Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 15 MAI 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01147
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/16041
APPELANT
Monsieur [E] [Q]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]
Représenté par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
Représenté par Me Eric CHARLERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P53
INTIME
MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC DU SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISES [Localité 2]
Comptable chargé du recouvrement
ayant ses bureaux [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [E] [Q] était gérant de la société Sterling executive search, jusqu'à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le 2 juin 2009 par le tribunal de commerce de Paris.
La société avait pour activité le recrutement dans les domaines du luxe et de la mode, son siège social étant situé [Adresse 3], et était notamment assujettie aux taxes sur le chiffre d'affaires, à la taxe sur l'apprentissage et sa contribution, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction.
La société s'est vue adresser une proposition de rectification concernant les impositions susvisées, suivie d'un avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2009 d'un montant de 111 611 euros, puis d'une mise en demeure de procéder au paiement des rappels de droit le 26 novembre 2009.
Le recouvrement de la créance de l'administration fiscale s'est avéré impossible, la procédure de liquidation judiciaire étant clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 3 juillet 2013.
C'est dans ces conditions que le comptable public du service des impôts des entreprises [Localité 2] a saisi le tribunal de grande instance de Paris par voie d'assignation en date du 6 novembre 2013, aux fins de condamnation de M. [Q], solidairement avec la société Sterling executive search (SES) au paiement de la somme de 206 645,54 euros sur le fondement de l'article l267 du livre des procédures fiscales.
* * *
Vu le jugement prononcé le 7 janvier 2014 par le tribunal de grande instance qui a :
' débouté M.[Q] de ses demandes ;
'condamné ce dernier à payer au comptable public du service des impôts des entreprises [Localité 2], solidairement avec la société Sterling executive search, la somme de 206 645,64 euros correspondant aux impositions éludées par cette société ;
' condamné monsieur [Q] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 cpc, et aux dépens ;
' ordonné l'exécution provisoire de la décision sauf en ce qui concerne les dépens et l'indemnité allouée au titre de l'article 700 cpc.
Vu l'appel de M.[Q] le 16 janvier 2014,
Vu les conclusions signifiées par M. [Q] le 3 mai 2016,
Vu les conclusions signifiées le 21 juin 2016, le comptable public du service des impôts des Entreprises [Localité 2],
M.[Q] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 janvier 2014 par le président du tribunal de grande instance de Paris, et statuant à nouveau,
- déclarer monsieur le comptable public du service des impôts des entreprises [Localité 2] arrondissement, irrecevable en ses demandes au titre des créances de TVA afférentes aux mois de mai 2008 exigible le 19 juin 2008, juin 2008 exigible le 19 juillet 2008, et juillet 2008 exigible 19 août 2008 ;
- débouter de toutes ses demandes, monsieur le comptable public du service des impôts des entreprises [Localité 2] arrondissement ;
- le condamner à payer à monsieur [Q] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 cpc
Subsidiairement,
- fixer la créance de monsieur le comptable public susvisé au montant principal des créances dont le paiement est poursuivi, soit :
* au titre de la taxe d'apprentissage, 7 609 euros,
* au titre de la contribution au développement de l'apprentissage, 2 739 euros,
* au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, 24 348 euros,
* au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, 31 136 euros,
* au titre de la TVA, 37 678 euros,
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 cpc, ni au paiement de dépens à la charge de l'appelant.
Dans ses conclusions signifiées le 21 juin 2016, le comptable public demande à la cour de :
- débouter Monsieur [E] [M] [Q] de toutes demandes, fins, moyens et conclusions ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris ;
- condamner Monsieur [E] [M] [Q] à payer solidairement avec la société Sterling executive search, en application de l'article L 267 du livre des procédures fiscales, la somme de 206 645,64 euros correspondant aux impositions éludées par cette société ;
- condamner Monsieur [E] [M] [Q] au paiement de la somme de 2 588 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture est intervenue par ordonnance du 20 février 2017.
Au soutien de leurs demandes, les parties font valoir les principaux arguments suivants :
a) Sur les taxes et contributions revenant aux organismes professionnels
M. [Q] soutient que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que les créances au titre des contributions aux organismes professionnels ne relèvent pas du périmètre des impositions visées à l'article l267 du lpf. Il indique que le fait que ces contributions soient visées par le code général des impôts ne suffit pas à pouvoir les qualifier d'impôts au sens strict, selon lequel doit être interprété les dispositions servant de fondement à l'action en responsabilité fiscale du dirigeant.
Le comptable public répond que la taxe d'apprentissage, comme la participation des employeurs, à l'effort de construction et au développement de la formation professionnelle continue, répondent bien à la définition de l'impôt en ce qu'elles n'ont pas de contrepartie directe et immédiate.
b) Sur l'existence de manquements graves et répétés
Monsieur [Q] fait valoir que la condition de répétition des manquements fait défaut concernant les contributions et taxes en recouvrement, la société Sterling executive search n'ayant omis qu'une déclaration annuelle relative à chacune des contributions aux organismes professionnels au titre de la seule année 2008, de même que le simple défaut de déclaration et de paiement sans autre constatation de circonstances particulières concernant la TVA.
Il ajoute que l'état de cessation des paiements de la société ne peut suffire à établir la responsabilité fiscale de son dirigeant.
Le comptable public indique que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société peut être retenu dès lors que le dirigeant avait poursuivi l'activité de la société pendant sept mois alors qu'il était dans l'incapacité de régler la TVA qu'il avait encaissée auprès des clients utilisant ainsi des fonds qui revenaient au Trésor pour les besoins de la société, dont il avait de cette façon pu poursuivre artificiellement l'activité. Il estime que ces agissements sont directement imputables à M. [Q] au regard de la date de cessation des paiements retenue par le tribunal de commerce de Paris.
c) Sur la prise en compte des pénalités ou majorations
M. [Q] invoque encore l'article 1756 du cgi pour contester subsidiairement le quantum de la créance de l'administration fiscale, estimant que l'article l267 du lpf ne vise que le principal des impositions à l'exclusion des pénalités ou majorations lorsque la société fait l'objet d'une procédure collective.
Le comptable public répond que les sommes réclamées à monsieur [Q] sur ce fondement ne comportent aucune pénalité, tel qu'il ressort de la proposition de rectification adressée à la société.
d) Sur la prescription de la créance au titre de la TVA
Monsieur [Q] fait valoir que la déclaration par l'administration fiscale d'une créance à la procédure collective ouverte contre la société n'a pas d'effet interruptif de prescription à l'égard de l'action en responsabilité solidaire contre les dirigeants, sur le fondement de l'absence de solidarité de plein droit entre la société et son dirigeant.
Il estime en conséquence, au regard de l'assignation en date du 6 novembre 2013, que les seules créances non entachées de prescription sont celles exigibles à compter du 19 novembre 2008 pour un montant total de 37 678 euros.
Le comptable public réplique que la déclaration de sa créance le 5 août 2009 dans le cadre de la procédure collective de la société interrompt la prescription à l'égard du dirigeant jusqu'à la date de la clôture pour insuffisance d'actif, soit le 3 juillet 2013.
SUR CE,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales que « Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable de man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article L.266. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant de droit ou en fait, directement ou indirectement la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement » ;
Considérant qu'il est constant que M. [E] [Q] a été dirigeant de droit de la société SES depuis son immatriculation au RCS jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure de la liquidation judiciaire de la société par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2009 ;
Considérant que la demande de condamnation solidaire présentée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L.267 du livre des procédures fiscales porte sur 5 déclarations de TVA déposées sans paiement entre juin et octobre 2008 pour un montant pour un montant de 95 034,64 euros outre 11 083 euros de droits appelés en septembre 2008 ; que les droits suivants ont également été appelés :
* 15 218 euros au titre de la taxe d'apprentissage,
* 5 478 euros au titre de la contribution au développement de l'apprentissage,
* 48 696 euros au titre du développement de la formation professionnelle continue,
* 31 136 euros au titre l'investissement obligatoire dans la construction (année 2008) ;
Considérant, contrairement à ce que soutient l'appelant, que les sommes dues au titre de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, du développement de la formation professionnelle continue et de l'investissement obligatoire dans la construction dont le recouvrement a s'est traduit par l'émission d'AMR, portent sur des prélèvements financiers obligatoires sans contrepartie immédiate et directe en vue de la poursuite de politiques économique et sociale ; qu'elles présentent un caractère fiscal et relèvent ainsi des obligations fiscales visées sans exclusion par l'article L.267 du livre des procédures fiscales ci-dessus énoncé ;
Considérant ensuite que l'article L.1756 du cgi, institue un régime de remise des « pénalités fiscales » lorsque la société a fait l'objet d'une procédure notamment de liquidation judiciaire ; que la déclaration des créances fiscales intervenu le 5 août 2009 établit qu'elle n'a pas porté sur des pénalités ; que le grief ainsi soulevé par M. [Q] n'est pas fondé ;
Considérant que les inobservations graves et répétées imputables à la société au sens de l'article 267 du lpf sont caractérisées puisque le non paiement de la TVA entre juin et octobre 2008 relève du détournement de fonds perçus par la société non pour elle-même mais pour le trésor ; que le non paiement des sommes dues au titre de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, du développement de la formation professionnelle continue et de l'investissement obligatoire présente un caractère systématique et global de la part de la société dont la date de cessation des paiements a été a été fixée au 2 décembre 2007 par le jugement du 2 juin 2009 d'ouverture de la liquidation judiciaire ;
Considérant que le caractère irrecouvrable des sommes dues au Trésor public est également patent puisque les créances déclarées le 5 août 2009 n'ont donné lieu à aucune distribution, le jugement de clôture pour insuffisance d'actif ayant été prononcé le 5 juillet 2013 ;
Considérant enfin que M. [Q] est mal fondé à opposer à l'action engagée par l'administration fiscale la prescription quinquennale du lpf puique la déclaration de créance du 5 août 2009 équivalente à une action en justice a un effet interruptif et que l'engagement de la procédure fondée sur l'article 267 du lpf suppose l'impossibilité de recouvrement des impositions contre la personne morale et que cette condition résulte du jugement de clôture pour insuffisance d'actif qui a été prononcé le 5 juillet 2013 ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré ;
CONDAMNE M. [Q] à verser au comptable public du service des impôts des Entreprises [Localité 2] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. [Q] aux dépens et accorde à Maître de Jorna, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS