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16/05/2017 | FRANCE | N°15/12232

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 16 mai 2017, 15/12232


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 16 MAI 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12232



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (RG n° 14/02894) qui a rejeté la demande d'exequatur du jugement n°2003/404 du 14 avril 2003 rendu par le premier tribunal de commerce d'Istanbul (Républi

que turque)





APPELANT



Etablissement TASARRUF MEVDUATI SIGORTA FONU (T.M.S.F.)

pris en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 16 MAI 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12232

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (RG n° 14/02894) qui a rejeté la demande d'exequatur du jugement n°2003/404 du 14 avril 2003 rendu par le premier tribunal de commerce d'Istanbul (République turque)

APPELANT

Etablissement TASARRUF MEVDUATI SIGORTA FONU (T.M.S.F.)

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

TURQUIE

représenté par Me Stéphanie DALET VENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0673

INTIME

Monsieur [W] [J] né le [Date naissance 1] 1946

[Adresse 2]

[Adresse 2]

TURQUIE

représenté par Me Nathalie HOLLIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0311

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mars 2017, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Madame GUIHAL, présidente

Madame SALVARY, conseillère

Monsieur LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

MINISTÈRE PUBLIC : représenté par Madame SCHLANGER, avocat général,qui a visé le dossier le 10 février 2016

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Une banque turque, dénommée Etibank Anonim Cirketi, aux droits de laquelle est venu l'Etablissement Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu (le TMSF), a consenti un prêt d'un montant de 9 789 745 US dollars à la société Iktisat Leasing, dont M. [J] était le dirigeant. Celui-ci ainsi que la société Avrupa ve Amerika Holdings AS se sont portés garants du remboursement de ce prêt.

Le 27 décembre 2000, le TMSF a pris le contrôle de la société Etibank Anonim Cirketi puis a poursuivi devant les juridictions turques la société Avrupa ve Amerika Holdings et M.[J] en exécution de la garantie du prêt.

Par un jugement n°2003/404 du 14 avril 2003, le premier tribunal de commerce d'Istanbul (République turque), a notamment :

« -concernant les défenderesses Avrupa ve Amerika Holdings AS et [W] [J], annulé partiellement le recours contre la poursuite pour dettes » et décidé « la poursuite de la procédure sur la base de la créance principale d'un montant de 9 789 745 US dollars sur un montant de 9 841 192 US dollars avec des intérêts moratoires de 30 % à compter de la date de la poursuite, en maintenant les autres conditions de la requête, les demandes supplémentaires [étant] rejetées »,

- condamné « les défenderesses à payer à la requérante des dommages-intérêts de 40 % pour refus d'exécution d'un montant de 4 353 172 671 416 livres turques (la responsabilité des cautions [étant] limitée à 4 348 901 474 336 livres turques) » ;

Le TMSF a assigné M. [J] devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d'huissier du 11 février 2014, aux fins de voir prononcer l'exequatur du jugement turc du 14 avril 2003.

Par un jugement du 3 juin 2015, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande du TMSF, lequel a fait appel de cette décision le 11 juin 2015. Le tribunal a principalement retenu que le jugement turc du 14 avril 2003 n'était pas exécutoire en Turquie, mais simplement déclaratoire et qu'il autorisait uniquement les créanciers à reprendre leurs poursuites devant l'office de l'exécution d'Istanbul.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 février 2017, le TMSF demande à la cour de réformer le jugement, de prononcer l'exequatur du jugement turc du 14 avril 2003 et de condamner M. [J] à lui payer la somme de 25 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient que les pièces versées par lui ont toutes été traduites en français et communiquées en temps utiles à M. [J], que le jugement turc du 14 avril 2003 est exécutoire et passé en force de jugée, que les juridictions turques étaient bien compétentes pour rendre ce jugement et que celui-ci est conforme à l'ordre public international et ne comporte aucune fraude à la loi ;

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 février 2017, M. [J] demande à la cour, à titre principal, d'écarter des débats les pièces adverses n°3, 7, 9, 10, 11 et 14 pour ne pas être traduites en français ou pour avoir été communiquées tardivement et de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 juin 2015, à titre subsidiaire, de dire que l'exécution du jugement turc du 14 avril 2003 est prescrite et de rejeter la demande d'exequatur, à titre infiniment subsidiaire, de dire que le jugement turc du 14 avril 2003 est contraire à l'ordre public international de procédure pour méconnaissance des droits de la défense et à l'ordre public international de fond en ce que l'obligation de cautionnement est éteinte, en ce que la condamnation est disproportionnée et, en tout état de cause, de condamner le TMSF à lui payer la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de Me Holliger.

SUR QUOI,

Sur la demande de rejet des pièces non traduites en français ou produites tardivement

Considérant que M. [J] demande le rejet des pièces du TMSF n°3, 7 et 9 qui ne sont pas traduites en français et des pièces n°10, 11 et 14 traduites tardivement et communiquées de manière déloyale ;

Mais considérant que la pièce n°3 intitulée « Affidavit de Monsieur [I] [I] et annexes » selon le bordereau de communication du TMSF ne figure pas au dossier que cette dernière a déposé au greffe de la cour ; que la demande de rejet est donc sans objet ;

Considérant que la pièce n°7 du TMSF intitulée « Jugement de la Cour Suprême de l'État de New-York du 20 juin 2005 » et la pièce n°9 intitulée « Opinion légale de Maître [P] du 9 septembre 2015 et annexes » sont accompagnées respectivement de leurs traductions en français qui sont la pièce n°12 et la pièce n°10 ;

Considérant que les pièces n°10, 11 et 14 ont été communiquées à M. [J] entre les mois de décembre 2015 et janvier 2016 ; que les dernières conclusions de M. [J] ayant été signifiées le 16 février 2017, celui-ci a disposé de plus d'un an pour y répondre ; qu'il convient donc de dire que ces pièces n'ont été produites ni tardivement ni de manière déloyale ;

Considérant, en tout état de cause, qu'invoquant la réception de nouvelles conclusions récapitulatives et de pièces volumineuses du TMSF en juin 2016, le conseil de M. [J] a demandé le 20 septembre 2016 au conseiller de la mise en état un report de l'ordonnance de clôture en ajoutant que « Un délai supplémentaire de deux mois nous permettrait d'organiser utilement notre défense » ; qu'il a été fait droit à cette demande, l'ordonnance de clôture étant repoussée une première fois au 30 septembre 2016, puis au 8 décembre 2016 et enfin au 16 février 2017 ; qu'ayant signifié ses conclusions à cette dernière date, M. [J] a pu utilement préparer sa défense sans pouvoir invoquer la communication tardive des pièces du TMSF ;

Considérant qu'il convient donc de débouter M. [J] de sa demande de rejet de pièces ;

Sur l'exequatur du jugement du premier tribunal de commerce d'Istanbul du 14 avril 2003

Considérant que pour être déclaré exécutoire en France, le jugement étranger doit avoir, dans son pays d'origine, un caractère exécutoire dont l'existence doit être appréciée au regard de la loi étrangère de procédure ;

Considérant que le jugement du premier tribunal de commerce d'Istanbul du 14 avril 2003 indique que cette juridiction a été saisie à la requête de la société Etibank en « annulation du recours intenté... par les défenderesses [dont M. [J]] contre la poursuite pour dettes conduite par le 14ème office d'exécution d'Istanbul sous le N°2001/17954 » ; que, s'agissant de M. [J], ce jugement a fait droit partiellement aux demandes des créanciers en « annul[ant] partiellement le recours contre la poursuite pour dettes » et en « décid[ant] de la poursuite de la procédure, sur la base de la créance principale d'un montant de 9 789 745 USD avec des intérêts moratoires de 30 %' en maintenant les autres conditions de la requête... » ; que le même jugement « condamne les défenderesses [dont M. [J]] à payer à la requérante des dommages intérêts de 40 % pour refus d'exécution... » ; qu'il résulte d'une mention marginale portée à la fin de ce jugement qu'il a été notifié aux défenderesses, dont M. [J], le 15 septembre 2003, et qu'il est devenu définitif le 30 septembre 2003 ;

Considérant que selon le droit turc, en annulant partiellement le recours formé par M. [J] contre les poursuites dirigées contre lui, le jugement n'a eu pour effet que d'autoriser les créanciers à reprendre les poursuites devant le 14ème office de l'exécution d'Istanbul dans la limite des créances constatées par le tribunal et maintenues pour le reste de la procédure d'exécution de poursuites pour dettes ; qu'il résulte des opinions juridiques et des notes de Mes [L], [Z] [S] et du professeur [A], ainsi que des extraits d'ouvrages versés aux débats par M. [J], que les créanciers ayant fait le choix de saisir le tribunal de commerce pour obtenir l'annulation du recours de M. [J] contre la procédure de poursuites pour dettes, ils ne pouvaient plus intenter contre lui une action directe en recouvrement de la créance devant les juridictions ordinaires sauf à attendre que cette procédure soit radiée ou déclarée caduque ; qu'il leur appartenait, dans le délai d'un an, de poursuivre la procédure d'exécution en versant le jugement du 14 avril 2003 au dossier initial de poursuite pour dettes et de reprendre la procédure devant l'office de l'exécution compétent en sollicitant une décision de continuation des poursuites ou de saisie, ainsi qu'il résulte de l'article 78 du code turc des dettes et de la faillite ;

Qu'en l'absence de versement de ce jugement au dossier des poursuites n°2001/17954 dont il est inséparable et de reprise de cette instance devant l'office d'exécution compétent, le jugement 2003/404 n'a qu'un effet déclaratoire ; qu'il n'est pas soutenu par le TMSF que le jugement turc a été versé au dossier des poursuites dans le délai légal pour que la procédure reprenne son cours ;

Considérant, que selon l'article 78 du code turc des dettes et de la faillite, dernier alinéa, « Le dossier est supprimé si la demande de saisie n'est pas formée dans le délai légal ou si une demande retirée n'est pas renouvelée dans le même délai » ; qu'il en résulte que la suppression du dossier consécutive à la radiation a eu pour effet de priver la procédure de poursuites pour dettes de tout effet, si ce n'est d'autoriser les créanciers à saisir les juridictions ordinaires d'une action directe en recouvrement, ce qui est confirmé par des avis juridiques versés aux débats ;

Qu'ainsi, conformément à l'article 78 du code précité, le dossier de poursuite pour dettes N°2001/17954 dans le litige opposant la société Etibank et TMSF, créanciers, contre Iktisat Finansal Kiralama, Avrupa Ve Ammerika et M. [J], débiteurs, a fait l'objet d'une radiation le 5 juillet 2004 au motif que la demande de saisie n'avait pas été formulée par les créanciers dans le délai légal d'un an ;

Qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les questions de la prescription du jugement turc du 14 avril 2003, de sa conformité à l'ordre public international français et de la compétence des juridictions turques, que cette décision n'est pas exécutoire en Turquie ; qu'elle ne peut donc être déclarée exécutoire en France ;

Sur les autres demandes

Considérant que succombant à l'instance, le TMSF est débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à M. [J] la somme de 20 000 euros, ainsi qu'aux dépens y compris les frais de traduction des documents produits, dont distraction au profit de Me Holliger.

PAR CES MOTIFS,

Déboute M. [J] de sa demande de rejet de pièces,

Confirme le jugement,

Rejette les demandes de l'Etablissement Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu,

Condamne l'Etablissement Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu à payer à M. [J] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les demandes de l'Etablissement Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu,

Condamne l'Etablissement Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu aux dépens y compris les frais de traduction des documents produits, dont distraction au profit de Me Holliger.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/12232
Date de la décision : 16/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°15/12232 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-16;15.12232 ?
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