Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 16 MAI 2017
(n°121/2017, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09506
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/02653
APPELANTE
SAS CONSORTIUM MÉNAGER PARISIEN
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me Isabelle BENSIMHON CANCE de la SCP BENSIMHON Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0410
INTIMÉE
SA MASTRAD
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Hervé CABELI de la SEP LARDIN CABELI PRADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : W01
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benjamin RAJBAUT, Président
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier présent.
***
E X P O S É D U L I T I G E
La SA MASTRAD, société spécialisée dans la conception d'ustensiles culinaires, est titulaire d'un brevet d'invention français portant sur des ustensiles de cuisine en silicone pour four à micro-ondes et procédés pour rendre les aliments croustillants au moyen des dits ustensiles, déposé le 21 octobre 2011 sous le numéro 11 03 234 avec demande de priorité des brevets américains numéros US 12 984 557 et US 131 176 719 des 04 janvier et 05 juillet 2011 et délivré le 18 janvier 2013 sous le numéro FR 2 969 906 ;
Elle commercialise des produits selon cette invention, sous la dénomination 'Topchips';
La SAS Consortium Ménager Parisien, société immatriculée au RCS de Paris depuis le 16 octobre 1957, exploite directement le commerce de gros et de détail pour produits ménagers, articles de bazar, jouets et tous autres articles similaires, vendant notamment à ce titre, des produits d'équipement pour la maison ;
Apprenant que la SAS Consortium Ménager Parisien présentait dans des salons un produit dénommé 'plateau de cuisson pour chips' ou 'Cuitchips' contrefaisant selon elle son invention, objet de sa demande de brevet, la SA MASTRAD a fait procéder le 18 janvier 2013 à une saisie-contrefaçon sur le stand de cette société au salon 'Maison et objet' se tenant au parc des expositions à [Localité 1] ;
L'huissier de justice s'est également rendu le 07 février 2013 au siège social de l'entreprise qui s'est révélée être une boutique n'ayant en stock ni le produit, ni document, ni facture ;
Le 12 février 2013 la SA MASTRAD a fait assigner la SAS Consortium Ménager Parisien devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications de son brevet ;
Reconventionnellement la SAS Consortium Ménager Parisien a soulevé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon et la nullité des revendications 1 à 9 du brevet FR 2 969 906 ;
Par jugement contradictoire du 09 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 18 janvier 2013,
débouté la SAS Consortium Ménager Parisien de ses demandes de nullité formées à l'encontre du brevet FR 2 969 906,
dit que la SAS Consortium Ménager Parisien, en important et en commercialisant des dispositifs reproduisant les revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 2 969 906 a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la SA MASTRAD, titulaire de ce brevet,
fait interdiction en conséquence à la SAS Consortium Ménager Parisien de poursuivre de tels agissements,
ordonné à la SAS Consortium Ménager Parisien de remettre à la SA MASTRAD l'ensemble des produits contrefaisants en sa possession ou stockés pour son compte, pour qu'il soit procédé à leur destruction sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la SAS Consortium Ménager Parisien à payer à la SA MASTRAD la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
condamné la SAS Consortium Ménager Parisien à payer à la SA MASTRAD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné la SAS Consortium Ménager Parisien aux entiers dépens ;
La SAS Consortium Ménager Parisien a interjeté appel de ce jugement le 12 mai 2015 ;
Par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 30 novembre 2015, la SAS Consortium Ménager Parisien (ci-après CMP) demande :
de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 18 janvier 2013,
de l'infirmer pour le surplus,
À titre principal :
de prononcer la nullité des revendications 1 à 6 du brevet n° FR 2 969 906 pour absence de nouveauté,
de prononcer la nullité des revendications 6 à 9 pour défaut d'activité inventive,
d'ordonner, conformément à l'article R 613-54 du code de la propriété intellectuelle, l'inscription de la décision irrévocable au Registre national des brevets, à son initiative ou à celle de la SA MASTRAD et aux frais exclusifs de cette dernière,
de dire que l'action en contrefaçon est sans objet et de débouter la SA MASTRAD de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,
À titre subsidiaire :
de dire que le 'Cuitchips' qu'elle commercialise ne constitue pas la contrefaçon des revendications 1 à 9 du brevet n° FR 2 969 906,
de débouter la SA MASTRAD de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,
À titre infiniment subsidiaire :
de dire que la SA MASTRAD ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi du fait de ses agissements,
de débouter la SA MASTRAD de ses demandes indemnitaires ou de les ramener à un montant symbolique et en tout état de cause, inférieur à celui retenu par le tribunal,
En tout état de cause :
de condamner la SA MASTRAD à lui verser la somme de 20.000 € au titre de la procédure abusive,
de condamner la SA MASTRAD à lui verser la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 29 septembre 2015, la SA MASTRAD demande :
d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la SAS Consortium Ménager Parisien à la somme de 50.000 € et statuant à nouveau :
de condamner la SAS Consortium Ménager Parisien à lui payer la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
de condamner la SAS Consortium Ménager Parisien à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2016 ;
M O T I F S D E L ' A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
I : SUR LA VALIDITÉ DU PROCÈS-VERBAL DE SAISIE-CONTREFAÇON :
Considérant que le jugement entrepris a annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 18 janvier 2013 au motif qu'aucune preuve de la remise de ce procès-verbal au saisi ;
Considérant que la SAS CMP conclut à la confirmation du jugement de ce chef et ajoute que l'huissier de justice a violé les termes de l'ordonnance en se déplaçant dans un lieu non autorisé par cette ordonnance (en l'espèce son show room) ;
Considérant que pour sa part la SA MASTRAD ne conclut à l'infirmation du jugement qu'en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués et n'articule aucun moyen relatif à la validité de ce procès-verbal de saisie-contrefaçon ;
Considérant en conséquence qu'en l'absence de critique de ce chef du jugement entrepris, celui-ci sera confirmé par adoption de ses motifs en ce qu'il a annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 18 janvier 2013 ;
II : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET N' FR 2 969 906 :
Le domaine technique de l'invention :
Considérant que l'invention du brevet contesté est intitulée 'Ustensiles de cuisine pour four à micro-ondes et procédés pour rendre des aliments croustillants au moyen desdits ustensiles' ;
Considérant que le breveté rappelle que les chips de pommes de terre font partie des aliments de grignotage les plus appréciés mais que la plupart des chips de pomme de terre sont cuites par friture à l'huile, ce qui leur confère leur texture caractéristique, légère et croustillante, la vitesse de chauffage rapide à des températures élevées éliminant rapidement l'eau des pores des chips de pommes de terre par évaporation pour produire une structure de tissu gonflée et dilatée à l'intérieur des chips de pommes de terre ;
Que c'est cette structure qui donne à la pomme chips sa structure souhaitée, légère et croustillante mais que la friture entraîne aussi l'absorption inévitable de l'huile de cuisson par les chips de pommes de terre qui ont souvent une teneur élevée en matière grasse, ce qui amène de nombreuses personnes à limiter leur consommation de chips de pommes de terre, voire à l'éviter, pour des raisons de santé ;
Qu'il est bien connu qu'une première alternative consiste à faire cuire les chips de pommes de terre au four, mais qu'une telle cuisson nécessite généralement l'utilisation d'huile dont on enduit la surface de cuisson afin d'empêcher les chips de pommes de terre de coller au plat ou à toute autre surface de cuisson ; qu'en outre, le processus de cuisson au four, nettement plus long que la friture, ne va pas éliminer rapidement l'eau des pores de leur tissu comme dans la friture, ce qui fait qu'elles ont généralement une texture plus dense que les chips de pommes de terre frites ;
Qu'une autre alternative consiste à les faire cuire dans un four à micro-ondes, les aliments étant cuits de l'intérieur vers l'extérieur mais qu'un inconvénient majeur est que cette cuisson ne permet généralement pas de brunir les aliments ou de leur conférer une texture croustillante, comme on le souhaiterait souvent, la cuisson aux micro-ondes étant généralement perçue comme produisant une texture molle et sans attrait ;
Que dans le but de produire des aliments bruns ou croustillants à souhait, on a mis au point des matériaux suscepteurs qu'on utilise comme surface de cuisson pour brunir et rendre croustillants des aliments tels que la pâte à pizza ou les pommes frites ;
Que parmi les premiers suscepteurs à micro-ondes commercialisés, on trouve ceux des années 1980 dans un produit appelé Mc Cain Micro Chips qui proposait une feuille de suscepteur comme surface de cuisson pour cuire des frites dans un four à micro-ondes, mais que l'inconvénient des matériaux suscepteurs est qu'il est impossible de contrôler directement la quantité de chaleur produite par la surface du matériau suscepteur, et que les aliments placés sur celle-ci se retrouvent brûlés ;
Qu'en outre pour faire cuire des aliments tels que des rondelles de pommes de terre sur un matériau suscepteur, il faut un couche d'huile pour les empêcher de coller, le fait que des aliments fragiles ou découpés en tranches ou en rondelles fines brûlent ou collent les rendent totalement impropres à la consommation ;
Considérant que l'invention se propose de remédier à ces problèmes, son but essentiel étant de parvenir à cuire et rendre croustillants rapidement des aliments fragiles ou découpés en tranches ou en rondelles fines, tels que des chips de pommes de terre, dans un four à micro-ondes sans l'absorption d'huile associée au processus de friture et sans que les chips de pommes de terre brûlent ou collent sur la surface de cuisson ;
La solution préconisée par l'invention :
Considérant que pour parvenir à l'invention, le brevet propose un ustensile de cuisine pouvant être utilisé pour cuire et rendre croustillants divers aliments dans un four à micro-ondes, sans utilisation d'huiles ou d'autre revêtement anti-adhésif sur la surface de cuisson ;
Considérant que le brevet se compose de neuf revendications qui se lisent comme suit et dont seules sont invoquées les revendications 1, 2, 5 et 6 :
'1. Ustensile de cuisine (100) comprenant :
- une surface de cuisson élastique (110) réalisée en silicone et maintenue en tension, la surface de cuisson comprenant une pluralité de trous (112) ; et
- un dispositif de support ayant une périphérie incurvée disposée autour de la périphérie de la surface de cuisson (110) pour étirer la surface de cuisson et la maintenir en tension, le dispositif de support maintenant la surface de cuisson (110) à distance par rapport à une surface de base, au-dessus de celle-ci.
2. Ustensile de cuisine (100) selon la revendication 1, dans lequel la surface de cuisson (110) est réalisée exclusivement de silicone.
3. Ustensile de cuisine (100) selon la revendication 1, dans lequel la surface de cuisson en silicone (110) a une épaisseur comprise entre 0,5 mm et 2,0 mm.
4. Ustensile de cuisine (100) selon la revendication 1, dans lequel la surface de cuisson (110) est maintenue à une tension suffisante pour rester sensiblement plane.
5. Ustensile de cuisine (100) selon la revendication 1, dans lequel le dispositif de support est disposé sous la surface de cuisson et est réalisé dans un matériau thermiquement résistant.
6. Procédé pour rendre des aliments croustillants, comprenant les étapes de :
- placer une couche d'un aliment sur le dessus d'une surface de cuisson en silicone (110), disposée à distance par rapport à une surface de base, au-dessus de celle-ci, la surface de cuisson en silicone (110) comprenant une pluralité de trous (112) pour permettre la circulation de l'air ; et
rendre l'aliment croustillant en chauffant l'aliment en une seule étape qui consiste à exposer l'aliment à une énergie de micro-ondes pendant une durée prédéterminée.
7. Procédé selon la revendication 6, dans lequel les aliments sont des rondelles de pomme de terre crues ayant une épaisseur d'environ 5 mm ou moins.
8. Procédé selon la revendication 7, dans lequel on place une seule couche de rondelles de pomme de terre crues sur la surface de cuisson supérieure (110).
9. Procédé selon la revendication 8, dans lequel le chauffage est effectué par un four à micro-ondes à 600 à 1.500 watts pendant 10 secondes à 12 minutes.' ;
La définition de l'homme du métier :
Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;
Considérant qu'en l'espèce le problème que résout l'invention est de parvenir à réaliser un ustensile de cuisine permettant de cuire et de rendre croustillants rapidement des aliments fragiles ou découpés en tranches ou en rondelles fines, tels que des chips de pommes de terre, dans un four à micro-ondes sans l'absorption d'huile associée au processus de friture et sans que les chips de pommes de terre brûlent ou collent sur la surface de cuisson ;
Considérant dès lors que l'homme du métier est un spécialiste des articles de cuisson pour la cuisine ;
La demande de nullité de la revendication 1 et de la revendication indépendante 6 du brevet pour défaut de nouveauté :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 611-11 du code de la propriété intellectuelle une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ;
Considérant que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ;
Considérant que la SAS CMP soutient que la revendication 1 du brevet porte sur une surface de cuisson en silicone étirée et maintenue en tension par une périphérie incurvée et que cette caractéristique est déjà divulguée par le brevet américain US 2006/0000368 déposé le 21 juin 2005 par la SA MASTRAD elle-même ;
Qu'elle fait valoir que si ce brevet a pour objet de faire cuire du pain et non pas croustiller des chips, l'homme du métier trouvera dans ce document l'intégralité des caractéristiques de la revendication 1 du brevet pour parvenir aux résultats obtenus par l'invention revendiquée ;
Considérant que la SA MASTRAD réplique que le brevet américain n'a pas le même objet, la fonction de croustiller ne pouvant être confondue avec celle de cuire, un aliment cuit n'étant pas forcément croustillant et que la plaque de cuisson du brevet américain est un récipient muni de poignées et n'est pas maintenue sous tension, reposant sur le fond du four ;
Considérant que le brevet américain Mastrad US 2006/0000368 divulgue une plaque de cuisson en silicone soutenue par deux tiges de support auxquelles sont couplées deux poignées thermorésistantes ;
Qu'il résulte des revendications de ce brevet et de ses illustrations qu'au contraire de la revendication 1 du brevet litigieux, la surface de cuisson ne comprend aucun trou et repose directement sur le fond du four, son dispositif de support n'ayant pas pour objet de maintenir cette surface en tension à distance par rapport à une surface de base, au-dessus de celle-ci ;
Considérant dès lors que ce brevet ne constitue pas une antériorité de toutes pièces de nature à priver de nouveauté la revendication 1 de l'invention objet du brevet contesté ;
Considérant que la revendication 6 est une revendication indépendante de procédé pour laquelle la SAS CMP invoque l'antériorité du brevet américain US 2001/00328423 déposé le 09 mars 2001 décrivant un support pour cuire une pizza dans un four à micro-ondes, comprenant des trous et une surface de cuisson en silicone, divulguant toutes les caractéristiques de la revendication 6 ;
Considérant que la SA MASTRAD réplique qu'à la différence de la revendication 6, ce brevet a pour effet de cuire une pizza et on de la rendre croustillante, la plaque support en silicone n'étant pas isolée de la source de chaleur mais à l'inverse collée à elle de manière à permettre la cuisson de la pâte de la pizza ;
Qu'elle ajoute que ce brevet comprend une couche métallique constituant un suscepteur, exclu de son propre brevet ;
Considérant que le brevet américain Aronsson et al. US 2001/0032843 divulgue un suscepteur de four à micro-ondes, pour chauffer des produits alimentaires, comportant une plaque métallisée ayant une pluralité d'ouvertures formant des zones perméables au gaz et à l'énergie de micro-ondes ;
Considérant qu'il résulte des revendications de ce brevet et de ses illustrations qu'au contraire de la revendication 6 du brevet litigieux, la surface de cuisson repose directement sur la source de chaleur et non pas à distance, au-dessus de celle-ci, et qu'elle est un suscepteur expressément exclu de l'invention objet du brevet litigieux (page 20 de la description : 'il n'est pas souhaitable d'utiliser le plateau suscepteur (...) Non seulement les chips de pommes de terre cuites sur ce dernier sont brûlées, noircies et friables, mais il est impossible de les décoller du plateau suscepteur car les parties brûlées restent collées sur ce dernier'), qu'enfin cette invention est destinée à la cuisson d'une pâte à pain et non pas à rendre un aliment croustillant en le chauffant en une seule étape ;
Considérant dès lors que ce brevet ne constitue pas une antériorité de toutes pièces de nature à priver de nouveauté la revendication indépendante 6 de l'invention objet du brevet contesté ;
La demande de nullité des revendications 2 à 5 du brevet pour défaut de nouveauté :
Considérant que la SAS CMP soulève également la nullité des revendications 2 à 5 du brevet pour défaut de nouveauté ;
Mais considérant que les revendications 2 à 5 se trouvent placées sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elles renvoient directement ; qu'elles tirent donc leur validité du lien de dépendance les unissant à la revendication 1 elle-même valable ;
Qu'en conséquence les revendications 2 à 5 du brevet litigieux sont nouvelles ;
La demande de nullité des revendications 6 à 9 du brevet pour défaut d'activité inventive :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;
Considérant que la SAS CMP soutient que la revendication indépendante 6 est également dépourvue d'activité inventive pour être antériorisée par la combinaison des brevets US 2006/0000368 et US 4 283 425, ce dernier décrivant un procédé de cuisson des chips dans un micro-ondes supprimant l'étape d'immersion des chips et utilisant une seule étape de cuisson pour retirer l'eau et faire un produit croustillant avec une couleur uniforme et le goût d'une chip cuite à l'huile ;
Qu'elle fait valoir que l'homme du métier qui voudrait utiliser ce procédé chercherait naturellement un dispositif adapté pour rendre le produit croustillant et favoriser la circulation de l'air et arriverait ainsi à utiliser la plaque de cuisson revendiquée par le brevet US 2006/0000368 sans faire preuve d'activité inventive ;
Qu'elle ajoute que la revendication 6 est également antériorisée par le brevet US 2004/234653 qui décrit un moule de cuisson au micro-ondes dont les bords présentent des ouvertures et qui peut être utilisé de façon à surélever une pizza lors de sa cuisson et que même si ce brevet ne divulgue pas de moule en silicone, l'utilisation de ce matériau pour la cuisson au micro-ondes fait partie des connaissances générales de l'homme du métier ;
Considérant que la SA MASTRAD réplique que son brevet n'utilise aucun additif et exclut le procédé de production de chaleur par suscepteur à la différence des brevets US 4 283 424 et US 2004/234653 pour lesquels l'utilisation de silicone serait impossible ;
Considérant que le brevet américain Yuan et al. US 4 283 425 déposé le 11 août 1981 divulgue un procédé de préparation d'un produit à base de pommes de terre comprenant l'application d'une couche d'huile sur la surface du revêtement de tranches de pommes de terre crues puis le chauffage par micro-ondes de ces tranches pour donner un produit ayant substantiellement le même goût, la même couleur et le même croustillant que des chips frits dans de la friture et ayant une teneur en matières grasses ajoutées allant jusqu'à environ 10 % ;
Qu'il sera rappelé que le brevet Mastrad US 2006/0000368 divulgue une plaque de cuisson en silicone soutenue par deux tiges de support auxquelles sont couplées deux poignées thermorésistantes ;
Qu'aucun de ces deux brevets ne décrit une plaque de cuisson en silicone disposée à distance par rapport à une surface de base, au-dessus de celle-ci, comprenant une pluralité de trous pur permettre la circulation de l'air et rendre l'aliment croustillant sans aucun apport de matière grasse ;
Considérant que le brevet Cogley et al. US 2004/0234653 déposé le 25 novembre 2004 divulgue un kit à pizza pour micro-ondes comprenant un plateau suscepteur et une surface de suscepteur sur la face tournée vers l'extérieur du plateau suscepteur, ce dernier étant adapté pour soulever le produit alimentaire au-dessus du plancher du four à micro-ondes ;
Que ce brevet ne décrit donc pas une surface de cuisson en silicone comprenant une pluralité de trous mais une surface de suscepteur expressément exclue du procédé décrit par la revendication 6 du brevet litigieux ainsi qu'il l'a été rappelé précédemment ;
Considérant qu'aucun des enseignements de ces trois brevets ne divulgue les caractéristiques de l'invention de procédé objet de la revendication indépendante 6 du brevet litigieux et ne suggère à l'homme du métier de reproduire de manière évidente de telles caractéristiques, compte tenu du problème à résoudre qui n'est pas suggéré par l'enseignement de ces brevets ;
Considérant dès lors que l'invention faisant l'objet de la revendication indépendante 6 du brevet litigieux qui résout la difficulté technique de parvenir à cuire et rendre croustillants rapidement des aliments fragiles ou découpés en tranches ou en rondelles fines, tels que des chips de pommes de terre, dans un four à micro-ondes sans l'absorption d'huile associée au processus de friture et sans que les chips de pommes de terre brûlent ou collent sur la surface de cuisson, nécessitait davantage que le simple exercice par l'homme du métier de ses capacités professionnelles d'exécutant et l'utilisation des enseignements de l'état de la technique pertinent ;
Considérant en conséquence que la revendication indépendante 6 du brevet contesté présente bien une activité inventive ;
Considérant que la revendication 7 se trouve placée sous la dépendance de la revendication indépendante 6 à laquelle elle renvoie directement, que les revendications 8 et 9 se trouvent également sous la dépendance de la revendication 6 à laquelle elles renvoient indirectement ; qu'en conséquence les revendications 7 à 9 tirent leur validité du lien de dépendance les unissant à la revendication indépendante 6 elle-même valable ;
Considérant dès lors que le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la SAS CMP de ses demandes en nullité du brevet FR 2 969 906 ;
III : SUR LA CONTREFAÇON :
Considérant qu'il sera au préalable rappelé que seules les revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 2 969 906 sont invoquées au soutien des demandes en contrefaçon ;
Considérant que la SAS CMP soutient que son produit ne reproduit pas les caractéristiques essentielles de la revendication 1 de ce brevet, à savoir le maintien en tension et la périphérie incurvée pour étirer la surface de cuisson et la maintenir en tension ;
Qu'elle affirme que la distance entre la surface de base et la surface de cuisson est assurée, non par la tension de la surface de cuisson, mais par les pieds radiaux et que les revendications suivantes 2 et 5 dépendant de la revendication 1 non reproduite ne sont pas non plus reproduites ;
Qu'elle ajoute encore que son plateau de cuisson ne reproduit en aucune manière les caractéristiques essentielles de la revendication indépendante 6, à savoir le placement des aliments au-dessus du plateau et le processus de rendre croustillant l'aliment en une étape puisque dans son procédé l'aliment peut indifféremment être placé verticalement au travers de la surface et le croustillant est obtenu en refroidissant les aliments ;
Considérant que la SA MASTRAD déclare avoir fait procéder les 17 et 18 avril 2014 à un nouveau procès-verbal de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société VENTEO dont la validité n'est pas contestée ;
Qu'elle affirme que l'ustensile Cuitchips importé et commercialisé en France par la SAS CMP reproduit les caractéristiques essentielles de l'invention objet de son brevet FR 2 969 906 et conclut, en en reprenant les motifs, à la confirmation du jugement entrepris qui a dit que la SAS CMP a commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 5 et 6 de son brevet ;
Considérant qu'il apparaît que la SAS CMP ne fait que reprendre devant la cour les moyens qu'elle avait déjà soulevés en première instance sans y ajouter des arguments ou des éléments de preuve nouveaux ; que la SA MASTRAD pour sa part fait siens les motifs des premiers juges ;
Considérant qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en retenant que les caractéristiques des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 2 969 906 sont reproduites par le produit Cuitchips importé et commercialisé en France par la SAS CMP ;
IV : SUR LES MESURES RÉPARATRICES :
Considérant que la SA MASTRAD expose que la SAS CMP a importé et commercialisé en France le Cuitchips querellé depuis le quatrième trimestre 2012 et que postérieurement à la présente action, elle a vendu son stock de produits contrefaisants à un revendeur, la société VENTEO ;
Qu'elle expose encore que selon le nouveau procès-verbal de saisie-contrefaçon la masse contrefaisante est de 23.016 exemplaires pour un prix global de 64.951,86 € TTC ;
Qu'elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne les mesures d'interdiction et de destruction des produits contrefaisants ordonnées par le tribunal ;
Que si elle fait siens les motifs du jugement entrepris sur l'existence d'un manque à gagner, elle indique que les premiers juges n'ont pas tenu compte des bénéfices réalisés par la SAS CMP, contrefactrice qu'elle évalue à plus de 60.000 € ;
Qu'elle réclame ainsi la somme globale de 250.000 € à titre de dommages et intérêts se décomposant en 50.000 € pour le manque à gagner, 120.000 € pour les bénéfices réalisés par le contrefacteur et 80.000 € pour le préjudice moral ;
Considérant qu'à titre subsidiaire sur le préjudice financier invoqué par la SA MASTRAD, la SAS CMP affirme que la demande en dommages et intérêts punitifs et arbitraires est injustifiée ;
Qu'elle soutient que la SA MASTRAD ne saurait s'attribuer un rôle de pionnier dans le domaine de l'utilisation du silicone en cuisine et que cette société ne justifie pas d'un quelconque préjudice ;
Qu'elle affirme n'être en aucun cas responsable de la baisse du chiffre d'affaires de la SA MASTRAD faute de pouvoir identifier précisément sur quel produit de la famille Topchips porte la baisse du chiffre d'affaires alors surtout que le groupe MASTRAD subit une baisse constante de son chiffre d'affaires depuis 2010, soit bien avant la vente du Cuitchips ;
Qu'elle ajoute que la SA MASTRAD ne justifie pas du prétendu refus des hypermarchés de commercialiser son cuit-chips et demande de ramener le montant des condamnations sollicitées à un montant symbolique et en tout état de cause inférieur à celui retenu par le tribunal ;
Qu'elle demande également le débouté de la demande des mesures d'interdiction de commercialisation retenues par le tribunal en conséquence de l'annulation du brevet FR 2 969 906 ;
Considérant que l'article L 611-1, 1 er alinéa du code de la propriété intellectuelle dispose que le titulaire d'un brevet a un droit exclusif d'exploitation et que l'article L 613-3 interdit, sans le consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;
Considérant que l'atteinte, par les actes de contrefaçon, à ce droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'exploitation du produit objet du brevet doit être sanctionnée pour que le breveté soit pleinement réintégré dans son droit ; qu'il convient ainsi de mettre fin à ces actes de contrefaçon en en interdisant la poursuite ou la reprise ;
Considérant d'autre part que l'article L 615-7-1 permet au juge, à la demande de la partie lésée, d'ordonner, aux frais du contrefacteur, que les produits reconnus comme produits contrefaisant soient confisqués au profit de la partie lésée ; que cette mesure, qui apparaît appropriée en l'espèce, n'est pas subordonnée à la condition qu'elle soit nécessaire pour assurer l'interdiction de continuer la contrefaçon ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait interdiction à la SAS CMP de poursuivre ses agissements d'atteinte aux revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 2 969 906 et en ce qu'il a ordonné à cette société de remettre à la SA MASTRAD l'ensemble des produits contrefaisants ou stockés pour son compte, pour qu'il soit procédé à leur destruction, sans qu'il y ait lieu d'assortir ces mesures d'une astreinte ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'évaluation des dommages et intérêts il convient, conformément aux dispositions de l'article L 615-7 du code de la propriété intellectuelle, de prendre en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon (dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée), le préjudice moral causé à la partie lésée et les bénéfices réalisés par le contrefacteur ;
Considérant que la 'famille Topchips' n'est autre que la déclinaison des produits de la SA MASTRAD en différents coloris et qu'il ressort de l'attestation de son commissaire aux comptes en date du 07 mars 2014 le chiffre d'affaires réalisé sur cette famille a connu une baisse significative de 841.283 € entre 2012 et 2013 au moment de la mise sur le marché du produit Cuitchips contrefaisant ;
Qu'il ressort d'une deuxième attestation établie le 28 septembre 2015 que le chiffre d'affaires réalisé en grande distribution sur cette famille qui était presque inexistant en 2013 (136,80 €) a connu une augmentation significative à partir de 2014 (22.502,88 €) puis en 2015 (20.855,60 €), soit à partir de l'arrêt de la commercialisation en grande distribution du produit Cuitchips contrefaisant ;
Considérant qu'en ce qui concerne les bénéfices réalisés par la SAS CMP il ressort des éléments de la cause, notamment des documents recueillis lors de la saisie-contrefaçon des 17 et 18 avril 2014 que cette société a vendu à la société VENTEO 23.016 pièces pour un montant global de 64.951,86 € ;
Considérant enfin que la contrefaçon a causé à la SA MASTRAD un préjudice moral résultant de la banalisation de l'invention objet de son brevet contrefait ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour évalue le préjudice global subi par la SA MASTRAD du fait des actes de contrefaçon à la somme de 150.000 €, préjudice moral compris ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera partiellement infirmé sur l'évaluation des dommages et intérêts alloués et que, statuant à nouveau, la SAS CMP sera condamnée à payer à la SA MASTRAD la somme globale de 150.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon ;
V : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant que dans la mesure où la SAS CMP est déclarée coupable d'actes de contrefaçon et est condamnée à indemniser la SA MASTRAD de son préjudice, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS CMP de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SA MASTRAD la somme complémentaire de 5.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que la SAS CMP sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la SAS CMP, partie perdante tenue à paiement, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués, infirmant et statuant à nouveau de ce chef :
Condamne la SAS Consortium Ménager Parisien à payer à la SA MASTRAD la somme globale de CENT CINQUANTE MILLE EUROS (150.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de l'intégralité de ses préjudices, toutes causes confondues ;
Condamne la SAS Consortium Ménager Parisien à payer à la SA MASTRAD la somme complémentaire de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;
Déboute la SAS Consortium Ménager Parisien de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Consortium Ménager Parisien aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER