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24/05/2017 | FRANCE | N°13/12082

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 24 mai 2017, 13/12082


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 24 Mai 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12082



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL RG n° 12/00830





APPELANT

Monsieur [P] [J]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

Chez [W] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représen

té par Me Mathieu PETRESCO, avocat au barreau de PARIS, toque : R026

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/004319 du 13/02/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 Mai 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12082

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL RG n° 12/00830

APPELANT

Monsieur [P] [J]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

Chez [W] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Mathieu PETRESCO, avocat au barreau de PARIS, toque : R026

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/004319 du 13/02/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SAS ETEL CONSULTING venant aux droits de la SAS TECHSOFT

N° SIRET : 433 689 338 0039

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Antoinette COLAS, Président, chargée d'instruire l'affaire, ainsi que Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société SAS Etel Consulting, venant aux droits de la société SAS Techsoft, spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques, emploie plus de dix salariés et applique la convention collective Syntec. La société Techsoft a été radiée suite à la transmission universelle du patrimoine à son associé unique, la société Etel Consulting le 30 janvier 2012.

Monsieur [P] [J] a été engagé selon contrat à durée indéterminée le 14 septembre 2007 par la société Techsoft en qualité de consultant en système d'information.

Un premier avertissement lui a été notifié par lettre en date du 16 septembre 2008, puis un second par courriel envoyé le 12 mars 2009.

Par lettre du 27 mars 2009, Monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 avril suivant. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 17 avril 2009.

Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 2] le 24 juillet 2009.

Le conseil de prud'hommes de [Localité 2] a prononcé plusieurs décisions de caducité les 10 mars, 15 juillet et 2 décembre 2010.

Par lettre du 2 décembre 2010, Monsieur [J] a sollicité le rétablissement de l'affaire. Les parties ont été convoquées devant le bureau de jugement qui a rendu une nouvelle décision de caducité le 6 décembre 2011.

Le conseil a à nouveau été saisi d'une demande en rétablissement le 29 décembre 2011. Par jugement du 14 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] a déclaré irrecevable Monsieur [J] en sa demande, a débouté la société Etel Consulting venant aux droits de la société Techsoft de ses demandes reconventionnelles et a condamné Monsieur [J] aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 14 décembre 2013, Monsieur [J] a relevé appel de cette décision et demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de déclarer sa demande recevable et de condamner la société Etel Consulting à lui verser les sommes suivantes :

- 4.833,33 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 4.833,33 euros au titre du préjudice subi résultant de l'impossibilité d'être en mesure de se faire assister par un conseiller de son choix,

- 29.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

- 14.500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 1.000 euros au titre des frais de procédure.

Le conseil du salarié réclame en outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

La société Etel Consulting demande à la cour :

à titre principal de constater la caducité et la fin de non-recevoir des demandes du salarié,

à titre subsidiaire, de renvoyer le dossier devant le conseil de prud'hommes de [Localité 2] si l'existence d'une caducité n'est pas retenue,

à titre infiniment subsidiaire de dire et juger que le licenciement pour faute grave est justifié,

en tout état de cause, de condamner Monsieur [J] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des frais de procédure, outre les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des demandes

La société Etel Consulting explique que le salarié ne s'est pas présenté aux audiences devant le bureau de conciliation et qu'il n'a adressé aucun justificatif légitimant ses absences.

Elle estime que ses demandes sont désormais caduques et par conséquent irrecevables dans la mesure où après la première décision de caducité, il ne pouvait réitérer sa demande qu'une seule fois et à la condition d'établir sa non-comparution par suite d'un cas fortuit, en application des dispositions de l'article R1454-12 du code du travail.

Selon elle, Monsieur [J] n'a écrit au conseil des prud'hommes pour solliciter un relevé de caducité que le 2 décembre 2010, alors que la procédure était déjà caduque. Par suite, les parties n'auraient jamais dû être reconvoquées.

Elle constate que le salarié n'a jamais sollicité de rétractation de caducité mais a, à chaque fois, réintroduit une nouvelle demande, à l'exception de son courrier du 2 décembre 2010. Elle ajoute qu'aucun constat n'a été fait par le bureau de conciliation conformément aux termes de l'article R1454-12.

Monsieur [J] explique qu'il a sollicité et obtenu un relevé de caducité du bureau de conciliation en décembre 2010, de sorte que le bureau de jugement a été valablement saisi. Il estime que s'il n'avait pas démontré l'existence de cas fortuits successifs, le bureau de conciliation ne lui aurait pas permis de ressaisir le conseil de prud'hommes et aurait au contraire refusé de rétracter la caducité.

Aux termes de l'article R1454-12 du code du travail, lorsqu'au jour fixé pour la tentative de conciliation, le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d'un motif légitime, le bureau de conciliation déclare la demande et la citation caduques. La demande ne peut être réitérée qu'une seule fois, à moins que le bureau de conciliation, saisi sans forme, ne constate que le demandeur n'a pu comparaître ou être représenté sur sa deuxième demande par suite d'un cas fortuit.

En l'espèce, la cour relève qu'elle ne dispose pas des dossiers de procédure devant le bureau de conciliation et qu'elle n'est donc pas en mesure de vérifier si Monsieur [J] a été régulièrement convoqué et si le bureau de conciliation pouvait valablement déclarer la demande et la citation caduques.

Le jugement ayant déclaré le salarié irrecevable en sa demande sera par conséquent infirmé.

Par ailleurs en application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'évoquer les demandes en contestation du licenciement formées par Monsieur [J].

Sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

« Nous vous avons convoqué, en date du 27 mars 2009, à un entretien à sanction, sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de cet entretien, qui devait débuter le 03 avril 2009 à 10 heures en nos locaux et qui n'a pu se tenir qu'à partir de 10 heures 30 en raison de votre retard, nous avons évoqué les faits que nous vous reprochions et nous avons écouté vous expliquer sur ces derniers.

Nous rappelons ci-dessous les faits que nous vous reprochons :

INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE :

Vous avez été embauché en date du 17 septembre 2007, avec la fonction de Consultant en Systèmes d'information, avec capacité à prendre en charge des projets en assistance à maîtrise d'ouvrage et maîtrise d''uvre, et sur la base d'un salaire annuel brut de 58.000 euros.

Depuis cette embauche, les trois missions qui vous ont été confiées nous ont malheureusement conduit à constater un niveau d'insuffisance professionnelle particulièrement grave et très préjudiciable à la bonne marche de notre société, au regard de l'expérience mentionnée sur le CV que vous nous avez produit pour votre embauche au sein de notre société.

Première mission confiée (FORTIS BANQUE)

Vous avez été affecté à l'issue de votre entrée en fonction sur une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour le compte de FORTIS BANQUE.

Les compétences mises en avant lors de l'entretien d'embauche et sur votre Curriculum Vitae semblaient parfaitement répondre aux exigences de ce Client. Il s'agissait là d'une prestation de très longue haleine, dont la date de fin n'était pas précisément connue, car s'inscrivant dans un énorme chantier de refonte du système d'information de la banque. Vous avez rejoint sur ce projet trois de nos consultant travaillant par ailleurs déjà sur ce projet de refonte.

Malheureusement, à l'issue de quelques mois de prestations, le manager de la banque avec lequel vous collaboriez sur le projet, nous a sollicités à notre grande surprise dans une optique de révision tarifaire, des prestations dont vous aviez la charge.

Cette demande se justifiait selon lui, par le constat d'une forte inadéquation entre le coût facturé pour vos prestations et la qualité de celles-ci.

Sur ces bases il nous était demandé une baisse financière particulièrement significative (plus de 20%).

Nous avions à l'époque refusé de revoir notre tarification à la baisse, et qui plus est dans une telle proportion, jugeant le montant des honoraires facturés particulièrement compétitif au regard des compétences mises en 'uvre, et considérant à l'époque que la requête du client s'inscrivait plus dans une man'uvre d'optimisation de budget que de remise en cause de votre niveau de compétences.

Cette demande non satisfaite ayant reçu une fin de non recevoir de notre part, le Client a malheureusement mis fin à la mission, et lancé un nouvel appel d'offre pour vous remplacer sur le projet.

Votre comportement a alors été des plus préjudiciables pour nous, dans la mesure où vous avez géré votre sortie du projet de façon catastrophique, et des plus critiquables, à tel point que les remous que vous avez occasionnés sont remontés au plus niveau de la banque (Direction Générale), et que notre société a été mise à cette occasion directement sous les feux de la rampe, avec le risque de voir rompre toutes relations commerciales avec ce Client, et l'arrêt des contrats en cours pour nos trois consultants déjà présents sur ce projet.

Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, force est de constater que votre compétence professionnelle n'était réellement pas à la hauteur, et que la demande de révision tarifaire du client était amplement justifiée ; les exemples qui suivent le confirment amplement.

Seconde mission confiée (Édition Francis LEFEBVRE)

Nous vous avons pour autant maintenu notre confiance et, après être resté 2 mois en inter-contrat, nous avons finalement pu vous affecter sur un autre projet pour le compte des Éditions Francis LEFEBVRE.

Il s'agissait là d'un projet particulièrement important à deux titres :

- La mission était planifiée sur du très long terme, car devant se poursuivre bien au-delà de 2010.

- Vous deviez dans le cadre de ce projet, seconder directement le Directeur des Systèmes d'Information, d'où l'importance stratégique et commerciale de la mission.

Cette mission a malheureusement pris fin de façon prématurée (au bout de trois mois), le client jugeant votre niveau de compétences notoirement insuffisant. A cet égard étaient relevés notamment les points suivants :

- Mauvaise organisation et donc mauvaise gestion des tâches et priorités

- Manque de compétence notoire en matière de pilotage et de coordination des travaux des équipes de développement.

Nous avons alors perçu immédiatement le bien-fondé des reproches adressés par le Client, lorsque ce dernier a lancé un nouvel appel d'offre pour vous remplacer sur cette mission. Vos compétences étaient donc pertinemment remises en cause.

Nous avons été contraints à cette occasion de vous adresser un avertissement en date du 12 mars 2009 pour manque de rigueur et de professionnalisme dans l'exercice de vos fonctions.

Troisième mission confiée (VEOLIA)

Après un mois d'inter-contrat au sortir de la mission précédente, nous vous avons affecté à un nouveau projet, revêtant là aussi une réelle importance stratégique, et dont la durée là encore s'inscrivait dans une perspective de très long terme (minimum d'une année), soit à l'horizon 2010.

Votre mission là encore a été brutalement écourtée (2 jours seulement après le démarrage).

Le client jugeant là encore votre niveau de compétences notoirement insuffisant et relevant particulièrement les points suivants :

- Compétences techniques requises insuffisantes, alors que vous aviez indiqué les posséder, et que votre CV le laisse apparaître

- Inaptitudes à conduire et animer des réunions.

Cette inefficience génère un manque à gagner considérable à l'entreprise, nonobstant une mauvaise image particulièrement préjudiciable pour des futures relations commerciales avec les Clients concernés.

MANQUE DE RIGUEUR ET DE PROFESSIONNALISME :

Tenant compte de votre expérience et de votre âge, nous avons été surpris de devoir vous reprocher les faits énumérés ci-dessous qui, tous, révèlent un manque de rigueur et de professionnalisme absolument incompatibles avec votre fonction et votre statut de Cadre.

Ces faits sont les suivants'

Des retards répétés à des rendez-vous Clients :

- Vous êtes arrivé avec presque 60 min de retard à un rendez-vous fixé à la Direction des Systèmes d'information de LA COFACE ' compte Client de la société, sans même me tenir informé de ce retard.

Ce RV avait été planifié et organisé par vous même. Vous deviez rencontrer à cette occasion l'un des Managers de la Direction Informatique, dans l'optique de vous affecter sur un important projet d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

Le client irrité par cette désinvolture, a failli ne pas donner suite à cette réunion. J'ai dû alors faire preuve de la plus grande diplomatie, usant de la qualité de mes relations avec ce client pour que le rendez-vous ne soit pas avorté.

- Vous êtes arrivé avec 35 minutes de retard au rendez-vous fixé à 15h15 dans le cadre du projet VEOLIA, contraignant notre interlocuteur à nous appeler pour nous faire part de son mécontentement. Vous étiez pourtant ce jour là au siège de la société, sans impératif pouvant justifier ce retard. Nous avions alors été surpris d'entendre que vous aviez estimé de votre propre chef qu'il n'était pas utile d'arriver aussi tôt à ce rendez-vous, non seulement sans prendre la peine de prévenir la personne concernée mais, de fait, sans respecter la consigne qui vous avait été donnée.

- Enfin, vous êtes arrivé avec 40 minutes de retard à un autre rendez-vous de présentation projet, que vous aviez pourtant vous-même confirmé par courriel. Vous étiez là encore au siège de la société le jour du rendez-vous. M'étant inquiété de constater peu avant l'heure de ce rendez-vous que vous n'étiez pas encore parti et ne pouviez de fait pas y être présent à l'heure convenue, vous m'avez répondu que le rendez-vous avait été décalé. Force est de constater que vous m'avez menti car notre interlocuteur m'a affirmé que ce rendez-vous n'avait jamais été décalé.

Ceci est totalement inacceptable de la part d'un cadre censé représenter l'entreprise, et nous cause un grave préjudice en termes d'image et par voie de conséquence en termes commerciaux.

Un manque de rigueur dans vos actions :

- Depuis que nous avons entamé notre collaboration, nous avons fréquemment été contraints de constater que vous êtes à la fois difficilement joignable, ne répondant souvent qu'avec beaucoup de retard à nos messages téléphoniques, et peu fiable, car ne respectant pas les consignes données de vive voix. Sur ce point nous avions d'ailleurs été dans l'obligation de vous adresser un premier avertissement en date du 16 septembre 08 pour non respect des consignes données.

- Par ailleurs, et malgré nos relances répétées, vous avez continué à arriver très fréquemment après 10 heures le matin au siège de la société, pendant vos phases d'inter-contrat.

Lors de l'entretien préalable à sanction, vous ne nous avez malheureusement fourni aucun élément d'explication pertinent sur les faits qui vous sont reprochés, et à titre accessoire vous êtes à nouveau arrivé en retard à un rendez-vous pourtant important (10h30 au lieu de 10h00).

En outre, nous vous avons dispensé, par courrier remis en main propre, de présence au siège de l'entreprise jusqu'au mercredi 08 avril 2009 inclus dans l'attente d'une décision.

Nous sommes encore une fois au regret de constater votre absence le jeudi 09 avril 2009 au matin alors que vous étiez censé reprendre votre poste. Vous n'êtes arrivé ce jour là, sans avoir prévenu quiconque qu'à 14h30.

Fait particulièrement grave par ailleurs : Votre parcours professionnel mensonger

Nous constatons une distorsion notable de votre expérience professionnelle telle que mentionnée sur votre Curriculum Vitae avec la réalité de votre parcours.

En effet les éléments évoqués, nous ont conduits à nous interroger plus avant, et à prendre contact avec vos anciens employeurs. Les renseignements recueillis laissent apparaître que le Curriculum Vitae que vous nous avez produit pour votre embauche est totalement mensonger.

Si nous vous avons embauché, c'est autant pour la qualité et la diversité des missions réalisées, telles que présentées sur votre CV et évoquées lors de votre entretien d'embauche, que pour la stabilité supposée de votre parcours professionnel.

Ce dernier point soulève un problème de confiance particulièrement grave. En nous masquant la réalité de votre parcours professionnel, vous nous avez menti en vous faisant passer pour plus compétent que vous l'êtes en réalité, et avez faussé notre jugement. Nous le payons aujourd'hui lourdement'

Les éléments évoqués, à savoir : insuffisance professionnelle, manque de rigueur et de professionnalisme, et de surcroît CV mensonger, sont constitutifs d'une faute grave fortement préjudiciable à la bonne marche de notre entreprise. Ils justifient la non poursuite à effet immédiat de notre collaboration.

Aussi nous sommes au regret de devoir vous signifier votre licenciement pour faute grave ».

L'employeur fait ainsi état de trois griefs dans la lettre de licenciement :

- une insuffisance professionnelle,

- un manque de rigueur et de professionnalisme,

- un parcours professionnel mensonger.

Il convient de rappeler que l'insuffisance professionnelle ne peut être admise comme étant une faute grave. Or si la société Etel Consulting pouvait à bon droit invoquer dans la lettre de licenciement plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne de Monsieur [J], il n'en demeure pas moins qu'en faisant le choix de le priver de ses indemnités de rupture, elle s'est dès lors placée sur le terrain disciplinaire. Les fautes graves reprochées à Monsieur [J], en l'espèce un manque de rigueur et de professionnalisme et son parcours professionnel mensonger, constituaient bien le motif premier et déterminant du licenciement. Par conséquent, les faits d'insuffisance professionnelle qui sont par ailleurs reprochés à Monsieur [J] ne peuvent justifier son licenciement.

A l'appui de ces griefs, la société Etel Consulting produit notamment :

- les échanges de mails (fin mars 2009) entre la société Etel Consulting et sa cliente la société KMSI dans lequel cette dernière confirme que leur rendez-vous était bien fixé à 16h30 et n'avait pas été retardé et que Monsieur [J] s'est présenté à 16h50,

- un email de la société Amontech daté du 17 avril 2009 dans lequel il est indiqué « Je me permets de revenir vers vous concernant l'intervention que devait effectuer Monsieur [J] auprès de notre client. Tout d'abord j'avais fixé avec [P] RDV à 15h15 devant les locaux de notre client Véolia, il est arrivé avec presque 45 minutes de retard essoufflé, transpirant...Lors de l'entretien, [P] a confirmé avoir des compétences techniques sur CODA ce qui a influencé le chef de projet à accepter que [P] intègre Véolia. Ce projet devait s'étaler sur un an à plein temps et [P] s'est fait challengé le premier pour permettre de tester les compétences qu'il avait mis en avant verbalement lors de l'entretien. Il s'avère que le chef de projet m'a contacté le lendemain au début de sa prestation en m'indiquant de manière formelle que [P] ne disposait d'aucune compétence sur le progiciel CODA et qu'en conséquence, sa présence sur le projet ne pouvait que nuire et entamer notre relation commerciale. »,

- un courrier de la société CODA daté du 13 mai 2009 indiquant « En réponse à votre courrier du 11 mai 2009, je vous confirme qu'à ma connaissance et après consultation du registre du personnel, Monsieur [J] n'a jamais été salarié de la société CODA France SAS. »,

- un courrier de la société Etel Consulting adressé à la société Sopra Group dans lequel elle lui demande « J'ai pris contact avec vous il y a peu afin de vérifier certaines des informations portées sur le CV de l'un de nos collaborateurs, Monsieur [J]. Concernant votre société, celui-ci indiquait dans son CV y avoir travaillé un peu plus de neuf années (d'août 1989 à septembre 1998) tandis que vous m'indiquiez lors de notre contact téléphonique qu'il n'avait été salarié de la société Sopra Group que du 30 mars 1998 au 10 novembre 1998. Vous me précisiez par ailleurs que son contrat de travail avait été rompu à son initiative, dans le cadre d'une rupture de période d'essai. » ainsi que la réponse de la société Sopra Group « Je vous confirme les termes de mon entretien téléphonique concernant les dates d'emploi de ce salarié chez Sopra ainsi que le motif de rupture de contrat »,

- la lettre de candidature et le CV envoyés par Monsieur [J] à la société Etel Consulting mentionnant notamment avoir été consultant chez Coda France entre janvier 2003 et octobre 2004,

- l'avertissement adressé au salarié le 16 septembre 2008 pour ne pas avoir contacté son employeur avant de quitter le site client comme il lui en avait été expressément fait la demande et ne pas avoir repris contact avec son employeur avant le lundi 15 septembre alors qu'il était en période d'inter-contrat,

- l'avertissement adressé au salarié le 12 mars 2009 notamment en raison de « son manque de rigueur avéré » (retards répétés, ne rappelle pas son employeur malgré les messages laissés en ce sens).

Monsieur [J] ne conteste pas être arrivé en retard à trois rendez-vous mais constate que ces retards n'ont fait l'objet d'aucune sanction avant son licenciement.

S'agissant de ses heures d'arrivée (après 10 heures) au siège de la société pendant ses phases d'inter-contrat, il rappelle que ces phases lui confèrent une totale autonomie de gestion, sans aucune obligation envers un quelconque client de l'entreprise et n'impliquent pas de présence à un horaire particulier.

Il estime par ailleurs que rien n'indique que son CV soit totalement mensonger comme le soutient l'employeur qui ne rapporte au surplus aucune l'existence de man'uvres dolosives. Il explique que ce sont les commerciaux de la société qui modifiaient son CV en fonction des besoins des clients dans le but de décrocher des contrats.

Il constate enfin que les faits qui lui sont reprochés dans l'email d'avertissement du 12 mars 2009 ne sont nullement établis et datent tous de plus de deux mois.

S'agissant du manque de rigueur et de professionnalisme, la société Etel Consulting fait état de l'avertissement adressé au salarié le 16 septembre 2008 or la cour constate qu'aucun élément n'est versé par l'employeur pour justifier cette sanction. En effet, le seul email de l'employeur adressé au salarié le 12 septembre 2009 dans lequel il s'étonne de son silence, ne permet pas d'établir quand la mission auprès du client a pris fin ni à quel moment Monsieur [J] a finalement pris contact avec lui.

Il ressort toutefois des pièces versées aux débats et notamment des emails des clients (société KMSI et société Amontech) que le salarié est arrivé à deux reprises très en retard à des rendez-vous client en mars 2009, sans aucune explication, compromettant ainsi le sérieux et le professionnalisme de son employeur.

Concernant les horaires de travail, la cour relève que l'employeur ne produit aucun élément justifiant que le salarié était soumis à un horaire précis de travail et qu'il ne respectait les horaires imposés.

Il apparaît également que Monsieur [J] a menti sur son parcours professionnel en faisant état notamment d'une expérience professionnelle auprès de la société CODA entre janvier 2003 et octobre 2004 alors même que cette société indique qu'il n'a jamais fait partie de ses effectifs. Outre le fait que Monsieur [J] a fourni des renseignements inexacts à la société Etel Consulting lors de son embauche, il ressort également de l'email envoyé par la société Amontech, qu'il a également fait état de cette expérience auprès d'une société cliente afin de l'influencer dans son choix. Or il est apparu par la suite qu'il ne disposait pas des compétences requises ce qui a nuit à la réputation de l'entreprise et « entamer » la relation commerciale.

Dès lors au regard de ces éléments, il convient de constater que les griefs reprochés au salarié pour justifier son licenciement sont partiellement établis. La cour relève toutefois que ces fautes ne justifiaient pas le départ immédiat du salarié. Le licenciement prononcé reposait donc non pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

Aux termes de l'article 15 de la convention collective applicable, sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis pour les cadres, est de trois mois quelle que soit la partie qui dénonce le contrat.

En conséquence, il sera alloué au salarié la somme de 14.500 euros, outre les congés afférents.

Sur la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Monsieur [J] fait valoir en premier lieu qu'il n'a pas bénéficié d'un délai de cinq jours entre la lettre de convocation à l'entretien et l'entretien préalable au licenciement.

Il explique qu'il n'a pas été en mesure de se mettre en relation avec un conseiller de son choix afin d'être assisté lors de l'entretien préalable.

Il sollicite en conséquence le versement de deux mois de salaire à titre d'indemnité.

La société Etel Consulting estime qu'elle a respecté ses obligations quant aux délais de convocation dans la mesure où la lettre de convocation a été envoyée le 27 mars 2009 pour un entretien fixé au 3 avril suivant.

Elle constate que Monsieur [J] ne l'a jamais informée de la moindre difficulté ni sollicité le report de l'entretien.

Il résulte du rapprochement des articles L.1235-2 et L.1235-5 du code du travail que, lorsque le licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté ou intervenu dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés survient sans que la procédure requise ait été observée, le salarié ne peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, sauf en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller. Dans ce cas le salarié peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, qu'il s'agisse ou non d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, i l apparaît que l'irrégularité alléguée, à savoir le non-respect du délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre de convocation au salarié et l'entretien préalable, n'est pas une méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller. Il s'en suit que Monsieur [J] n'a droit à aucune indemnité à ce titre.

Par ailleurs, il apparaît que la convocation à l'entretien préalable au licenciement comportait les mentions prévues aux articles L.1232-4 et L.1233-13 du code du travail.

Dès lors aucune irrégularité de procédure ne peut être reprochée à l'employeur sur ce point.

Sur les frais de procédure

Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer, il n'y a donc pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette l'exception d'irrecevabilité,

Dit que le licenciement de Monsieur [J] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Etel Consulting à verser à Monsieur [J] la somme de 14.500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1.450 euros au titre des congés afférents,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Etel Consulting aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/12082
Date de la décision : 24/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/12082 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-24;13.12082 ?
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