la rejoindre lors d'une réunion le 27 mai 2011 à l'occasion d'un dossier qu'il avait traité avait, une fois l'objet de la réunion terminé, informé ses responsables qu'il souhaitait une rupture amiable ; manifestement le salarié n'a pas été obligé de donner de réponse immédiate à la rupture conventionnelle qu'il souhaitait puisqu'il a attendu plus d'un mois après l'entretien pour prendre acte de la rupture ; le salarié ne démontre pas le management redoutable dont il aurait été victime entre le 27 mai et la prise d'acte ; le seul fait que selon le registre du personnel portant sur la période d'octobre 2000- et pas 2010 comme le dit de manière inexacte le salarié- à janvier 2012 (pièce 4 de l'employeur) montre l'embauche de 369 salariés ne suffit pas à établir une méthode de gestion insupportable qu'aurait subi le salarié puisque la société explique que la plupart des embauches porte sur des enquêteurs engagés en contrats à durée déterminée pour un ou deux jours et que tel n'était pas le cas du salarié embauché pour une durée indéterminée ; enfin le fait que le salarié ait été mis en arrêt de travail par un médecin généraliste entre le 22 juin et le 15 juillet 2011 pour un syndrome dépressif ne permet pas de mettre ce fait en lien avec le comportement managérial reprochés par le salarié mais qui n'est nullement établi.

Le manquement grave tiré de pressions et d'un management redoutable à l'origine de la détérioration de sa santé n'est pas établi en l'espèce.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas l'avoir intégralement payé des heures supplémentaires effectuées à hauteur de 4 498,35 euros qu'il réclame à titre principal ou à hauteur de 1 807, 80 euros à titre subsidiaire ; le salarié soutient qu'il a travaillé a minima 45 heures par semaine et produit pour ce faire les plannings de décembre 2010 à mai 2011 qui sont les seuls qu'il dit avoir conservé ; il indique que les relevés de pointages produits par l'employeur après plusieurs sommations sont incomplets et il indique tous les manquants ; il ajoute que beaucoup d'autres relevés ne sont pas signés ou comportent des astérisques ou des étoiles, ce qui prouverait que les horaires enregistrés par le badge auraient été modifiés ultérieurement à côté des horaires de pointage et considère que la durée de travail induite par les nombreux déplacements effectués n'ont pas été pris en compte.

L'employeur soutient que le salarié a signé les relevés de pointage jusqu'à février 2011 et qu'il a été payé des heures supplémentaires y figurant ; que les 45 heures par semaine alléguées par le salarié ne s'évincent pas des plannings produits qui sont divisés en trois tranches quotidiennes en sorte que le salarié ne peut affirmer avoir travailler de 9h à 19h alors qu'au surplus compte tenu des pauses qui figurent sur les relevés de pointage la durée effective est inférieure ; elle ajoute que les calculs du salarié sont erronés puisqu'ils ne tiennent pas compte des heures supplémentaires déjà payées et incluent des repos compensateurs non justifiés ; en reprenant les tableaux fournis par le salarié et après prise en compte des heures supplémentaires payées et des heures restant dues au vu des relevés de pointage et des bulletins de salaire, la société aboutit à un solde restant dû de 426,17 euros qu'elle offre de payer.

La cour observe que l'affirmation générale du salarié d'avoir effectué systématiquement 45 heures par semaine n'est corroborée par aucun élément ; les plannings versés ( sa pièce 2) ne sont pas pertinents puisqu'ils ne font pas apparaître les horaires d'arrivée et de sortie du salarié mais se bornent à exposer les trois tranches quotidiennes sans établir que le salarié a travaillé effectivement de 9H à 19H sans pause ; en réalité l'employeur produit de nombreux relevés de pointage faisant figurer précisément les horaires d'arrivée et de sortie et donc la durée de travail effectuée quotidiennement par le salarié qui les a signés pour la plupart ; en ce qui concerne ceux qui ne sont pas signés par le salarié, la cour observe que le logiciel de pointage n'est pas sérieusement contredit par le salarié ; vainement celui-ci indique-t-il que les astérisques ou étoiles prouvent une modification des horaires réels par l'employeur ; cet élément est contredit par la comparaison entre les journaux de pointages signés par le salarié et les relevés des horaires de pointage correspondants qui figurent avec des astérisques et en tout point similaires ; par suite, les relevés de pointage tels que produits par l'employeur sont fiables et montrent la durée effective quotidienne du salarié ; s'il est exact que les journaux de pointage n'ont plus été signés du salarié à compter du mars 2011 au moment où une rupture du contrat a été envisagée, il reste que le salarié n'étaye nullement sa demande quant à la durée systématique de 45 heures par semaine alléguée sur cette période ; certes le salarié a effectué des déplacements sans que l'on puisse toutefois déduire des seuls billets produits ( un aller le 6 mai pour [Localité 3] sans le retour, un aller retour [Localité 2] [Localité 4] le 20 mai de 8h10 à 19H 53 avec des pauses et un aller-retour à Lisbonne le 24 mai) une durée de travail hebdomadaire supérieure à celle payée, étant précisé que pendant le mois de mai 2011, le salarié a été payé de 11 heures supplémentaires au delà des 169 heures prenant ainsi en compte ses déplacements.

En revanche, une comparaison entre la durée effective de travail telle qu'elle ressort des relevés et journaux de pointage produits par l'employeur et que le salarié ne contredit pas sérieusement et le volume d'heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paie correspondant montrent un solde en faveur du salarié de 426,17 euros entre juillet 2010 et juin 2011 correspondant à 32 h14 comme cela s'évince du tableau de l'employeur qui n'est pas sérieusement critiqué par le salarié.

Il convient donc de retenir que la société appelante a manqué à son obligation en ne payant pas l'intégralité des heures supplémentaires effectuées par le salarié et qu'il convient de la condamner à lui verser la somme de 426,17 euros à ce titre outre la somme de 42,61 euros à titre de congés payés afférents et de réformer ainsi le jugement sur le quantum ; ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 11 août 2011.

La cour considère que le non-paiement de l'intégralité des heures supplémentaires pour un volume relativement faible de 32h14 sur la durée de douze mois et quinze jours qu'a duré le contrat de travail ne revêtait pas un caractère suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail en l'espèce ; d'ailleurs, dans son courrier de prise d'acte de la rupture du contrat, il n'évoquait pas même ce point et les relevés de pointage ont été signés par le salarié jusqu'en février 2011 ne montrant ainsi aucun désaccord jusqu'à cette date sur le volume des heures supplémentaires réglées chaque mois au salarié comme le montrent les bulletins de paie.

De même, le salarié ne démontre pas que l'erreur sur l'étendue des heures supplémentaires restant dues relève d'une dissimulation intentionnelle d'emploi de la part de l'employeur qui a fourni les relevés de pointage et offert de régler le restant dû au salarié une fois effectués les comparatifs entre les nombreuses heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paie et celles s'évinçant des relevés de pointage.

Le salarié est débouté de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la durée de la période d'essai

Comme le note exactement le salarié, la période d'essai de trois mois renouvelable pour la même durée par accord entre les parties fixée au contrat contrevenait à la durée conventionnelle prévue par l'article 7 de la convention nationale Syntec pour un agent de maîtrise classé coefficient 250 fixée à un mois renouvelable pour la même durée ; toutefois, le salarié ne démontre pas en quoi ce manquement empêchait la poursuite du contrat de travail qui s'est au contraire poursuivi après la fin de l'essai renouvelé d'un commun accord.

En définitive, la cour retient que le salarié ne montre pas que les manquements tels que retenus par la cour présentaient individuellement et pris dans leur ensemble un caractère de gravité tels qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail.

Par infirmation du jugement, la cour considère que la prise d'acte de la rupture par Monsieur [O] [T] a les effets d'une démission et le déboute de toutes ses demandes d'indemnité de rupture .

Sur les autres demandes

L'issue du litige commande de condamner la société MKG CONSULTING à remettre à Monsieur [O] [T] l'attestation destinée à Pôle Emploi, le solde de tout compte et un bulletin de salarie conformes à l'arrêt, sans qu'il soit besoin d'ordonner une astreinte non justifiée.

Conformément à l'article 1154 du code civil, les intérêts au taux légal dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts au taux légal.

Les parties devront faire les comptes entre elles au vu de ce qui a été réglé au titre de l'exécution provisoire et de ce qui est dû en application de la présente décision et la partie débitrice devra régler la somme due à la partie créancière, sans que la cour devant laquelle ne sont pas justifiés les règlements intervenus entre elles puissent faire droit à la demande de remboursement des sommes réclamées par la société MKG CONSULTING.

Il n'est pas contraire à l'équité de confirmer la condamnation de la société MKG CONSULTING à payer à Monsieur [O] [T] l'indemnité allouée par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'y ajouter la somme de 1 200 euros en cause d'appel.

Les dépens d'appel sont mis à la charge de la société MKG CONSULTING qui succombe en partie dans ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

La cour infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [T] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et a condamné la société MKG HOSPITALITY FRANCE aujourd'hui dénommée MKG CONSULTING aux dépens de première instance et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la première instance.

Statuant à nouveau sur les autres dispositions et y ajoutant.

Déboute la société MKG CONSULTING de sa demande de rejet des débats de la pièce 8 produite par le salarié.

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [O] [T] produit les effets d'une démission.

Déboute Monsieur [O] [T] de ses demandes en principal et intérêts d'indemnités compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société MKG CONSULTING à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 426,17 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre la somme de 42,61 euros à titre de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 11 août 2011.

Dit que les intérêts au taux légal dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts au taux légal.

Condamne la société MKG CONSULTING à transmettre à Monsieur [O] [T] l'attestation destinée à Pôle Emploi, le solde de tout compte et un bulletin de salarie conformes à l'arrêt.

Condamne la société MKG CONSULTING à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne la société MKG CONSULTING aux dépens d'appel.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/02633
Date de la décision : 02/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/02633 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-02;14.02633 ?
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