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31/05/2017 | FRANCE | N°14/15985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 31 mai 2017, 14/15985


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 31 MAI 2017



(n° 237 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/15985



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/14504





APPELANTS



Monsieur [O] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1] (Suisse)


r>né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2] (13)



Représenté par Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

Ayant pour avocat plaid...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 31 MAI 2017

(n° 237 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/15985

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/14504

APPELANTS

Monsieur [O] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1] (Suisse)

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2] (13)

Représenté par Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

Ayant pour avocat plaidant Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

Madame [Y] [P] épouse [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]S (Suisse)

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 3] (84)

Représentée par Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

Ayant pour avocat plaidant Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SELAS FIDAL prise en son bureau D'AVIGNON et en la personne de son représentant légal,

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 525 031 522

Représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine DUPUY de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T01

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Nadyra MOUNIEN, greffier.

*****

Par un arrêt du 13 septembre 2016 auquel il convient de se reporter pour l'exposé du litige et des prétentions des parties, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la perte de chance subie par les époux [I] d'établir effectivement leur domicile en Suisse antérieurement à la cession des actions, du fait du manquement de la société FIDAL à son devoir de conseil.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 mars 2017, les appelants demandent à la cour de constater les interventions de Mme [P] veuve [I] et de Mmes [D] et [Q] [I] en leur qualité d'héritières de [O] [I] et de les déclarer recevables, de constater qu'il a été statué sur la faute de la société FIDAL en ce qu'elle a manqué à son devoir de conseil, de dire que les consorts [I] du fait de la faute de la société FIDAL, ont perdu 99 % de chances d'éviter l'imposition des plus values sur la cession de titres, objets du redressement fiscal notifié le 20 décembre 1996, de dire qu'ils ont perdu 99% de chances d'échapper à la pénalité pour mauvaise foi, d'évaluer en conséquence le préjudice subi du fait du redressement à 99% de la somme de 8 191 783 €, en conséquence de condamner la société FIDAL à payer aux consorts [I] à titre de dommages-intérêts 99% de la somme de 8 191 783 € due au titre du redressement, en ce compris les pénalités pour mauvaise foi soit la somme de 8 109 866, 17€ avec intérêts au taux légal à compter de la décision, à titre subsidiaire, de condamner la société FIDAL à payer aux consorts [I] une provision de 5 millions d'euros dans le cas où une expertise comptable serait ordonnée, de condamner la société FIDAL à leur payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 mars 2017, la société FIDAL demande à la cour à titre liminaire d'écarter des débats la pièce adverse n°43 et les allégations de maître [R] au motif qu'elles émanent de l'un des conseils des consorts [I] , à titre principal réformant partiellement le jugement, dire et juger que les consorts [I] ne démontrent pas l'existence d'une faute imputable à la société FIDAL, dire et juger que la procédure engagée par les consorts [I] est abusive et cause un préjudice à la société FIDAL, par conséquent mettre hors de cause la société FIDAL, à titre subsidiaire sur l'absence de lien de causalité de dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et l'intervention de la société FIDAL, par conséquent débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes et mettre hors de cause la société FIDAL, à titre plus subsidiaire, dire et juger que les consorts [I] n'ont pas mis en oeuvre les conseils reçus de la société FIDAL dont en particulier la nécessité impérative de laisser un laps de temps d'au moins 6 mois entre le transfert de domicile et la cession de titres, par conséquent de dire et juger qu'ils ne prouvent pas avoir perdu une chance réelle et sérieuse d'échapper à l'impôt et à la majoration pour mauvaise foi du fait du caractère prétendument incomplet des conseils reçus de la société FIDAL, de débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes et mettre hors de cause la société FIDAL, à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que toutes demandes afférentes à la cession de la SC LONGCHAMP sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel et prescrites, de dire que le préjudice allégué en principal, pénalités, majorations et intérêts de retard est erroné/non justifié, de dire que l'avantage en trésorerie tiré du non paiement de l'impôt en principal est supérieur au montant du redressement fiscal, par conséquent, de débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes et mettre hors de cause la société FIDAL, en tout état de cause de rejeter la demande des consorts [I] tendant à la condamnation de la société FIDAL à verser une provision de 5 millions d'euros en cas d'expertise comptable, de condamner les consorts [I] à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les consorts [I] qui estiment que l'arrêt du 13 septembre 2016, a statué sur la faute et le lien de causalité avec le préjudice allégué, soutiennent que le débat est circonscrit à la perte de chance subie par les époux [I].

La société FIDAL répond que le dispositif qui a seule autorité de la chose jugée, ne tranche pas la question de la faute et du lien de causalité et se borne à ré-ouvrir les débats sur la perte de chance. Elle considère donc que le débat demeure ouvert sur la faute et le lien de causalité de sorte qu'elle entend de nouveau conclure sur ces deux aspects du litige.

L'arrêt du 16 septembre 2016 ne contient pas dans son dispositif de dispositions sur la faute de la société FIDAL et sur le lien de causalité avec le préjudice allégué bien qu'il se soit exprimé sur ces questions dans ses motifs. Ces points ne se trouvent donc pas tranchés et il convient d'y répondre dans le présent arrêt.

Cependant l'arrêt du 16 septembre 2016 n'a ordonné la réouverture des débats que sur la question de la perte de chance de sorte que la discussion sur la faute et le lien de causalité se trouve figée par les dernières conclusions des parties telles que citées dans cet arrêt, soit les conclusions communiquées par voie électronique le 9 novembre 2015 pour les consorts [I] et les conclusions communiquées par voie électronique le 26 janvier 2016 par la société FIDAL et les pièces qui les accompagnaient.

Ainsi après examen des moyens et arguments développés dans ces écritures, il y a lieu de retenir conformément à l'arrêt du 13 septembre 2016 les éléments suivants :

- Sur la faute :

La société FIDAL a conclu un contrat de conseil fiscal au profit de la société COMPAGNIE FINANCIÈRE SUD EUROPÉENNE, ses dirigeants (dont M.[I]) et leur famille d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er juillet 1991.Cette mission comprenait notamment la participation à l'établissement des déclarations fiscales.

La société FIDAL a écrit le 18 juin 1992 à M.[I] que le transfert fiscal 'se ferait le 1er janvier 993 de telle sorte que nous ferions une déclaration fiscale du 1er janvier 1993 au 31 janvier 1993 '.

En outre, le 26 août 2003, la société FIDAL a été en mesure d'adresser à maître [R] la déclaration des revenus 1993 en date du 15 février 1993.

Par ailleurs, il ressort d'une lettre écrite le 28 avril 1997 que la société FIDAL effectuait des déclarations fiscales pour les époux [I] et les adressait directement aux services fiscaux.

Cependant en l'espèce la déclaration de revenus et la lettre d'accompagnement de la déclaration fiscale des revenus de janvier et février 1993 destinée aux services fiscaux sont signées de M.[I].

Les époux [I] versent aux débats une lettre du 26 juin 2013 de maître [R] qui travaillait au sein de la société FIDAL et qui déclare que cette dernière était parfaitement au courant des opérations de cession de titres et qu'elle 'a établi en parfaite connaissance de cause de la situation une déclaration mentionnant une date de fin d'imposition en France (15 février avec effet à J+1) postérieure à la date de cession tout en ne mentionnant pas la plus value imposable sur cette déclaration'.

Il n'y a pas lieu d'écarter cette lettre, néanmoins il ressort des débats que maître [R] qui a quitté la société FIDAL, continue d'exercer des fonctions de conseiller fiscal auprès des époux [I] de sorte qu'elle entretient avec eux des liens dont il y a lieu de tenir compte afin d'apprécier le caractère probant de ses déclarations. Il convient en outre de relever que cette pièce est une simple lettre et ne revêt pas la forme d'une attestation en justice et qu'enfin elle n'est pas confortée par la production de la copie du brouillon intégral de la déclaration en cause que maître [R] indique avoir retrouvée et qui serait de nature à renforcer le caractère probant de souvenirs sur des documents fiscaux datant de dix ans.

Il est à noter que les époux [I] invoquent également une lettre de maître [R] du 25 septembre 2003 censée constituer la pièce 44 mais cette lettre n'a pas été remise à la cour et le bordereau de communication indique que la pièce 44 est une réponse aux observations du contribuable.

Aussi la seule lettre du 26 juin 2013 ne suffit pas à considérer comme certain que la déclaration de revenus de janvier et février 1993 a effectivement été rédigée par la société FIDAL. Néanmoins il est suffisamment établi que celle-ci a fourni ses conseils pour la déclaration des revenus de 1993 et le transfert de domicile en Suisse. Ainsi la responsabilité de la société FIDAL peut être recherchée pour un manquement à son obligation d'information et de conseil.

La volonté des époux [I] était de transférer leur domicile en Suisse et de ne pas être soumis à l'impôt en France pour les plus-values résultant de la vente des titres des sociétés [I] réalisées en exécution du protocole de levée de l'option de décembre 1992.

Les époux [I] reprochent à la société FIDAL de ne pas les avoir informés qu'un transfert de leur domicile en Suisse concomitant à la cession des titres serait inefficace et de ne pas les avoir mis en garde sur une cession prématurée des titres.

Dans la lettre du 18 juin 1992 déjà citée, la société FIDAL déclare que le transfert fiscal s'effectuera le 31 janvier 1993, mentionne les précautions à prendre en trois points puis indique ensuite :

' cession des actions [I] industrie et [I] freres

a/ pour les actions détenues directement par mesdemoiselles [D] et [Q] [I], il faut attendre impérativement juillet août 2013 pour être exonéré de plus-values sans que la cession ne soit trop proche du départ officiel en France.

b/ pour les actions détenues par la SC LONGCHAMP

* Si [X] est d'accord pour racheter les parts de la SC LONGCHAMP( au lieu des actions de[I] frères et[I] industrie) il y aura lieu d'attendre également juillet, août 1993 pour bénéficier de l'exonération .....

* Si [X] ne veut racheter que les actions[I] Industrie et[I] frères le rachat peut s'effectuer dès 1992 puisque de toutes façons la cession resterait imposable'

Outre que cette lettre ne contient aucune mention sur les 20 actions détenues par [O][I] lui-même dans la société[I] industrie, elle n'attire pas clairement et suffisamment l'attention de ses clients sur l'existence d'un laps de temps suffisant entre transfert de domicile et cession alors que la nécessité d'attendre juillet ou août 2013 semble liée aux types d'actions en cause et est présentée comme une circonstance variable, qu'ainsi fixant la date du transfert fiscal au 31 janvier 2013, elle ne mentionne pas clairement à quelle date le changement de résidence doit intervenir pour que celui-ci puisse produire effet.

Par ailleurs, Les époux[I] reprochent à la société FIDAL de ne pas les avoir mis en garde contre l'insuffisance des mesures d'expatriation prises.

La société FIDAL a indiqué aux époux[I] les précautions à prendre pour que le transfert de leur domicile en Suisse soit considéré comme effectif ( location nue du domicile parisien, déménagement effectif en Suisse, abandon des postes de PDG en France et des rémunérations correspondantes). En l'absence de tout autre élément sur l'étendue des conseils prodigués notamment au cours d'un entretien auquel participait également la société Francis Lefebvre , il y a lieu de retenir que la lettre du 18 juin 1992 contient l'ensemble des recommandations de la société FIDAL.

Ainsi la lettre du 18 juin 1992 mentionne que [O][I] devra abandonner progressivement les postes de PDG qu'il occupait surtout chez Atrium et[I] industrie et les rémunérations qui y sont attachées mais la cour administrative d'appel a retenu l'occupation- sans mention d'un caractère accessoire- par [O][I] d'un poste de président du conseil de surveillance, l'existence d'un patrimoine constitué de plusieurs biens immobiliers et agricoles situés en France ainsi que de participations dans le capital de plusieurs sociétés ayant leur siège en France.

Le Conseil d'Etat a confirmé la décision de la cour administrative d'appel en ce qu'elle a fait application du critère de l'article 4§2 a de la convention franco-suisse de 1966 pour déterminer le domicile fiscal des époux[I] c'est à dire celui du centre des intérêts vitaux et qu'elle a retenu que les époux[I] qui disposaient en France de plusieurs résidences dont leur résidence principale, qui y déployaient l'essentiel de leurs activités professionnelles et qui y utilisaient plusieurs véhicules, avaient leur foyer d'habitation permanent en France.

Compte tenu de ces motivations, l'information donnée par la société FIDAL n'apparaît pas suffisamment complète sur la notion de centre des intérêts vitaux qui prend en considération les multiples aspects de la vie des individus concernés.

Ainsi il y a lieu de retenir que la société FIDAL a manqué à son obligation de conseil en n'informant pas clairement et suffisamment les époux[I] sur la nécessité d'un laps de temps suffisant entre le transfert de domicile et la cession des titres et sur la notion de centre d'intérêts vitaux qui serait utilisée pour déterminer le lieu de leur domicile fiscal et les conséquences pratiques sur les changements qu'ils devaient apporter à leur mode de vie personnelle et professionnelle.

- Sur le préjudice et le lien de causalité :

Les consorts[I], concluant à la suite de l'arrêt du 13 septembre 2016, soutiennent que s'ils avaient reçu une information suffisante, l'expatriation aurait été correctement menée en temps utile ou à tout le moins, la cession des parts sociales aurait été retardée. Ils exposent que les époux[I] aurait pu installer leur résidence principale en Suisse dès juillet 1992 et [O][I] abandonner outre ses fonctions de PDG, celles de président du conseil de surveillance de ses sociétés. Les appelants ajoutent que la cession des actions aurait également pu être retardée.

Les appelants font également valoir que pour retenir la mauvaise foi, les juridictions administratives se sont fondées sur la concomitance entre transfert de domicile et cession des actions alors que si les époux[I] mieux informés, avaient compris l'importance d'un laps de temps suffisant entre ces deux événements, ils n'auraient pas déclaré un transfert de domicile du jour même de la cession des actions.

Ils estiment donc leur perte de chance à 99% pour l'imposition de la plus-value et la pénalité pour mauvaise foi. Ils déclarent justifier du paiement des sommes réclamées à ce titre par l'administration fiscale. Ils incluent dans le montant du préjudice la pénalité de 10% pour paiement tardif qui sanctionne selon eux, le défaut de déclaration de la plus-value qu'ils estiment en relation directe avec la faute reprochée à la société FIDAL. Ils ajoutent que la déduction de l'imposition de la plus -value réalisée au titre de la SC LONGCHAMP du chiffrage de l'imposition litigieuse doit être limitée aux impositions en principal qui seules auraient dues être supportées par [O][I] si la déclaration de cette plus-value avait été normalement effectuée au titre de 1993. Ils contestent avoir réalisé un gain de 7 702 268 € en raison du non paiement de l'impôt.

La société FIDAL soutient que conformément à ce qu'ont retenu les juridictions administratives, les époux[I] n'étaient pas résidents fiscaux en Suisse au 15 février 1993 et qu'ils ne pouvaient ignorer qu'ils étaient redevables de l'impôt en France de sorte que le préjudice allégué ne trouve pas sa cause dans la faute qui lui est reprochée.

S'agissant de la perte de chance, la société FIDAL en conteste la réalité alors que les époux[I] n'ont pas respecté les prescriptions du courrier du 18 juin 1992 et qu'ils n'auraient donc pas davantage respecté d'autres conseils.

La société FIDAL au vu des dernières pièces fournies ne conteste plus le règlement des sommes réclamées mais fait valoir que l'impôt ne constitue pas un préjudice non plus que la pénalité pour mauvaise foi alors que les époux[I] ont délibérément pris le risque d'avancer la cession des actions.

Elle conteste enfin le chiffrage du préjudice et fait valoir que le différé de paiement de la dette fiscale a procuré un avantage en trésorerie supérieur au montant de l'impôt.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

Dès lors qu'il est retenu par la cour que la lettre de la société FIDAL du 18 juin 1992 ne constituait pas une information claire et suffisante des époux[I] sur les démarches à effectuer pour parvenir à la non -imposition en France de la plus-value dégagée par la cession des actions, il existe un lien de causalité entre la faute de l'intimée constituée par le manquement à son obligation d'information et de conseil et le défaut de transfert du domicile en Suisse et la prise en compte de cette plus-value par l'administration fiscale française, qui en est la conséquence.

Les époux[I] ont ainsi perdu une chance de pouvoir établir leur domicile en Suisse en temps utile. Pour apprécier cette perte de chance, il convient de tenir compte des contraintes liées à un transfert effectif de leurs centres d'intérêts vitaux selon les indices reconnus comme pertinents par les juridictions administratives.

Le Conseil d'Etat a notamment relevé que les époux[I] disposaient de plusieurs résidences en France, ainsi que de plusieurs véhicules automobiles, qu'ils y exerçaient l'essentiel de leurs activité professionnelle et que l'essentiel de leurs revenus provenait de ce pays.

Or l'argumentation actuelle des consorts[I] dans leurs dernières conclusions, reste fondée sur des éléments qui n'ont pas suffi à convaincre les juridictions administratives de la réalité de leur changement de domicile : déménagement des meubles de leur résidence principale de France en Suisse, scolarisation des enfants en Suisse , autorisation d'établissement en Suisse. En revanche ils ne donnent aucune information sur l'existence de plusieurs résidences en France ainsi que de véhicules automobiles non plus que sur l'origine de leurs revenus.

Les appelants font valoir que depuis 1993, ils n'ont pas subi d'autres redressements fiscaux et que leur domiciliation suisse ne fait plus l'objet de contestation.

Cette situation peut en effet constituer un indice du fait qu'ils se sont pliés aux exigences de la loi fiscale mais ne permet pas d'écarter tout aléa sur une mise en oeuvre effective au moment où la cession des actions était envisagée.

Ainsi au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir une perte de chance de 70%.

Les appelants justifient aujourd'hui par la production d'un commandement de payer du 20 juin 2016 de ce qu'ils ont réglé à l'administration la somme que celle-ci réclamait au titre de l'impôt dû en 1993 sur la plus-value des actions. Dès lors qu'ils auraient pu ne pas avoir à régler ces sommes si les époux[I] avaient été reconnus comme étant domiciliés en Suisse, l'impôt et la majoration pour mauvaise foi constituent des préjudices indemnisables.

Les appelants exposent que les sommes dues au fisc du fait des plus-values se sont élevées à 7 182 505 € au titre de l'impôt sur le revenu et à 1 009 278 € au titre de la CSG dont la somme totale de 1776 847€ au titre des pénalités pour mauvaise foi. La société FIDAL retient des chiffres identiques en ce qui concerne le principal et la majoration de 40% pour mauvaise foi; en revanche, elle conteste le montant des intérêts de retard et exclut la pénalité pour paiement tardif.

Cette dernière pénalité s'élève à 652 955 € pour l'impôt sur le revenu et à 91 753 € pour la CSG dans le décompte des appelants.

Ceux-ci déclarent que cette pénalité est automatiquement appliquée dès lors que la déclaration n'a pas été faite en temps utile de sorte qu'elle n'aurait pas été due si la société FIDAL avait rempli son obligation d'information.

En revanche, la société FIDAL explique que cette pénalité de 10% cumulée avec celle de 40% pour mauvaise foi est fondée sur l'article 1730 du code général des impôts et n'est pas la conséquence directe du redressement fiscal mais résulte du non paiement par les consorts[I] des sommes dues dans un délai de 45 jours à compter de la mise en recouvrement.

Il convient de relever que la proposition de rectification du 20 décembre 1996 citée par les appelants, prévoit une majoration de 40% en application de l'article 1729 du code général des impôts mais ne mentionne pas une majoration de 10%.

L'article 1728 A du code général des impôts prévoit une majoration de 10% en cas de retard ou de défaut de souscription des déclarations pour l'impôt sur le revenu ainsi qu'en cas d'inexactitudes ou d'omissions relevées dans ces déclarations mais il précise que cette majoration n'est pas applicable lorsqu'il a été fait application des majorations prévues par l'article 1729, ce qui est le cas en l'espèce.

Enfin une majoration de 10% pour paiement tardif résulte de l'article 1730 du code général des impôts et n'est pas liée directement à un défaut de déclaration; aussi elle ne présente pas de lien de causalité avec la faute retenue à l'encontre de la société FIDAL et les sommes en cause dites pénalités pour paiement tardif qui ne peuvent être réclamées qu'en application de l'article 1730 ne doivent donc pas être prises en considération dans le calcul du préjudice des appelants.

Il convient par ailleurs de rappeler que les époux[I] ont également subi un redressement fiscal pour la plus value résultant de la cession de la SC LONGCHAMP sans lien avec le présent litige et que pour obtenir le montant de l'imposition litigieuse , il est nécessaire de déduire l'imposition au titre de la plus-value dégagée sur la cession des parts de la SC LONGCHAMP, étant précisé qu'à la suite d'un dégrèvement obtenu pour cette société portant sur les intérêts ramenés à 9% et la majoration de 40% supprimée, il s'est opéré une compensation avec l'ensemble de l'imposition due.

La question opposant les parties porte sur la déduction ou non des intérêts de 9% imputés au titre de la SC LONGCHAMP en raison d'une déclaration tardive de la plus-value des parts de ladite société.

Les appelants font valoir que la déduction de l'imposition de la plus value réalisée lors de la cession des parts de cette société, doit être limitée à l'imposition en principal qui seule aurait due être supportée par [O][I] si la déclaration de cette plus-value avait été normalement effectuée au titre de 1993 et que l'intérêt de 9% ne doit pas être déduit car il est exclusivement la conséquence de la non déclaration de cette opération au bon moment, par la société FIDAL.

La société FIDAL fait au contraire valoir que le chiffrage de l'imposition de la plus-value de cession des titres[I] doit être effectué en déduisant l'ensemble des sommes réclamées au titre de l'imposition de la plus-value de cession des titres LONGCHAMP.

Il y a lieu en effet de déduire l'ensemble des sommes réclamées par le fisc au titre de l'imposition de la plus-value de la SC LONGCHAMP dès lors que celles-ci sont sans lien avec l'imposition de la plus-value dégagée lors de la cession des titres [I]. Par ailleurs ainsi que le relève la société FIDAL, la cour n'est pas saisie du litige relative à l'imposition de la plus value de cession des titres LONGCHAMP et n'a pas à tenir compte d'une éventuelle faute relative à la tardiveté de la déclaration de cette plus-value.

Enfin la société FIDAL émet d'autres contestations à hauteur de 2 023,46 € et 66,22 € qui seront admises mais qui, compte tenu de la modicité des montants en cause, ne sont pas de nature à avoir une incidence sur l'évaluation de la perte de chance.

Ainsi la charge fiscale supportée par les consorts [I] du fait de la plus-value dégagée sur la cession des titres [I] sera fixée à la somme de 7 206 723 €.

Par ailleurs, les consorts [I] n'ont payé les sommes dues au fisc qu'à compter de l'année 2012.

Sur la base d'un intérêt de 5 % sur 10 ans sur la somme principale de 4 442 116 € et en tenant compte des versements effectués à compter d'octobre 2012, la société FIDAL estime l'avantage de trésorerie résultant de cette situation à la somme de 7 702 268 €. Elle rappelle que la cession des titres de la société [I] s'est réalisée pour la somme de

24 047 642,21 €.

Les appelants contestent la réalité de cet avantage de trésorerie, faisant valoir que pour payer leur dette , ils ont dû vendre des propriétés et souscrire des emprunts.

Le fait de ne pas payer immédiatement la somme due au titre de l'impôt procure théoriquement un avantage de trésorerie égal au loyer de l'argent néanmoins en l'espèce, les époux [I] s'attendaient à bénéficier d'une plus value importante et en réalité ils ont vu celle-ci absorbée en partie par l'imposition, les intérêts et les pénalités qu'elle a engendrés. Ainsi loin de bénéficier d'un avantage de trésorerie, ils ont subi une importante perturbation dans la gestion de leur patrimoine.

La perte de chance des consorts [I] sera appréciée à la somme de 5 040 000 € qui leur sera allouée à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

L'action des consorts [I] étant bien fondée la société FIDAL sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Il sera alloué en outre aux consorts [I] la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'intervention de Mme [P] veuve [I] et de Mmes [D] et [Q] [I] es qualités d'ayants-droit de [O] [I],

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 juin 2014,

Dit n'y avoir lieu à écarter la pièce 43 des consorts [I],

Dit que la société FIDAL a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard des époux [I],

Condamne la société FIDAL à payer aux consorts [I] la somme de 5 040 000 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute la société FIDAL de sa demande en dommages-intérêts,

Condamne la société FIDAL à payer aux consorts [I] la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FIDAL aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL PIESSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL & ASSOCIÉS pour les dépens d'appel, selon l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/15985
Date de la décision : 31/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/15985 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-31;14.15985 ?
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