Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 24 MAI 2017
(n° , 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19708
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°
APPELANTS
Monsieur [Q] [P]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2] (92)
Représenté par : Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assisté par : Me Chantal MALARDÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : J 073
Société MAF MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090
Assistée par : Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D 146
INTIMES
Monsieur [S] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 5]
Représenté par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assisté par : Stéphane LAUNAY, SCP RAFFIN, PARIS , toque : P 133
Monsieur [R] [I]
[Adresse 4]
[Localité 4]
né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 5]
Représenté par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assisté par : Stéphane LAUNAY, SCP RAFFIN, PARIS , toque : P 133
SARL STUDIO BANDE ORIGINALE - SBO- prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 6]
N° SIRET : 485 373 898
Représentée par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée par : Stéphane LAUNAY, SCP RAFFIN, PARIS , toque : P 133
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Maryse LESAULT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre
Madame Maryse LESAULT, conseillère
Madame Madeleine HUBERTY, conseillère
qui en ont délibéré
Rapport ayant été fait par Madame Maryse LESAULT, conseillère, conformément à l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Vidjaya DIVITY
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre et par Madame Vidjaya DIVITY, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE
La société STUDIO BANDE ORIGINALE, ci-après dénommée SBO, créée en 2005 a pour activité l'exploitation de salles de répétition et d'enregistrement. Après avoir pris en location des locaux situés au rez de chaussée de l'immeuble situé [Adresse 5] pour y transférer son activité en la développant, elle a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, des travaux de réhabilitation de ce local commercial d'une superficie de 300 M² dont la SCI PYRENEES est propriétaire.
Sont intervenus à l'opération de réhabilitation :
- M. [P] architecte assuré auprès de la MAF, en qualité de maître d''uvre chargé d'une mission complète,
- la société FADI-BAT, titulaire du lot maçonnerie,
- la société NONO, titulaire du lot «'plâtrerie, isolation, faux plafonds'».
Un Bureau d'études acoustique saisi par SBO le 11 janvier 2010 a déposé son rapport le 18 janvier 2010.
Les travaux ont été réceptionnés le 22 janvier 2010 avec une réserve relative à la qualité de l'isolement acoustique.
Se plaignant d'une isolation acoustique insuffisante, la société SBO a sollicité et obtenu, par ordonnance du 19 juillet 2010, la désignation d'un expert. M.[V], désigné en cette qualité, s'est adjoint un sapiteur expert comptable, M.[J] et a clos son rapport le 29 juillet 2014 incluant les conclusions du rapport du sapiteur du 3 avril 2014 qui y a été annexé.
Sur assignation du 23 septembre 2014 tendant à obtenir une provision de 500 000 € à valoir sur l'intégralité de ses préjudices, SBO a obtenu par ordonnance de référé du 17 décembre 2014,la condamnation solidaire de M. [P] et de la MAF à lui payer une provision de 234.000 € à valoir que l'indemnisation de la perte de marge pour les années 2010 à 2012.
Par acte du 29 avril 2015 SBO a fait assigner M. [P] et son assureur la MAF à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 8 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
-dit que les désordres revêtent un caractère décennal,
-condamné solidairement M. [P] et la MAF à payer à SBO les sommes suivantes :
-1 094 238,15 € HT au titre des travaux de reprise, avec actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 3 avril 2014 et le présent jugement,
-39 280,80 € HT au titre des frais d'investigations exposés dans le cadre de l'expertise judiciaire,
-87 539,05 € HT au titre des frais de maîtrise d''uvre des travaux de reprise,
-35 800 € HT au titre des études acoustiques à réaliser en cours de chantier,
-8 000 € au titre du contrôle technique,
-condamné solidairement M. [P] et la MAF à payer':
- à SBO la somme de 300 000 € au titre des préjudices financiers,
- à M. [S] [I] et M .[R] [I] la somme de 20 000 € chacun au titre du préjudice moral,
-dit qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, la MAF est bien fondée à opposer sa franchise à son assuré,
-dit que le plafond de garantie opposable par la MAF au titre des préjudices immatériels consécutifs à un dommage de nature décennale s'élève à la somme de 1 750 000 €,
-dit n'y avoir lieu à consignation des sommes allouées,
-condamné solidairement M. [P] et la MAF à payer à SBO la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-prononcé l'exécution provisoire,
-débouté les parties de leurs autres demandes,
-condamné solidairement M. [P] et la MAF aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise,
-accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [P] et la MAF ont interjeté appel de cette décision respectivement les 6 et 7 octobre 2015.
Parallèlement, la MAF a saisi le Premier Président de la cour d'appel de Paris aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire, demande à laquelle M. [P] s'est associé. Cette demande a été rejetée, comme celle de consignation, par ordonnance du 16 mars 2016.
Les deux appels ont été joints le 17 mai 2016 et l'instance s'est poursuivie sous la référence 15-19708.
DEMANDES DES PARTIES
1- Par conclusions récapitulatives du 26 avril 2016, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 1792 et 1147 du code civil et 1315 et suivants du même code, de :
-le dire recevable et fondé en son appel,
Sur le fondement décennal,
-juger que les désordres dont il est demandé réparation étaient apparents et réservés à la réception,
-juger que les désordres sont insusceptibles de relever de la garantie décennale instituée par les articles 1792 et suivants du code civil,
-infirmer le jugement en ce qu'il a qualifié les désordres de techniquement décennal,
Statuant à nouveau,
-débouter SBO de sa demande de condamnation formulée à son encontre, sur le fondement décennal,
Subsidiairement, sur le fondement contractuel,
-juger que SBO a commis des fautes à l'origine du préjudice dont elle demande aujourd'hui réparation,
-juger que le lien de causalité entre la prétendue faute qui lui est imputable et le préjudice dont il est demandé réparation, n'est nullement rapporté,
-prononcer sa mise hors de cause,
Subsidiairement,
-prononcer un partage de responsabilité entre SBO et sa personne,
Sur les préjudices,
-juger que le montant des travaux de reprise et les demandes accessoires allégués par la société STUDIO BANDE ORIGINALE ne correspondent pas à la réparation de son préjudice au jour du prononcé de la décision,
En conséquence,
-infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à SBO les sommes de :
- 1 094 238,15 € HT au titre des travaux de reprise, avec actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 3 avril 2014 et le présent arrêt,
- 39 280,80 € HT au titre des frais d'investigations exposés dans le cadre des opérations d'expertise,
- 87 539,05 € HT au titre des frais de maîtrise d''uvre des travaux de reprise,
- 35 000 € € HT au titre des études acoustiques à réaliser en cours de chantier,
- 8 000 € HT au titre du contrôleur technique,
Statuant à nouveau,
-rejeter la demande d'indemnisation au titre du coût des travaux de reprise,
-juger que SBO ne rapporte nullement la preuve de son préjudice immatériel,
-infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à SBO la somme de 300 000 € de ce chef,
En tout état de cause,
-ramener le préjudice immatériel à de plus justes proportions,
-débouter SBO de sa demande d'indemnité au titre d'un préjudice immatériel pour les périodes de 2015 à 20l7,
-infirmer le jugement en ce qu'il a alloué aux consorts [I] une somme de 20 000 € chacun au titre d'un préjudice moral,
-confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [I] au titre des condamnations pénales,
-infirmer le jugement en ce qu'il a alloué aux intimés une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour le surplus,
-rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
-condamner SBO et les consorts [I] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction sur le fondement de l'article 699 du même code.
Au soutien de ses demandes, M. [P] fait notamment valoir que les désordres ont été réservés à la réception, étaient donc apparents et qu'ils ne peuvent pas relever de la responsabilité décennale des constructeurs de l'article 1792 du code civil'; qu'en outre SBO était avait «'une pleine et entière connaissance de l'insuffisance acoustique et des nuisances sonores'». Il ajoute que sa responsabilité contractuelle du maître d''uvre ne peut pas être retenue : il n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses missions. L'expert lui reproche de ne pas avoir eu recours à un bureau d'études acoustiques. Or M. [P] soutient avoir contacté un BET, mais n'avoir finalement pas donné suite en raison du refus oral formulé par le maître d'ouvrage, de sorte que seule SBO est responsable de cette absence d'intervention. M.[P] fait encore valoir que SBO a omis de lui fournir l'ensemble des informations relatives à l'exploitation de son activité et qu'il lui appartenait en tout état de cause de vérifier si son activité était autorisée par le règlement de copropriété. Il ajoute que le SDC s'étant opposé à la réalisation des travaux de reprise, le préjudice subi par SBO, qui doit être évalué au jour de la réparation, ne peut correspondre à l'intégralité des travaux de reprise et que son préjudice immatériel s'analyse en perte de chance et ne peut être, en tant que tel être qu'indemnisé partiellement.
2- Par conclusions récapitulatives du 5 octobre 2016, SBO ainsi que MM .[S] et [R] [I] demandent à la cour, sur la base du rapport d'expertise de M. [V] et au visa des articles 1792 et suivants et, subsidiairement des articles 1147 et suivants du code civil, de :
A titre principal,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [P] et la MAF à payer à la SARL STUDIO BANDE ORIGINALE, sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil :
- 1.094.238,15 € HT au titre des travaux de reprise, avec actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 3 avril 2014 et le présent jugement,
- 39.280,80 € HT au titre des frais d'investigations exposés dans le cadre de l'expertise judiciaire,
- 87.539,05 € HT au titre des frais de maîtrise d''uvre des travaux de reprise,
- 35.800 € HT au titre des études acoustiques à réaliser en cours de chantier,
- 8.000 € au titre du contrôle technique,
-confirmer également le jugement en ce qu'il a condamné M. [P] in solidum avec la MAF à payer à SBO une indemnité au titre des préjudices financiers mais juger que cette indemnité sera portée à la somme de 836.700 €,
-condamner en conséquence in solidum M. [P] et la MAF à payer à SBO sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil la somme de 836.700 €,
Subsidiairement,
-juger que M.[P] a commis une faute de nature contractuelle dans l'exécution de sa mission à l'égard de SBO et en conséquence le condamner in solidum avec la MAF aux mêmes montants susvisés soit les sommes de 1.084.238,15 € + 39.280,80 € + 87.539,05 € + 35.800 € + 8.000 € ainsi que la somme de 836.700 € sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil,
-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes présentées au titre des frais de syndic et de la condamnation pénale,
-condamner en conséquence M. [P] et la MAF à payer à SBO ainsi qu'à M. [I], son gérant, la somme de 1.909,75 € et 4.250 €,
-condamner in solidum M. [P] et la MAF à payer à MM. [I] chacun la somme de 60.000 €, soit 120.000 € au total à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-constater que la MAF n'invoque aucun plafond de garantie, et juger en conséquence qu'elle sera tenue dans tous les cas, in solidum avec son sociétaire au paiement de toutes les condamnations prononcées,
-condamner in solidum M. [P] et la MAF à payer à SBO et MM. [I] une somme de 100.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [P] et la MAF en tous les dépens de l'instance au fond mais également de l'instance en référé, lesquels dépens devant comprendre les frais d'expertise judiciaire ainsi qu'en tous les dépens de l'instance devant la cour d'appel avec recouvrement direct.
Au soutien de leurs demandes, la société SBO et les consorts [I] font valoir pour l'essentiel que la demande d'actualisation de leurs demandes pour les années 2015 à 2017 ne constitue pas une nouvelle demande au sens de l'article 566 du code de procédure civile. Ils ajoutent que la société SBO a subi :
- une perte d'image du fait de l'impossibilité d'exploiter correctement ses locaux qui devra être indemnisée.
- une charge financière supplémentaire estimée par l'expert à 84 000 €.
- une perte de marge sur coût variable.
-les consorts [I] ont subi un préjudice moral important du fait de l'échec du projet :
- tous deux pères de trois enfants, ils ont été obligés de trouver d'autres emplois pour couvrir leurs besoins familiaux. M. [S] [I], gérant de la société SBO, n'a pas droit au chômage et a donc trouvé un emploi d'agent immobilier.
- Eu égard à la longévité de cette situation (six ans), les consorts [I] demandent à la cour de leur octroyer à chacun une indemnité de 60 000 € et donc de réformer l'indemnité de 20 000 € que leur avait accordée le tribunal de grande instance de Paris).
Ils demandent la confirmation du jugement qui a retenu le caractère décennal des désordres sont de nature décennale, car bien que des réserves aient été formulées à la réception, ils ne se sont révélés dans toute leur ampleur et conséquences que plus tard : le rapport de l'acousticien n'a été transmis aux parties que postérieurement à la réception (conclusions, p. 34). A la réception, les consorts [I] n'imaginaient pas l'importance des travaux de reprise, chiffrés à plus d'un million d'euros. En outre, ils ne possèdent aucune compétence en matière d'isolation ou d'acoustique et ne peuvent donc pas être qualifiés de professionnels contrairement à ce qu'avancent la MAF et M. [P]. Les désordres constatés sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination (impossibilité pour les consorts [I] d'exercer leur activité).
A titre subsidiaire, la responsabilité de M. [P] devra être recherchée sur le fondement contractuel : M. [P] a failli à son obligation de moyens'; il lui incombait en tant que professionnel, de demander des informations précises, cette obligation étant inscrite à l'article 1.2 du contrat de maîtrise d''uvre. Or il ne leur pas été proposé de faire établir une étude acoustique et l'architecte M. [P], s'est présenté comme parfaitement compétent pour mener une telle étude. Enfin, ils exposent que le propriétaire des locaux étaient au courant des travaux entrepris et de l'activité qui serait exercée. La société SBO n'a donc pas exploité ses locaux sans autorisation de la copropriété. En tout état de cause, cette question est étrangère au litige car le principe indemnitaire n'oblige pas la victime à une utilisation précise des sommes allouées.
3- Par conclusions du 28 avril 2016, la MAF demande à la cour de la dire recevable et fondée, et de :
-débouter SBO et les consorts [I] de leur appel incident,
En conséquence,
-infirmer le jugement en foules ses dispositions,
-juger que les désordres phoniques invoqués par SBO ne ressortent pas des dispositions de l'article 1792 du code civil dès lors qu'ils ont été réservés à la réception,
-débouter SBO et les consorts [I] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la MAF,
A défaut, juger que
. la responsabilité du sinistre devra être partagée à parts égales entre SBO et M. [P],
. les travaux de reprise évalués à 1 094 238,15 € HT sont infondés dès lors que la solution réparatoire est insusceptible d'être mise en oeuvre et ne correspond pas à la réalité du préjudice indemnisable,
. la réalité du préjudice immatériel n'est pas rapportée dès lors que SBO n'avait pas les moyens de financer dès l'origine des travaux susceptibles d'assurer l'isolation phonique nécessaires,
A défaut, ramener le préjudice au titre des pertes de marge à de plus justes proportions, débouter SBO de son préjudice au titre de la perte d'image, et les consorts [I] de leur préjudice moral, débouter SBO de sa demande à hauteur de 1 909,75 € au titre de l'organisation d'une assemblée générale extraordinaire aux fins d'être autorisé à exécuter les travaux,
En tout état de cause, juger que la garantie de la MAF se fera dans les limites et conditions de la police qui contient notamment une franchise opposable aux tiers lésés ainsi qu'un plafond de garantie dans l'hypothèse où les désordres ne seraient pas de nature décennale, condamner solidairement SBO et les consorts [I] à 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, et aux dépens qui pourront être recouvrés directement conformément à l'article 699 du CPC.
Au soutien de ses prétentions, la MAF fait notamment valoir que :
-s'agissant du caractère décennal des désordres, le jugement du tribunal devra être infirmé car le maître d'ouvrage avait une parfaite connaissance de l'ampleur du désordre : le BET acoustique (GENERAL ACOUSTIQUE) ayant déposé un rapport d'investigation le 18 janvier 2010, soit antérieurement à la réception. Quand bien même sa communication est-elle postérieure à la réception, le maître d'ouvrage en connaissait la teneur exacte.
-s'agissant de la responsabilité contractuelle de l'architecte, il revient à la société SBO et aux consorts [I] de rapporter la preuve de la faute de l'architecte.
-faute du maître d''uvre qui n'a pas obtenu l'autorisation préalable de la copropriété.
-le SDC s'étant opposé à la reprise de l'activité de la société SBO au sein de la copropriété, le montant de l'indemnité octroyée aux consorts [I] et à la société SBO ne devrait pas être égale au coût des travaux de reprise A l'argument des consorts [I] selon lequel l'indemnité doit replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se trouvait préalablement au dommage subi, la MAF répond qu'en raison de l'absence d'obtention d'une autorisation préalable par le SDC, ils n'étaient pas en mesure d'exploiter le studio.
La clôture est du 28 février 2017.
La cour se réfère aux conclusions ainsi visées, pour plus ample exposé des demandes et moyens des parties.
SUR CE LA COUR,
A titre liminaire et pour une bonne compréhension du litige, il sera rappelé que les travaux avaient été engagés sans que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ait donné son accord, et celui-ci a très vite fait état des nuisances générées par l'activité de SBO notamment par les nuisances acoustiques générées ayant notamment affecté le logement du gardien situé au-dessus.
Le refus du SDC saisi d'une demande d'autorisation aux fins d'exécution des travaux réparatoires a fait l'objet d'un recours devant le tribunal de grande instance de Paris qui a été rejeté par jugement du 17 mai 2013.
Le SDC a de son côté engagé une procédure, actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, au contradictoire de SBO et de la SCI de PYRENEES sur le fondement de l'action oblique, afin de voir prononcer la résiliation du bail consenti à SBO.
1- Sur la nature et la qualification des désordres
Les désordres relèvent d'une insuffisante isolation acoustique des locaux qui génère des troubles de jouissance aux avoisinants mais aussi dans l'usage entre eux de certains studios eux-mêmes.
La réception survenue le 22 janvier 2010 a été assortie d'une réserve à caractère acoustique.
Le procès- verbal n'est pas produit aux débats mais sa teneur n' est pas discutée.
SBO dont la vocation est de gérer des studios de répétition et d'enregistrement ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction ou de l'aménagement immobilier ni a fortiori une professionnelle de travaux d'isolation acoustique, comme souligné par l'expert.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il retenu qu'il n'était pas démontré que la société SBO avait eu conscience de l'ampleur des nuisances, quand bien a-t-elle pu avoir eu connaissance d'une difficulté acoustique mais, comme il a été dit par les premiers juges, seulement en ce qu'elle savait l'impossibilité d'utiliser le studio 7 et la nécessité de réduire les horaires d'ouverture des autres studios. Or SBO a pris la décision de suspendre son activité en décembre 2013, au vu de l'ampleur des désordres générés et des constatations alors en cours.
Il s'évince de ces circonstances que l'importance du désordre apparent réservé à la réception n'ayant été perçue dans toute son ampleur que postérieurement à la réception, ce désordre, par l'atteinte totale à la destination de l'ouvrage, caractérise un désordre décennal, je jugement étant confirmé sur ce point.
Dès lors M.[P] investi d'une mission complète de maîtrise d''uvre est responsable de plein droit des désordres et tenu à leur réparation puisqu'il n'établit pas l'existence d'un fait exonératoire au sens de l'article 1792 alinéa 2 du code civil.
A cet égard, par motifs adoptés, la Cour écartera les moyens développés par M.[P] et la MAF à l'encontre de SBO, dès lors qu'il incombait effectivement au maître d''uvre, au regard des dispositions du contrat de maîtrise d''uvre rappelés par les premiers juges, de s'assurer que les éléments du programme transmis et le budget du projet étaient suffisants, et que ce budget était cohérent avec l'importance du projet. En acceptant sa mission de maître d''uvre en l'état des éléments transmis M.[P], est réputé avoir procédé aux vérifications de ces différends points. Si la charge d'une étude acoustique préalable pouvait incomber au maître d'ouvrage, il appartenait également à M.[P] en sa qualité de professionnel, de conseiller au maître d'ouvrage d'en faire établir une, cela même s'il s'était lui-même présenté comme spécialisé dans les projets relevant de l'isolation acoustique, ce qui n'est en tout état de cause pas démontré. Il a été amplement démontré par l'expertise réalisée par M.[V] qu'une telle étude acoustique aurait permis de mesurer l'inadaptation du projet, des locaux, mais aussi l'inadéquation totale du budget avec l'objectif poursuivi outre l'inadaptation des locaux pour satisfaire aux normes.
Enfin le reproche à SBO de en pas avoir fait établir une étude d'impact telle que prévue par les dispositions du code de l'environnement est inopérant alors d'une part qu'il n'est pas démontré que des studios d'enregistrement ou de répétition soient assujettis à cette obligation et alors, d'autre part, que si tel avait été le cas il entrait dans l'obligation de conseil et d'information de M.[P] d'en aviser la cliente SBO, ce qu'elle ne prétend pas avoir fait.
La MAF assureur de SBO qui ne dénie pas devoir sa garantie, sera tenue in solidum à indemniser SBO des conséquences des désordres.
2- Sur la réparation des préjudices
2-1- Détermination des préjudices de SBO
SBO et les consorts [I] demandent principalement la confirmation du jugement, sauf en ce qu'ils réitèrent des demandes rejetées en première instance et sollicitent la majoration de l'indemnisation de leurs préjudices immatériel et moral respectifs.
M.[P] demande de juger que les travaux de reprises et demandes accessoires allégués ne correspondent pas à la réparation du préjudice au jour du prononcé puisque leur exécution dans le local actuel n'est pas possible dès lors que':
-le syndicat des copropriétaires s'est opposé à deux reprises à la réalisation des travaux discutés en ce qu'ils portent notamment sur les parties communes,
-par ailleurs le SDC avait assigné le bailleur de SBO et SBO devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de résiliation du bail, de sorte que SBO n'est plus ou ne sera plus titulaire du bail portant les locaux où doivent être exécutées les réparations.
M.[P] ajoute que les travaux ne pouvant plus être exécutés il ne peut y avoir paiement d'honoraires de maîtrise d''uvre, et d'études acoustiques et contrôle technique.
SBO défend son droit à réparation du préjudice subi en invoquant le caractère personnel de sa créance indépendamment du contentieux portant sur le bail et la position du syndicat des copropriétaires.
La détermination des préjudices subis appelle les observations suivantes':
a- Préjudice matériel
Si le principe en matière d'indemnisation est le droit à réparation de l'intégralité du préjudice, cependant l'indemnisation ne peut excéder le montant du préjudice réel et certain.
SBO demande de confirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 1'094'238,15 € HT outre honoraires de maîtrise d''uvre, études acoustiques à réaliser et contrôle technique soit 1,26 M€ HT outre indexation, ce qui représente plus de 5 fois le montant du chantier initial.
Cependant la somme de 1'094'238,15 € HT correspond aux travaux qui seraient nécessaires pour réaliser, dans le local actuel, le projet des 8 salles dans des conditions d'isolement phonique adapté à un immeuble d'habitation. Ce coût inclut celui de démolition préalable des précédents aménagements, étant souligné que le local n'avait auparavant aucune destination de studio d'enregistrement ou de répétition. L'assiette de ces travaux excède les droits dont dispose SBO sur le local loué puisqu'il serait nécessaire de procéder à un décaissement de sol et donc de toucher aux parties communes.
L'expert prend d'ailleurs la précaution de dire (page 25 point 7-1 de son rapport) «'Précisons à l'attention du tribunal qu'il ne s'agit pas ici de 'travaux «'réparatoires'» au sens premier du terme.
En effet précise-t-il, dans le cas présent, du fait de leur origine et de leur cause, il n'existe aucune solution technique réparatoire permettant de résorber a postériori les désordres sonores allégués par les occupants de l'immeuble. C'est en effet l'ensemble du projet qui doit être entièrement démoli puis repris sur la base d'études approfondies'».
L'ampleur du projet ainsi développé en cours d'expertise est à mettre en regard avec la position même de SBO qui avait fait part devant l'expert M.[V] de sa position en ces termes «'Précisons que STUDIO BO nous aura clairement indiqué que face à de telles contraintes s'il en avait eu connaissance, et compte tenu de son budget d'exploitation, il aurait alors abandonné le projet'».
Le projet commandé en 2009 par SBO était minimaliste et irréalisable en tant que tel pour le budget donné.
Il est en effet rappelé que SBO, qui disposait d'un «'petit budget'» pour son projet, a commandé des travaux pour un montant de 228.857 € HT outre honoraires de 10% sur la base du projet validé par M.[P] avec qui la société entretenait des relations amicales et de confiance.
Ces travaux représentait un ratio d'environ 750 € HT /m² alors que pour ce type de travaux le ratio est de 1500 à 2500€ HT /m², soit 2 à 3,5 fois plus élevé, dont SBO ne disposait manifestement pas à l'époque.
Compte tenu de l'importance de la réfection à prévoir, consistant à construire «'une boîte dans la boîte'» et ce faisant, à disposer d'une hauteur sous plafond supérieure à l'existant, la faisabilité de cette mise aux normes n'est pas acquise à ce jour, puisse qu'elle nécessite un décaissement de sol à effectuer que les parties communes que le SDC refuse et qui, en toute hypothèse, n'a pas donné lieu à offre d'acquisition par la SCI propriétaire et bailleresse auprès de ce SDC du volume concerné.
En outre le jugement rendu sur le recours contre le refus d'autoriser les travaux réparatoires a évoqué l'atteinte à la structure et aux fondations de l'immeuble qu'ils induiraient par ce décaissement.
Cette circonstance permet de retenir que l'évaluation des travaux par l'expert ne peut être retenue comme donnée pertinente d'évaluation du préjudice matériel subi par SBO.
Ce préjudice sera requalifié en perte de la chance pour SBO d'avoir pu réaliser son projet d'agrandir son activité antérieure dans un ensemble de 7 salles de répétition et d'un studio d'enregistrement, cela dans l'espace pris en location commerciale auprès de la SCI, alors que telle n'était pas la destination initiale de ce local.
Les erreurs du maître d''uvre d''uvre qui a accepté de concevoir un projet d'aménagement pour le budget minimaliste présenté par SBO sans faire procéder à une étude acoustique et une étude de faisabilité technique ont eu pour conséquence de laisser croire à SBO et à ses associés que leur projet était réalisable tel qu'il a été contractuellement arrêté entre eux.
Or il n'était pas possible de réaliser les travaux réparatoires dans le local pris en location en raison des obstacles objectifs':
-si M.[V] estime que les travaux préconisés pourraient être réalisés «'en toute sécurité pour l'immeuble, et en vue d'une parfaite quiétude de ses occupants'», il demeure ambigu si ce n'est contradictoire sur la nécessité ou non de toucher aux parties communes et aux fondations de l'immeuble. M.[V] évoque en effet (page 25) «l'ampleur des travaux à effectuer au voisinage des fondations de l'immeuble'»
Il mentionne en outre :
-(page 11) que «'l'acousticien [qui aurait dû être consulté sur le projet] aurait immédiatement prévenu son client (quel qu'il soit) que la trop faible hauteur sous plafond allait imposer la réalisation d'un décaissé occasionnant un surcoût important,
-(page 17in fine) «'précisons par ailleurs, et à toutes fins utiles, qu'un acousticien sérieux aurait dès à présent conseillé à son client (quel qu'il fût), de trouver un autre local, à la seule vue de la hauteur sous-plafond nettement insuffisante pour permettre son doublage, que [ce] soit pour garantir un parfait isolement vis-à-vis des tiers ou bien entre studios mitoyens'»,
- la nécessité de décaisser le sol du lot de la SCI PYRENEES pour obtenir la hauteur sous plafond nécessaire à la création «'d'une boîte dans la boîte'» évoque nécessairement une intervention vers les parties communes, si ce n'est d'enlèvement de matière sous le plancher bas du lot privatif, ce qui relève d'une action en contact avec les parties communes si ce n'est sur les parties communes elles-mêmes. Il est renvoyé sur ce point au descriptif de l'existant contenu dans le rapport établi le 27/1/2010 par Général Acoustics, intitulé «'faisabilité'» (pièce produite à l'expertise en n°36 et communiquée sous le N°54, page 8- point 4.3.1 concernant le sol)
«'4311 Existant
Comme dit précédemment le sol doit être le support de l'ensemble de la structure d'isolation des locaux. Le sol actuel est constitué comme suit':
-dalle de structure sur terre-plein en béton armé de 50mm d'épaisseur
-chappe flottante (')
Le tribunal de grande instance de Paris a retenu par jugement du 17 mai 2013 que la solution réparatoire existante, impliquant un décaissé du sous-sol d'environ 50 cm, n'était pas conforme à la destination de l'immeuble.
Le Conseil de SBO a demandé à l'expert dans son dire récapitulatif du 1er avril 2014 de «'mettre en évidence le fait que les travaux envisagés soient parfaitement réalisables sans risque pour l'immeuble'» et s'il «'insiste sur ce dernier point qui sera au centre du débat volontairement porté devant le tribunal de grande instance à l'initiative de la copropriété'» mettant en cause de la stratégie de la copropriété déclarée être «'pour partie à l'origine de l'arrêt de l'activité des studios'» et qui «'devra répondre devant la juridiction civile qu'elle a cru nécessaire de saisir'». Toutefois il est rappelé que les travaux lourds initiaux entrepris par SBO l'ont été sans, semble-t-il, que la copropriété n'ait été préalablement informée de leur ampleur, et que le SDC a pour mission de faire respecter le règlement de copropriété notamment en ce qui concerne l'obligation de ne pas créer de nuisances.
Il s'évince de ces circonstances que SBO ne peut prétendre avoir subi un préjudice correspondant au montant du projet complètement différent présenté par l'expert, et qui supposerait une modification substantielle des locaux pris en location, avec appropriation partielle de parties communes.
En conséquence la Cour retiendra que la perte de chance de pouvoir réaliser ce projet a généré pour SBO un préjudice matériel égal aux investissements réalisés, et par infirmation de l'arrêt entrepris, fixera le préjudice matériel et financier de SBO aux sommes de':
- 251'.181,12 € HT en valeur 2010 se décomposant comme suit':
. montant des travaux initiaux 228857 € HT
.honoraires versés à M.[P] maître d''uvre 22324,12€ HT, avec actualisation du présent arrêt pour tenir compte de la perte de trésorerie correspondante, et intérêts au taux légal à compter de ce jour,
-39280,80€ HT correspondant aux frais d'investigation supportés par SBO pendant l'expertise outre intérêts au taux légal à compter des conclusions de SBO en ouverture de rapport
b- Préjudice immatériel
Le préjudice immatériel sur le gain d'exploitation manqué doit être lui-même apprécié en termes de perte de chance, en quelque sorte de second degré, au regard de la «'capacité d'exploitation durable'» de SBO telle qu'évoquée par le rapport du sapiteur expert-comptable M.[J].
Le rapport d'expertise comptable de M.[J], sur la base de l'analyse de deux études en la matière (Etudes de Quickstudio et de l'Observatoire de la Répétition en France citées pages 15 et suivantes), a en effet certes admis que SBO puisse trouver sa place sur le marché des entreprises d'Ile de France exerçant cette activité, mais a toutefois indiqué que les projections de développement de SBO telles que présentées par le «'Business Plan'» établi et présenté par SBO à son organisme prêteur était «'volontaristes'» (page 27) et prévoyaient sur cette base un chiffre d'affaires plus élevé que celui pouvant être attendu.
Il souligne en particulier que':
-si SBO avait réalisé des aménagements pour le coût réel de ce type de travaux, il aurait eu une charge d'investissement plus lourde à gérer (X3) et donc un manque à gagner moins important,
-la marge sur coûts variables est le pivot d'appréciation du préjudice d'exploitation et l'estimation de la masse salariale prévue par le Business Plan SBO de l'ordre de 30% était très inférieure à celle habituellement pratiquée dans ce secteur (50 à 60%),
-la suspension de l'activité de SBO fin décembre 2013 a réduit les frais fixes de 147 K€ en 2014, absorbant les pertes de marge sur coûts variables estimés sur 2013 et 2014 (182K€ soit 89 + 93).
M. [J], conclut que SBO «'apparaît avoir subi un préjudice en lien avec l'incident suscité'; ce préjudice tient au fait que la société ne peut, depuis la mise en service de ses locaux ensuite des travaux, exploiter selon ses prévisions se salles de répétition et d'enregistrement'».
Au terme d'une analyse détaillée des comptes de l'entreprise et des contraintes de son activité, il a évalué la marge perdue pour la période 2010 à 2012 à 234'000€.
Sur la projection jusqu'à 2014 (année de clôture du rapport d'expertise) il s'annonçait avec la perspective d'une reprise d'activité normale début 2015, une perte de marge de 182'000€ en 2013 et 2014, mais l'expert a toutefois relevé qu'avec la suspension de l'activité en décembre 2013, il n'existe plus de marge prévisionnelle mais un gain de frais fixes de sorte qu'il a ramené à 318'000 € la perte estimée sur la période 2010-2014.
SBO demande que la période postérieure (2015-2017) soit également prise en compte car elle estime ne pouvoir envisager une réouverture au mieux qu'en début de 2018.
En soi cette demande n'est pas irrecevable comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile car elle tend, au sens de l'article 565, aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, c'est-à-dire à obtenir l'indemnisation du préjudice d'exploitation allégué.
Cependant pour les motifs qui précèdent SBO ne peut se prévaloir pour la période qui a suivi la suspension de son activité d'un préjudice réel, mais seulement comme il a été dit d'une perte de chance d'avoir pu poursuivre cette activité, faute de disposer des droits suffisants pour réaliser dans le local le projet de remplacement tel que rappelé .
Cette perte de chance est à mettre en regard avec la viabilité même, ab initio, du projet d'exploitation. M.[J] a en effet conclu son rapport en ces termes':
«'Néanmoins se pose la question de savoir si STUDIO BO présente une capacité durable, aux conditions analysées. L'analyse des projections de résultat et de trésorerie invite à en douter. Seul un niveau d'activité significativement plus élevé que celui projeté permettrait d'envisager une exploitation durable de l'entreprise. Cette observation nous conduit à estimer le préjudice subi par STUDIO BO selon la logique de croissance mais dans une perspective probabiliste, s'agissant d'une incertitude caractéristique d'une perte de chance. Cette hypothèse est présentée ci-dessus, P.32 à 33. Elle conduirait à retenir une marge perdue de 2010 à 2014, non pas de 416'milliers d'euros (Cf 2) mais de 293 milliers d'euros (dont il faut aussi déduire la correction de -98€ de 2014, ce qui ramène le chiffrage de 2010 à 2014 à 195K€).'»
Il rappelle enfin qu'il faut prendre en compte le fait que STUDIO BO aurait dû supporter une charge d'investissement beaucoup plus lourde pour aménager les locaux dans les normes et selon le chiffrage expertal.
Il ressort par ailleurs de plusieurs pièces versées aux débats que les locaux ont été donnés en sous-location pendant une certaine période à partir de 2014.
En conséquence et sur cette base la Cour, par infirmation du jugement entrepris, fixera la perte sur marge à 195. 000 € pour la période 2010-2014 (39.000€ par année) et, pour prendre en compte l'immobilisation de ce bien sur la période 2015 jusqu'à 2017, admettra une perte de chance de percevoir une marge d'exploitation de l'ordre de 30% compte tenu de l'aléa sur la capacité durable de l'entreprise, ce qui correspond par projection à une indemnisation de 78000€ (deux années ) x 30% = 23.400€.
c- Préjudice financier et de perte d'image
Compte tenu des intérêts des emprunts souscrits, l'expert-comptable a retenu sur la période initiale le paiement d'intérêts à hauteur de 84'000€.
SBO expose avoir dû souscrire deux prêts supplémentaires depuis les investigations de l'expert et réclame 17100 € par an pour un prêt et 3600€ / an pour le second et portant ainsi sa demande à 104700€.
S'agissant des intérêts acquittés pour la période analysée par l'expert, celui-ci a inclus les charges financières et par conséquent les intérêts acquittés dans le calcul des marges attendues.
Pour le surplus d'une part la Cour ne dispose pas d'éléments permettant de se prononcer que la comptabilité de SBDO pour la période postérieure à la clôture du rapport (avril 2014) alors que la société a pu légitimement réorganiser provisoirement ou de manière transitoire son activité (avec notamment une sous-location des salles) pour affronter l'incident survenu sur son projet d'exploitation. D'autre part, et même en termes de perte de chance, il n'y a pas lieu, pour motifs précités, de retenir d'indemnisation de ce chef en raison de la réserve de l'expert exprimée sur la durabilité de l'exploitation telle que conçue lors de son transfert dans les locaux [Adresse 5].
S'agissant de la perte d'image et de clientèle, force est de constater que rien ne fonde le calcul proposé par l'expert, sur la base de 4% du montant du chiffre d'affaires, s'agissant d'un type de préjudice spécifique non directement traductible en pourcentage de chiffre d'affaires, cela alors que l'expert (page 29) a constaté que le fichier client de SBO ne s'était pas dégradé, que SBO a maintenu depuis 2010 [le rapport étant daté d'avril 2014] le niveau de chiffres d'affaires qu'elle réalisait antérieurement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces postes de demande.
2-2- Préjudice de M.[R] [I] et de M.[S] [I]
Par motifs que la Cour fait siens les premiers juges ont admis l'existence d'un préjudice moral causé à MM.[I], associés de SBO, sur le fondement quasi délictuel, par l'impossibilité de pouvoir exploiter normalement leurs studios de répétition et d'enregistrement, dans le cadre d'un entreprise familiale créée en 2005 dont ils poursuivaient le développement.
Le jugement entrepris a condamné M.[P] et la MAF à leur verser à chacun 20.000 € à titre de dommages-intérêts.
La demande de majoration de cette indemnisation à hauteur de 60'000 € pour chacun formée par MM.[I] sera écartée, s'agissant d'un préjudice par définition non économique, dont l'évaluation de première instance sera par conséquent confirmée.
3- Sur les demandes relatives aux frais de syndic et de condamnation pénale pour nuisances
SBO et M. [S] [I] son gérant demandent la condamnation de M.[P] et de la MAF à leur payer les sommes de 1909,75€ et celle de 4250€.
a- La somme de 1909,75€ correspond à des factures de syndic (pièces 35 à 37) dont le jugement entrepris a dit qu'en l'absence de sinistre il s'agissait de frais devant rester à la charge du maître d'ouvrage .
Il s'agit des frais facturés par la société MODERN'IMM pour les prestations correspondant à l'organisation d'une assemblée générale exceptionnelle le 21 mars 2012, laquelle a rejeté la demande d'annulation du refus de la copropriété d'autoriser les travaux proposé par le rapport de l'expert [V].
La Cour, retenant que cette assemblée a concerné le recours de la SCI PYRENEES, copropriétaire, formé contre le syndicat des copropriétaires, observe que l'assemblée générale s'est prononcée sur la demande de cette SCI, qui avait en toute hypothèse intérêt direct à permettre à sa locataire SBO d'avoir un usage normal de ses locaux. Dès lors que c'est par suite directe des manquements de M.[P] à ses obligations que SBO a supporté les frais de syndic, puisqu'il s'agissait de tenter d'obtenir une autorisation de travaux dits «'réparatoires'» il convient de faire droit à la demande de remboursement par M.[P] et la MAF de ces frais, le jugement étant infirmé sur ce point,
b- La somme de 4250€ correspond à la condamnation pénale supportée par M.[S] [I] en sa qualité de gérant, au titre d'une infraction pour nuisances sonores constatée le 27 janvier 2013. Le jugement entrepris a rejeté la demande de condamnation en relevant qu'à cette date les désordres étaient parfaitement connus du maître d'ouvrage de sorte que l'infraction lui est strictement imputable.
Selon le jugement du tribunal de proximité du 22 novembre 2013 il s'est agi de nuisances occasionnées alors que les locaux sont utilisés au-delà des heures habituelles de travail, notamment en soirée, ainsi que durant les week-ends. M.[S] [I] en qualité de gérant a été condamné à une amende de 22€, au paiement de 4000€ à titre de dommages intérêts à la partie civile constituée. A la suite de l'appel interjeté de ce jugement (pièce °15) les dommages-intérêts ont été ramenés à la somme de 2500€ et M. [I] condamné au paiement de 1500 € au titre de l'article 475 du code de procédure pénale (pièce n°16).
Par motifs adoptés, la demande de condamnation sollicitée sera rejetée et le jugement confirmé par la Cour, dès lors que M.[I] en tant que gérant avait pu mesurer amplement la gêne produite par l'activité de la société SBO, commencée en janvier 2010, puisque l'expertise judiciaire ordonnée dès juillet 2010 était en cours au moment des nuisances reprochées.
4-Sur l'étendue de la garantie de la MAF, assureur de M.[P]
SBO et MM.[I] demandent de constater que la MAF n'invoque aucun plafond de garantie et de juger qu'en conséquence elle sera tenue dans tous les cas in solidum au paiement de toutes condamnations prononcées.
Cependant il résulte expressément des dispositions de l'article 2.121 des conditions particulières de la police d'assurance versée aux débats par la MAF (pièce 2-page 2/6) que pour l'application de la garantie décennale la garantie des dommages immatériels est fixée à 1,75 M€ par sinistre, comme exactement retenu par le jugement, qui sera confirmé de ce chef.
5- Sur les autres demandes
Compte tenu du sens de la présente décision l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Les dépens d'appel seront à la charge de SBO et de MM.[I].
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':
-dit que le désordres revêtent un caractère décennal, et retenu la responsabilité de plein droit de M.[Q] [P], maître d''uvre, garanti par son assureur la MAF,
-condamné solidairement M.[Q] [P] et la MAF à payer à M.[S] [I] et à M.[R] [I] la somme de 20'000€ chacun au titre de leur préjudice moral,
-dit qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, la MAF est bien fondée à opposer sa franchise à son assuré,
-dit que le plafond de garantie opposable par la MAF au titre des préjudices immatériels consécutifs à un dommage de nature décennale s'élève à la somme de 1.750.000€,
-débouté la société BANDE ORIGINALE dite SBO de sa demande en paiement de 4500 €,
-dit n'y avoir lieu à consignation des sommes allouées,
LE CONFIRME également sur les dépens et frais irrépétibles.
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
DIT que les manquements de M.[P] ont généré pour la société STUDIO BAND ORGINALE dite SBO la perte de chance de pouvoir réaliser dans les locaux pris en location auprès de la SCI PYRENEES, [Adresse 5] l'ensemble des 7 salles de répétition et de la salle d'enregistrement projetées, et d'en percevoir les gains escomptés,
CONDAMNE solidairement M.[Q] [P] et la MAF à payer à la société STUDIO BANDE ORIGINALE dite SBO
-la somme de 251'.181,12 € HT en valeur 2010 avec actualisation au jour du présent arrêt sur la base de l'indice BT01 pour tenir compte de la perte de trésorerie correspondante, et intérêts au taux légal à compter de ce jour,
-39.280,80€ HT correspondant aux frais d'investigation supportés par SBO pendant l'expertise outre intérêts au taux légal à compter des conclusions de SBO en ouverture de rapport,
CONSTATE que la société STUDIO BAND ORGINALE dite SBO a suspendu son activité à compter du 20 décembre 2013,
CONDAMNE solidairement M.[Q] [P] et la MAF à payer à la société STUDIO BANDE ORIGINALE dite SBO,
-la somme de 195.000 € pour perte de chance et gains manqués sur la période de 2010 à 2014 inclus,
-la somme de 23.400€ pour perte de chance et gains manqués sur la période de 2015 à 2017 inclus,
-la somme de 1909,75€ à titre de dommages-intérêts,
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE la société SBO solidairement avec M.[R] [I] et M.[S] [I] aux dépens d'appel,
DIT qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les parties en réunissant les conditions.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,