RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 18 Mai 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09661
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/07950
APPELANT
Monsieur [G] [V]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 2]
représenté par Me Bénédicte PUYBASSET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0459 substitué par Me Ariane SIC SIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1477
INTIMEE
SA BOURSE DIRECT
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0267
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 mars 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Mariella LUXARDO, Présidente
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller
Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [G] [V] a été engagé en qualité de chargé de clientèle, pour une durée indéterminée à compter du 20 novembre 2000, par la société CAPITOL, aux droits de laquelle la société BOURSE DIRECT de trouve actuellement. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable formation, avec le statut de cadre.
Par lettre du 12 juin 2012, Monsieur [V] était convoqué pour le 20 juin à un entretien préalable à son licenciement et était mis à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 9 juillet suivant pour faute lourde, caractérisée par un démarchage de clients de l'entreprise et un détournement à son profit des outils mis à sa disposition.
Il percevait en dernier lieu une rémunération brute mensuelle de 3 650 euros.
La relation de travail est régie par la convention collective de la bourse.
Le 9 juillet 2012, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de rappel de salaires. La société BOURSE DIRECT a formé des demandes reconventionnelles de remboursement du trop perçu et de dommages et intérêts.
Par jugement du 9 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage, après avoir estimé que le licenciement de Monsieur [V] pour faute lourde était justifié, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société BOURSE DIRECT la somme de 2 340,52 € à titre de solde du trop perçu sur les commissions 2010/2011, les dépens et a débouté la société BOURSE DIRECT de ses autres demandes.
A l'encontre de ce jugement notifié le 14 septembre 2015, Monsieur [V] a interjeté appel le 30 septembre 2015.
Lors de l'audience du 30 mars 2017, Monsieur [V] demande à la cour d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société BOURSE DIRECT de ses demandes reconventionnelles et de la condamner à lui payer :
- 190 660,63 € à titre de solde de la partie variable de son salaire, du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 inclus ;
- 19 066,06 au titre des congés payés afférents
- 3 313,02 € au titre du salaire de mise à pied conservatoire du 12 juin au 10 juillet 2012
- 10 950 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 095 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 3 650 € au titre des congés payés non pris,
- 21 239,96 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse,
- 1 098 € au titre de la perte de son droit à DIF ;
- 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- il demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il renonce à sa demande en remboursement des sommes prélevées sur son salaire à hauteur de 8 843,56 € et congés payés afférents
Au soutien de ses demandes, Monsieur [V] expose :
- que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il n'a jamais accepté une diminution du montant de sa rémunération variable et est fondé à en obtenir paiement. Que sa demande n'est pas prescrite
- qu'il reconnaît avoir dispensé, sur son lieu de travail et pendant ses heures de travail, quelques formations payantes à titre personnel mais que même s'ils sont répréhensibles, ces faits sont restés sporadiques, alors que, de son côté, l'employeur n'a pas respecté ses obligations relatives au paiement de son salaire variable
- qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et n'a eu aucune intention de nuire
- que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire, que la faute lourde n'était pas caractérisée.
En défense, la société BOURSE DIRECT demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [V] reposait sur une faute lourde et en ce qu'il l'a condamné à lui verser la somme de 2 340,52 euros à titre de remboursement du « trop perçu » sur ses commissions. Elle demande également la condamnation de Monsieur [V] à lui payer les sommes suivantes :
- 12 000 €.à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier.
- 10 000 € à titre de dommages intérêts pour atteinte à son image et à sa notoriété
- 15 000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive
- une amende civile
- une indemnité de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la société BOURSE DIRECT fait valoir :
- que la faute lourde est établie, l'élément intentionnel résultant des moyens mis en 'uvre par Monsieur [V], comme des procédés de détournement dont il a fait usage auprès de 30 clients
- que la demande de rappel de salaires de Monsieur [V] est partiellement prescrite et que pour le surplus, il avait accepté, à compter du mois de juin 2006, une modification du mode de calcul de sa rémunération variable
- qu'elle justifie de ses préjudices causés par les actes commis par Monsieur [V]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande formée au titre de la rémunération variable
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, antérieure à la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil, lequel dispose que le point de départ de ce délai est constitué par le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, Monsieur [V] a saisi le 9 juillet 2012, le conseil de prud'hommes de demandes de rappel de salaires remontant au 1er janvier 2007.
Il établit n'avoir eu communication du montant des chiffres d'affaires qui constitue l'assiette des commissions contractuelles dont il réclame le paiement que par courriel du 21 avril 2009.
Sa demande n'est donc pas prescrite.
Il résulte des dispositions de l'article 1103 du code civil (ancien article 1134) que l'employeur ne peut modifier le montant et le mode de calcul de la rémunération du salarié sans accord exprès de sa part.
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'un convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
En l'espèce, par avenant du 26 avril 2005 Monsieur [V] a été promu responsable de l'agence de [Localité 3], cet avenant stipulant une rémunération constituée d'une partie fixe de 40 800 euros par an, augmentée d'un salaire variable égal à 10 % du chiffre d'affaires facturé et recouvré par l'agence.
A compter du mois de juin 2006, Monsieur [V] a été muté en qualité de directeur d'agence de [Localité 4], sans signature d'un nouvel avenant et n'a perçu, en plus de son salaire fixe, que des primes d'un montant inférieur à la rémunération variable qu'il percevait antérieurement.
Par lettre-avenant signée par les deux parties le 23 octobre 2009, Monsieur [V] a été affecté au poste de responsable formation à compter rétroactivement du mois de septembre 2009
Les parties ont ensuite signé un avenant le 1er octobre 2010, à effet rétroactif au 1er juillet 2010, stipulant une rémunération variable calculée sur le 'taux de conversion des prospects en clients'. Cet avenant stipulait qu'il était conclu 'aux lieu et place de toute rémunération variable de toute nature en vigueur au jour de la prise d'effet du présent avenant et ce tant au niveau du plan de rémunération variable PRV en vigueur dans l'entreprise pour les commerciaux que du modèle de rémunération lié aux anciennes fonctions de responsable d'agence de Monsieur [V]'.
Cet avenant n'est pas suffisant pour établir la réalité d'un accord non équivoque de la part de Monsieur [V] à renoncer à ses rémunérations variables en application de l'avenant du 26 avril 2005, au titre de la période de juin 2006 à juillet 2010.
La société BOURSE DIRECT fait valoir (et a été suivie sur ce point par le premier juge) qu'à compter de sa mutation à PARIS, Monsieur [V] a adressé à son employeur des tableaux récapitulatifs de ses commissions, établis selon des modalités différentes de celles précédemment appliquées.
Cependant, il résulte des explications des parties et des pièces produites, que ces modalités concernaient le plan de rémunération variable, applicable à tous les salariés exerçant une fonction commerciale au sein de l'entreprise et s'ajoutaient donc aux dispositions contractuelles propres aux responsables d'agences mais ne s'y substituaient pas.
Monsieur [V] produit d'ailleurs à cet égard une attestation de Monsieur [Q], conseil en investissement financier, qui déclare que les salariés concernés par cette rémunération variable avaient l'obligation d'envoyer avant le 20 de chaque mois un tableau récapitulatif des ouvertures de comptes réalisées car, dans le cas contraire les rémunérations variables n'étaient pas affectées à leur salaire mensuel.
Par ailleurs, également suivi sur ce point par le premier juge, la société BOURSE DIRECT a fait valoir qu'il résulte des échanges de correspondance entre les parties que Monsieur [V] était d'accord avec les modalités de calculs de sa rémunération variable et qu'il a ainsi écrit le 2 décembre 2011 'je suis d'accord avec votre vérification'.
Cependant, ces correspondances concernaient la période postérieure à la conclusion de l'avenant du 1er octobre 2010 et qui ne font pas l'objet de demandes de rappel de salaire de la part de Monsieur [V].
Par ailleurs, Monsieur [V] produit les attestations de Monsieur [Q], de Monsieur [I] et de Madame [Z], anciens salariés de l'entreprise, ainsi que de Messieurs [X] et [U], anciens clients, qui déclarent avoir l'avoir vu et entendu se plaindre du montant de sa rémunération et effectuer des réclamations auprès de la direction à cet égard, pendant la période visée par sa demande de rappel de salaires.
Il produit d'ailleurs trois courriels envoyés en 2009 à la direction, se plaignant de ne pas obtenir le montant du chiffre d'affaires réalisé par l'agence de PARIS, ainsi qu'un courriel du 9 mars 2010, aux termes duquel il demandait un rendez-vous 'comme il était convenu sur mes primes. Je souhaiterait également éclaircir un point avec vous concernant mon contrat de travail et plus précisément les conditions de rémunération relatives à mon poste de responsable d'agence, fonction occupée d'avril 2004 à juin 2009".
La preuve d'une acceptation non équivoque de Monsieur [V] concernant une diminution du montant de sa rémunération à compter de sa mutation à [Localité 4] n'est donc nullement établie.
La société BOURSE DIRECT fait valoir que cette modification était obligatoire l'AMF ayant, à compter de 2006, strictement réglementé le calcul de la rémunération variable des commerciaux opérant au sein des sociétés prestataires d'investissements, afin de préserver la clientèle de la prise de risque excessive en Bourse, cette rémunération ne pouvant plus être proportionnelle au chiffre d'affaires généré.
Cependant, Il n'a existé, au tire de la période considérée par la demande de Monsieur [V], aucune législation ou réglementation ayant eu pour effet d'imposer à la société BOURSE DIRECT une modification du mode de calcul de la rémunération qu'il percevait avant sa mutation.
Par conséquent, la demande de rappel de salaires de Monsieur [V] est justifiée et le jugement doit être infirmé sur ce point.
Il résulte des explications et pièces produites par Monsieur [V], que la différence entre les commissions calculées sur le chiffre d'affaires conformément à l'avenant du 26 avril 2005 et les primes variables qu'il a perçues, s'élève, au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009, à la somme de 190 660,63 euros, somme qu'il convient de condamner la société BOURSE DIRECT à lui payer, outre celle de 9 066,06 euros au titre des congés payés afférents.
Sur demande de remboursement du trop-perçu formée par la société BOURSE DIRECT
Il résulte des pièces produites par la société BOURSE DIRECT et de ses explications, non contredites par Monsieur [V], que ce dernier a perçu en trop, au titre des années 2010 et 2011, des commissions pour un montant de 2 340,52 euros.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a condamné à rembourser cette somme.
Sur le licenciement et ses conséquences
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.
La faute lourde est, quant à elle, celle commise par le salarié dans le but de nuire à l'employeur.
La preuve de la faute grave ou lourde incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile.
En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute lourde du 9 juillet 2012, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :
« Dans le cadre de vos fonctions que vous avez exercées au siège social [...] vous aviez pour mission d'assurer au siège social et dans nos agences régionales des formations gratuites destinées aux clients et aux prospects [...].
Quelle ne fut donc pas notre surprise dans ce contexte de répartition des tâches parfaitement défini, de découvrir à l'occasion d'un courriel dont nous avons été rendu destinataires le 4 juin 2012, le contenu d'un mail adressé à l'un de nos clients par vos soins le 1er avril 2012 [...].
A réception de ce document à l'occasion duquel nous avons découvert vos activités parallèles concurrentielles, exercées en violation de vos engagements contractuels, nous avons procédé à des investigations complémentaires, lesquelles ont révélé qu'entre le 17 octobre 2011 et le 19 mars 2012, vous aviez notamment procédé à de nombreux transferts de mails, en ce compris les pièces jointes, rédigés par vos soins ou échangés avec des clients et/ou prospects de Bourse Direct sur votre adresse électronique personnelle [...].
- vous avez très régulièrement et notamment depuis le mois d'octobre 2011 [...] démarché des clients et/ou prospects de la société Bourse Direct lors des formations que vous avez dispensé, en leur proposant des séances payantes de coaching assurées par vous-même
- vous avez détourné des courriels de clients en les renvoyant sur votre adresse personnelle Hotmail, alors que ces cilents s'adressaient à Bourse Direct et vous leur avez offert vos services pour des prestations de coaching facturées au nom de votre société 'Bourse Pour Tous'
- vous avez adressé à des clients ou prospects de la société Bourse Direct des e-mailing sur la base des adresses enregistrées sur notre base clients CRM que vous avez exploité à des fins purement personnelles et spéculatives
- vous avez envoyé des e-mailing à nos clients et/ou prospects contenant des mentions mensongères vous concernant, ou concernant la société 'Bourse Pour Tous' que vous avez déclaré avoir créée, lesdits mailing ayant été établis à partir de documents mis à votre disposition par la société Bourse Direct que vous avez en conséquence détournés à des fins personnelles
- vous avez ainsi utilisé un logo de la société Bourse Direct que vous avez apposé sur vos documents dans le but délibéré de créer la confusion dans l'esprit de nos clients et/ou prospects.
Bien plus grave, il ressort des documents découverts sur votre poste de travail ou dans votre bureau que :
- vous avez organisé dans le cadre de vos démarches illicites un coaching collectif à NANTES le 26 novembre 2011 pour lequel vous avez été rémunéré directement par les participants à raison de 100 € par participant
- vous avez également organisé une session de deux jours de coaching à [Localité 4] prévue pour le vendredi 27 et le samedi 28 avril 2012 à raison de 700 € par participant. A cette occasion et dans le but de tromper délibérément les clients et/ou prospects vous avez utilisé dans votre communication un logo ressemblant fortement à celui de la société Bourse Direct
- vous avez assuré très régulièrement pendant votre temps de travail et dans nos locaux des coachings individuels pour lesquels vous avez été rémunéré directement par les participants [...]
- pas moins de 30 clients auraient été victimes de vos agissements [...]
- vous avez également utilisé à des fins personnelles en y apposant votre nom des publications mises à votre disposition [...] à titre d'information [...], publications que vous n'avez pas hésité par ailleurs à diffuser alors même que ces documents n'ont qu'un usage interne [...].
Vos agissements visant à détourner notre clientèle en vue d'en tirer es avantages financiers dans le cadre d'une concurrence déloyale sont d'une gravité exceptionnelle et ne sont pas tolérables dans la mesure où vous avez volontairement nuit à l'entreprise au profit d'un enrichissement personnel. [...]
Votre comportement général dont vous n'avez apparemment pas mesuré les conséquences y compris en termes de réglementation, s'est avéré préjudiciable aux intérêts de la société Bourse Direct. Il apparaît en effet à la lumière de ces faits que votre activité s'emploie aujourd'hui davantage à nuire à la société à laquelle vous êtes lié qu'à exercer votre activité dans son intérêt.»
La société BOURSE DIRECT produit des courriels, ainsi qu'un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 13 juin 2012, démontrant la réalité de l'ensemble de ses griefs, qui ne sont d'ailleurs pas contestés par Monsieur [V], lequel se contente d'en minimiser la gravité.
Il est donc acquis que Monsieur [V] a démarché, dans son seul intérêt, entre le 17 octobre 2011 et le 19 mars 2012, des clients et prospects de l'entreprise en utilisant son logo pour leur proposer des formations ou coachings payantes, entretenant la confusion dans leur esprit. Il reconnaît expressément avoir encaissé la somme de 1 500 euros correspondant à ces formations.
La réalité des manquements de Monsieur [V] est ainsi établie, manquements justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.
Au-delà de la faute grave, ces manquements, qu'il revendique lui-même comme une réaction aux manquements de l'entreprise relatifs à sa rémunération variable, constituaient en réalité une mesure de rétorsion, au-delà d'une appropriation parasitaire des moyens mis à sa disposition, et manifestent une intention de lui nuire.
C'est donc également à juste titre que le premier juge a estimé que la qualification de faute lourde était justifiée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes afférentes au licenciement, y compris de celle relative au droit individuel à la formation, et ce en application des dispositions de l'article L. 6323-17 du code du travail dans sa version applicable au présent litige.
Du fait de la qualification de faute lourde, la société BOURSE DIRECT est fondée à demander réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé Monsieur [V] par ses agissements parasitaires.
Monsieur [V] ne conteste pas avoir, entre le 17 octobre 2011 et le 19 mars 2012, démarché, dans son seul intérêt, des clients et prospects de l'entreprise pour leur proposer des formations ou coachings qui étaient pour partie, gratuitement dispensées par cette société mais pour lesquelles il s'est fait illicitement rétribuer par eux.
Monsieur [V] ne reconnaît avoir ainsi encaissé que la somme totale de 1 500 euros mais il résulte du procès-verbal de constat et des courriels pré-cités, que trente clients ont en réalité été concernés par ses agissements illicites, consistant en des formations payantes dispensées sur 2 jours moyennant 500 euros par personne, et 700 euros pour les prospects.
Il convient d'ajouter qu'une partie de ces formations étaient dispensées par Monsieur [V] pendant ses heures de travail, pour lesquelles il était normalement rémunéré par son employeur.
Enfin, par ses agissements qu'il convient de qualifier de parasitaires, Monsieur [V] a porté atteinte à l'image, à la notoriété et à la crédibilité de la société BOURSE DIRECT, en se prévalant de sa qualité de responsable formation pour décider les clients à le rémunérer sur un compte ouvert au nom d'une société qu'il avait constituée et en utilisant la notoriété et le logo de l'entreprise, entretenant ainsi la confusion l'esprit de la clientèle.
Compte tenu de ces considérations, il convient d'évaluer le préjudice total de la société BOURSE DIRECT à 10 000 euros.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés, le deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail a été déclaré contraire à la Constitutionpar la décision n° 2015-523 rendue le 2 mars 2016 par le Conseil constitutionnel. La qualification de faute lourde ne peut priver Monsieur [V] de ses droits acquis au titre des congés payés.
Il résulte de la vérification par la cour de son bulletin de salaire de juillet 2012, qu'il a été privé de ses congés payés acquis et non pris, qui figurent sur le bulletin du mois de juin 2012, représentant la somme de 3 650 euros. Il convient donc de faire droit à cette demande nouvelle en appel.
Sur les autres demandes
Les demandes de Monsieur [V] étant en partie justifiées, son action ne présente pas de caractère abusif et la société BOURSE DIRECT doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [V] de ses demandes relatives au licenciement et en ce qu'il l'a condamné à payer à la société BOURSE DIRECT la somme de 2 340,52 euros à titre de solde de salaire trop perçu
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [V] de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents
Statuant à nouveau sur ces points,
Condamne la société BOURSE DIRECT à payer à Monsieur [G] [V] la somme de 190 660,63 euros à titre de rappel de salaires ainsi que celle de 19 066,06 euros au titre des congés payés afférents
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société BOURSE DIRECT de sa demande de dommages et intérêts
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne Monsieur [G] [V] à payer à la société BOURSE DIRECT la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts
Ajoutant au jugement,
Condamne la société BOURSE DIRECT à payer à Monsieur [G] [V] la somme de 3 650 euros à titre d'indemnité de congés payés
Déboute la société BOURSE DIRECT du surplus de ses demandes
Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société BOURSE DIRECT aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT