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31/05/2017 | FRANCE | N°14/10274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 31 mai 2017, 14/10274


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 31 Mai 2017



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10274



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/2156





APPELANTE

Madame [V] [P]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] (15)

[Adresse 1]

[Localité 2]
r>comparante en personne

assistée de Me Yohanna WEIZMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242





INTIMEE

SAS LA PLATE-FORME

N° SIREN : 403 104 250

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 31 Mai 2017

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10274

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/2156

APPELANTE

Madame [V] [P]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] (15)

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Yohanna WEIZMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

INTIMEE

SAS LA PLATE-FORME

N° SIREN : 403 104 250

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0270

en présence de Mme [O] [D], membre de l'entreprise, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016,

Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Madame [V] [P] et celles de la SAS LA PLATE-FORME visées et développées à l'audience du 26 avril 2017.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [P] a été engagée par la société LA PLATEFORME suivant contrat à durée déterminée à compter du 27 janvier 2003 en qualité de chef de caisse, les relations des parties étant régies par la convention collective de négoces des matériaux de construction.

En dernier lieu, elle était chef de groupe, statut cadre, niveau VII, échelon A, coefficient 410, moyennant un salaire mensuel de 2.439,80 €. Elle exerçait ses fonctions au dépôt de [Localité 4].

Madame [P] a été convoquée par lettre du 29 décembre 2011 à un entretien préalable fixé au 9 janvier 2012, soit le lendemain de son retour de congé de maternité. Elle a été dispensée de l'exécution de son contrat de travail par courrier du 9 janvier 2012.

Par lettre du 19 janvier 2012, elle a été licenciée pour faute grave en raison de son comportement.

Contestant son licenciement, Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 février 2012, lequel, par jugement rendu en audience de départage le 3 septembre 2014, a jugé que le licenciement pour faute grave était fondé, a débouté Madame [P] de ses demandes et mis les dépens à sa charge.

Madame [P] a interjeté appel le 26 septembre 2014 et demande'à la cour d'infirmer le jugement, de dire à titre principal que le licenciement est nul pour violation du statut protecteur de la femme enceinte, à titre subsidiaire, qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société LA PLATEFORME à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil :

- 70.000 € à titre principal ou subsidiaire,

- 1.215 € à titre de rappel de salaire (date du licenciement au 6 février 2012) à titre principal,

- 121,50 € au titre des congés payés afférents,

- 7.290 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 729 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société LA PLATEFORME demande à la cour de confirmer le jugement, de dire que le licenciement pour faute grave est valable, fondé et justifié, de débouter Madame [P] de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée à Madame [P] le 19 janvier 2012 est ainsi libellée':' «''Nous vous notifions par la présente, notre décision de procéder à votre licenciement pour les raisons qui suivent.

Nous avons en effet été informés par plusieurs collaborateurs de faits particulièrement graves vous concernant et qui nous ont conduits à mener une enquête interne au sein du dépôt de [Localité 4] où vous exercez les fonctions de chef de groupe.

Dans le cadre de cette enquête, il nous a été révélé que vous aviez exercé, à plusieurs reprises, des pressions psychologiques et proféré des menaces et intimidations à l'encontre de plusieurs collaborateurs.

Ainsi, il nous a été révélé que le 2 septembre 2011 en début d'après midi, vous vous êtes présentée sur votre dépôt de rattachement de [Localité 4] afin de faire une copie de votre arrêt de travail à envoyer au service paie. A cette occasion, vous avez tenu les propos suivants devant plusieurs témoins': «'à mon retour il y en a qui vont en baver'».

Ces menaces ont été réitérées le même jour lorsque vers 19 h 30 vous avez appelé depuis votre téléphone une collaboratrice pour faire le point sur votre secteur et lui avez déclaré à cette occasion que vous aviez pris des dispositions afin de bloquer certaines évolutions de carrière et que vous aviez à «'régler des comptes'» à votre retour.

Le 29 décembre 2011, vous vous êtes de nouveau présentée sur votre dépôt, et après vous être approchée des collaboratrices présentes sur place, vous avez alors donné des instructions, contrôlé des écarts de caisse en déclarant à l'une d'entre elles «'tu as trouvé les écarts tout seule ou tu as appelé le siège'» et ce devant témoins.

Lors de notre enquête, nous avons également recueilli plusieurs témoignages relatifs à l'existence de pressions psychologiques continues sur votre équipe (y compris durant les congés sous la forme d'appels téléphoniques) et des situations humiliantes conduisant aussi à faire culpabiliser une partie de votre équipe en leur attribuant la responsabilité de vos événements personnels, créant ainsi un climat hostile et une dégradation des conditions de travail des collaborateurs de votre équipe.

Afin de vous assurer que vos pratiques ne soient finalement révélées à la direction dans le cadre de l'enquête, vous avez persisté à exercer une importante pression voire des intimidations sur vos collaborateurs afin de les contraindre à ne rien divulguer et vous avez menacé de porter plainte si des collaboratrices attestaient des griefs qu'elles vous reprochaient.

Nous avons également constaté que vos prises de décisions conduisaient à un traitement inégal entre les collaborateurs de votre équipe, en dehors de tout élément objectif, alors même que votre manager vous avait alerté à plusieurs reprises sur ce point lors de vos entretiens d'évaluation et vous avait invité à adopter une approche managériale plus juste et plus équitable entre les membres de votre équipe'.

Nous ne saurions tolérer par conséquent de tels actes et propos exercés à l'encontre d'autres collaborateurs de la société ainsi que des méthodes managériales employant le harcèlement et la violence morale, en violation de vos obligations professionnelles et des règles en vigueur au sein de la société, laquelle est tenue par ailleurs d'une obligation de sécurité à l'égard de ses collaborateurs'.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave'».

En vertu de l'article L. 1225-4 du code du travail, la salariée enceinte est protégée contre le licenciement. Toutefois, en cas de circonstances graves ou impératives non liées à l'état de la salariée, l'employeur est en droit de procéder au licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou en raison de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Madame [P] invoque la prescription des faits fautifs, l'absence de motivation et des griefs non établis et soutient que son licenciement a été créé de toutes pièces par l'employeur.

Sur la prescription, d'une part, si les entretiens d'évaluation de la salariée contiennent des indications sur son comportement managérial, les mentions y figurant telles que «'travaille avec tes chefs de caisse afin de les aider à trouver leur place et la reconnaissance de leur poste. Travaille sur la façon de dire ou d'écrire les choses. Attention quelques fois à la façon de dire les choses » démontrent qu'il s'agissait de conseils plus que de reproches et il ne ressort pas de ces documents que l'employeur était informé de la réalité du comportement de Madame [P] avec ses collaborateurs tel qu'il en est fait grief dans la lettre de licenciement.

Or, au vu des attestations de nombreux salariés, même si le comportement de Madame [P] était ancien, d'une part, celle-ci exerçait des pressions et des menaces auprès des personnes concernées pour que la direction n'en soit pas informée.

D'autre part, ce sont les incidents des 2 septembre 2011 et 26 décembre 2011 qui ont conduit à l'information de l'employeur, lequel a conduit une enquête auprès des collaborateurs pour vérifier les reproches formulés notamment par les hôtesses de caisse et c'est l'absence de Madame [P] en congé de maternité et les menaces proférées sur la situation qu'elles vivraient à son retour, qui ont permis aux caissières d'attester des menaces, pressions psychologiques, situations humiliantes et du traitement inégal entre les collaborateurs de l'équipe.

Ainsi, l'employeur a dû mettre en 'uvre une enquête auprès des salariés pour vérifier la réalité des faits reprochés à Madame [P] et a engagé la procédure trois jours après le second incident.

La réalité des faits et leur étendue n'ayant été portées à la connaissance de l'employeur que moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, le moyen tiré de la prescription des faits fautifs ne peut être retenu.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Madame [P], la lettre de licenciement est parfaitement motivée et précise sur le comportement et le management pratiqué par elle.

Enfin, le nombre de salariés concernés (9) qui témoignent dans des attestations du comportement de Madame [P] ne permet pas de retenir l'existence d'un complot qui émanerait de trois employés ou de l'employeur et c'est en vain que Madame [P] produit des attestations destinées à faire échec à celles versées par l'employeur, lesquelles émanent pour la plupart de personnes qui ne travaillaient pas avec elle, qui étaient des clients, qui sont restées peu de temps ou qui sont générales et imprécises.

Au regard du comportement de Madame [P], tel qu'il est décrit par les attestations précises, circonstanciées et concordantes de ses collaborateurs, le maintien de celle-ci dans l'entreprise était impossible car ce comportement, s'apparentant à un harcèlement moral, était susceptible d'engager la responsabilité de l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés.

La preuve des faits étant rapportée, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la qualification de faute grave.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave était fondé au regard de l'analyse faite des différentes attestations et que la notification du licenciement était intervenue après l'expiration de la période de suspension du contrat de travail.

Succombant Madame [P] supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à la société LA PLATE-FORME la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Madame [V] [P] à payer à la société LA PLATE-FORME la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/10274
Date de la décision : 31/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/10274 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-31;14.10274 ?
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