Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 11 MAI 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09657
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2016 -Juge de l'expropriation de CRETEIL - RG n° 15/00137
APPELANTE
LA SCI DES 100 A 110 BOULEVARD DE STALINGRAD A CHAMPIGNY SUR MARNE
SIRET 785 678 129 00029
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Serge THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0494, substitué par Me Jehanne NEJJARI, avocate au barreau de PARIS, toque : D1227
INTIMÉES
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-philippe LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0501
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par M. [G] [J] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mars 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Christian HOURS, président, conformément aux articles 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christian HOURS, président
Mme Anne du BESSET, conseillère
Mme Laure COMTE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Vidjaya DIVITY, greffière présente lors du prononcé.
Exposé :
Par arrêté du 18 décembre 2013, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de [Localité 4] (94), le projet de réalisation d'un nouveau groupe scolaire et d'un centre de loisirs sur le secteur [Localité 5].
Par arrêté du 13 mars 2015, il a déclaré cessibles au profit de la commune précitée les immeubles et droits réels immobiliers nécessaires.
Par ordonnance du 30 mars 2015, le juge de l'expropriation du Val-de-Marne a déclaré expropriés les biens concernés parmi lesquels les parcelles cadastrées U n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] à [Cadastre 5] et [Cadastre 6], d'une contenance de 4 480 m², appartenant à la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad, propriétaire d'un plus vaste ensemble de 6 740 m², comprenant, outre les parcelles précitées, les parcelles U n° [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] à [Cadastre 10].
Faute d'accord sur le montant des indemnités revenant à cette SCI, la ville de [Localité 6] a saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne, par mémoire reçu le 9 juillet 2015.
Par jugement du 7 mars 2016, celui-ci a :
- fixé à 1 923 151 euros l'indemnité totale de dépossession due par la commune de Champigny-sur-Marne à la SCI des 100 à110 boulevard de Stalingrad se décomposant comme suit :
- 1 747 410 euros au titre de l'indemnité principale,
(1 879 718 euros pour les terrains, 384 000 euros pour les constructions avec un abattement de 30% pour occupation commerciale, 162 807 euros pour le pavillon muré et inoccupé) ;
- 175 741 euros au titre de l'indemnité de remploi ;
- condamné la commune de Champigny-sur-Marne à payer à la SCI la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- mis les dépens à la charge de la commune de Champigny-sur-Marne.
La SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad a interjeté appel de cette décision le 20 avril 2016.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures qui ont été :
- adressées au greffe, les 11juillet 2016 et 2 mars 2017, par la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad, aux termes desquelles elle demande, en définitive, à la cour d'infirmer le jugement rendu le 7 mars 2016 par le juge de l'expropriation du Val-de-Marne et, statuant à nouveau, de :
- fixer à la somme globale de 4 117 000 euros l'indemnité qui lui est due se décomposant comme suit :
- 3 000 000 euros au titre de l'indemnité d'expropriation principale ;
[(4 500 000 euros/ 6 740 m²) x 4 480 m²], 4 500 000 euros étant la valeur estimée par l'expert [N] [V] des 6 740 m² lui appartenant, rapportée aux 4 480 m² concernés par l'expropriation
- 817 000 euros au titre de l'indemnité de réaménagement ;
(moyenne des deux devis, rapportée à 4 480 m², soit :
((1 345 578 euros + 1 208 460 euros)/2)/7000 m² x 4 480 m² ;
- 300 000 euros au titre d'une indemnité accessoire correspondant à 10% de l'indemnité principale ;
- condamner la commune de Champigny-sur-Marne à lui payer une somme de
5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;
- adressées au greffe, les 23 septembre 2016 et 24 mars 2017, par la commune de Champigny-sur-Marne aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- déclarer l'appelante non-fondée en son appel ;
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;
- condamner la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel ;
- adressées au greffe, le 25 novembre 2016, par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles il demande à la cour :
- de confirmer le jugement de première instance, sauf en ce qui concerne la parcelle U[Cadastre 3] qui a été valorisée deux fois (pavillon et terrain nu) ;
- statuant à nouveau sur ce point, de fixer l'indemnité de dépossession à une somme totale arrondie à 1 750 000 euros se décomposant comme suit :
- 1 589 283 euros au titre de l'indemnité principale se décomposant elle- même comme suit :
- terrain : 4480 m² x 520 euros/m² x 0,90 (grande superfice) x 0,90 (encombrement) = 1 886 976 euros ;
- constructions :
hangar : 240 m² x 600 euros/m² = 144 000 euros ;
bureaux : 240 m² x 1000 euros/m² = 240 000 euros ;
le tout avec un abattement de 30 % pour occupation commerciale, soit:
(1 886 976 + 114 000 + 240 000) x 0,70 = 1 589 683 euros ;
- 159 968 euros au titre de l'indemnité de remploi.
Motifs de l'arrêt :
Considérant à titre liminaire que l'appel et les écritures des parties, lesquelles, dûment notifiées, ont permis un débat contradictoire complet et ne font l'objet d'aucune contestation sur ce point, sont recevables ;
Considérant que la SCI Stalingrad soutient que :
- la méthode analytique, dégageant une valeur à la 'découpe', ne saurait être retenue pour déterminer l'indemnité d'expropriation ;
- le prix au m² doit être calculé en fonction d'une valorisation de l'ensemble de la parcelle car elle est propriétaire d'un terrain continu d'une superficie globale de 6 740 m², dont la commune de [Localité 4] n'a souhaité l'exproprier que de 4 480 m² ;
- elle a signé le 1er mars 2017 une promesse de cession de la surface foncière dont elle reste propriétaire (2 260 m²) pour un prix net vendeur de 774,34 euros/m², ce qui montre que l'indemnité globale retenue en première instance à hauteur de 390,05 euros/m² est très inférieure à la réalité et que le rapport de son expert amiable, retenant un prix de 700 euros/m² est plus proche de la valeur vénale véritable de la parcelle expropriée ;
- la gare de [Localité 6], actuellement en construction dans le cadre de l'aménagement du Grand Paris, est à proximité immédiate de la parcelle expropriée, ce qui la valorise fortement ;
- l'indemnité de dépossession n'a pas pris en considération les aménagements réalisés pour que la parcelle puisse recevoir une activité de BTP, ce qui impose que le terrain soit aménagé pour recevoir du matériel lourd et des matériaux de construction en quantité importante ;
- une indemnité de réaménagement, distincte de l'indemnité principale, est due, qui doit être valorisée au moyen des devis établis pour une surface de 7 000 m², à rapporter à la surface expropriée de 4 480 m² ;
Considérant que la ville de [Localité 4] réplique que :
- selon l'article L.322-1 du code de l'expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance juridique et matérielle des biens, ce qui implique de tenir compte de l'usage effectif du bien exproprié et non de simples possibilités d'utilisation ;
- le premier juge a procédé à une évaluation de la valeur globale des parcelles concernées en prenant en compte à la fois la valeur des terrains pour leur superficie totale de 4 480 m² et celle des constructions ; l'indemnité de dépossession a été calculée de façon à prendre en compte les différents types d'aménagement effectués sur le terrain exproprié, ce qui justifie qu'aucune indemnité supplémentaire de réaménagement ne puisse être versée d'autant que les aménagements visés par les devis ne correspondent pas à la réalité matérielle des lieux ; si une telle indemnité devait être versée, un coefficient de vétusté d'au moins 50 % devrait être appliquée pour tenir compte de l'état des installations ;
- des parcelles incluses dans le périmètre de l'opération faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique ou situées à proximité immédiate ont été vendues à un prix moyen de 330 euros/m² pour les terrains et de 600 euros/m² pour des constructions, hors abattements ; la promesse de vente signée par l'appelante du surplus du terrain, ne peut être prise en compte car elle est postérieure à la date du jugement, concerne des terrains libres d'occupation et a été consentie à un promoteur en fonction des prix que celui-ci envisage de retirer de la commercialisation des logements intégrant sa marge bénéficiaire ;
Considérant que le commissaire du gouvernement répond que :
- la méthode utilisée par le juge de première instance doit être conservée sauf en ce qu'il a été pris en compte deux fois le terrain d'assiette du pavillon dans les 4 480 m² de terrain nu et dans l'évaluation du pavillon ;
- les caractéristiques du terrain ayant été prises en compte lors de la fixation de l'indemnité principale, il n'y a pas lieu à indemnité de réaménagement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ;
Considérant que l'article 13-13, devenu L321-1, du code de l'expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;
Considérant qu'il n'existe aucune contestation sur la date de référence, fixée au 9 octobre 2013, date à laquelle les parcelles expropriées étaient en zone UC, zone de densité moyenne, pour lesquelles l'emprise au sol des constructions ne peut excéder 60 %, destinés à accueillir des logements, des activités commerciales ou artisanales et des bureaux, sur la date à laquelle le bien doit être évalué, le 7 mars 2016, date du jugement, tandis que les caractéristiques du bien devant être prises en compte sont celles au jour de l'ordonnance d'expropriation, le 30 mars 2015 ;
Considérant que le bien doit être évalué selon son usage effectif à la date de référence; qu'il convient en conséquence de prendre en compte les bâtiments existants et non ceux susceptibles d'être construits ; qu'il n'est pas discuté par ailleurs que le bien faisant l'objet d'une location, voire pour une partie d'une sous-location, à deux entreprises du bâtiment, il devra être évalué occupé ;
Considérant qu'il convient de se référer au procès verbal de transport et de visite du bien établi par le juge de l'expropriation lors de son transport du 17 novembre 2015 ; qu'une grande partie des terrains est utilisée pour stocker le matériel des entreprises occupantes et pour stationner leurs véhicules professionnels ; qu'il existe un pavillon muré et inoccupé, un hangar à usage de stockage et d'atelier de 240 m² et un bâtiment à usage de bureaux de 240 m² de surface utile ;
Considérant que seule une petite partie du bien étant construite, son appréciation ne peut se faire en valeur terrain intégré mais selon la méthode analytique distinguant la valeur des terrains de celles des bâtiments ; que, s'agissant de la valeur du hangar, compte tenu de son mauvais état (muré et inoccupé), il convient, ainsi que le propose le commissaire du gouvernement, de ne tenir compte que de la valeur du terrain sur lequel il est construit ;
Considérant que la valeur unitaire des terrains et des bâtiments sera recherchée par comparaison avec celle d'autres biens présentant des caractéristiques semblables dans la même aire géographique et ayant fait l'objet de transactions à des époques proches ;
Considérant que ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes dont les références de publication sont communiquées afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la promesse de vente obtenue par l'appelante pour le surplus de sa propriété, ne peut être acceptée comme une référence valable, dès lors qu'elle est postérieure à la date du jugement critiqué et que, s'agissant d'une vente à un promoteur, elle prend en compte, non pas la propriété telle qu'elle est à la date de référence et à celle de l'expropriation, mais la valeur des constructions qui pourront être construites, pour en déduire, selon des calculs dénués de certitude, la valeur du foncier selon la méthode du compte à rebours ;
Considérant que les termes fournis par l'expropriante doivent être également écartés comme comportant des bâtiments ;
Considérant que s'agissant des terrains, les trois références du commissaire du gouvernement doivent être retenues ; qu'elle dégagent une valeur moyenne de 521,86 euros, arrondie à 522 euros ;
Considérant que les terrains étant en partie occupés, il sera pratiqué un abattement de
10 % sur cette valeur ;
Considérant que les éléments de comparaison retenus étant plus petits (entre 200 et 500 m²), il devra être tenu compte du fait que la vente d'un ensemble de 4 480 m² en bloc se fait nécessairement à un prix unitaire plus faible, de sorte qu'un abattement de 10 % sera effectué à ce titre ;
Considérant qu'au vu des références fournies par le commissaire du gouvernement, l'évaluation du coût des constructions doit être chiffrée à 1 000 euros du m² pour la partie bureaux et à 600 euros le m² pour la partie hangar ;
Considérant enfin que les biens précités étant occupés, ce qui diminue sensiblement leur valeur vénale, l'expropriant devant indemniser les occupants, il y a lieu de pratiquer sur l'indemnité totale obtenue un abattement de 30 % ;
Considérant que les indemnités revenant à l'appelante sont dès lors les suivantes :
- terrains, y compris le sol du pavillon muré :
4 480 m² x 522 euros x 0,9 x 0,9 = 1 894 233,60 euros, arrondis à 1 894 234 euros ;
- constructions :
- bureaux : 240 m² x 1 000 euros le m² = 240 000 euros ;
- hangar : 240 m² x 600 euros le m² = 144 000 euros ;
d'où une indemnité principale totale de :
(1 894 234 euros + 240 000 euros + 144 000 euros) x 0,7 = 1 594 763,80 euros, arrondis à 1 594 764 euros ;
Considérant que l'indemnité de remploi se calcule comme suit :
- 5 000 euros x 0,20 = 1 000 euros ;
- 10 000 euros x 15 % = 1 500 euros ;
- 10 % du surplus de 1 594 764 euros par rapport à 15 000 euros, soit 1 579 764 euros x
10 % = 157 976,40 euros ;
d'où au total, la somme de 160 476,40 euros, arrondis à 160 476 euros ;
Considérant qu'il n'est pas justifié par l'expropriée de l'existence d'aménagements spéciaux du terrain qui n'auraient pas été pris en compte dans cette évaluation et qu'il faudrait recréer dans sa nouvelle installation, alors même que les descriptions figurant dans les devis fournis ne correspondent pas au bien en cause ;
Considérant en définitive que le jugement entrepris doit être confirmé sauf sur le montant des l'indemnités principale et de remploi revenant à l'appelante ;
Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel ;
Considérant que la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad à Champigny sur Marne doit être condamnée à supporter les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
- confirme le jugement du 7 mars 2016 du juge de l'expropriation du Val de Marne sauf sur le montant des indemnités principale et de remploi revenant à la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad à Champigny sur Marnee ;
- statuant à nouveau, fixe de la façon suivante ces indemnités :
- indemnité principale d'expropriation : 1 594 764 euros ;
- indemnité de remploi : 160 476 euros ;
- y ajoutant :
- dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamne la SCI des 100 à 110 boulevard de Stalingrad à Champigny sur Marnee à supporter les dépens d'appel.
La greffière Le président