Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 30 MAI 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/07270
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/02789
APPELANT
Monsieur [I] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (Cameroun)
COMPARANT
[Adresse 1]
[Adresse 2]
ALLEMAGNE
représenté par Me Brigitte PONROY, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C0487
assisté de Me Sidonie LEOUE, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
INTIME
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 3]
représenté par Madame de CHOISEUL PRASLIN, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 avril 2017, en audience publique, le rapport entendu, l'avocat de l'appelant et le Ministère Public ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur LECAROZ, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Dominique GUIHAL, présidente
Madame Dominique SALVARY, conseillère
Monsieur Jean LECAROZ, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame de CHOISEUL PRASLIN, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Le [Date mariage 1] 2004, M. [I], [N] [B], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (Cameroun), de nationalité camerounaise, s'est marié avec Mme [M], [U] [J], née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 2], de nationalité française. De leur union, aucun enfant n'est issu.
En application de l'article 21-2 du code civil, M. [B] a souscrit le 14 août 2009, devant le consul de France en Allemagne, une déclaration acquisitive de nationalité française par mariage enregistrée par le ministre chargé des naturalisations le 15 juillet 2010 sous le n°2009 DX 014332 (09615/10).
Le 30 octobre 2012, le divorce des époux [B]-[J] a été prononcé par le tribunal familial de Aachen (Allemagne).
Selon bordereau de transmission du 16 octobre 2013, le ministère de l'Intérieur chargé des naturalisations a informé le ministre de la Justice de l'éventuelle opportunité de saisir le ministère public territorialement compétent en vue d'une action judiciaire tendant à l'annulation de l'enregistrement de la déclaration souscrite par M. [B] sur le fondement de l'article 26-4 du code civil.
Le 3 février 2014, le ministère public a assigné M. [B] en annulation de la déclaration de nationalité et en constatation de son extranéité.
Par jugement du 11 février 2016, le tribunal de grande instance de Paris a annulé l'enregistrement effectué le 15 juillet 2010 de la déclaration de nationalité française par mariage de M. [B] et dit que celui-ci n'est pas français.
M. [B] a fait appel de cette décision le 24 mars 2016.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2017, il demande à la cour de constater qu'il a respecté les formalités exigées par l'article 1043 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement et de condamner l'agent judiciaire du Trésor au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2016, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement.
SUR QUOI,
Considérant qu'il est justifié de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé du ministère de la Justice du 29 décembre 2016 ; que l'appel de M. [B] n'est donc pas caduc et ses conclusions sont recevables ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le ministère public territorialement compétent, qui a assigné moins de deux ans à compter de la connaissance de la cessation de la communauté de vie entre M. [B] et Mme [J], est recevable à agir en contestation de l'enregistrement de la déclaration de souscription de nationalité ;
Considérant que faute de disposition transitoire dans la loi n°2006-1119 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, il convient d'appliquer aux déclarations acquisitives le régime en vigueur à la date de leur souscription ; qu'ayant été effectuée le 14 août 2009, la souscription de la déclaration acquisitive de M. [B] produit ses effets selon le régime fixé par l'article 21-2 du code civil, dans sa version issue de la loi précitée ;
Considérant qu'en application de ce texte, M. [B] ne pouvait pas, contrairement à ce qu'il affirme, souscrire une déclaration à l'issue d'un délai de deux ans ou de trois ans, s'il ne justifiait pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage ; que cette souscription ne pouvait être effectuée que passé un délai de quatre ans ou, de cinq ans à compter du mariage s'il ne justifiait pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter de son mariage ; qu'il n'est pas contesté qu'après son mariage en 2004 avec Mme [J], M. [B] a résidé au Danemark puis en Allemagne où il a souscrit la déclaration de nationalité le 14 août 2009 ;
Considérant que le texte précité exige notamment qu'à la date de la déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage ; que le ministère public ayant introduit son action en contestation de l'enregistrement de la déclaration le 3 février 2014, soit plus de deux ans après son prononcé intervenu le 15 juillet 2010, la présomption de fraude prévue à l'article 26-4 du code civil ne peut recevoir application et il lui appartient de démontrer l'absence de communauté de vie au jour de cette déclaration ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que s'il existait au jour de la déclaration une communauté de vie matérielle entre M. [B] et Mme [J], caractérisée par l'existence d'un compte bancaire, d'un domicile et de conditions fiscales et sociales communes, cette communauté de vie ne s'étendait pas à la sphère affective ; que l'absence de communauté de vie affective entre M. [B] et Mme [J] se déduit du constat que M. [B] a eu, au cours du mariage, plusieurs enfants nés de ses relations avec Mme [K] [V] ; qu'en effet, avant la déclaration de M. [B] du 14 avril 2009, est née le [Date naissance 3] 2008, [O], [G], de sa relation avec cette dernière ; que cette relation, loin de constituer de simples infidélités comme il le prétend, a été continue puisqu'il résulte des attestations de Mme [J] que Mme [V] se rendait régulièrement au domicile de M. [B] et de Mme [J] où elle profitait de ces moments pour « se rapprocher » de M. [B], y compris à « des heures tardives » ; que si aucun enfant n'est né de sa relation avec Mme [J], un nouvel enfant [U], [F], est née le [Date naissance 4] 2011 à [Localité 3] (Allemagne) de sa relation avec Mme [V] ;
Considérant qu'il est ainsi établi par le ministère public l'absence de communauté de vie affective entre M. [B] et Mme [J] à la date de la déclaration et que la preuve contraire n'est rapportée ni par les attestations à caractère familial dont la valeur probante est douteuse, ni par la production du jugement allemand du 30 octobre 2012 prononçant le divorce pour altération du lien conjugal, dont on ne saurait déduire a contrario qu'une communauté de vie affective existait antérieurement ;
Que la déclaration du 14 août 2009 par laquelle M. [B] a attesté sur l'honneur que sa communauté de vie tant matérielle qu'affective n'avait pas cessé depuis son mariage est donc entachée de mensonge ou de fraude au sens de l'article 26-4 du code civil ;
Considérant que succombant à l'instance, M. [B] est débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare l'appel de M. [B] recevable,
Confirme le jugement,
Ordonne la mention de l'article 28 du code civil,
Rejette la demande de M. [B] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [B] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE