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30/05/2017 | FRANCE | N°16/07608

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 30 mai 2017, 16/07608


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 30 Mai 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07608



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 14/01505



APPELANTE

Société AEC TERTIAIRE (ARC EN CIEL)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 788 984 656

représentée par Me Roland ZERA

H, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164



INTIMES

Monsieur [Z] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

représenté par Me Aïcha OUAHMANE, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 30 Mai 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07608

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 14/01505

APPELANTE

Société AEC TERTIAIRE (ARC EN CIEL)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 788 984 656

représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164

INTIMES

Monsieur [Z] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

représenté par Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 335

SARL ZEPHYR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 391 573 094

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Z] [Q] a été embauché par la société TFN PROPRETÉ le 17 juillet 1990, en qualité d'agent très qualifié de services. Le 1er juillet 2013, son contrat de travail a été transféré à la société ZEPHYR et selon avenant du 17 octobre 2013, il a été affecté à temps complet sur le site des bâtiments communaux de la ville de [Localité 2].

En mai 2014, le marché de nettoyage de ce site a été repris par la société AEC TERTIAIRE ; celle -ci ayant refusé le transfert de son contrat de travail, monsieur [Q] a saisi le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL dans sa formation de référé et parallèlement sur le fond ; par ordonnance du 20 août 2014, le Conseil de Prud'hommes, statuant en référé, a ordonné la réintégration de monsieur [Q] au sein de la société AEC TERTIAIRE sous astreinte, et condamné celle-ci à lui payer un rappel de salaires jusqu'à réintégration.

Par courrier du 25 août 2014, la société AEC TERTIAIRE a informé monsieur [Q] de sa réintégration, et par arrêt du 7 mai 2015 la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé.

Le 27 octobre 2015, monsieur [Q] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 6 novembre. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 27 octobre 2015.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises de propreté. A la date de la rupture, le salaire brut moyen mensuel de monsieur [Q] était de 1.562,20 Euros.

Par jugement du 17 mai 2016, le Conseil de Prud'hommes de Créteil a mis hors de cause la société ZEPHYR, dit le licenciement de monsieur [Q] sans cause réelle et sérieuse et condamné la société AEC TERTIAIRE à lui payer les sommes suivantes :

- 3.124,40 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

- 10.935,40 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 36.000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- 706,85 Euros à titre de rappel des salaires et les congés payés afférents

- 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Le Conseil de Prud'hommes a ordonné la remise de documents de fins de contrat conformes, sous astreinte, et fixé au 3 juillet 2014 le point de départ des intérêts au taux légal sur les créances salariales.

Le 24 mai 2016, la société AEC TERTIAIRE a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 29 mars 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société AEC TERTIAIRE demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter monsieur [Q] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 29 mars 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [Q] demande à la cour de confirmer le jugement sauf à porter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 93.732 Euros et ceux pour préjudice moral à 4.686,60 Euros.

Il sollicite condamnation de la société AEC TERTIAIRE à lui payer 4.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

La société AEC TERTIAIRE s'étant désisté de son appel contre la société ZEPHYR, il convient de lui en donner acte.

MOTIFS

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ;

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est ainsi motivée :

'Pour faire suite à notre entretien préalable au licenciement intervenu en date du 6 Novembre 2015 au cours duquel vous vous êtes présenté seul sans assistance, nous vous prions de prendre acte de la présente lettre qui tient lieu de notification de votre licenciement pour faute grave.

En effet, à plusieurs reprises nous avons attiré votre attention sur votre attitude fautive, notamment, en ce qui concerne l'insubordination caractérisée dont vous avez fait preuve dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail.

A cet égard, vous avez fait l'objet de divers rappels au sujet des prestations d'entretien et de nettoyage des locaux de notre client auxquels nous avons la charge et l'obligation.

II en ressort précédemment à ces rappels, que ces prestations ne sont pas conformes aux attentes de ce dernier conformément au cahier des charges dont le respect des dispositions s'impose à la société.

De ce point de vue, compte tenu des plaintes qui nous ont été adressées par ses soins, vos

responsables hiérarchiques dans l'exercice de leur rôle dans le contrôle de la qualité des prestations, ont toujours été dans l'obligation de refaire l'intégralité du travail qui relève de vos responsabilités contractuelles.

Et pourtant, malgré votre présence sur le site, vous n'avez jamais voulu tenir compte des consignes et instructions relatives à l'exercice de vos fonctions que vous recevez des responsables en charges de votre site d'affectation.

Les attestations de vos collègues affectés dans les mêmes locaux en sont de parfaites illustrations dans la confirmation des faits qui vous sont reprochés.

Il en est de même pour les réclamations faites par le client dans le rappel des dispositions et des exigences du cahier des charges auxquelles la société est tenue, notamment en ce qui concerne les mails des 19, 20 et 22 Octobre 2015 suivis des photos prises par ce dernier sur votre poste de travail.

Cette situation d'insubordination qui perdure est inadmissible dans la mesure où en application des dispositions légales « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites... Elles doivent être exécutées de bonne foi '' (article 1134 du code civil).

Or, nous constatons que votre comportement n'entre pas dans le cadre de ces dispositions légales.

Par ailleurs, nous tenons à porter à votre information qu'à plusieurs reprises votre épouse a passé des appels téléphoniques à destination du siège de la société en se plaignant des reproches qui vous ont été faits.

Au cours de ces appels téléphoniques, il est de ses habitudes d'adopter un ton injurieux à l'encontre de nos salariés alors que ces dits reproches l'ont été dans le cadre de l'exécution de vos obligations contractuelles dont l`employeur est en droit de sanctionner la défaillance en usant de son pouvoir de direction.

En l'état, l'ensemble de ces faits justifie votre licenciement pour insubordination constitutive d'une faute grave puisque votre attitude perturbatrice désorganise l'ensemble de nos équipes d'agents auxquelles nous sommes tenus à tout moment de mobiliser pour palier vos carences.

Votre maintien dans l'entreprise s'avère désormais impossible en raison de ces faits dont vous êtes l'auteur car cela altère notre image de marque auprès de notre client.

Nous ne pouvons, dans ces conditions, accepter de tels comportements et encore moins de prendre le risque de perdre une clientèle que nous avons déjà tant de mal à fidéliser'.

C'est à juste titre et par des motifs adoptés par la Cour que le Conseil de Prud'hommes a considéré que les faits d'insubordination n'étaient pas établis et les plaintes des clients non étayées par des pièces probantes, les photos prises n'étant ni identifiées, ni identifiables ;

Il convient d'ajouter que la société AEC TERTIAIRE explique elle-même que les horaires de travail de monsieur [Q] étaient incompatibles avec les horaires de travail du site de [Localité 2], le nettoyage des locaux devant être effectué en dehors des périodes d'occupation ;

Si un avertissement lui a été délivré le 10 novembre 2014, l'intéressé fait valoir, sans être contredit, que lorsqu'il a pris son poste, le 28 août 2014, aucun salarié de la société AEC TERTIAIRE ne l'a accueilli sur son lieu de travail, pour lui présenter les sites, lui donner les clefs ni même un planning ;

Il a contesté cet avertissement, par lettres des 12 novembre et 24 novembre 2014 en expliquant qu'il ne recevait jamais aucune consigne et fait valoir que ses chantiers (CC2, champs de foire, police municipale, nouvelle et ancienne école d'arts plastiques) étaient des endroits très fréquentés et qu'il devait se rendre à pied ou en bus d'un chantier à l'autre, la société ne lui ayant pas fourni de véhicule, ce qui limitait son temps de travail ;

Toujours est-il que jusqu'à la procédure de licenciement, mise en oeuvre un an plus tard, aucune remarque n'a été faite à monsieur [Q] sur son travail ; la société ne justifie d'aucune consigne qui lui aurait été donnée ni lui avoir adressé, comme elle le prétend 'différentes mises en garde, remontrances et courriers' en dépit desquelles l'intéressé aurait 'systématiquement refusé' d'effectuer son travail ; le grief d'insubordination ne peut être retenu, comme l'a jugé à bon droit le Conseil de Prud'hommes ; en outre, les contrôles que la ville de [Localité 2] a indiqué avoir effectué les 19, 20 et 22 octobre 2015 l'ont été hors la présence de l'intéressé et donc de façon non contradictoire ; si la société AEC TERTIAIRE prétend que monsieur [Q] n'a pas contesté les documents reçus de la ville de [Localité 2], elle n'en justifie pas ;

La preuve de la faute grave n'étant pas rapportée par la société AEC TERTIAIRE, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de monsieur [Q] sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement, contestées dans le principe mais pas dans les montants, ainsi que le rappel de salaires;

Le montant des dommages et intérêts alloués par le Conseil est adapté à l'effectif de l'entreprise, aux circonstances de la rupture, au montant de la rémunération mensuelle de monsieur [Q], à son âge lors de la rupture (50 ans), à son ancienneté, sa capacité à trouver un nouvel emploi et aux conséquences du licenciement à son égard ;

Sur le préjudice moral

C'est encore à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a jugé que le contrat de travail n'avait pas été exécuté de bonne foi par la société AEC TERTIAIRE, qui avait laissé sans réponse les demandes de monsieur [Q] relatives d'une part à la mise à disposition d'un véhicule de services, pour qu'il puisse rentrer à son domicile (distant de 50 kms du site de [Localité 2]), comme la société ZEPHYR le lui avait confirmé par courrier du 14 octobre 2013 ; et d'autre part à la retenue sur salaires opérée en octobre et à propos de laquelle la société AEC TERTIAIRE ne donne aucune explication ;

Le montant des dommages et intérêts alloués par le Conseil constitue une juste réparation du préjudice subi et le jugement sera également confirmé de ce chef ;

En application des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, la société AEC TERTIAIRE devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à monsieur [Q] à hauteur de deux mois ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Donne acte à la société AEC TERTIAIRE de son désistement à l'égard de la société ZEPHYR ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Condamne la société AEC TERTIAIRE à payer à monsieur [Q] 1.500 Euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Dit que la la société AEC TERTIAIRE devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à monsieur [Q] à hauteur de deux mois ;

Met les dépens à la charge de la société AEC TERTIAIRE .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/07608
Date de la décision : 30/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/07608 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-30;16.07608 ?
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