RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 30 Mai 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05040
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° F 13/14379
APPELANT
Monsieur [A] [R]
Élisant domicile chez Maître Pierre REYNAUD- Avocat
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Pierre REYNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1685
INTIMEE
SAS INVESTANCE PARTNERS anciennement investance consulting venant aux droits de la SA INVESTANCE CONSULTING et la société INVESTANCE GROUP
[Adresse 2]
[Localité 1] / FRANCE
N° SIRET : 435 257 175
représentée par Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377
INTERVENTION FORCEE
SA CMS GROUP
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 391 325 065
représentée par Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377
AVOCAT GENERAL
Monsieur Avocat général PIETRI
en ses observations
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, faisant fonction de Président
Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère
Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour.
- signé par Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, faisant fonction de Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Le groupe INVESTANCE est spécialisé dans le conseil aux opérateurs des services financiers .
La SAS INVESTANCE GROUP est une société holding, dont les filiales se répartissent dans plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis.
Le président de toutes les sociétés du groupe INVESTANCE est Monsieur [D] [T].
Monsieur [A] [R] né le [Date naissance 1] 1966 ,a été embauché par la SA INVESTANCE devenue par la suite INVESTANCE CONSULTING, filiale française de la SAS INVESTANCE GROUP à compter 2 janvier 2001, suivant un contrat à durée indéterminée régularisé le 12 octobre 2001, en qualité de cadre commercial , Responsable Commercial en Conseil et en Ingénierie.
Monsieur [A] [R] a ensuite été embauché le 26 juillet 2005 par une filiale américaine du groupe dénommée INVESTANCE AMERICAS pour y occuper le poste de directeur commercial.
Par un courrier en date du 16 septembre 2013, les sociétés INVESTANCE GROUP et INVESTANCE PARTNERS ont informé Monsieur [R] de la cession de la filiale américaine INVESTANCE AMERICAS à une société française concurrente, S.I.A PARTNERS.
Le contrat de travail de Monsieur [R] a été transféré à la société S.I.A PARTNERS qui a immédiatement licencié Monsieur [R].
Le 26 septembre 2013, Monsieur [R] a attrait les sociétés INVESTANCE GROUP et INVESTANCE CONSULTING aux fins de les voir condamner au paiement de diverses indemnités en conséquence de la violation de l'article L. 1231 -5 du code du travail dont il a réclamé l'application.
Par lettre du 27 novembre 2013 Monsieur [R] a rappelé à la SA INVESTANCE CONSULTING les dispositions de l'article L. 1231-5 du Code du travail et l'a mise en demeure en vain de l'indemniser au titre de la clause de non concurence. ;
Par jugement en date du 1er décembre 2014, le Conseil de Prud'hommes de Paris , section encadrement, chambre 3 a débouté Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes .
Le 18 mai 2015 le salarié a régulièrement interjeté appel de cette décision .
Il demande à la Cour de:
-Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
-Dire que les co-employeurs INVESTANCE CONSULTING S.A. et INVESTANCE GROUP S.A.S. ont manqué aux obligations impératives de l'article L. 1231-5 du Code du travail ;
-Dire que les sociétés INVESTANCE CONSULTING S.A. et INVESTANCE GROUP S.A.S. ou l'une à défaut de l'autre, doivent indemniser M. [R] au titre de la perte de sa qualité de salarié-actionnaire du groupe ;
-Condamner in sodium les sociétés INVESTANCE CONSULTING S.A. et INVESTANCE GROUP S.A.S., ou l'une à défaut de l'autre, à payer à Monsieur [A] [R], avec intérêts de droit à compter du 01/10/2013, les sommes suivantes :
*Indemnité compensatrice de préavis : 97.335,00 € ;
*Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 9.733,50 €
*Indemnité conventionnelle de licenciement : 136.917,90 €
*Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 584.010,00 €
*Exécution de la clause de non-concurrence : 194.670,00 €
*Indemnité compensatrice de congés payés sur la clause de non concurrence : 19.467,00€
*Indemnité actionnariat salarial INVESTANCE CONSULTING : 42.029,61 €
*Indemnité actionnariat salarial INVESTANCE PARTNERS : 652.164,00 €
*Indemnité de procédure (article 700 du code de procédure civile .) : 12.000,00 €
- Ordonner la capitalisation des intérêts courus sur les condamnations à intervenir à compter du 01/10/2013, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
-Débouter les sociétés INVESTANCE CONSULTING S.A. et INVESTANCE GROUP S.A.S. de toutes prétentions plus amples ou contraires ;
-Condamner les sociétés INVESTANCE CONSULTING S.A. et INVESTANCE GROUP S.A.S. aux dépens de l'instance.
Suite à la restructuration du groupe INVESTANCE Monsieur [R] a par exploit du 13 décembre 2016 assigné en intervention forcée la SA CMS GROUP.
La SAS INVESTANCE PARTNERS venant aux droits des de la SA INVESTANCE CONSULTING et de la SAS INVESTANCE GROUP est intervenue volontairement à l'instance .
Elle demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner Monsieur [A] [R] à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts , la somme de 5000 € au titre del'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens .
La SA CMS GROUP sollicite à titre principal sa mise hors de cause .
A titre subsidiaire elle demande à la Cour de de confirmer le jugement et de condamner Monsieur [A] [R] à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts , la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens .
Le Ministère Public a présenté ses observations;
Les parties entendues en leurs plaidoiries le 24 janvier 2017 , la Cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous quinzaine . Aucun accord n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, et des observations du Ministère Public la Cour se réfère à leurs écrits visés par le greffier et développés lors de l'audience des débats.
SUR CE :
Sur la mise en cause de la SA CMS GROUP
Les pièces produites, extrait K bis , extraits du BODAC ne sont pas suffisantes pour démontrer que la SA CMS GROUP vient, du seul fait d'un transfert partiel d'actifs , aux droits de la la SAS INVESTANCE GROUP , société dissoute et radiée du registre du commerce depuis septembre 2016 , et aux droits de laquelle vient désormais la SAS INVESTANCE PARTNERS .
La SA CMS GROUP est donc mise hors de cause.
Sur l'application de l'article L. 1231-5 du Code du travail
L'article L. 1231-5 du Code du travail dispose: «Lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables.
Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l'indemnité de licenciement. »
Contrairement aux motifs du jugement , ni la rupture d'un commun accord signé le 19 juillet 2005 entre Monsieur [R] et la société INVESTANCE CONSULTING , ni la cession de la société INVESTANCE AMERICAS à la société SIA PARTNERS ne suffisent à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L 1231-5 du code du travail
Par contre aux termes de ces dispositions légales les obligations mises à la charge de la société mère ne s'appliquent que lorsqu'un contrat de travail a été conclu par celle-ci avec le salarié et que ce dernier est lié par un contrat de travail avec la société filiale.
Or en l'espèce il est constant que le contrat de travail initial de Monsieur [R] a été conclu avec la société INVESTANCE CONSULTING, filiale française de la société mère INVESTANCE GROUP et non avec cette société mère elle-même.
Monsieur [R] contourne cet obstacle juridique , en invoquant l'existence d'un co emploi entre la Société mère et ses filiales .
Il lui appartient donc de prouver qu'au delà de l'existence de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, il existe une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant
par une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa ou ses filiales .
Au vu des pièces produites , la Cour considère que , les éléments rapportés par Monsieur [R] notamment ,la souscription d'un contrat de prévoyance par la société INVESTANCE GROUP pour l'emploi du salarié au sein de sa filiale américaine, ou la réalisation de son entretien annuel par le Dirigeant du Groupe également dirigeant de toutes les filiales , démontrent seulement la persistance d'un
liens de collaboration entre la Société mère SAS INVENSTANCE GROUP , la SAS INVESTNG GROUPE et la filiale américaine mais sont insuffisants pour étayer la thèse de l'existence d'un coemploi .
Au vu de l'ensemble des constatations ci dessus , la Cour constatant l'absence de tout contrat de travail conclu à l'origine entre la Société mère INVENSTANCE GROUP SAS et Monsieur [R] ,confirme le jugement qui l'a débouté de l'ensemble ses demandes découlant de l'application des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail .
Sur l'application ou la rémunération de la clause de non-concurrence
Le paiement de la contrepartie pécuniaire d'une clause de non concurrence est exigible dès lors que le contrat du travail du salarié a cessé, qu'il est prouvé que l'employeur n'a pas renoncé à son obligation de manière claire et non équivoque et qu'il est prouvé que le salarié a effectivement respecté la clause.
La clause de non concurrence dont l'indemnisation est demandée est celle figurant dans le contrat initial conclu en 2001 entre la société INVESTANCE CONSULTING et Monsieur [R], qui prétend qu'elle aurait été étendue au groupe par le biais de sa mutation dans la filiale américaine.
Au vu des pièces produites , le contrat de travail initial entre Monsieur [R] et la société INVESTANCE CONSULTING a été rompu d'un commun accord le 19 juillet 2005 et il n'est nullement démontré qu'il y a eu mutation au sein de la filiale américaine avec transfert de la clause de non concurrence.
La société INVESTANCE CONSULTING n'ayant pas renoncé à cette clause de non concurrence il appartenait à l'époque au salarié d'en solliciter l'indemnisation et il n'est plus fondé à en réclamer l'application plus de 8 ans après la rupture des relations contractuelles de travail alors même qu'il a intégré une autre filiale du groupe .
A titre superfétatoire la Cour observe que la clause de non concurrence figurant au contrat de travail conclu avec la filiale américaine a été transférée en même temps que ledit contrat de travail à la SIA PARTNERS et que c'est donc cette société qui serait débitrice, le cas echéant, de la contre partie pécuniaire de la dite clause de non concurrence .
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté Monsieur [R] de sa demande au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence.
Sur les indemnités dues au titre de l'actionnariat salarial
Au vu des pièces du dossier, et notamment, du règlement du plan d'attribution gratuite d'actions, des courriers du 13 février 2006 et du 3 décembre 2009 et des propositions de rachat faites par les SAS GROUP et SAS INVESTANCE PARTNERS le 16 septembre 2013, la faculté qu'a eu Monsieur [R] de détenir des actions du groupe INVESTANCE était subordonnée à sa qualité de salarié d'une filiale du groupe et la perte de cette qualité de salarié du groupe a de fait entraîné la perte de sa qualité d'actionnaire. La détention des actions dérivant de l'existence du contrat de travail , il convient d'infirmer le jugement et de dire la juridiction prud'hommale compétente pour juger des demandes qui s'y rapportent.
En l'absence d'accord sur leur valeur de rachat, le Groupe INVESTANCE a pris la décision d'annuler les actions détenues par Monsieur [R] le privant ainsi totalement de la possibilité d'exercer de manière régulière et dans les meilleures conditions possibles son droit d'option. Cette perte de chance est nécessairement génératrice d'un préjudice, que la Cour, au vu des propositions de rachat faite en 2013 et de l'audit de Monsieur [L] , dont les conclusions contradictoirement communiquées ne sont pas contestées, évalue à la somme de 21.000 € pour les actions INVESTANCE CONSULTING et à la somme de 163 000 € pour les actions INVESTANCE PARTNER. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la capitalisation des intérêts
Il convient de faire droit à la demande de capitalisation dans les conditions prévues par la loi.
Sur la demande de dommages et intérêts de la SA CMS GROUP et de la SAS INVESTANCE PARTNERS
Les deux sociétés ne démontrant ni le caractère abusif de l'appel , ni le préjudice qu'elles auraient subi , les demandes de dommages et intérêts de ce chef sont rejetées.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La Cour alloue à Monsieur [R] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisse à la charge de la SAS INVESTANCE PARTNERS les dépens de première instance et d'appel , à l'exception du coût de l'assignation en intervention forcée de la SA CMS GROUP qui sera supporté par Monsieur [A] [R] .
Compte tenu du contexte du litige , il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA CMS GROUP ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel recevable ,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [A] [R] de ses demandes d'indemnité au titre du rachat des actions, et l'a condamné aux dépens.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Met hors de cause la SA CMS GROUP;
Condamne la SAS INVESTANCE PARTNERS venant aux droits de la SA INVESTANCE CONSULTING et de la SAS INVESTANCE GROUP à payer à Monsieur [A] [R] au titre de l'actionnariat salarial les indemnités suivantes:
- 21.000 € pour les actions INVESTANCE CONSULTING ;
-163 000 € pour les actions INVESTANCE PARTNER;
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la SAS INVESTANCE PARTNERS venant aux droits de la SA INVESTANCE CONSULTING et de la SAS INVESTANCE GROUP à payer à Monsieur [A] [R] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Déboute les parties du surplus de leurs demandes .
Condamne la Condamne la SAS INVESTANCE PARTNERS venant aux droits de la SA INVESTANCE CONSULTING et de la SAS INVESTANCE GROUP aux dépens de première instance et d'appel l'exception du coût de l'assignation en intervention forcée de la SA CMS GROUP, qui sera supporté par Monsieur [A] [R] .
LE GREFFIER LE PRESIDENT