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18/05/2017 | FRANCE | N°15/09660

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 18 mai 2017, 15/09660


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 18 Mai 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09660



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05836





APPELANT

Monsieur [J] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

comparant en personne, ass

isté de Me Sabine BEDNAR, avocat au barreau de LYON





INTIMEE



SAS C3 PARTICIPATIONS

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier BURES, avocat au barrea...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 18 Mai 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09660

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05836

APPELANT

Monsieur [J] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Sabine BEDNAR, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SAS C3 PARTICIPATIONS

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier BURES, avocat au barreau de LAVAL

Me [F] [A] (SELARL [A] [F]) - Mandataire de SAS C3 PARTICIPATIONS

[Adresse 4]

[Localité 4]

ni comparant, ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mars 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [J] [C] a été engagé en qualité de directeur commercial, pour une durée indéterminée à compter du 17 juillet 2006, avec le statut de cadre, par la société EMD (EUROPE MEDIA DUPLICATION). Il a ensuite été embauché à compter du 1er juillet 2009, avec reprise de son ancienneté, par la société C3 PARTICIPATIONS, qui détient 100 % des parts de cette dernière.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 6 785,33 €.

La relation de travail est régie par la convention collective des imprimeries de labeur et industrie graphique.

Par ailleurs, Monsieur [C] était associé au sein de la société C3 PARTICIPATIONS.

Le 2 mai 2013, les parties ont signé une convention de rupture, qui a été homologuée le 10 juin 2013.

Par jugement du 5 mars 2014, le tribunal de commerce de Laval a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société EMD et par jugement du 25 Juin 2014, a prononcé sa liquidation judiciaire.

Le 28 avril 2014, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, demandé que la convention de rupture soit déclarée nulle et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 juin 2014, le tribunal de commerce de Laval a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société C3 PARTICIPATIONS et par jugement du 3 juin 2015, a adopté un plan de sauvegarde et désigné la SELARL [A]-[F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 15 juillet 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

A l'encontre de ce jugement notifié le 15 septembre 2015, Monsieur [C] a interjeté appel le 30 septembre 2015.

Lors de l'audience du 30 mars 2017, Monsieur [C] demande à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer nulle la convention de rupture, de constater que son contrat de travail a été rompu le 30 juin 2013 et de condamner la société C3 PARTICIPATIONS à lui payer les sommes suivantes :

- à titre de dommages et intérêts : 70 800 €

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 20 355,99 €

- à titre de congés payés afférents : 2 035,50 €

- à titre d'indemnité de licenciement : 26 980,26 €

- à titre d'indemnité compensatrice de congés payés : 8 059 €

- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

5 000 €

- il demande également que soit ordonnée la remise d'une attestation destinée à Pôle- emploi et d'un bulletin de salaire complémentaire, conformes, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document

Au soutien de ses demandes, Monsieur [C] expose :

- qu'il n'avait donné son consentement à la convention de rupture qu'en considération expresse du rachat de ses actions par l'entreprise

- qu'il ignorait que la situation financière de la société EMD, détenue à 100 % par la société C3 PARTICIPATIONS, était alors obérée

- que son erreur sur cette situation était donc déterminante de son consentement

- que la société C3 PARTICIPATIONS a commis un dol en le trompant sur cette situation

- que l'annulation de la convention de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En défense, la société C3 PARTICIPATIONS, ainsi que La SELARL [A]-[F], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, demandent la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [C] à leur verser une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils font valoir :

- que ce n'est que le 27 septembre 2013 que Monsieur [C] a donné son consentement pour un éventuel rachat de ses parts

- qu'il connaissait parfaitement la situation financière des sociétés EMD et C3 PARTICIPATIONS

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties et est soumise à des conditions destinées à garantir la liberté de consentement des parties.

Aux termes de l'article 1109 du code civil, applicable au présent litige, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Aux termes de l'article 1110 du même code, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

En l'espèce, Monsieur [C] fait valoir que le rachat de ses actions était indissociable de la rupture conventionnelle, même si elle cette condition n'était pas stipulée par cette convention.

Au soutien de cette allégation, il produit la copie d'un courriel ainsi libellé, que le président de la société C3 PARTICIPATIONS lui a adressé le 16 janvier 2013 :

' Je viens de faire le point avec [S] qui je pense t'a bien expliqué la procédure d'une rupture conventionnelle.

J'ai contacté la cabinet Actualis qui doit me fournir aujourd'hui ou demain la valeur d'une part C3P pour valoriser ta participation.

Il est bien entendu que je recherche une solution pour que te payer tes actions à la date d'une rupture conventionnelle et uniquement dans le cadre de cette procédure particulière'.

Le 2 mai 2013, les parties ont signé une convention de rupture, dont le délai de rétractation expirait le 18 mai.

Par courriel du 17 mai 2013, soit la veille de cette date d'expiration, Monsieur [C] écrivait ce qui suit au président de la société C3 PARTICIPATIONS :

'Bonjour [A],

Le rachat de mes parts ne se faisant que dans le cadre de la rupture conventionnelle, j'apprécierai que tu puisses m'adresser ton courrier d'engagement de ce rachat Vendredi car le délai de rétractation de notre convention est le 18 mai 2013.

J'avais noté lors de notre deuxième entretien du 26 avril dernier, la valeur de 90 387 € et une date de rachat au plus tard au 31 décembre 2013.

Respectant de mon côté toutes les dates de cette procédure particulière, j'espère que tu comprendras ma demande [...]'

Par lettre datée du même jour, le président de la société C3 PARTICIPATIONS lui répondait :

'Monsieur

Pour donner à notre entretien du 26 avril 2013, par la présente nous vous confirmons que vos parts sociales sont valorisées à 90 387 € selon l'évaluation de notre expert-comptable du 30 janvier 2013 s'appuyant sur les comptes clôturés au 30 juin 2012.

La date de rachat de vos parts interviendra au plus tard le 31 décembre 2013.'

Il résulte à l'évidence de ces courriers que Monsieur [C] n'a consenti à signer la convention de rupture et à ne pas s'en désister qu'en contrepartie de la certitude du rachat de ses actions aux conditions mentionnées ci-dessus.

Le fait, invoqué par la partie intimée, que Monsieur [C] ait ensuite manifesté son acceptation de rachat de ses parts à ces conditions par lettre du 27 septembre 2013 est à cet égard, inopérant, ce courrier ne faisant que réitérer son acceptation.

Or, il résulte des propres déclarations de la partie intimée que ce rachat n'a pu avoir lieu en raison de la situation irrémédiablement compromise de la société EMD, détenue à 100 % par la société C3 PARTICIPATIONS.

Par conséquent, Monsieur [C] a commis une erreur sur les qualités substantielles de l'objet de son engagement et il appartient à la partie intimée de rapporter la preuve du caractère inexcusable de cette erreur.

A cet égard, le fait que Monsieur [C] ait été directeur commercial et associé de la société C3 PARTICIPATIONS ne peut suffire à établir qu'il avait, au moment de la signature de la convention de rupture le 2 mai 2013, connaissance de difficultés économiques de l'entreprise, de nature à compromettre le rachat de ses actions le 31 décembre 2013.

Bien au contraire, il produit le rapport de gestion du président de la société C3 PARTICIPATIONS établi au mois de décembre 2013, soit 8 mois après la signature de la convention de rupture, qui ne fait état 'd'aucun événement important à signaler' , si ce n'est, au cours de l'exercice clos le 30 juin 2013, une augmentation du chiffre d'affaires de 30,55 %, un bénéfice de 35 401,91 € contre 1 597,83 € l'exercice précédent et la proposition d'affectation de ce bénéfice à la réserve.

La preuve du caractère inexcusable de l'erreur n'est donc pas rapportée.

Par conséquent, il convient de déclarer nulle la convention de rupture et le jugement doit être infirmé.

Du fait de cette nullité, la rupture des relations contractuelles constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Monsieur [C] est donc fondé à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire sur le fondement des dispositions de la convention collective applicable, soit la somme de 20 355,99 €, ainsi que les congés payés afférents, soit 2 035,50 €, sommes non contestées en leurs montants.

Monsieur [C] est également fondé à percevoir une indemnité conventionnelle de licenciement de 26 980,26 €, et une indemnité compensatrice de congés payés de 8 059 €, sommes non contestées en leurs montants.

L'entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [C], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur [C], âgé de 46 ans, comptait environ 7 ans d'ancienneté. Il a repris une activité professionnelle un mois après la rupture.

Au vu de cette situation, il convient d'évaluer son préjudice à 41 000 €.

Enfin, sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société C3 PARTICIPATIONS à payer à Monsieur [C] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 €.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Déclarer nulle la convention de rupture du 2 mai 2013 et déclare que le contrat de travail a été rompu le 30 juin 2013

Condamne la société C3 PARTICIPATIONS à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- à titre de dommages et intérêts : 41 000 €

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 20 355,99 €

- à titre de congés payés afférents : 2 035,50 €

- à titre d'indemnité de licenciement : 26 980,26 €

- à titre d'indemnité compensatrice de congés payés : 8 059 €

- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 €

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt

Ordonne le remboursement par la société C3 PARTICIPATIONS des indemnités de chômage versées à Monsieur [C] dans la limite de trois mois d'indemnités

Rappelle qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt est adressée par le Secrétariat-greffe à Pôle-emploi.

Déboute Monsieur [C] du surplus de ses demandes

Déboute la société C3 PARTICIPATIONS de sa demande d'indemnité

Condamne la société C3 PARTICIPATIONS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/09660
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/09660 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;15.09660 ?
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