Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 23 MAI 2017
(n°136/2017, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/19705
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Septembre 2016 du Juge de la mise en état du tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 14/05292
APPELANTE
La société CERAMTEC GMBH
société de droit allemand,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Me Olivia BERNARDEAU-PAUPE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0124
INTIMÉE
La société C5 MEDICAL WERKS LLC,
société de droit américain,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Stefan NAUMANN du LLP HUGHES HUBBARD et REED LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J013
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 27 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Benjamin RAJBAUT, président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, président,
Monsieur David PEYRON, président de chambre,
Madame Isabelle DOUILLET, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier.
***
E X P O S É D U L I T I G E
La société de droit allemand CERAMTEC GmbH, spécialisée dans le développement, la fabrication et la distribution de composants céramiques techniques, a fait assigner le 13 décembre 2013 la société de droit américain C5 MEDICAL WERKS Llc, filiale du groupe américain COORSTEK spécialisé dans la fabrication de produits en céramique technique, spécifiquement dédiée à fabrication et la commercialisation de pièces en céramique destinées à des applications médicales, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses marques communautaires (désormais marques de l'Union européenne) n° 10 214 195, 10 214 112 et 10 214 179 et en concurrence parasitaire ;
Avant l'enrôlement de l'affaire devant le tribunal le 04 avril 2014, la société C5 MEDICAL WERKS Llc a déposé le 31 janvier 2014 trois demandes en nullité de ces marques devant la division d'annulation de l'OHMI (aujourd'hui EUIPO) ;
Par ordonnance du 30 octobre 2014, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société C5 MEDICAL WERKS Llc dans l'attente de la décision de l'OHMI (aujourd'hui EUIPO)sur ses demandes en nullité des trois marques communautaires n° 010 214 195, 010 214 112 et 010 214 179 introduites le 31 janvier 2014, soit avant la saisine du tribunal, l'ordonnance ayant fait valoir des raisons particulières, au sens de l'article 104 du règlement (UE) n° 207/2009 du 26 février 2009 du Conseil sur la marque communautaire, de poursuivre la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Paris ;
Par décisions du 30 juillet 2015, l'OHMI (aujourd'hui EUIPO) a suspendu les trois procédures en nullité, à la suite de quoi la société C5 MEDICAL WERKS Llc a déposé le 15 février 2016 devant le tribunal de grande instance de Paris des conclusions reconventionnelles en nullité de ces trois marques avant de retirer le 07 avril 2016 ses demandes en nullité suspendues en cours devant l'OHMI (aujourd'hui EUIPO),
Par conclusions d'incident du 14 avril 2016, la société CERAMTEC GmbH demande au juge de la mise en état d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de ses recours en annulation des décisions de l'EUIPO ;
Par ordonnance contradictoire du 22 septembre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a :
débouté la société CERAMTEC GmbH de sa demande de sursis à statuer,
réservé les dépens,
renvoyé l'affaire à une audience ultérieure de mise en état pour fixation d'un nouveau calendrier ;
La société CERAMTEC GmbH a interjeté appel de cette ordonnance le 03 octobre 2016 ;
Par ses dernières conclusions n° 3, transmises par RPVA le 13 mars 2017, la société CERAMTEC GmbH demande :
d'infirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions,
À titre principal :
d'ordonner le sursis à statuer de l'instance au fond ou, tout le moins de la demande reconventionnelle en nullité des marques, dans l'attente des décisions définitives statuant sur ses recours et sur la validité de ses marques,
d'ordonner, en tant que de besoin, le retrait du rôle de l'affaire au fond dans cette attente et de dire que l'affaire sera réinscrite au rôle à la demande de la partie la plus diligente à la suite des décisions définitives statuant sur ses recours et sur la validité de ses marques,
En tant que de besoin :
de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l'Union européenne :
Lorsqu'une demande en nullité de marque européenne a été introduite avant l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement Européen et du conseil du 16 décembre 2015, c'est-à-dire sous l'empire du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009, son retrait par le demandeur en nullité qui a eu lieu après son entrée en vigueur et qui fait l'objet d'une contestation par le titulaire de la marque doit-il être régi par les dispositions de l'ancien Règlement ou par les dispositions de ce nouveau règlement et plus particulièrement par son article 100 intitulé 'Demande reconventionnelle' '
Si une demande reconventionnelle en nullité de marque est formée à un moment où une demande antérieure devant l'Office portant sur la même marque, les mêmes fondements juridiques, entre les mêmes parties est pendante et à un stade avancé, le juge national doit-il considérer qu'il n'y a pas de raisons particulières de poursuivre l'examen de la demande reconventionnelle en nullité et prononcer le sursis à statuer de la demande reconventionnelle ou, à titre alternatif, de l'instance, suivant l'article 104-1 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur a marque communautaire '
Si des raisons particulières de continuer l'examen de la demande reconventionnelle peuvent exister même dans une telle hypothèse, l'ancienneté du litige en contrefaçon initié devant le juge national peut-elle constituer une raison particulière d'examiner la demande reconventionnelle suivant l'article 104-1 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire que ce soit d'une manière générale ou, compte tenu des circonstances spécifiques de l'espèce, lorsque la demande en nullité devant l'Office était déjà à un stade avancé et que l'intention du demandeur en nullité est d'éviter la décision de l'Office '
d'ordonner le sursis à statuer de l'instance au fond pendante devant le tribunal dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur ces questions,
d'ordonner le retrait du rôle de l'affaire au fond pendante devant le tribunal,
de dire que l'affaire sera réinscrite au rôle à la demande de la partie la plus diligente à la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur ces questions,
À titre subsidiaire :
d'enjoindre à la société C5 MEDICAL WERKS Llc de poursuivre ou de réintroduire, dans un court délai, les procédures en annulation des marques devant l'Office,
d'ordonner le sursis à statuer de l'instance au fond pendante devant le tribunal dans l'attente de l'issue définitive des procédures en annulation des marques actuellement pendante devant l'Office,
d'ordonner le retrait du rôle de l'affaire au fond pendante devant le tribunal,
de dire que l'affaire sera réinscrite au rôle à la demande de la partie la plus diligente à la suite des décisions définitives statuant sur ses recours et sur la validité de ses marques,
À titre encore plus subsidiaire :
d'ordonner le sursis à statuer de l'instance au fond pendante devant le tribunal dans l'attente de l'issue définitive des procédures en annulation des marques formées par METOXIT devant l'Office,
d'ordonner le retrait du rôle de l'affaire au fond pendante devant le tribunal,
de dire que l'affaire sera réinscrite au rôle à la demande de la partie la plus diligente à la suite des décisions définitives statuant sur la validité de ses marques,
À titre infiniment subsidiaire :
d'ordonner le sursis à statuer de l'instance au fond pendante devant le tribunal dans l'attente du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal des marques de l'Union européenne de Stuttgart,
d'ordonner le retrait du rôle de l'affaire au fond pendante devant le tribunal,
de dire que l'affaire sera réinscrite au rôle à la demande de la partie la plus diligente à la suite du rapport d'expertise,
En tout état de cause :
de réserver les frais irrépétibles et les dépens ;
Par ses dernières conclusions d'appel en réponse, transmises par RPVA le 20 février 2017, la société C5 MEDICAL WERKS Llc demande :
de confirmer l'ordonnance entreprise,
de rejeter en conséquence la demande de sursis à statuer de la société CERAMTEC GmbH comme infondée,
de rejeter la demande de sursis à statuer sur la seule demande reconventionnelle en nullité des marques de la société CERAMTEC GmbH,
de rejeter la demande de transmission de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne,
de refuser de lui ordonner de poursuivre ou réintroduire les demandes en nullité devant l'Office,
Subsidiairement :
de fixer le délai de sursis à statuer à deux mois,
de réserver les frais irrépétibles et les dépens ;
L'affaire a fait l'objet, conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, d'une fixation directe à l'audience tenue en conseiller rapporteur du lundi 27 mars 2017 à 14 h ;
M O T I F S D E L ' A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé à l'ordonnance déférée et aux écritures des parties ;
I : SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :
Les questions préjudicielles :
Considérant que la demande de questions préjudicielles est présentée par la société CERAMTEC GmbH à titre principal 'en tant que de besoin' sur l'application dans le temps du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et sur l'interprétation à donner de l'article 104-1 du règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;
Que ces questions sont les suivantes :
'Lorsqu'une demande en nullité de marque européenne a été introduite avant l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement Européen et du conseil du 16 décembre 2015, c'est-à-dire sous l'empire du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009, son retrait par le demandeur en nullité qui a eu lieu après son entrée en vigueur et qui fait l'objet d'une contestation par le titulaire de la marque doit-il être régi par les dispositions de l'ancien Règlement ou par les dispositions de ce nouveau règlement et plus particulièrement par son article 100 intitulé 'Demande reconventionnelle' '
Si une demande reconventionnelle en nullité de marque est formée à un moment où une demande antérieure devant l'Office portant sur la même marque, les mêmes fondements juridiques, entre les mêmes parties est pendante et à un stade avancé, le juge national doit-il considérer qu'il n'y a pas de raisons particulières de poursuivre l'examen de la demande reconventionnelle en nullité et prononcer le sursis à statuer de la demande reconventionnelle ou, à titre alternatif, de l'instance, suivant l'article 104-1 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur a marque communautaire '
Si des raisons particulières de continuer l'examen de la demande reconventionnelle peuvent exister même dans une telle hypothèse, l'ancienneté du litige en contrefaçon initié devant le juge national peut-elle constituer une raison particulière d'examiner la demande reconventionnelle suivant l'article 104-1 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire que ce soit d'une manière générale ou, compte tenu des circonstances spécifiques de l'espèce, lorsque la demande en nullité devant l'Office était déjà à un stade avancé et que l'intention du demandeur en nullité est d'éviter la décision de l'Office ''
Considérant que la société C5 MEDICAL WERKS Llc s'oppose à cette demande en faisant valoir que la notion de raisons particulières se rapporte à des circonstances de fait propres à une espèce donnée qui sont régis par le droit national lequel doit être appliqué dans le respect des principes d'équivalence et d'efficacité et que les réponses aux questions posées ne sont pas nécessaires en vue d'aboutir à la solution du litige dont la cour est saisie ;
Considérant que l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur 'l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union' et que lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, celle-ci 'peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question' ;
Que cet article reprend textuellement l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne (version consolidée Nice 2002), anciennement l'article 177 du traité CEE du 25 mars 1957, et que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt SRL CILFIT du 06 octobre 1982 que :
'L'article 177, alinéa 3, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ; l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté.'
Que cet arrêt précise à son point 9 qu''il ne suffit (...) pas qu'une partie soutienne que le litige pose une question d'interprétation du droit communautaire pour que la juridiction concernée soit tenue de considérer qu'il y a question soulevée au sens de l'article 177" ;
Qu'au point 18 de son arrêt Pasquale Foglia du 16 décembre 1981 la Cour de justice de l'Union européenne soulignait déjà 'que l'article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres' et qu''elle ne serait donc pas compétente pour répondre à des questions d'interprétation qui lui seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d'amener la Cour à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne répondent pas à un besoin objectif inhérent à la solution d'un contentieux' et qu'il convient 'd'éviter l'utilisation de la procédure de l'article 177 à des fins autres que celles qui lui sont propres' ;
Considérant qu'en l'espèce la question de la date d'entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/2424 est prévue par son article 4 qui dispose que ce règlement est entré en vigueur le 23 mars 2016, de telle sorte que la question sur ce point n'est pas pertinente ;
Que la notion des 'raisons particulières de poursuivre la procédure' prévues par l'article 104.1 du règlement (CE) 207/2009 se rapporte aux circonstances de fait propres à l'affaire en cours de telle sorte que les questions relatives à cet article ne sont pas davantage pertinentes en ce qu'elles ne répondent pas au 'besoin objectif inhérent à la solution d'un contentieux' au sens de l'arrêt Pasquale Foglia précité ;
Considérant en conséquence que la demande de questions préjudicielles sera rejetée ;
Le sursis à statuer dans l'attente de l'issue des procédures en annulation des marques de la société CERAMTEC GmbH :
Considérant que la société CERAMTEC GmbH demande à titre principal le sursis à statuer sur le fondement des dispositions de l'article 104.1 du règlement (CE) 207/2009 dans l'attente des procédures en nullité initiées par la société C5 MEDICAL WERKS Llc devant l'OEB ;
Qu'elle soutient que les nouvelles dispositions du règlement (UE) 105/2424 entré en vigueur le 23 mars 2016 ne seraient pas applicables puisque les demandes en nullité ont été introduites par la société C5 MEDICAL WERKS Llc avant son entrée en vigueur et qu'il s'agit d'une règle de fond et non pas seulement procédurale ;
Qu'elle fait valoir que l'obligation de surseoir à statuer lorsque l'Office est saisi en premier lieu d'une demande en nullité d'une marque de l'Union européenne est impérative et que ce n'est qu'à titre exceptionnel que le juge national peut décider que le débat sur la validité de la marque se poursuive devant lui lorsqu'il existe des raisons particulières ;
Qu'elle expose que les procédures en annulation sont toujours pendantes devant l'Office dans la mesure où si la société C5 MEDICAL WERKS Llc a procédé unilatéralement au retrait de ses demandes en nullité le 07 avril 2016, elle-même a formé le 19 mai 2016 des recours en annulation des décisions de l'Office lui notifiant ces retraits ;
Qu'elle fait encore valoir que l'ancienneté du litige n'est pas une raison particulière justifiant la poursuite du débat sur la nullité des marques devant le tribunal et que ce débat doit uniquement être poursuivi devant l'Office compte tenu du comportement abusif de la société C5 MEDICAL WERKS Llc ;
Considérant que la société C5 MEDICAL WERKS Llc réplique que la demande de sursis à statuer est sans objet puisqu'elle a retiré ses demandes en nullité devant l'Office le 07 avril 2016 et que la Chambre des recours de l'Office a rendu le 15 février 2017 des décisions déclarant ces recours irrecevables de telle sorte que la demande de sursis à statuer n'a plus d'objet ni de fondement ;
Qu'elle fait valoir que l'article 100.4 du règlement tel que modifié prévoit que le sursis à statuer prévu par l'article 104.1 cesse lorsque la demande en nullité est retirée et qu'il s'agit d'une règle de procédure applicable en l'espèce ;
Qu'elle conteste tout comportement abusif de sa part, le retrait étant un choix qui appartient au seul demandeur en nullité et que dans la mesure où la demande en nullité peut être retirée à tout moment avant une décision, un tel retrait ne peut être tardif ;
Qu'elle ajoute qu'il existe bien des raisons particulières de poursuivre la procédure dans la mesure où elle est défenderesse à l'action en contrefaçon et ne peut bénéficier d'aucune mesure provisoire lui permettant l'accès à un marché dont l'appelante l'exclut depuis plus de trois ans sur la base de marques nulles portant sur la couleur d'un matériau céramique qui est dans le domaine public depuis l'expiration des brevets de l'appelante sur ce matériau céramique ;
Considérant ceci exposé, que l'article 104.1 du règlement intitulé 'Règles spécifiques en matière de connexité' est ainsi rédigé :
'1. Sauf s'il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques communautaires saisi d'une action visée à l'article 96, à l'exception d'une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l'une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque communautaire est déjà contestée devant un autre tribunal des marques communautaires par une demande reconventionnelle ou qu'une demande en déchéance ou ennullité a déjà été introduite auprès de l'Office.'
Que l'article 100.4 de ce règlement intitulé 'Demande reconventionnelle' a été modifié par le règlement (UE) 2015/2424 ainsi qu'il suit :
'4. Le tribunal des marques de l'Union européenne devant lequel une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité de la marque de l'Union européenne a été introduite ne procède pas à l'examen de cette demande reconventionnelle tant que la date à laquelle celle-ci a été introduite n'a pas été communiquée à l'Office par la partie intéressée ou par le tribunal. L'Office inscrit cette information au registre. Si une demande en déchéance ou en nullité de la marque de l'Union européenne a déjà été introduite auprès de l'Office avant le dépôt de la demande reconventionnelle précitée, le tribunal en est informé par l'Office et sursoit à statuer conformément à l'article 104, paragraphe 1, jusqu'à ce que la décision concernant cette demande soit définitive ou que la demande soit retirée.'
Considérant que le nouvel article 100.4 du règlement est entré en vigueur le 23 mars 2016 en application des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) 105/2424, qu'il s'agit bien d'une règle de procédure d'application immédiate selon laquelle la décision de sursis à statuer prévue par l'article 104.1 du règlement cesse dès lors que la demande en nullité de la marque de l'Union européenne a été retirée ;
Considérant que l'article 100.4 est bien applicable en l'espèce puisque le tribunal de grande instance de Paris, en sa qualité de tribunal des marques de l'Union européenne, saisi à titre principal d'une action en contrefaçon de trois marques de l'Union européenne dont la société CERAMTEC GmbH est titulaire, est saisi d'une demande reconventionnelle en nullité de ces marques ;
Qu'en l'espèce les demandes en nullité présentées par la société C5 MEDICAL WERKS Llc devant l'Office ont fait l'objet d'un retrait le 07 avril 2016 et que les recours de la société CERAMTEC GmbH contre les trois décisions de la division d'annulation de l'Office en date du 21 avril 2016 clôturant la procédure ont été déclarés irrecevables par trois décisions de la Chambre de recours de l'EUIPO rendues le 15 février 2017 (pièces 148 à 150 de l'intimée) ;
Considérant dès lors que la demande de sursis à statuer présentée à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article 104.1 du règlement est devenue sans objet du fait du retrait des demandes en nullités et de la clôture de la procédure devant l'EUIPO ;
II : SUR LES DEMANDES SUBSIDIAIRES :
La demande tendant à faire poursuivre les procédures en annulation des marques devant l'Office :
Considérant que la société CERAMTEC GmbH demande à la cour d'inviter la société C5 MEDICAL WERKS Llc à poursuivre les procédures en annulation des marques devant l'Office en application des dispositions de l'article 100.7 du règlement et de surseoir à statuer dans cette attente ;
Qu'elle fait valoir que la volonté du législateur européen a été de donner à l'Office la préférence pour statuer sur la validité d'une marque de l'Union européenne et que si ce texte permet au juge national d'inviter le demandeur en nullité à introduire sa demande devant l'Office, il peut également inviter le demandeur à continuer une procédure pendante devant l'Office ;
Considérant que la société C5 MEDICAL WERKS Llc réplique que les procédures en nullité n'étant plus pendantes devant l'Office depuis qu'elles ont été retirées, elles ne peuvent être poursuivies et que la Chambre de recours dans ses décisions du 15 février 2017 a d'ores et déjà observé que de nouvelles demandes en nullité devant l'Office pourraient être irrecevables ;
Considérant que l'article 100.7 du règlement est ainsi rédigé :
'7. Le tribunal des marques communautaires saisi d'une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité peut surseoir à statuer à la demande du titulaire de la marque communautaire et après audition des autres parties et inviter le défendeur à présenter une demande en déchéance ou en nullité à l'Office dans un délai qu'il lui impartit. Si cette demande n'est pas présentée dans ce délai, la procédure est poursuivie ; la demande reconventionnelle est considérée comme retirée. L'article 104, paragraphe 3, est applicable.'
Considérant qu'en l'espèce l'Office a déjà été saisie de demandes en nullité des marques de l'Union européenne et que contrairement à ce qu'affirme la société CERAMTEC GmbH ces procédures ne sont plus pendantes devant l'Office du fait de leur retrait ; qu'il ressort du paragraphe 32 des trois décisions de la Chambre de recours de l'EUIPO du 15 février 2017 qu'une nouvelle demande en nullité de ces marques devant l'Office après le retrait d'une précédente demande 'soulèverait la question de sa recevabilité (...) eu égard aux principes généraux du droit' ;
Considérant en conséquence que la demande subsidiaire tendant à faire reprendre (et non pas poursuive) l'instance en nullité devant l'Office sur le fondement des dispositions de l'article 100.7 sera rejetée ;
La demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive des procédures en annulation des marques formées devant l'office par la société METOXIT :
Considérant que la société CERAMTEC GmbH expose que la société METOXIT a initié devant l'Office le 27 novembre 2013 des procédures en annulation contre les mêmes marques de l'Union Européenne, l'Office devant rendre ses décisions en septembre/octobre 2017 et qu'il importe peu que les parties à ces deux procédures en annulation parallèles ne soient pas les mêmes car l'article 104.1 du règlement ne prévoit pas que les parties soient les mêmes pour ordonner un sursis à statuer et qu'une décision statuant sur la validité d'une marque a un effet erga omnes ;
Considérant que la société MEDICAL WERKS Llc réplique que les fondements des demandes de la société METOXIT ne sont pas les mêmes et que les pièces qu'elle-même verse ne se confondent pas avec celles produites par la société METOXIT ;
Qu'elle ajoute qu'il n'y a pas de risque de contrariété de décisions dans la mesure où une décision refusant d'annuler une marque n'a qu'un effet relatif, seule une décision d'annulation ayant un effet erga omnes sans qu'une telle décision crée un quelconque risque de contrariété de décisions rendues entre d'autres parties ;
Considérant que contrairement à ce qu'affirme la société CERAMTEC GmbH, une décision rejetant une demande d'annulation d'une marque n'a pas d'effet erga omnes de telle sorte qu'une décision en ce sens de l'Office dans la procédure engagée par la société METOXIT sur des fondements juridiques au demeurant différents, ne s'imposerait pas au tribunal et ne créerait donc aucun risque de contrariété de décisions ;
Considérant dès lors qu'il existe des raisons particulières de poursuivre la présente procédure devant le tribunal au sens de l'article 104.1 du règlement nonobstant la procédure parallèle en annulation des marques de l'Union européenne engagée par la société METOXIT devant l'Office ;
La demande de sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal des marques de l'Union européenne de Stuttgart :
Considérant qu'à titre infiniment subsidiaire, la société CERAMTEC GmbH sollicite le sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal de Stuttgart (Allemagne) dans le cadre de la procédure qu'elle a engagée devant ce tribunal pour contrefaçon de ces marques et où une mesure d'expertise a été ordonnée le 01 septembre 2015 et où le rapport devrait être rendu entre l'été et l'automne de l'année 2017 ;
Considérant que la société MEDICAL WERKS Llc réplique que cette expertise n'a été ordonnée que dans le cadre d'une action en contrefaçon, les questions posées à l'expert allemand étant sans incidence sur les motifs de nullité des marques ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites que la procédure en cours devant le tribunal des marques de l'Union européennes de Stuttgart n'est qu'une action en contrefaçon non seulement des marques de l'Union européenne objet du présent litige mais également de marques allemandes, de telle sorte que l'expertise ordonnée par cette juridiction n'est relative qu'aux demandes en contrefaçon et ne saurait avoir d'effet sur la validité même des marques de l'Union européenne ;
Qu'il n'est pas démontré que ce rapport d'expertise présenterait un intérêt pour le présent litige justifiant le prononcé d'un sursis à statuer dans l'attente de son dépôt ;
Considérant en conséquence que la société CERAMTEC GmbH sera déboutée de l'ensemble de ses demandes de sursis à statuer présentées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef ;
Considérant que les frais irrépétibles et les dépens de la procédure d'appel seront, comme ceux de première instance, réservés et suivront le sort de l'instance au fond ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Déboute la société CERAMTEC GmbH de ses demandes de question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Déboute la société CERAMTEC GmbH de sa demande tendant à inviter la société C5 MEDICAL WERKS Llc à réintroduire devant l'Office des demandes en nullité des marques de l'Union européenne objet du présent litige et dont la société CERAMTEC GmbH est titulaire ;
Déboute la société CERAMTEC GmbH de l'ensemble de ses demandes de sursis à statuer présentées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ;
Confirme en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Réserve les frais irrépétibles et les dépens de la procédure d'appel qui suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER